La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, vous avez adressé une lettre aux internes de médecine générale afin de dissiper leurs inquiétudes sur trois sujets : leurs conditions de travail, leur participation au cadre conventionnel, la proposition de loi sur les réseaux de soins pour les mutuelles.
Les internes sont conscients du contexte démographique actuel et de la nécessité d'une réforme de grande ampleur. Ils souhaitent des études plus professionnalisantes, la qualité et la cohérence de la formation initiale étant au fondement de l'attractivité et de l'efficacité de la discipline.
La formation de maîtres de stage et la revalorisation de leur statut constituent un élément essentiel à la formation médicale et donc à la formation aux soins, afin que les internes préparent au plus tôt leur projet professionnel et que leur installation se fasse le plus précocement possible et soit la plus réussie.
La mise en place de stages de médecine générale dans les zones considérées comme sous-denses afin de faire découvrir ces territoires aux futurs médecins et ce, dès le deuxième cycle, est essentielle.
Il s'agit également de développer aides au logement et aux transports pour les étudiants, de favoriser le développement des maisons et pôles de santé universitaires, de soutenir la filière universitaire de médecine générale qui doit être définitivement intégrée à la section 53 du Conseil national des universités, et de développer la coopération interprofessionnelle précocement, dès le début de la formation. Enfin, n'oublions pas que vingt-huit enseignants associés sont toujours en attente de titularisation depuis 2008.
Aujourd'hui, les internes dans leur grande majorité ne connaissent pas les aides à l'installation, n'ont aucune visibilité de carrière, sont dans l'incertitude sur leur avenir alors qu'ils ont passé deux concours sélectifs en six ans et qu'ils ont suivi quatre à cinq ans d'internat. Il faut les encourager et les rassurer.
Vous avez déclaré, madame la ministre, exclure toutes contraintes à l'installation, croire à l'incitation et non à la coercition. Vous avez dénoncé une rumeur infondée prêtant au Gouvernement la volonté contraire. Pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit bien d'une rumeur infondée, définitivement infondée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
Chers collègues, je vous prie de moins discuter avec vos voisins afin que nous puissions écouter les questions et les réponses.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la députée, vous avez raison de souligner que les internes, les chefs de clinique, les étudiants en médecine jouent un rôle tout à fait essentiel à l'hôpital : sans eux, la plupart des services ne pourraient pas fonctionner. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué, au moment où j'ai été saisie de leurs demandes, que j'étais particulièrement sensible à leurs revendications concernant leurs conditions de travail. Un groupe de travail s'est mis en place dès la semaine dernière afin d'aboutir, je l'espère, à des avancées le plus rapidement possible.
Au-delà, vous avez raison d'indiquer que l'installation de médecins dans les territoires en voie de désertification médicale passe beaucoup par l'engagement et l'implication de ces jeunes médecins. Je veux vous confirmer de manière tout à fait claire et solennelle que le plan de lutte contre la désertification médicale que présentera le Gouvernement reposera exclusivement sur des mesures d'incitation : comme le Président de la République l'a rappelé hier encore, la coercition n'est pas une bonne démarche ; non seulement elle est injuste, mais elle ne permet pas d'aboutir aux résultats escomptés.
En revanche, nous avons à mettre en place plusieurs mesures dans le prolongement des dispositions présentées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en suivant les pistes que vous venez vous-même d'esquisser : il s'agira de revoir la nature des stages proposés aux étudiants en médecine, de favoriser leur installation dans certains territoires, d'encourager le regroupement des professionnels et les transferts de compétences. J'aurai l'occasion de m'exprimer plus précisément sur l'ensemble de ces sujets.
À l'évidence, il y a là un défi à relever pour garantir la justice dans l'accès aux soins sur l'ensemble de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, les députés du Front de gauche ont rencontré les salariés en lutte de Florange et Gandrange avec, au coeur de ces échanges, le devenir de la sidérurgie et de nos outils industriels.
Dans quelques jours, faute de repreneur, Mittal arrêtera les hauts fourneaux de Florange. Pourtant, le rapport que vous avez commandé à M. Pascal Faure souligne que l'activité de Florange est rentable dans son intégralité, associant filière chaude et filière froide.
L'expertise a aussi démontré le caractère indispensable de ce site pour la France. Avec une importation qui sera de plus en plus coûteuse, l'arrêt de la production sidérurgique en Lorraine aurait des conséquences catastrophiques pour les autres secteurs industriels français et européens. L'acier est indispensable à nos entreprises, il est indispensable au redressement productif de notre pays ; l'acier doit être produit en France.
Les salariés de la sidérurgie lorraine ont défini un projet permettant un développement cohérent, économiquement viable, socialement performant et écologiquement responsable. Monsieur le ministre, le sentiment grandissant est que le Gouvernement reste sourd, en dépit de ses promesses, à ces propositions innovantes pour sauver notre sidérurgie.
Il est temps d'obtenir d'autres engagements de la famille Mittal, et d'entrer si nécessaire dans la phase opérationnelle d'une prise de contrôle par l'État. Il est temps d'organiser une table ronde avec les différents acteurs pour examiner les solutions qui s'offrent au site. Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.), pour surseoir à l'arrêt de la production, programmé au 1er décembre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)
Monsieur le député André Chassaigne, il y a de cela presque deux mois, le Gouvernement a obtenu d'Arcelor Mittal qu'il accepte de céder à un repreneur – alors qu'il avait pris la décision de fermer Liège et Florange – les hauts fourneaux, c'est-à-dire la phase chaude de l'activité sidérurgique de Florange.
Je suis en mesure de vous indiquer que le Gouvernement a reçu deux offres et marques d'intérêt,…
…portant sur un périmètre plus large que celui octroyé par la famille Mittal. Ce périmètre est en effet celui de la rentabilité, tel qu'il a été analysé par l'expert gouvernemental, M. Pascal Faure. Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans une logique démontrant de manière implacable que le problème des hauts fourneaux de Florange n'est pas qu'ils soient mauvais, mais que Mittal a décidé de se débarrasser à très mauvais compte de Florange.
J'ai retrouvé, avec l'aide des services du ministère, les déclarations et les engagements de Mittal lors de son offre publique d'achat sur Arcelor : Mittal promettait à l'époque, en vantant sa gestion du site de Gandrange sur lequel il avait déjà mis la main, qu'il serait un actionnaire exemplaire…
Aujourd'hui, nous voyons les fermetures et les actes de défaisance sur le territoire industriel France se multiplier. Nous considérons, monsieur le député, que le moment est venu de demander à Mittal de faire bouger sa position, pour qu'enfin nous puissions ensemble sauver l'acier français, et notamment son meilleur symbole : les hauts fourneaux de Florange. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, sans cesse depuis votre arrivée au pouvoir, vous nous parlez d'égalité. Sans cesse, depuis juin, vous recueillez une majorité croissante de Français mécontents de votre action. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais de quelle égalité parlez-vous ? Égalité pour qui ?
Égalité pour les enfants et les orphelins qui n'auront plus, avec votre projet de loi sur le mariage homosexuel, la garantie d'avoir un père et une mère ? (« Bravo ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Égalité pour les élus, alors que le président Hollande a reconnu hier le droit de refuser de célébrer des unions homosexuelles, mais seulement pour les maires et non pour les adjoints ou les conseillers qui eux, seraient réquisitionnés pour procéder à ces unions ?
Non, monsieur le Premier ministre, cette loi ne répond pas à une volonté d'égalité : c'est une loi de division des Français que vous ferez voter, sans débat et sans référendum. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, votre projet de loi divise les consciences, le président vient officiellement de le reconnaître devant 36 000 maires de France. N'en doutez pas, demain elle divisera les Français. Nos compatriotes souffrent de la crise, du chômage, de leurs revenus amputés par l'avalanche de taxes et d'impôts que vous avez décidés en juillet, et pendant ce temps, vous n'avez d'autre priorité que de diviser les Français sur la famille, pilier de notre société.
Monsieur le Premier ministre, alors que le parti socialiste est aux ordres, le petit doigt sur la couture du pantalon, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) alors que des pressions sont exercées pour contraindre les députés socialistes qui refusent votre projet contraire à leurs convictions, leur accorderez-vous également la liberté de conscience et de vote, comme vient de le proposer François Hollande aux maires ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le député Yves Nicolin, vous avez traité de plusieurs sujets dans votre intervention, en terminant par une question tout à fait précise.
Je vous rappelle simplement, même si vous le savez déjà, que les maires et les adjoints sont des officiers d'état civil. Ils le savent eux-mêmes, du reste, puisque ceci figure dans le code général des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.) C'est en tant qu'agents publics et au nom de l'État qu'ils célèbrent les mariages, et à ce titre ont une obligation de continuité du service public sur l'ensemble du territoire.
Comme le Président de la République l'a rappelé, il arrive que les maires donnent délégation. Or, cette transmission de délégation est encadrée par le droit : le Président de la République a très clairement indiqué que le mariage sera célébré dans toutes les communes sur l'ensemble du territoire, en fonction du lieu de résidence ou de domicile, comme cela est prévu par le code civil.
Vous avez semblé par ailleurs manifester une inquiétude concernant les enfants. Monsieur le député, vous avez suffisamment confiance en notre droit pour savoir qu'il protège l'enfant ; or, le droit restera constant. Les procédures qui permettent l'adoption seront respectées.
Nous avons conduit des auditions avec des personnes de sensibilités diverses. Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, et moi-même avons entendu des personnes affichant une sensibilité proche de la vôtre, qui exprimaient leurs préoccupations concernant les enfants.
Nous avons pour l'essentiel entendu des propos tout à fait responsables, notamment de la part des maires, qui dans leur très grande majorité ont bien l'intention d'appliquer la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)
La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question, à laquelle s'associe ma collègue Chantal Guittet, s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Madame la ministre, je souhaite relayer auprès de vous, au nom du groupe SRC, la très forte crainte des associations humanitaires quant aux menaces qui pèsent sur les financements européens relatifs à l'aide alimentaire aux plus démunis, c'est-à-dire sur le PEAD, le Programme européen d'aide aux plus démunis, fondé par Jacques Delors.
En 2011, le gouvernement précédent avait acté la disparition de ce programme dès 2014. Aujourd'hui, la Commission européenne propose une réduction de près de 1 milliard d'euros de l'enveloppe consacrée à un besoin pourtant vital : l'accès à une alimentation suffisante, de qualité et équilibrée pour plus de 18 millions d'Européens en grande précarité. La perspective de l'ouverture légitime de ce programme à tous les États induit de nouveaux besoins que l'Europe ne saurait ignorer.
Nos inquiétudes, justifiées sur le budget 2014-2020, sont renforcées à court terme par l'impasse budgétaire européenne constatée pour l'année 2013.
Nous savons, madame la ministre, que le Gouvernement a été particulièrement actif sur ce dossier qui touche à la vie de 4,5 millions de Français et met en péril l'action de plusieurs dizaines de milliers de bénévoles des associations humanitaires.
Alors que l'Union européenne vient de recevoir le prix Nobel de la paix, nous ne pouvons accepter une telle régression de la solidarité européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quel est l'état de la discussion avec nos partenaires et quelle position la France entend défendre lors des prochaines négociations européennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Monsieur le député, soyez-en totalement assuré : le Gouvernement est entièrement mobilisé et il ne ménage pas ses efforts pour relayer la position française auprès de ses partenaires européens. Hier encore, Stéphane Le Foll et moi-même étions au Parlement européen, accompagnés des principales associations françaises d'aide alimentaire.
Avec Bernard Cazeneuve, nous voulons pérenniser, dans le cadre des perspectives financières de l'Union européenne 2014-2020, l'aide alimentaire aux plus démunis parce qu'elle permet aujourd'hui à 18 millions d'Européens de dix-neuf pays différents d'avoir accès à une alimentation de qualité, parce que l'Union européenne elle-même s'est engagée à l'horizon 2020 à réduire la pauvreté de 25 % et donc de sortir 20 millions de citoyens européens de la précarité. Cette aide doit passer par un fonds essentiellement dédié à l'alimentaire, qui doit être complémentaire et non concurrent des autres fonds européens – FSE, FEDER ou autres fonds de cohésion.
Ce fonds devra obligatoirement garder – et c'est à construire – un lien avec la PAC pour que les stocks alimentaires soient redistribués aux personnes les plus fragiles de nos sociétés. Stéphane le Foll a convaincu aujourd'hui la Commission sur ce point.
