Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le débat et le vote qui ont eu lieu au Sénat nous donnent une occasion supplémentaire de revenir sur ce projet de loi de finances et, plus généralement, sur la stratégie budgétaire adoptée, en rappelant le risque récessif et déflationniste qu’elle présente alors que dans la situation actuelle, elle devrait plutôt appeler à la reprise et au réamorçage de l’économie française. Force est hélas de constater que celle-ci est loin de redémarrer. Tout au long de ce débat automnal, nous avons plusieurs fois réitéré l’appel que nous vous faisons à enclencher les réformes structurelles dont la France a besoin, et signalé l’insuffisance des ajustements qui résultent de vos arbitrages.
Inutile d’épiloguer : les chiffres parlent d’eux-mêmes. La dette atteint 2 000 milliards et, comme je le rappelais lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, les 3 000 milliards d’engagements hors bilan font peser un profond risque systémique sur l’économie française. La croissance est nulle ; je vous renvoie au récent rapport du Conseil d’analyse économique qui présente des perspectives de croissance extrêmement pessimistes, compte tenu de la difficulté qu’a la France à restaurer les marges et les capacités de productivité de nos entreprises. Citons aussi les prélèvements obligatoires, et le fait que la part de la dépense publique dans le PIB atteint 57 %, ce qui place la France au premier rang des pays encalminés dans une dépense publique élevée qui, vous le savez, neutralise toute marge de manoeuvre. Un dernier chiffre, enfin, qui est extrêmement préoccupant : il y a mille nouveaux chômeurs chaque jour. C’est la marque indélébile de l’échec de votre stratégie budgétaire, donc du présent projet de loi de finances.
L’absence de résultats a profondément brisé la confiance. Or, vous le savez, l’économie repose aussi sur la confiance, car c’est lorsque les uns et les autres sont en confiance qu’ils consomment, qu’ils investissent, qu’ils prennent des risques, qu’ils participent à la création d’entreprises. Aujourd’hui, la confiance a disparu et l’économie en souffre, ainsi que du manque d’engagement qui en découle.
C’est sans doute la raison pour laquelle la Commission européenne a placé la France en zone rouge, c’est-à-dire dans la zone à risques, car elle sait bien qu’au-delà des statistiques, il n’existe ni confiance, ni rebond, ni engagement dans la trajectoire budgétaire que vous nous proposez.
Depuis le début du quinquennat, les députés du groupe UDI vous ont régulièrement rappelé les conséquences dramatiques de vos décisions, qui entraînent peu à peu la France dans la situation difficile où elle se trouve et qui, vous en conviendrez, se révèlent inefficaces au plan économique. Le caractère tout à fait erratique de ces décisions est propre à troubler encore davantage la confiance, s’agissant des entreprises notamment. Faut-il rappeler les allers-retours sur les plus-values de cession, par exemple, ou la tentative, l’année dernière, d’imposer l’excédent brut d’exploitation, et cette autre idée – qu’évoquait le précédent orateur – d’assujettir les dividendes aux charges sociales ? On sait pourtant combien les dividendes participent à l’attractivité de l’investissement et de la prise de risques.
Vous commettez donc, vis-à-vis des entreprises et vis-à-vis des ménages, une double erreur qui participe au délitement de la confiance.
Après l’annonce du Pacte de responsabilité et de solidarité, nous espérions tous que le projet de budget pour 2015 permettrait ce sursaut. Force est de constater qu’il n’en est rien.
Loin de prendre des mesures courageuses pour réduire le déficit, le Gouvernement a fait le choix de le laisser filer, bafouant ainsi nos engagements européens.
Nous devons garder à l’esprit que ce Pacte de stabilité, auquel la France a adhéré mais que nous ne respectons pas, participe à l’attractivité des taux d’intérêt dont nous bénéficions. L’un ne va pas sans l’autre. Nous ne pouvons à la fois profiter de taux d’intérêt bas, qui nous permettent de nous endetter, et refuser d’honorer ce Pacte. Sans le Pacte de stabilité, nous ne bénéficierions pas de tels taux.
Soyons cohérents : nous ne pouvons refuser ce contrat collectif de stabilité et en tirer les bénéfices. Nous devons prendre conscience du fait qu’en ne respectant pas le Pacte de stabilité tout en profitant de ses avantages, nous jouons avec le feu, d’autant que les taux d’intérêt peuvent à tout moment remonter, ce qui en fait une véritable une épée de Damoclès.
Je vous invite à ce titre à observer la situation dans le monde, notamment en Chine : les Chinois consomment de plus en plus leurs excédents monétaires car la baisse de la démographie les oblige à constituer des réserves pour financer un nouveau modèle social. Mes chers collègues, l’équation économique mondiale nous porte à croire que nous connaîtrons inévitablement, dans les années à venir, un renchérissement des taux d’intérêt.