Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 12 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

La mise en garde récente des membres de l’Eurogroupe va dans ce sens. La situation actuelle nous rappelle les risques que nous prenions il y a quelques années, pour éviter d’engager des réformes, en jouant la carte des dévaluations compétitives qui agissaient comme un médicament à effet court. Aujourd’hui nous parions sur les taux d’intérêt et la baisse de l’euro. Mais nous devons en être conscients, ces paris sont extrêmement dangereux.

Les réformes, nous les connaissons : la réforme de l’État et celle des collectivités territoriales, dont le groupe UDI regrette qu’elle ne soit pas plus engagée quant à son impact structurel et sa capacité à réduire significativement la dépense publique. La réforme territoriale a malheureusement pris du retard et elle aurait pu aller beaucoup plus loin dans la voie des économies budgétaires qui s’imposent à notre pays.

Sans ces réformes structurelles, il nous sera impossible de réaliser les 50 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques dont dépendent pourtant notre souveraineté budgétaire et la survie de notre modèle social.

Selon la Cour des comptes, nous n’aurions réalisé qu’à peine 20 milliards d’euros d’économies. Nous le disons pourtant sans détour : l’effort annoncé de 21 milliards d’euros pour 2015 est significatif et il doit être atteint.

Nous l’avions d’ailleurs souligné lors de la présentation à l’Assemblée nationale par le Premier ministre du programme de stabilité budgétaire 2014-2017, ce qui avait conduit à l’abstention d’une majorité des membres notre groupe qui ont ainsi adressé un signal au Gouvernement pour l’encourager à poursuivre cette trajectoire en matière d’économies. Il est temps de la respecter.

Le Haut conseil des finances publiques a d’ailleurs constaté que l’intégralité des économies annoncées n’était pas documentée et que leur réalisation était incertaine. Faut-il, encore une fois, rappeler la nécessité d’honorer l’engagement que vous avez pris d’atteindre les 50 milliards d’euros ? Sur les 21 milliards d’euros d’économies réalisées, 4 milliards résultent de mesures d’ores et déjà adoptées et d’autres économies sont issues des décisions des partenaires sociaux !

En outre, les 3,7 milliards d’euros de baisse de la dotation aux collectivités locales font peser une lourde menace sur leurs capacités d’investissement, alors même que l’État, parallèlement, leur transfère des charges toujours plus lourdes. Là aussi, nous jouons avec le feu : la réduction de la dotation globale de fonctionnement aura forcément un impact sur les investissements et sur les entreprises, qui souffrent déjà de la faiblesse de leurs carnets de commandes. Tous ces éléments participeront probablement du risque récessif que beaucoup commencent à craindre.

La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu ne permettra pas de faire oublier aux Français la disparition de la défiscalisation des heures supplémentaires ni de compenser les effets du matraquage fiscal sans précédent de 37 milliards d’euros subi par les ménages.

Elle ne permettra pas plus de regagner la confiance des ménages, en particulier des plus modestes, d’autant que le Président de République leur a promis plusieurs fois une pause fiscale qui n’est jamais venue et qu’il a maintenu le gel du barème de l’impôt sur le revenu – qu’il avait pourtant qualifié de mesure la « plus injuste » en promettant, le 10 avril 2012, de le supprimer.

Cette mesure va toutefois réduire plus encore l’assiette de l’impôt sur le revenu et faire peser la totalité de l’effort sur la moitié des foyers fiscaux. Ce choix s’est pourtant révélé inefficace puisqu’en 2014 l’impôt sur le revenu a rapporté 6 milliards d’euros de moins que prévu. De même, le rendement de l’impôt sur les sociétés a baissé. Cette chute de rendement de la fiscalité doit nous amener à nous interroger quant à l’avenir de nos équilibres budgétaires.

Enfin, ne nous y trompons pas : ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre puisque les impôts sur les ménages augmenteront de 3 milliards d’euros en 2015 avec le relèvement du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et de la taxe sur le carburant gazole, la hausse des cotisations retraite, l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité, l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public et la hausse des impôts locaux liée à la baisse de la dotation globale de fonctionnement. Toutes ces hausses contribueront à la réduction des marges de manoeuvre des ménages.

Nous déplorons que le Gouvernement, outre qu’il n’écoute pas l’opposition, s’apprête également à revenir sur les mesures de justice votées par le Sénat, notamment en ce qui concerne la baisse de la DGF.

En bref, ce projet de loi de finances contient peu de décisions courageuses et je qualifierai de non choix celles prises en ce qui concerne le déficit, la politique de croissance, le traitement de la dépense publique, et, hélas, le traitement du chômage, sans oublier le très fort risque déflationniste que nous font prendre ces petits ajustements pris au détriment de véritables réformes structurelles.

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