Le Président de la République a récemment exprimé la position du pays et la défendra au sein du Conseil des 23 et 24 novembre prochains. La France soutient sans réserve le maintien d'une aide dédiée avec un budget à la hauteur des enjeux. Et si le Conseil statue en ce sens, ce sera Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes, qui négociera le montant et le contour de ce nouveau dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, je m'exprime aujourd'hui au nom du groupe écologiste avec une certaine solennité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Les propos tenus hier au congrès des maires par le Président de la République créent un trouble qu'il faut dissiper. Nous ne voulons pas polémiquer, M. Nicolin s'y est employé encore tout à l'heure, la droite l'a déjà fait, le fait et le fera. Nous voulons seulement rappeler quelques principes auxquels nous tenons et qui sont aux fondements de notre République.
Les maires sont tenus d'assurer à toutes celles et tous ceux qui y sont autorisés par la loi le droit d'être mariés dans leur commune. Nous nous souvenons d'ailleurs qu'en 2004, lorsque notre collègue Noël Mamère, maire de Bègles, avait pris une initiative symbolique en tant que maire, il avait été immédiatement sanctionné par le Premier ministre de l'époque.
Le maire, sitôt qu'il a été élu à cette fonction, devient officier de police judiciaire et officier d'état civil. Cela l'oblige à appliquer la loi pour toutes et tous, quelles que soient par ailleurs ses convictions personnelles, fussent-elles rebaptisées conscience. L'Association des maires ruraux l'a d'ailleurs rappelé hier dans une déclaration : le cas par cas n'est pas acceptable. Admettre une prétendue clause de conscience conduirait en fait à réintroduire l'inégalité dans l'application d'une loi justement fondée sur le principe d'égalité des droits. Ne laissons pas baptiser « clause de conscience » ce qui ne serait qu'une tentation de céder à l'homophobie de certains élus. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de réaffirmer la volonté du Gouvernement d'assurer, dès que la loi aura été votée, le droit au mariage pour tous, le droit au mariage partout. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)
Monsieur le député, oui, si le Parlement adopte cette réforme…
…ce sera bien le mariage pour tous et le mariage partout.
Le Président de la République a été formel : toutes les communes célébreront le mariage selon les conditions prévues par la loi, à savoir au lieu de domicile ou de résidence de l'un des époux.
Certains maires ont pétitionné récemment pour faire savoir qu'ils n'appliqueraient pas la loi. Je présume qu'ils se préparent à en assumer les conséquences.
J'ai noté qu'un certain nombre de maires ont fait publiquement savoir que, sans approuver la réforme, ils appliqueraient la loi. C'est tout simplement un comportement républicain et je peux affirmer que c'est une conception partagée par la très grande majorité des 37 000 maires de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) D'ailleurs, le président de l'AMF, M. Jacques Pélissard, a bien indiqué, à la tribune du congrès des maires, que les maires étaient respectueux de la loi, qu'ils n'allaient pas se prononcer sur le fond, qu'ils faisaient des observations de forme. Ils souhaitent une consultation et celle-ci est déjà engagée.
Je le répète, avec Dominique Bertinotti, nous écoutons, depuis plusieurs mois, toutes les sensibilités et le Parlement a pris le relais puisque des auditions se tiennent déjà à l'initiative de votre commission des lois et des rapporteurs.
Par conséquent, ce sera bien le mariage pour tous, dans toutes les communes de France et, en cas de nécessité, la loi sera appliquée. Le préfet procédera aux réquisitions nécessaires, il se substituera aux maires si nécessaire ou il désignera un délégué spécial, tout cela sous l'autorité du procureur de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, je vous le dis, le silence de M. Hollande comme le vôtre, après la dégradation de la note de la France par Moody's, est assourdissant ! Les réponses de vos ministres, qui accusent la précédente majorité, sont désespérantes. Elles sont affligeantes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela fait six mois que, faute de stratégie, vous vous défaussez systématiquement sur vos prédécesseurs.
Mais vos prédécesseurs, monsieur Ayrault, au moins ils agissaient. Lorsqu'en décembre dernier, l'agence Standard & Poor's baisse la note de la France, que font Nicolas Sarkozy et François Fillon ? Ils décident de créer la TVA compétitivité pour baisser le coût du travail. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) Ils le font parce que le triple A de la France, ce n'est pas seulement une question de taux d'intérêt, c'est aussi une question d'image auprès de tous les investisseurs, de tous les entrepreneurs qui souhaitent implanter des entreprises sur le territoire français.
Alors vous dites, monsieur le Premier ministre, que la dégradation par Moody's de la note française date de février et que ce n'est pas de votre faute. Mais ce que vous dites est faux !
La vérité, c'est qu'en février dernier, Moody's met la note française sous surveillance parce que Moody's voit votre projet présidentiel et que Moody's s'inquiète des perspectives de la France. (Interruptions et rires sur les bancs du groupe SRC.)
La vérité, c'est qu'au mois de mai dernier, Moody's publie un communiqué indiquant qu'en fonction de votre projet, elle modifiera ou non la note de la France.
La vérité, c'est que dans les déclarations de Moody's, il y a quarante-huit heures, il est écrit que la note de la France pourrait encore baisser si vous ne faites rien.
Alors, monsieur Ayrault, il est temps que vous preniez vos responsabilités. Agissez. Agissez ! Soyez courageux ! (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) Ne travaillez pas pour votre parti, mais pour votre pays. C'est tout ce que vous demandent les Français. C'est tout ce qu'on vous demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jérôme Chartier, franchement je ne sais pas ce qui est désespérant, mais votre question, elle, ne me paraît pas du tout à la hauteur du problème.
Je vous invite d'abord à regarder exactement ce qu'a dit hier l'agence Moody's et à ne pas oublier – car il y avait une incohérence dans votre argumentation – que vous avez été dégradés par Standard & Poor's et qu'il est absurde, dès lors, de prétendre que ce serait le programme de ce qui est aujourd'hui la majorité qui avait été jugé à l'époque. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mais enfin, c'est vrai que la dégradation d'hier – d'un seul cran, ce qui nous permet de rester à un niveau élevé – était contenue dans une décision du 13 février 2012 qui avait placé la France sous surveillance négative.
