Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 12 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Il faut en effet saluer le travail accompli par la nouvelle majorité du Sénat, qui a pleinement rempli son rôle d’opposition constructive. Ce travail a permis de redonner du pouvoir d’achat aux familles, qui sont les premières victimes de la politique fiscale du gouvernement depuis juillet 2012, par un relèvement du plafond du quotient familial de 1 508 euros à 1 750 euros par demi-part fiscale.

Évoquons aussi le soutien aux entreprises par l’avantage fiscal accordé à celles qui investissent pour se moderniser, le maintien de l’investissement public local par la diminution de 1,4 milliard d’euros de la baisse des dotations aux collectivités, le rétablissement de l’équité entre le secteur privé et le secteur public avec l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique, ou encore le rétablissement d’une franchise afin de responsabiliser les bénéficiaires de l’aide médicale d’État. Toutes ces mesures sont des mesures de bon sens que les Français attendent.

La majorité sénatoriale, monsieur le secrétaire d’État, a souhaité remanier largement ce projet de loi de finances : cela démontre que la politique que vous menez ne va pas dans le bon sens ! C’est le cas de la lutte contre le chômage, avec un demi-million de chômeurs de plus depuis 2012. C’est le cas de la lutte contre la hausse du déficit public puisque, pour la première fois depuis 2010, le déficit ne sera pas réduit en 2014. C’est le cas de la lutte contre l’augmentation inexorable de la dette, qui a dépassé le cap symbolique des 2 000 milliards d’euros – le seuil d’une dette dépassant les 100 % du PIB se profile. C’est aussi le cas de la parole présidentielle : contrairement au discours du Gouvernement, il n’y a toujours pas de pause fiscale pour les Français et les entreprises.

Les grands oubliés et sacrifiés des choix fiscaux du Président de la République sont les classes moyennes et les familles, sur lesquelles repose depuis 2012 l’essentiel de l’effort fiscal : alourdissement de la fiscalité sur le diesel, hausse des cotisations retraite pour les salariés, hausse du tarif réglementé de l’électricité, hausse du prix du gaz, augmentation de la redevance audiovisuelle, et j’en passe. Au total, ces hausses se chiffrent à près de 3 milliards d’euros, et ce sans même intégrer la fiscalité locale !

Le budget pour 2015 ne comporte en outre aucune mesure en faveur des entreprises. Certes, les effets du pacte de responsabilité et du CICE vont concerner l’année 2015, mais la montée en puissance du CICE est plus lente que prévue : 10,8 milliards d’euros sont rendus aux entreprises au lieu des 13 milliards prévus au titre de 2013. La hausse sans précédent de la fiscalité sur les entreprises en 2012 et 2013 sera bien loin d’être seulement compensée.

En outre, certains parlementaires socialistes ont pris des positions contradictoires sur l’entreprise, qui ont un effet dévastateur sur les créateurs de richesses et d’emplois : je veux parler ici de l’adoption par des députés socialistes d’un amendement au PLFSS soumettant les dividendes versés par les entreprises au paiement des cotisations sociales.

Rappelons aussi qu’en 2015, les entreprises seront affectées par l’effet de mesures antérieures : prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés pour 2 milliards d’euros, moindre déductibilité des frais financiers pour un montant de 1,3 milliard, impact du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les sociétés, à hauteur de 800 millions, enfin hausse des cotisations retraite à hauteur de 500 millions. Nul ne croit en votre trajectoire budgétaire avec des prévisions de croissance et de recettes surestimées. À ce titre, la dégradation de nos rentrées fiscales est particulièrement inquiétante. En 2013, la moins-value a été de près de 15 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et elle atteint près de 12 milliards d’euros cette année.

Le matraquage fiscal que vous exercez sur les ménages et sur les entreprises en est malheureusement la principale explication. Plus la pression fiscale augmente, plus le produit réellement perçu chute par rapport à la prévision.

Concernant les économies, ce projet de loi de finances pour 2015 propose d’en réaliser 7,7 milliards sur les dépenses de l’État et de ses opérateurs, 3,7 milliards sur les dépenses locales et 9,6 milliards sur les dépenses sociales. Or, non seulement les économies qui sont le fait de l’État ne dépassent pas 3,5 milliards d’euros mais en outre, seuls 9 milliards d’euros d’économies sont clairement identifiables parmi les 21 milliards annoncés.

S’agissant des collectivités, je souhaite appeler votre attention sur le fait que la question ne tient pas tant au principe de réduction des dotations, car les collectivités doivent bien entendu participer à l’effort de redressement de nos comptes, qu’à la hauteur de la marche que vous imposez. Sur ce point, le Sénat nous propose une position plus équilibrée et souhaitable, avec une baisse moins brutale.

Autre position qui me semble être équilibrée et sur laquelle je souhaite particulièrement insister : le règlement d’une situation injuste pour la collectivité de Saint-Barthélemy. À ce sujet, le Sénat a voté un dispositif permettant de régler définitivement le problème et je souhaite, madame la rapporteure générale, que notre Assemblée suive cette position de sagesse.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite également m’arrêter à l’occasion de cette nouvelle lecture sur le discrédit de la France en Europe, à la suite de la remise en cause de notre souveraineté budgétaire par la Commission européenne. Nous avons échappé de très peu aux sanctions financières qui, je le rappelle, s’élèvent à 0,2 point de PIB, ce qui représente tout de même près de 4 milliards d’euros. Nous bénéficions d’un sursis jusqu’au mois de mars, mais pas au-delà. Ce sont quelques mois supplémentaires pour permettre à votre Gouvernement d’engager de profondes réformes structurelles et pour tenter de réussir en quatre mois ce que vous n’avez pas su faire en deux ans !

Pour échapper aux sanctions de la Commission européenne, notre pays doit faire de véritables réformes de structure – et non faire reposer une partie non négligeable de ces 21 milliards d’euros sur des dépenses non maîtrisées par l’État comme l’UNEDIC et les régimes complémentaires d’une part, les collectivités locales de l’autre pour un montant de 3,7 milliards.

Pour toutes ces raisons, les modifications apportées par le Sénat vont dans le sens de l’amélioration de votre projet de budget et cette nouvelle lecture sera l’occasion, je l’espère, de confirmer ces évolutions positives.

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