Intervention de Arlette Grosskost

Séance en hémicycle du 12 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArlette Grosskost :

La situation peu favorable du bâtiment est révélatrice de cette urgence : ce secteur, dont l’activité a connu une forte baisse en 2014, s’attend pour 2015 à la chute de l’activité la plus massive depuis 1984 et à la destruction de plus de 16 000 emplois !

Les entreprises du secteur des travaux publics ne cessent d’appeler notre attention sur la chute historique du nombre d’appels d’offres et éprouvent un véritable sentiment d’asphyxie. Les mesures que vous annoncez pour relancer le bâtiment n’y suffiront pas ! Comment croire à des recettes supplémentaires alors que les perspectives de croissance se réduisent toujours davantage dans les principaux secteurs d’activité ?

Dans votre volet recettes, vous me permettrez d’appeler votre attention sur un poste particulier, le produit des recettes non-fiscales – les participations de l’État dans les entreprises financières. Vous prévoyez une baisse des dividendes suite à un changement de paradigme dans votre politique industrielle. Dont acte !

Pour autant, vous prévoyez de compenser pour partie ces hausses par des bénéfices supplémentaires de la Caisse des dépôts. C’est là une projection bien singulière pour faire abstraction des turbulences boursières et de la baisse des taux d’intérêt qui, du coup, ne leur profite pas.

Permettez-moi également d’insister sur l’article 44 quatervicies dont l’objectif affiché est d’instaurer une amende fiscale spécifique à la charge des personnes apportant leur concours à la réalisation d’opérations ou de montages conduisant les entreprises à des redressements sur le fondement de l’abus de droit. Ce dispositif est une hérésie au regard de la notion d’intermédiaire et même plus encore au regard de la définition de la notion de dissimulation.

Cet article définit la notion d’abus de droit. Dans la pratique, cette définition, toujours problématique, nécessite souvent la saisine du comité de l’abus de droit fiscal à l’initiative soit de l’administration, soit du contribuable. Votre approche, pour le moins dogmatique, revient à nier la fonction même de conseil.

Cet article prévoit de surcroît une amende pour le conseil d’au moins 10 000 euros, ce qui est pour le moins curieux car, dans l’hypothèse d’un redressement du contribuable – intérêts de retard et majoration compris – inférieur à 10 000 euros, le conseil paierait d’avantage que son client !

Plus généralement, et pour revenir aux grands agrégats, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes convaincu de mener la politique qui permettra de redresser l’activité. Vous avez mis en exergue le sérieux budgétaire en avançant des économies de 21 milliards d’euros et des ajustements à hauteur de 3,6 milliards d’euros – annulations de crédits et rentrées supplémentaires.

Il serait plus exact d’expliquer aux Français que ces économies ne correspondent pas à une baisse de la dépense publique, mais à une absence de progression de ces dépenses. Quant aux ajustements, bien des zones d’ombre subsistent !

Le Gouvernement met en avant 1,6 milliard d’économie résultant d’élément favorables de conjoncture et insiste sur des recettes supplémentaires dont une manne de 850 millions d’euros au titre de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale – que vous mettez sur le même plan.

Permettez-moi d’être plus que dubitative quant ce 1,2 milliard de recettes supplémentaires.

En 2014, l’écart entre les recettes initiales et les recettes effectivement perçues a été inférieur à 11,15 milliards d’euros dont 6,5 milliards sont imputables à l’impôt sur le revenu. En sera-t-il autrement en 2015, alors que la presse relate le record de demandes de dégrèvements et d’étalement de paiement ? Nous connaissons certaines causes de ces mauvaises rentrées : réduction volontaire d’activité, hausse du travail au noir, départ de certains contribuables vers l’étranger. Il serait plus exact de préciser que ce 1,6 milliard est le résultat de deux éléments : le niveau historiquement faible des taux d’intérêt, qui font diminuer le montant des intérêts de la dette, et la baisse massive des prix du pétrole.

Vous comptez sur ces taux bas et sur la minoration des intérêts de la dette dans notre budget pour faire passer au second plan un niveau de dette publique devenu abyssal. Au-delà de cette mise en valeur cosmétique, votre politique est pour le moins risquée, puisque nous ne sommes pas, tant s’en faut, à l’abri de secousses sur les marchés financiers, asiatiques notamment, secousses qui pourraient entraîner une remontée brutale de taux d’intérêt, mettant alors à bas votre stratégie budgétaire. Nos finances sont trop dégradées pour amortir quelque secousse que ce soit dans des conditions recevables. Votre pari est risqué et nous aurions besoin d’une politique plus ambitieuse !

La baisse des taux d’intérêt, la chute du prix du pétrole et la baisse de l’euro, ne suffiront pas à rétablir durablement nos finances et à nous sortir de l’endettement.

S’agissant des dépenses, monsieur le secrétaire d’État, il est également regrettable que les orientations du Sénat n’aient pas fait l’objet de plus d’attention. La Haute assemblée a mis en exergue le caractère insincère de deux budgets fondamentaux pour l’avenir de notre pays, celui de la recherche et de l’enseignement supérieur et celui de la défense.

Le budget de la recherche est fondamental car elle est porteuse d’innovation, de richesses et de création d’emplois à terme. En niant à la recherche ses ambitions, en réduisant à l’aveugle les crédits de cette mission et en présentant un budget tronqué, vous faites preuve de votre peu d’intérêt pour ce secteur. Ce n’est pas un hasard si hier, dans le prolongement de la journée de manifestation du 17 octobre dernier, le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur a, à nouveau, fait part de ses craintes et de son mécontentement dans la rue.

Le budget de la défense est un autre budget majeur dans cette période troublée que nous connaissons, marquée par la multiplication des opérations extérieures.

Saisi par notre collègue Raffarin, le Président de la République s’est porté garant des 31,4 milliards d’euros de son budget mais cette garantie ne reposait que sur un montant de recettes exceptionnelles de 2,3 milliards d’euros pour le moins aléatoire, pour ne pas dire fantaisiste.

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