Au fond, la décision d'hier recouvre trois choses. C'est d'abord une reconnaissance pour le présent, reconnaissance de la force de l'économie française, reconnaissance du crédit de la France, reconnaissance aussi de l'action que nous menons de réduction des déficits budgétaires que vous nous avez laissés (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) et du pacte de compétitivité qui a été annoncé par le Premier ministre. Oui, c'est bien ce que nous faisons qui est salué.
Et puis il y a une sanction pour le passé,…
…car le réquisitoire est exactement le même que celui du rapport Gallois : vous avez laissé la compétitivité française se dégrader dans des conditions sans précédent et ce sont bien ces déficits-là, ces retards-là qui sont sanctionnés aujourd'hui.
Enfin, c'est un encouragement pour l'avenir. Je veux vous rassurer, monsieur le député Chartier : vous avez laissé pendant dix ans la compétitivité française s'abîmer, vous avez laissé l'endettement s'accumuler, vous avez laissé les déficits s'empiler. Eh bien, c'est ce que nous sommes en train de traiter, c'est ce que nous sommes en train d'attaquer à travers notre politique. Sérieux budgétaire, construction européenne et compétitivité : nous allons réussir là où vous avez échoué et c'est ce qu'il faut retenir de cet épisode. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Merci, monsieur le président. Madame la ministre de la justice, le 3 octobre dernier, dans cet hémicycle, j'interrogeais votre collègue ministre de l'intérieur sur le nombre de sous-préfectures que le Gouvernement comptait fermer et sur le nombre de tribunaux de grande instance qu'il comptait rouvrir.
Je l'avais fait, je le reconnais, avec ironie et sans véritable espoir de réponse... Pourtant, j'ai eu une réponse, une réponse qui n'est pas venue du Gouvernement, mais d'un maire concerné lui-même par la fermeture de son TGI.
Ce maire, c'est le maire de Tulle (« Oh ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.), qui a lui-même annoncé à la presse que son tribunal allait rouvrir, ce qui n'a d'ailleurs pas manqué de faire réagir l'Union syndicale des Magistrats. Maire de Tulle qui, pour l'anecdote et selon mes informations, est par ailleurs conseiller au cabinet du Président de la République... (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Je ne sais pas si vous nous confirmerez dans un instant cette information de réouverture, mais si tel est le cas, je m'en réjouis.
Oui, je m'en réjouis pour lui et je m'en réjouis pour les justiciables de son secteur, car j'ai toujours été partisan d'une justice de proximité et c'est la raison pour laquelle à l'époque, à titre personnel, j'avais combattu la réforme de la carte judiciaire.
Connaissant l'esprit républicain qui vous anime, madame la ministre, je n'imagine pas un seul instant que cette décision, si vous veniez à la confirmer, ne soit pas suivie par d'autres décisions du même type...
Alors, ma question est extrêmement simple : puis-je, moi aussi, annoncer la réouverture de mon TGI à Péronne dans la Somme, comme Hervé Morin à Bernay et mes collègues de tous les bancs concernés par les vingt fermetures de TGI ?
Ou bien la réouverture de celui de Tulle restera-t-elle, pour des raisons qui m'échappent, un cas isolé ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, il est intéressant qu'en cette semaine du congrès des maires nous soyons obligés de réviser ensemble le code général des collectivités territoriales. Dans l'état actuel de notre droit, il ne revient pas aux maires de décider de l'ouverture ou de la fermeture d'une juridiction. (Sourires.)
Par conséquent, la référence que vous indiquez ne peut convenir. Je vais vous rappeler simplement que le Conseil d'État lui-même a fait observer que Tulle était la seule préfecture qui avait perdu son tribunal de grande instance. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Néanmoins je peux vous affirmer que le Président de la République serait le dernier à tolérer qu'on fasse une exception pour la ville de Tulle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, protestations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Il n'a jamais été question, ni de la part du Président de la République, ni de la part du Premier ministre, ni de moi-même, de décider d'un régime d'exception pour la ville de Tulle. Ceci étant – il est bien d'indiquer que vous y étiez opposé – cette carte judiciaire a déséquilibré la répartition de nos juridictions, en supprimant 33 % des tribunaux d'instance dans notre pays, en supprimant 20 % des tribunaux de commerce.
Monsieur le député, nous allons réajuster sur le territoire, là où c'est nécessaire, en redéfinissant les contentieux,…
…de façon à assurer une justice accessible à tous, proche des citoyens, efficace et indépendante. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et SRC.)
La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je souhaite au préalable répondre au ministre de l'économie : l'agence Moody's a attendu six mois pour donner sa note parce qu'elle attendait justement les premières mesures du Gouvernement. Si elle l'a baissée, c'est bien une sanction de votre politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais j'en viens à ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre.
Les maires sont inquiets. Les collectivités locales, comme les entreprises, comme tous les Français, subissent une crise extrêmement grave. Une crise immobilière d'abord,…
…avec la chute de la construction, la diminution des transactions qui entraîne une diminution de 500 millions d'euros de recettes pour les collectivités locales. Une crise financière ensuite : vous annoncez une diminution de 1,5 milliard d'euros de dotations tandis que les charges sur les salaires augmentent de 300 millions d'euros. Dans le même temps, vous voulez engager une réforme des rythmes scolaires qui va entraîner un alourdissement des charges des collectivités locales de 2 milliards d'euros.
Le Président de la République a reculé hier en annonçant le report d'un an de cette réforme. Mais les collectivités locales, qui participent à 70 % des investissements dans nos départements et donc à l'emploi dans le bâtiment et les travaux publics, sont asphyxiées. Ce n'est pas un recul qu'il faut, monsieur le Premier ministre, c'est l'abolition de cette réforme pour laisser aux collectivités locales la possibilité d'investir et de garder les emplois dans nos départements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Je suis plutôt ravie, monsieur Laffineur, que vous mettiez le doigt sur le fait que les collectivités territoriales assurent plus de 70 % de l'investissement public et garantissent ce faisant la cohésion de nos territoires, en métropole et en outre-mer. Et puisque j'ai entendu parler tout à l'heure des programmes pour l'élection présidentielle, je vous rappellerai qu'il était prévu – et la ministre du budget d'alors, Mme Valérie Pécresse, me l'avait confirmé – de diminuer de 2 milliards d'euros par an les dotations aux collectivités territoriales !
C'est justement parce que ces collectivités investissent et que nous sommes déterminés à redresser les finances publiques, que le Premier ministre a décidé de maintenir en valeur les dotations aux collectivités territoriales au lieu de les rogner de 2 milliards d'euros comme vous l'aviez prévu. C'est un très gros effort.
Pour ce qui concerne les rythmes scolaires, le Président de la République n'a pas reculé. Il a proposé que pour la rentrée de 2013, les collectivités territoriales qui l'acceptent, veulent bien mettre en route un plan d'aide à la mise en place de la réforme. La prochaine loi de finances rectificative permettra de dégager 250 millions d'euros pour aider les collectivités locales en difficulté.
Mais, monsieur Laffineur, vous savez comme moi que ce dossier que Vincent Peillon est en train de défendre devant les maires de France est un dossier d'avenir de la France. Si, parce que les rythmes scolaires sont mieux étudiés, nos élèves apprennent mieux à l'école, si nous avons moins d'échecs à l'entrée en sixième, au collège puis à l'université, nous serons heureux d'avoir, ensemble, contribué à un meilleur avenir pour les enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, depuis les années 80, les collectivités locales ont connu un mouvement d'émancipation fort et constant qui leur a donné un rôle majeur dans l'action publique.
Elles réalisent aujourd'hui, on vient de le rappeler, 75 % de l'investissement public en France. Elles contribuent au développement des territoires ruraux en fournissant de l'activité aux artisans et aux PME du bâtiment notamment. Elles sont un puissant levier de croissance et ne méritent pas les accusations d'irresponsabilité financière qui leur ont été trop souvent prêtées par l'ancien gouvernement.
Depuis trop longtemps, chaque réforme de la décentralisation s'est traduite par des transferts de compétences de l'État vers les collectivités locales…
…mais aucune réforme de la décentralisation n'a donné lieu à ce jour à une véritable réforme des finances locales. Plus grave encore, notre organisation administrative est illisible pour la majorité de nos concitoyens. Une forte rationalisation s'impose donc aujourd'hui afin de mettre fin au processus de sédimentation et de réformettes auquel on a assisté depuis dix ans.
Ma question porte sur trois points. Quels seront les grands axes de votre projet de loi sur l'avenir de la décentralisation ? Allons-nous vers une plus grande clarification et simplification des compétences ? Allons-nous vers une grande réforme des finances locales accordant davantage d'autonomie aux collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur Valax, vous avez raison : les collectivités territoriales, en particulier les communes – les maires de France sont actuellement réunis en congrès –, se sont souvent senties montrées du doigt. On a parlé de laxisme, d'irresponsabilité, de dettes ; or les collectivités locales en France ne peuvent pas avoir de dettes puisque cela leur est interdit.
Le Président de la République a prononcé hier des mots importants, en présence du Premier ministre et devant les maires de France : il a parlé de clarté, de cohérence, de démocratie. Le projet de loi sur la décentralisation sera simple : il faudra d'abord que la notion de « chef de filat » corresponde enfin à quelque chose de précis et que chaque échelon – région, département, intercommunalité – sache qui fait quoi et puisse le dire à ses administrés. C'est le but de la conférence territoriale des compétences.
Ensuite, vous avez raison de le rappeler, il faudra maintenir un dialogue constant entre l'État et les collectivités territoriales : d'où la création du Haut conseil souhaité par le Président de la République et le Premier ministre.
Enfin, il est important de souligner qu'une fois cette clarté faite, nous ne voulons plus avoir une réforme une année, puis une deuxième trois ans plus tard, puis encore une autre cinq ans après.
C'est pourquoi nous allons instituer une contractualisation forte entre des élus responsables et l'État, qui nous permettra d'accompagner l'évolution du monde sans faire à chaque fois une révolution institutionnelle. C'est pourquoi vous serez saisi, à la fin de 2014, au moment de l'examen du projet de loi de finances, une réforme des collectivités locales. J'entends bien ce qu'affirmait un député de l'ancienne majorité : il est vrai que les départements souffrent de la situation du secteur immobilier et qu'il ne faut pas négliger la question de leurs ressources. La réforme prévoira plus d'autonomie fiscale pour les régions et les départements en particulier.
J'espère que, plus jamais, dans cette enceinte, on ne montrera du doigt des communes accusées d'être laxistes ou dépensières. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, mon collègue Marc Laffineur vient de vous interroger, entre autres choses, sur les rythmes scolaires, et je souhaite revenir plus précisément sur les conséquences de vos décisions en la matière pour les communes qui ont en charge les écoles maternelles et primaires, ainsi que l'ensemble des activités périscolaires.
Si certains spécialistes – et je rejoindrai volontiers leur point de vue – s'accordent à dire que la semaine de quatre jours perturbe les rythmes scolaires des enfants et qu'une répartition sur quatre jours et demi va davantage dans leur intérêt, pour autant, la réforme proposée me paraît mal préparée et mal financée.
Elle crée actuellement une véritable inquiétude chez les parents d'élèves et chez les enseignants, dans l'enseignement public, comme dans l'enseignement privé.
Cette réforme suscite également des craintes chez les élus locaux, qui devront rémunérer les personnels dans les écoles, assurer un repas supplémentaire à la cantine le mercredi midi, et financer le coût supplémentaire des activités périscolaires et des transports. Le coût de cette réforme a été évalué à 2 milliards d'euros : on est bien loin du fonds de 250 millions d'euros annoncé hier par le Président de la République, à l'occasion du congrès des maires de France.
J'ajoute que le Président de la République a également renoncé à mettre cette réforme en application dès la rentrée 2013, comme vous l'envisagiez, monsieur le ministre, puisqu'il a annoncé un étalement sur deux ans. Nous sommes bien loin de vos annonces du mois de juin dernier !
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de mettre en place votre projet en deux années, tout en conservant un traitement égalitaire entre toutes les communes de notre pays ? Quelles mesures financières entendez-vous prendre pour les collectivités locales qui auront à assumer les coûts supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement, notamment Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, sur la réforme des rythmes éducatifs. Je vous signale que Vincent Peillon est actuellement devant le congrès des maires, où il s'exprime effectivement sur ce sujet.
Il faut revenir aux principes : pourquoi faut-il faire cette réforme ? Tous les spécialistes de l'éducation considèrent unanimement qu'il est dans l'intérêt des enfants de ne pas concentrer les apprentissages sur quatre jours. Il faut ajouter une demi-journée, de manière à ce que les journées des enfants soient mieux équilibrées et qu'ils soient plus en mesure de recevoir les instructions qu'on leur donne.
Cette réforme aura effectivement des conséquences, à commencer par les difficultés pratiques, sur lesquelles vous nous avez interrogés. Il n'en reste pas moins que nous sommes tous convaincus que c'est l'intérêt des enfants : par conséquent, il faut que nous allions de l'avant.
Le Président de la République a bien souligné hier, devant le congrès des maires, que nous étions conscients des difficultés. Il a, par conséquent, annoncé deux aménagements possibles : d'une part, la réforme s'appliquera à la rentrée 2013, mais les maires qui ne seront pas en mesure de faire le nécessaire à cette rentrée, pourront reporter la réforme à l'année suivante.
Ce faisant, je crois qu'il a déjà répondu à beaucoup d'inquiétudes des maires.
Par ailleurs, il a annoncé la création d'un fonds de 250 millions d'euros, destiné à venir en aide aux communes qui rencontreront des difficultés financières dans l'application de la réforme. Je pense tout particulièrement, évidemment, aux petites communes et, parmi elles, aux petites communes rurales.
Cette réforme est utile pour les enfants et nous devons la faire. Aujourd'hui, la République et le Gouvernement font des efforts pour avancer : il faut que, tous ensemble, nous fassions ce qu'il faut, dans l'intérêt de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Rémi Pauvros, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, c'est du banc de Léo Lagrange, député de Fourmies, dont le nom résonne dans la mémoire du monde ouvrier, et au nom de nos populations qui espèrent un avenir meilleur, que j'attire aujourd'hui votre attention sur la situation des territoires industriels.
Votre gouvernement a décidé, par le pacte de compétitivité, de créer les conditions d'un renouveau de nos activités industrielles : cet enjeu est fondamental pour notre économie et pour l'emploi. Ces industries, ces salariés et ces chefs d'entreprises ont fait la richesse de leurs territoires et de toute la France. Mais, à travers les crises successives, les activités industrielles ont également apporté le chômage et le désespoir à une grande partie de notre population. Pour autant, c'est là que se trouvent les germes de la relance et de la création de la compétitivité nationale et internationale.
Ces régions produisent encore aujourd'hui 80 % de la valeur ajoutée industrielle totale du pays. La formation des populations, la recherche, les nouvelles technologies, sont autant d'outils indispensables pour gagner le pari qui est le nôtre. Ces agglomérations, ces départements, ces régions n'ont pas trouvé, ces dernières années, de réponses à leurs attentes légitimes. L'enjeu est à la fois d'y reconstruire un tissu économique et social et d'en faire disparaître les atteintes paysagères et environnementales qui sont liées à ces activités.
La mauvaise réforme de la taxe professionnelle a accentué les difficultés : cette taxe, contestée par tous, avait pourtant un effet dynamique. Vous le savez, monsieur le Premier ministre : les collectivités et les intercommunalités qui avaient le plus investi sont aujourd'hui les plus dépendantes des dotations de compensation, et le mode de calcul de la CVAE n'a fait qu'aggraver la situation.
Au nom de la justice et de la lutte contre l'inégalité entre les territoires, il y a urgence à reconnaître la spécificité de nos régions industrielles. Que comptez-vous faire, monsieur le Premier ministre ? Quel signe comptez-vous envoyer à ces territoires, pour engager avec force la troisième révolution industrielle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Monsieur le député Rémi Pauvros, vous évoquez les dégâts liés à la désindustrialisation que la France a subis dans la multiplicité de ses territoires, et c'est une réalité pour l'ensemble des parlementaires, sur l'ensemble de ces bancs.
Le Gouvernement, après le dépôt du rapport Gallois, a pris un certain nombre de mesures, sous l'autorité du Premier ministre, consistant à mobiliser, en trois ans, vingt milliards d'euros autour des entreprises. Destinée à l'appareil productif, cette somme doit contribuer, sous la forme de crédits d'impôt, à diminuer les coûts de production, pour permettre à la France de faire face à la mondialisation et à la compétition mondiale, dans une économie de plus en plus déloyale.
Cet effort, c'est l'effort de tous. C'est l'effort des entreprises ; c'est l'effort des citoyens ; c'est l'effort de chacun des consommateurs, qui, à travers leur pouvoir économique, peuvent privilégier le made in France ; c'est l'effort des collectivités locales, qui vont devoir, elles aussi, travailler à la remise en marche de l'appareil productif. C'est un effort d'union nationale. Tous les pays qui ont réussi à sortir leur épingle du jeu dans la crise sont des pays qui ont réussi à s'unir autour de leur appareil industriel.
Vous avez évoqué les multiples réformes de la taxe professionnelle : Louis Gallois, dans son rapport, a également souligné la multiplicité de ces réformes – plus d'une vingtaine en l'espace de trente ou quarante ans. Il évoquait en particulier la dernière en date et suggérait au Gouvernement une stabilité totale des prélèvements à destination des collectivités locales et pesant sur les entreprises des territoires.
S'il est permis de dire qu'il s'agit bien d'une loi votée sous la législature précédente, si dire la vérité n'est pas un crime, le Gouvernement a en effet mesuré les augmentations qui ont eu lieu, parfois à hauteur de plus de 600 % pour un certain nombre d'entreprises…
C'est ce que nous allons corriger, avec l'aide de Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, si ma question s'adresse à vous, c'est parce que le sujet que je souhaite évoquer aujourd'hui concerne un nombre important de membres de votre Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je pense, chers collègues, que vous seriez bien avisés de me laisser continuer puisque le sujet que je souhaite évoquer concerne, à quelques jours du 25 novembre, date de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la manière dont la politique de notre pays est conduite – et, je l'espère, continuera à l'être – contre ce fléau que constituent les violences de genre, les violences au sein du couple, sur notre territoire national.
Le Parlement a, vous le savez, accompli une oeuvre législative considérable depuis 2005 grâce à deux lois : celle de 2005, et celle du 9 juillet 2010, adoptée à l'unanimité par le Parlement à l'initiative conjointe de tous les groupes de cette Assemblée.
Un peu plus de deux ans après l'entrée en vigueur de leurs principales dispositions, et notamment de l'ordonnance de protection, il est probablement utile de faire le point. Aussi–aimerions-nous savoir quelles sont les politiques publiques conduites dans le meilleur des partenariats par l'État, dans le cadre de ses responsabilités, et comment nous serons en mesure de mieux faire appliquer la loi, et plus particulièrement deux de ses dispositions essentielles : celle créant l'ordonnance de protection, attendue par beaucoup mais qui peine à porter ses fruits de manière équitable sur l'ensemble du territoire ; et celle qui touche aux violences psychologiques, que les magistrats de notre pays peinent à prendre à bras-le-corps pour l'appliquer.
Mon propos, monsieur le Premier ministre, est simple : nous avons fait une oeuvre législative consensuelle parce que nécessaire, ce travail mérite de porter ses fruits, quel est aujourd'hui l'état de la question ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Guy Geoffroy, je vous sais gré de votre question. Je sais l'engagement qui est le vôtre ainsi que le rôle que vous avez joué dans l'adoption de la loi du 9 juillet 2010, et je vous en remercie.
Cette loi a introduit dans notre droit des dispositions extrêmement importantes et intéressantes pour la protection des femmes victimes de violences conjugales. Nous savons combien elles sont insuffisamment appliquées aujourd'hui. Nous connaissons le nombre de victimes de violences conjugales : plus de 500 000 sur les deux dernières années, nous dit-on. Nous connaissons la spécificité de ce type de violences et les difficultés qu'éprouvent les victimes pour mettre un terme au cycle infernal des violences.
À quelques jours de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre prochain, les projecteurs vont se braquer sur ces victimes, avec empathie et compassion. Mais nous, puissance publique, sur tous les bancs de cette Assemblée, nous nous devons d'avoir plus que de l'empathie et de la compassion : nous avons bel et bien une politique publique sur ce sujet.
Cette politique publique consiste d'abord à mettre en lumière cette réalité et à sortir du huis clos conjugal ces phénomènes, ces violences qui ne sont pas de l'ordre du privé : ce sont des violences massives. L'Observatoire national des violences et les campagnes d'information régulière que nous comptons mener serviront à cela.
Il faut ensuite former les professionnels : si l'ordonnance de protection n'est pas suffisamment appliquée, c'est parce que les professionnels ne se sont pas emparés du sujet. Il faut faire en sorte que les femmes victimes de violences soient mieux accueillies, notamment dans les commissariats et les gendarmeries, mais aussi développer les unités médico-judiciaires sur le territoire car nous savons que ce sont des réponses extrêmement importantes. Il faut enfin mieux suivre les auteurs de violences, je le disais ici même hier : c'est essentiel pour éviter la récidive.
Monsieur le député, soyez certain d'une chose : mon engagement est total, ainsi que la détermination du Gouvernement tout entier, afin qu'en matière de violences, intimité ne rime plus avec impunité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse au ministre des outre-mer.
Je souhaite me faire l'écho de la préoccupation des 10 545 agents de l'État en Polynésie relativement à leur retraite.
Le sujet est bien connu : c'est celui de l'indemnité temporaire de retraite. Ce dispositif a évolué sous la précédente législature. C'était alors une nécessité qui, si elle était difficile à accepter, n'en était pas moins tolérable. Elle était difficile parce que les fondamentaux restaient inchangés : l'éloignement, la vie chère et le coût élevé du logement. Elle était néanmoins acceptable parce que la crise qui frappe n'avait pas produit ses pleins et catastrophiques effets.
Aujourd'hui, des difficultés exceptionnellement lourdes pèsent sur tous les ménages de Polynésie. Le pouvoir d'achat en données constantes dégringole, et notamment pour les agents publics. Plus encore qu'en métropole, nos retraités sont emportés dans le siphon de la précarité. Et la solidarité intergénérationnelle, qui a un sens fort en Polynésie, n'est pas sans effet sur les conditions de vie des plus jeunes dont le taux de chômage est le double de celui de métropole.
Représentant par ailleurs plus de 17 % des emplois salariés, ces agents de l'État sont aussi des contributeurs directs au dynamisme économique local.
Pour cette série de raisons, il nous semble aujourd'hui nécessaire, dans un réflexe naturel de solidarité nationale, d'amender les dispositions relatives à l'ITR.
C'était d'ailleurs l'avis de M. Jean-Jack Queyranne, qui déclarait, en déplacement en Polynésie en avril dernier : « le dossier de l'ITR et le régime de retraite complémentaire a soulevé la nécessite de rouvrir le dialogue sur le sujet ».
Nous attendons donc de vous que vous rouvriez le dialogue dans l'intention d'apporter des solutions concrètes, immédiates et adaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, Victorin Lurel aurait souhaité vous répondre, mais il est parti en Nouvelle Calédonie rencontrer le comité des signataires des accords de Nouméa. Nous espérons, avec le Premier ministre, que ces discussions seront fructueuses, car l'heure des grandes décisions se rapproche.
Concernant ce régime, que vous dites encore nécessaire en Polynésie, je voudrais vous rappeler un calendrier du passé, même si j'ai entendu dire qu'il n'était pas souhaitable de faire référence au passé.
C'est en 2008, lors de la loi de finances, que le ministre chargé des outre-mer de l'époque, M. Yves Jégo, avait proposé l'extinction de ce régime entre 2009 et 2028. L'affaire apparaissant compliquée, M. Jégo a réuni un groupe de travail. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comme quoi, c'est parfois nécessaire !
Malheureusement, ce groupe de travail n'a pas abouti puisqu'au milieu de l'année 2009, le collectif des syndicats qui avait accepté de travailler à cette transition, compte tenu des réponses qui lui ont été apportées, a claqué la porte. Les négociations n'ont pas été reprises entre 2009 et 2012.
M. Victorin Lurel et moi-même, chargée de la fonction publique, reprenons ce dossier après trois ans de silence total de l'ancienne majorité, parce que nous n'avons pas le droit de ne pas prendre en compte la vie chère et le pouvoir d'achat dans ces zones très touchées par la crise.
