Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 10 décembre 2014 à 15h00
Réforme de l'asile — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

L’article 2, relatif aux conditions d’octroi de l’asile, porte sur les actes et motifs des persécutions.

Il renvoie principalement aux articles 9 et 10 de la directive européenne « Qualification » et précise les motifs de persécution figurant à l’article 1er de la convention de Genève relative au statut de réfugié. Il n’est pas question de la réécrire mais de la préciser en fonction de l’évolution du monde et de ses dangers.

Les auditions et le travail de la délégation aux droits des femmes ont permis d’approfondir cette question, de constater – nul ne le conteste – une féminisation de la demande d’asile – 35 % des demandes en 2013 – et de mettre en lumière une interprétation restrictive, avant ce texte, des violences de genre dans les conditions d’octroi de l’asile en France.

Nous nous appuyons en la matière sur un travail d’enquête réalisé dans le cadre d’un projet européen visant à améliorer la prise en compte des droits des femmes dans l’asile en Europe. Il a été financé par la Commission européenne dans dix pays de l’Union européenne.

Cette étude sur le droit d’asile au féminin constate la frilosité du cadre législatif et des pratiques en France, en estimant que notre pays fait office de mauvais élève et qu’aucune « ligne directrice n’a été adoptée et qu’aucune disposition législative sensible au genre n’a été prise, ou ne semble être envisagée » – ce texte a été écrit, bien sûr, avant que le présent texte ne soit présenté devant notre assemblée.

Pour corriger ce retard, Maud Olivier et moi-même avons présenté seize recommandations en nous appuyant sur le rapport du Haut Conseil à l’égalité. Aussi, nous présentons deux amendements à cet article visant à intégrer spécifiquement les aspects liés au genre dans la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social, et à s’assurer que l’interprétation de chaque motif de persécution prévu par la convention de Genève – la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social, ou encore l’opinion politique – prend bien en compte les questions de genre.

En France, l’appartenance à un groupe social constitue le motif principal auquel se réfèrent les autorités pour discuter le statut de réfugiée des femmes persécutées pour des raisons liées au genre, cette notion, je l’ai dit, faisant l’objet d’une interprétation restrictive.

Le contexte politique et historique de l’adoption de la convention de Genève – nous l’avons répété les uns et les autres – est lié à la sortie de la guerre et concernait un réfugié type, opposant politique ou religieux de sexe masculin.

Or, le HCR a publié à partir dans les années 2000 une série de principes directeurs relatifs à la protection des demandeurs d’asile invoquant des persécutions liées au genre, avec une définition plus large et non cumulative – j’insiste sur ce point – des conditions d’appartenance à un groupe.

La directive « Qualification » de 2011 précise qu’il convient de prendre en considération des aspects tels que l’identité de genre aux fins de la reconnaissance à un certain groupe social.

Enfin – et je tiens particulièrement à l’amendement qui touche à cet aspect, monsieur le ministre – la convention d’Istanbul, dont nous avons discuté récemment, qui a été adoptée, que nous avons transcrite et qui s’impose aux États européens depuis le mois d’août 2014 invite les États, dans son article 60, à interpréter les demandes d’asiles fondées sur le genre à partir des cinq motifs de la convention de Genève, comme je viens de le dire, afin d’accorder le statut de réfugié.

La jurisprudence française a évolué sur trois types de violences : mutilations sexuelles, mariages forcés, prostitution, avec des avancées mais aussi des reculs. La frontière entre la reconnaissance de l’appartenance à un groupe et le conflit à caractère social reste ténue quand il s’agit d’accorder aux femmes un statut de protection.

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