Intervention de Dominique Lefebvre

Séance en hémicycle du 12 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2015. Contrairement aux années précédentes, la majorité sénatoriale de droite nous a transmis un texte, une première sous cette législature.

Nous devrions nous en féliciter, comme l’a fait en commission mixte paritaire la présidente de la commission des finances du Sénat, Michèle André, dont je comprends la frustration puisque jusqu’à présent une coalition hétéroclite animée par des intérêts totalement divergents avait conduit au rejet systématique de tous les textes financiers par la Haute assemblée. Je crains que cela ne soit cependant pas possible.

Le texte adopté par le Sénat peut-il être considéré comme un projet de budget sincère et crédible, digne d’être pris en considération par notre Assemblée ? Nous pouvons en douter.

C’est d’abord un texte incohérent et incomplet. La majorité sénatoriale de droite a en effet non seulement adopté une loi de programmation sans trajectoire budgétaire pour les trois prochaines années mais, surtout, une loi de finances sans solde – ou plutôt avec un solde qui n’a plus de sens. Excusez du peu, il fait juste abstraction de dépenses qui représentent 100 milliards d’euros environ, une espèce de « shutdown » à la mode de la droite française.

C’est ensuite un texte dangereux politiquement qui reflète des positions que nous ne partageons pas. Dans sa volonté de masquer ses choix politiques et ses divergences, la droite sénatoriale nous propose des mesures comme la réforme hasardeuse de l’aide médicale d’État, une ponction sur les fonctionnaires, la suppression de 9 500 postes d’enseignants, le rétablissement du jour de carence, la stigmatisation des fonctionnaires pourtant soumis au gel des salaires depuis trois ans avec le ralentissement du glissement vieillesse technicité, la stigmatisation des demandeurs d’asile et j’en passe. Bref, nous avons affaire à un budget incohérent, un faux budget, mais un vrai budget de droite !

Ce texte sénatorial est un texte méprisant à l’égard de nos fonctionnaires, de nos professeurs, de nos militaires.

Les diverses missions budgétaires rejetées rendent ce budget inapplicable. En l’état, il conduirait en effet à ne pas payer des centaines de milliers de fonctionnaires ! C’est vrai, nous n’avions pas pensé jusqu’à présent à prendre une telle mesure pour réduire le budget de l’État. Si c’est votre proposition, vous devez clairement l’assumer devant les Français.

Et je ne parle pas, dans cette période où nos forces sont projetées à l’étranger pour lutter contre le terrorisme international, du rejet du budget de la défense, qui témoigne d’une irresponsabilité totale.

D’autre part, le texte adopté par la majorité sénatoriale de droite est dangereux sur le plan économique. Il vise à alourdir l’impôt des plus modestes en fléchant 550 millions d’euros de baisses d’impôts des ménages modestes vers les ménages aisés, à supprimer 45 000 emplois aidés alors même que le niveau de chômage est élevé, et à diminuer la péréquation entre collectivités territoriales, notamment le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, que la majorité de droite avait pourtant elle-même créé… Belle conception de la redistribution et de la réduction des inégalités !

Pour rétablir notre compétitivité, aucune ébauche de réforme structurelle, aucune proposition n’est formulée – sauf une dont la paternité revient au groupe socialiste du Sénat, lequel a défendu des propositions ambitieuses en faveur des PME industrielles qu’il faudra sans doute réexaminer dans le cadre du projet de loi de finances rectificative puisque le texte, en l’état, privait nombre d’entreprises d’un dispositif qui mérite pourtant la stabilité fiscale. Le problème est d’ordre rédactionnel plus que de fond.

Et que dire de la maîtrise des dépenses et des économies ? Voilà des semaines, et même des mois, que les deux grands partis de l’opposition réclament plus de 100 milliards d’euros d’économies ciblées. Certes, pas moins de neuf missions ont été rejetées, ce qui dégage 105 milliards d’économies d’un coup, mais à quel prix ? Est-ce le projet de l’opposition ? Force est de constater que l’opposition de droite n’a pas été en mesure d’élaborer un projet de budget alternatif à celui adopté par notre Assemblée.

Le rejet de ces missions est une solution de facilité évitant des choix difficiles à la droite, une droite empêtrée dans ses contradictions internes, en carence totale de réflexion et qui cherche à masquer son véritable projet politique.

Quel contraste, donc, entre les postures affichées et les faits ! Face à ce désastre, je ne m’étonne pas que M. le président de la commission des finances ait préféré se concentrer sur un point particulier plutôt que revenir sur ce tableau d’ensemble !

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