Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous débutons en nouvelle lecture l’examen du projet de loi de finances pour 2015 qui devait, comme lors de la première lecture, faire l’objet d’une discussion générale commune avec le projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019.
Malgré l’inversion récente de l’examen de ces textes, puisque la loi de programmation ne sera discutée qu’après l’adoption, en nouvelle lecture, de la loi de finances pour 2015, j’évoquerai tout de même dès aujourd’hui la programmation 2014-2019.
Comme l’a annoncé le groupe RRDP en première lecture, la programmation des finances publiques est avant tout un exercice de construction intellectuelle. En effet, en l’absence de véritable dynamique de croissance, les restrictions budgétaires permettant d’atteindre l’épure des 3 % de déficit public produisent d’abord de la déflation.
La situation de l’Europe en est une parfaite illustration. Malgré les plans de rigueur excessifs mis en oeuvre sur le vieux continent, sous l’impulsion, que l’on peut qualifier de « dogmatique », de la Commission européenne sortante, l’OCDE a estimé lundi que la croissance devrait continuer à s’infléchir en Europe, et plus spécifiquement en Allemagne, dont le PIB a déjà reculé de 0,2 % au deuxième trimestre, et en Italie. Au point qu’un membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne évoque cette semaine un « affaiblissement massif de l’économie de la zone euro ».
Depuis le 30 juin, l’euro a d’ailleurs plongé de pas moins de 10 % face au dollar et rien ne semble plaider pour une inversion de tendance, même si le dynamisme des États-Unis est avant tout provoqué par une gigantesque création monétaire.
En France, la croissance s’est chiffrée à 0,3 % du PIB en 2012 et 2013. Elle est estimée à 0,4 % cette année. Comme l’a indiqué le Président de la République le 8 octobre à Milan au Sommet européen pour l’emploi, « Il faut ajuster le rythme des politiques budgétaires par rapport à l’enjeu de la croissance ».
Il faut en effet ajuster le rythme des politiques budgétaires aux enjeux économiques, régionaux et internationaux qui le dépassent par construction. C’est en partie ce que propose le Gouvernement dans ces deux textes.
Il ne faut pas non plus feindre collectivement de croire que la croissance sera mécaniquement relancée par les allégements de charges et les crédits d’impôts prévus à hauteur de 41 milliards d’euros en trois ans dans le Pacte de responsabilité et de solidarité. Sans nier les éventuels effets positifs de ce Pacte, que nous appelons de nos voeux, en l’absence de réformes structurelles visant à restaurer l’attractivité de l’investissement en France il ne produira que peu de résultats. Et en l’absence d’accords de branche, le Pacte deviendra sans objet.
Ainsi, nous nous félicitons des déclarations faites lundi par M. le Premier ministre, qui s’est dit « convaincu que le pacte de responsabilité sera une réussite », précisant que six accords de branche ont déjà été conclus et qu’un autre représentant 28 000 emplois vient d’être signé dans l’assurance, et ajoutant avoir espoir que « d’autres sont possibles très vite dans le bâtiment et la banque ». En outre, M. le Premier ministre a dit espérer que plus de la moitié des salariés seront concernés par ces accords permettant de préserver l’emploi, d’embaucher et de former les salariés avant la fin de l’année 2014. Nous l’approuvons avec force car le chômage culmine toujours à plus de 10 %.
C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons des nouveaux accords conclus mercredi dans les branches des services, de l’automobile et des transports urbains de voyageurs. Quant au projet de loi de finances pour 2015 dont nous débutons ici la nouvelle lecture, il comporte un programme d’économies relativement raisonnable de vingt-et-un milliards d’euros tout en allégeant l’impôt sur le revenu des ménages modestes et moyens, ce dont nous nous félicitons. Toutefois, la forte baisse des concours financiers de l’État, de 3,7 milliards d’euros dès 2015, pourrait amener de nombreuses collectivités à renoncer à leurs projets d’investissement, induisant le risque d’un repli massif de l’investissement local qui représente aujourd’hui 70 % de l’investissement public. Un tel repli serait évidemment préjudiciable à l’activité économique et à l’emploi.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons a minima restaurer en nouvelle lecture la dotation de soutien à l’investissement local sans toutefois supprimer les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle née d’une initiative parlementaire en première lecture et néanmoins supprimée par nos collègues sénateurs. Un tel souhait est conforme à l’intervention de M. le Premier ministre au dernier congrès des maires. Malgré un effort local tout à fait considérable, le déficit public représentera 4,4 % du PIB en 2014. Certains vous en font grief, monsieur le secrétaire d’État, pas le groupe RRDP, bien au contraire, surtout au regard de la mesure que je viens d’évoquer. Depuis le mois de juillet 2012, lors de l’examen de chaque loi de finances rectificative ou initiale, les députés de notre groupe sont en effet intervenus à cette tribune afin de plaider contre un rythme trop rapide de réduction du déficit public.
En première lecture, de nombreux amendements présentés par notre groupe ont été adoptés. À propos du foncier et du logement, la représentation nationale a voté notre proposition de prorogation pour trois ans des dispositifs favorables à la surélévation d’immeubles. De même, l’article 6 comprend un dispositif relatif à la reconstitution des titres de propriété. Au sujet des collectivités, nous avons approuvé la majoration du Fonds de compensation de la TVA et la création d’une dotation de soutien à l’investissement local dont notre groupe souhaite qu’elle bénéficie en partie et en priorité aux communes nouvelles afin d’inciter nos plus petites communes à la fusion en renforçant leurs moyens d’investissement par l’augmentation du taux de dotation d’équipement des territoires ruraux. Nous accueillerons donc avec bienveillance l’amendement du Gouvernement proposant de renforcer la DETR de 200 millions d’euros et les annonces relatives aux maires bâtisseurs.
Plusieurs mesures proposées par notre groupe ont été conservées par le Sénat telles le relèvement du plafond de la taxe sur les transactions financières au bénéfice du fonds de solidarité du développement, la possibilité ménagée aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, d’établir un dispositif de convergence entre l’ancien et le nouveau barème de la base minimale de cotisation foncière des entreprises, ou encore la prorogation en 2015 de l’abattement de 30 % dont bénéficient les logements sociaux situés en zone urbaine sensible. D’autres articles ont été supprimés dont un prévoyant la publication annuelle de la liste des agréments accordés aux organismes ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers effectuant des dons. Nous proposerons donc à la représentation nationale de le restaurer selon une logique de transparence, cette dépense fiscale représentant tout de même un effort public annuel de près de deux milliards d’euros.
Quant à l’article 15 relatif au plafonnement des taxes affectées aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture, le Sénat a adopté les amendements présentés par le groupe RRDP portant sur les deux plafonnements. Ne doutant pas que le Gouvernement reviendra sur les modifications apportées par la chambre haute, nous proposerons deux niveaux de repli pour les chambres de commerce et d’industrie en amoindrissant l’effort initialement demandé de cent et cinquante millions d’euros. C’est en effet le seul moyen de conserver sans impact budgétaire un instrument de péréquation au profit des chambres de commerce et d’industrie des départements ruraux sans lequel elles seront absolument incapables d’accompagner les PME-PMI des territoires. À propos des chambres d’agriculture, nous proposerons à l’article 18 plusieurs ajustements visant à prendre en compte la situation exceptionnelle de celles qui ont engagé en 2014 des restructurations impactant leur situation financière, notamment leurs fonds de roulements. Nous proposerons enfin une modification du plafonnement de la taxe prévue à l’article 15 de 5 % à 2 % en 2015. Notre vote définitif dépendra donc du sort réservé aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture.