Madame Capdevielle, il est un peu décalé, me semble-t-il, de mettre aujourd’hui en balance la question – bien réelle et sur laquelle il faudra travailler – du droit général des prescriptions en matière pénale et un sujet que tout le monde, à commencer par vous-même, reconnaît comme étant important, à cause du nombre de victimes qu’il implique et de drames qu’il suppose : la capacité de la justice à rendre justice aux victimes d’agressions sexuelles.
Le travail parlementaire autour de ce texte a commencé au Sénat, où il a réuni de très nombreux sénateurs, y compris des sénateurs socialistes appartenant alors à la majorité, qui ont patiemment amélioré le texte ; nous l’avons poursuivi à l’Assemblée nationale.
La stratégie définie par le groupe socialiste ne devait pas permettre l’examen des articles du texte, ni le vote solennel d’aujourd’hui. Cependant, en nous prononçant en majorité contre la motion de rejet préalable, lors de l’examen du texte en séance, le jeudi 27 novembre, nous avons rendu possible ce vote solennel, un mardi après-midi, devant l’ensemble des Français.
Nous nous accordons tous, et vous les premiers, mes chers collègues de la majorité, pour dire qu’il faut trouver des solutions pour améliorer la réponse qu’attendent toutes les victimes d’agressions sexuelles. Elles se demandent en effet, parfois depuis fort longtemps, parfois depuis leur enfance même, si elles pourront un jour être entendues et si la justice leur sera enfin rendue. Votre stratégie n’était pas raisonnable. Le vote de jeudi a montré qu’il ne faut pas repousser à plus tard ce qu’il faut décider maintenant. J’espère que le vote d’aujourd’hui dira la même chose.
Vous nous avez répété que, le temps s’allongeant, les preuves risquaient de disparaître. Nous vous avons dit et vous disons de nouveau que c’est, au contraire, parce que les preuves peuvent apparaître de plus en plus et de plus en plus facilement, malgré le temps, qu’il faut en donner aux victimes d’amnésie post-traumatique. Vous nous avez dit que la proposition de loi faisait peser un risque sur le droit des prescriptions et que la constitutionnalité de la disposition que nous allons voter n’était pas garantie. Mme Capdevielle, peut-être parce qu’elle pressent que le vote de notre assemblée sera favorable, appelle à juste titre le Conseil constitutionnel à ne pas attendre une question prioritaire de constitutionnalité pour se prononcer.
Je vous le dis en toute conscience, mes chers collègues, et particulièrement à ceux qui avaient décidé de ne pas se confronter au vote solennel : le moment est important et il doit transcender tous les clivages.