Intervention de Sabine Buis

Séance en hémicycle du 21 novembre 2012 à 15h00
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Buis, rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Le projet de loi dont nous débattons avait à l'origine un caractère essentiellement technique et juridique : il s'agissait de tirer les conséquences de quatre questions prioritaires de constitutionnalité. Grâce aux travaux du Sénat, grâce aux réflexions de l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale et grâce enfin à la capacité d'écoute du Gouvernement, il revêt désormais une véritable dimension politique, sur un sujet qui est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

Le principe de participation du public aux projets de décision en matière d'environnement ne constitue pas un simple élément du droit administratif : c'est avant tout l'application d'un principe constitutionnel, porté, je le rappelle volontiers, dans un esprit républicain, par l'ancien Président de la République Jacques Chirac.

Comme toute idée politique, ce principe a une histoire et, s'agissant de notre pays, il a un cheminement très long – sans doute trop. La fin des années 1980 a fait apparaître que l'environnement ne se limitait pas à la préservation des milieux naturels et des espèces menacées, mais constituait une politique transversale. Les nombreux sommets des années 1990 ont ensuite montré que le concept de développement durable imprégnait de manière croissante nos sociétés, avec la mobilisation active de nombre de nos concitoyens. Plusieurs associations disposent de capacités techniques et juridiques leur permettant de procéder à des expertises égales en qualité à celles que peuvent produire les services de l'État.

C'est là que se trouve le changement d'époque : nos concitoyens n'acceptent pas aveuglément la parole de l'État ou des collectivités locales. S'agissant de décisions qui concernent leur cadre de vie ou l'exercice de leur profession, ils aspirent d'une part à participer à leur élaboration et d'autre part à les comprendre.

Ce changement n'est pas forcément facile pour l'administration, surtout dans un contexte humain et budgétaire tendu. Ce point a été évoqué à maintes reprises lors des auditions que j'ai conduites avec plusieurs de mes collègues ainsi que lors de l'examen du projet en commission. Le processus d'ouverture au public est déjà ancien, mais c'est un processus continu par lequel, au-delà de ses missions traditionnelles, l'administration doit se montrer capable de dialoguer dans un esprit ouvert avec nos concitoyens. En d'autres termes, elle doit cesser de prendre la consultation du public comme une contrainte et au contraire la considérer comme une étape normale de son travail, susceptible d'ailleurs de l'enrichir.

Le terme de confiance est au coeur de cette démarche. Si nous voulons faire cesser cette spirale dans laquelle toute décision administrative sur l'environnement donne inévitablement lieu à un recours judiciaire, il faut promouvoir la participation du public, qui doit être l'élément qui instaure cette confiance. Les conflits naissent le plus souvent de l'absence de dialogue.

J'ai dit que le cheminement du concept de participation du public avait été trop long. Il a effectivement pris du temps, bien que le ministère de l'environnement ait eu conscience du problème puisqu'il a financé de 1999 à 2007 des études sur les dispositifs de concertation. Mais bien évidemment, c'est la Charte de l'environnement, puis la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle 2 qui ont donné une impulsion décisive au processus.

Ce concept est largement partagé par l'ensemble des groupes politiques. Le présent texte a été adopté à l'unanimité au Sénat et nos débats en commission du développement durable se sont déroulés dans un esprit constructif. Vous avez pu constater, madame la ministre, qu'il n'y avait pas de clivage majeur sur le principe même du projet de loi et que bien des amendements révélaient des préoccupations communes aux députés de la majorité et de l'opposition, les désaccords portant sur certaines modalités de mise en oeuvre. J'espère que nous aurons dans cet hémicycle la même qualité technique et surtout la même sérénité.

J'en arrive aux travaux de la commission. Dès le mois juillet, notre président Jean-Paul Chanteguet s'était inquiété du vide juridique que faisaient courir les questions prioritaires de constitutionnalité. Il a donc appelé au dépôt d'un texte, auquel le Sénat par ses amendements, puis le Gouvernement par les siens ont conféré un caractère nettement plus politique qu'initialement.

En examinant ce texte, nous avons souhaité qu'il conserve une cohérence intellectuelle et juridique, afin d'envoyer un signal clair à l'opinion publique et aux professionnels intéressés. Il faut affirmer avec force que c'est volontairement que nous souhaitons changer la culture des administrations, que le principe de participation consiste à échanger des arguments de manière équilibrée et transparente, que l'ensemble de la procédure est publique et qu'il en est fait à la fin une synthèse.

L'apport de la commission se répartit en deux catégories, l'une technique et l'autre politique – ce qui n'a rien de surprenant. Je passe donc rapidement sur les modifications rédactionnelles que nous avons apportées. De même, ce sont des raisons purement juridiques qui nous ont conduits à supprimer les articles 1er bis et 1er ter, qui portent sur des sujets importants, comme le gaz de schiste, mais qui sont déjà pris en compte dans notre droit avec le code minier.

Les apports les plus politiques portent sur divers points. La question d'un accès facile de nos concitoyens aux projets de décision d'abord a largement occupé nos débats, avec l'adoption d'un amendement de notre collègue Fanny Dombre Coste. On aurait pu penser que cela allait de soi, dans un pays où la fracture numérique est une réalité à la fois géographique et sociologique, mais cela se heurte apparemment au problème des moyens humains et financiers des administrations… Avec l'amendement qu'a déposé le Gouvernement aujourd'hui, nous parvenons à un bon équilibre.

Deuxième point, la question d'une tierce personne, d'un garant, qui assure la neutralité de la procédure. Ce point a longtemps été en débat car le Gouvernement n'était pas favorable à la position de notre commission, pour des raisons tenant là encore aux ressources humaines et aux moyens budgétaires. Nous examinerons en conséquence un amendement portant expérimentation du recours à une tierce personne, ce qui permettra au Gouvernement d'évaluer la charge réelle de travail induite pour les administrations.

Troisième point, le recours à l'ordonnance de l'article 38 de la Constitution. Cet article est le seul du projet qui ne fasse vraiment pas l'unanimité… Le Gouvernement souhaite utiliser cet outil juridique pour statuer sur les projets de décisions des collectivités territoriales et de décisions individuelles. Face aux inquiétudes du Parlement, il a assuré qu'il ouvrirait une large phase de concertation, Mme la ministre vient de l'évoquer, au bénéfice des sénateurs et des députés. La majorité de la commission a pris bonne note de cet engagement et rappelle au Gouvernement qu'elle est disponible pour mettre en oeuvre cette concertation au plus tôt.

Dernier point : avec l'article 8, le Gouvernement a introduit au Sénat un Conseil national de la transition écologique et, par l'article 8 bis, il a abrogé le Conseil national du développement durable créé par le Grenelle de l'environnement. Il s'agit de tenir une promesse prise pendant la conférence de l'environnement. La suppression du CNDD n'est en aucun cas une sanction : il a bien travaillé… Nous souhaitons désormais entrer dans une nouvelle étape, avec un organe consultatif qui pourra être saisi notamment des projets de loi et stratégies nationales sur le développement durable ou la biodiversité, mais qui disposera également d'une faculté d'autosaisine qui lui permettra de s'intéresser à diverses questions, parmi lesquelles l'énergie. La commission a approuvé ces initiatives du Gouvernement.

Pour ne pas allonger mon propos, je n'insisterai pas sur le fait que ce texte est un élément de la politique environnementale du Gouvernement, définie lors de la conférence des 14 et 15 septembre. Ce point est connu.

La commission du développement durable a, sur ma proposition, approuvé le présent projet de loi et demande à l'Assemblée de faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion