Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 11 décembre 2014 à 9h30
Réforme de l'asile — Article 9

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Je voudrais, dans la continuité de ce que vient d’indiquer Mme la rapporteure, apporter quelques précisions sur la position du Gouvernement sur ces sujets.

Je commencerai par l’amendement no 196 .

Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, monsieur Robiliard, il s’agit d’un point-clé du projet de loi. Si nous n’y prenons garde, nous allons, amendement après amendement, vider le texte de son contenu et rendre inopérantes toutes les mesures que nous aurions souhaité prendre.

Nous tenons notamment à aboutir à un équilibre entre le renforcement des garanties des personnes qui, en rétention, demandent l’asile, et la nécessité d’assurer l’exécution effective des mesures d’éloignement, en évitant le dépôt de demandes dilatoires. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir qu’un contrôle juridictionnel puisse s’exercer dans un délai rapide, sous la compétence du juge administratif de droit commun.

Ce mécanisme est parfaitement conforme à la directive « Procédures » de 2013 : il ne remet pas en cause la compétence de la CNDA sur le fond, mais prévoit un filtrage par le juge administratif de droit commun s’agissant de la demande d’autorisation à rester sur le territoire.

En outre, le Gouvernement a prévu trois dispositions essentielles, qui évitent toute automaticité de la procédure accélérée et du maintien en rétention.

D’abord, le maintien en rétention ne sera possible que si le préfet considère que la demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement. Ensuite, dès lors que l’OFPRA statuera en procédure accélérée – comme c’est en principe le cas –, il pourra reclasser la demande en procédure normale, mettant ainsi fin à la rétention. Enfin, sera mis en place un recours suspensif devant le juge administratif de droit commun ; si celui-ci estime que la demande n’est pas dilatoire, il pourra ordonner que l’étranger soit autorisé à se maintenir en France jusqu’à ce que la CNDA ait statué – ce qui mettra également fin à la rétention.

Le dispositif que nous avons élaboré est donc solide et équilibré ; il repose sur tout un ensemble de garanties et de précautions. Il serait bon de ne pas le déséquilibrer par voie d’amendement.

Les amendements présentés par M. Coronado et Mme Dubié tendent, quant à eux, à doter la CNDA d’une compétence directe pour connaître du contentieux de l’asile en rétention. Le Gouvernement n’est pas favorable à un tel dispositif, en premier lieu parce qu’il n’est pas envisageable de confier une compétence directe à la CNDA – qui le reconnaît elle-même : elle ne peut en effet juger au fond dans des délais aussi contraints, et cela quelles que soient les modalités qui seraient prévues.

C’est un point très important : si nous confions à la CNDA des compétences pour juger au fond et que celle-ci ne peut pas le faire, d’une part, nous allons provoquer l’engorgement de la juridiction, alors que nous avons besoin qu’elle assume ses compétences de façon fluide et efficace, d’autre part, nous allons obérer les droits des demandeurs d’asile, ce que nous ne souhaitons pas.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable aux trois amendements.

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