Je vous remercie, monsieur le député, de m'avoir permis de dire que ce Gouvernement a choisi la concertation et la négociation avec les syndicats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La semaine dernière, un nouveau camouflet a été porté à votre Gouvernement, avec le rejet par le Sénat du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rien d'étonnant : ce PLFSS n'apporte aucune vision globale de la politique de santé publique de notre pays. Il n'assure pas un financement pérenne de notre protection sociale et il n'améliore guère l'accès aux soins.
Le monde médical est inquiet : les manifestations le prouvent.
Votre méthode est toujours la même. Au lieu de procéder à des baisses de dépenses et à des réformes de structure, vous préférez la voie moins courageuse qui consiste à alourdir la fiscalité. Or ce PLFSS constitue un florilège de nouvelles taxes, dans des domaines très variés, qui frappent l'ensemble des citoyens dont des catégories entières comme les retraités.
Ces prélèvements touchent aussi notre économie. C'est ainsi que vous allez taxer les travailleurs indépendants, les artisans, les commerçants, les auto-entrepreneurs, l'industrie du médicament, et que vous allez freiner l'essor des services à domicile. Or ceux-ci sont essentiels pour toutes les familles et les personnes âgées, dont le nombre augmente, notamment dans les territoires ruraux.
…est-ce ainsi que vous allez préserver l'emploi ?
Je viens donc vous demander, monsieur le Premier ministre, de prendre les mesures dont notre pays a besoin pour opérer enfin le redressement que vous évoquez si souvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale s'inscrit dans la trajectoire de retour à l'équilibre de nos finances publiques. Ce choix stratégique est voulu par le Président de la République : il s'agit d'une nécessité, car vous savez comme moi qu'il n'est plus possible pour notre pays de payer des politiques à crédit et de recourir à l'endettement pour financer toute décision nouvelle. C'était la politique de la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez ; ce n'est pas la politique de l'actuelle majorité. Ce ne sont pas ces choix-là que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault propose à la nouvelle majorité parlementaire.
Certes, des efforts sont demandés à nos concitoyens, mais ces efforts nous semblent beaucoup plus justes que ceux qui ont été demandés par le passé. Si vous évoquez par exemple la taxe sur la bière ou l'augmentation du prix du tabac, qui sont des mesures contenues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous semblez oublier que sous la précédente législature, vous avez approuvé l'instauration des franchises médicales – un milliard d'euros à la charge de nos concitoyens.
Vous avez oublié les deux augmentations de taxes sur les mutuelles – 2,2 milliards d'euros à la charge de nos concitoyens. Vous avez oublié l'augmentation de la CSG, que les salariés paient aujourd'hui parce que vous l'avez votée l'année dernière – 600 millions d'euros à la charge des seuls salariés.
Vous avez oublié toutes les taxes qui ont frappé l'ensemble de nos concitoyens, sans aucun souci de justice ou d'équité de votre part.
Je n'aurai garde d'oublier, dans ce florilège – je reprends votre expression –, l'augmentation du forfait hospitalier que vous avez votée.
Plusieurs députés du groupe UMP. Regardez M. Chevrollier ! Il est là !
Je n'aurai garde d'oublier les baisses de remboursement des médicaments. Bref, nous ne procédons à aucune de ces dispositions qui reviennent à aggraver les inégalités. Nous procédons à des ajustements de nos finances publiques, parce que tel est l'intérêt supérieur du pays, avec un souci constant de la justice.
Monsieur le député, permettez-moi de vous le dire les yeux dans les yeux (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) :…
…si vous avez remarqué que la politique a changé, vous avez raison, car elle n'a rien à voir avec celle que vous avez soutenue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Yves Daniel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. J'y associe l'ensemble des députés SRC du Grand Ouest.
Monsieur le ministre, la manifestation qui s'est déroulée samedi dernier dans ma circonscription a mobilisé près de 13 500 personnes opposées au projet de transfert de l'aéroport de Nantes sur le site de Notre-Dame-des-Landes. Ce mouvement se caractérise par la très grande hétérogénéité des motivations des manifestants. Parmi ceux-ci, certains se laissent aller à une radicalité violente,…
…n'hésitant pas à rouer de coups un agent de sécurité et à brûler sa voiture, ce qui illustre bien l'idée qu'ils se font du débat démocratique ! Ces activistes souhaitent importer sur notre territoire un combat politique contre le système. D'autres, avec lesquels nous avons toujours dialogué, souhaitent remettre en cause tout modèle de développement au nom de la décroissance.
Pour ma part, je souhaite vous interroger sur le processus adopté pour mener à bien ce projet et sur trois revendications en phase avec la réalité de ma circonscription : les compensations environnementales nécessaires au projet, la préservation des terres agricoles – question qui me tient particulièrement à coeur –, enfin les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des habitants, retrouver un climat serein au quotidien à Notre-Dame-des-Landes et permettre une activité économique et agricole normale pendant la construction de cet aéroport.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale les intentions du Gouvernement concernant ces trois points ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler l'enjeu de la relocalisation de l'aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes. Il s'agit d'un enjeu de dynamisme et de croissance pour ce territoire, puisque les régions réclament la mise en place d'infrastructures importantes depuis les années 1970, soit depuis plus de trente ans. Ce projet est aujourd'hui soutenu par deux régions, par plus de cinquante communes et par sept départements. Encore récemment, trente-six parlementaires ont souhaité rappeler l'importance de ce projet pour l'ensemble de la région. Ce projet est important parce qu'il s'agit d'une relocalisation, et que l'aéroport de Nantes-Atlantique est le deuxième aéroport régional qui connaît la plus grande progression de trafic. Pour éviter la saturation, il est nécessaire de prévoir une relocalisation permettant dans le même temps de régler le problème des nuisances, notamment aériennes, pour plus de 42 000 personnes dans l'ensemble de la métropole nantaise.
Depuis 2002, ce projet a fait l'objet de plusieurs concertations, que ce soit dans le cadre du grand débat public ou de la déclaration d'utilité publique.
Comme vous l'indiquez, des négociations ont été menées par l'État, maître d'ouvrage, avec la chambre d'agriculture pour permettre aux trois quarts des quarante exploitants de bénéficier d'une reconstitution foncière. Par ailleurs, les deux enquêtes ouvertes au titre de la loi sur l'eau se sont conclues par un avis favorable,…
…sous réserve de mesures d'accompagnement et de compensation qui seront contrôlées par un collège indépendant. Voilà les garanties que l'on peut donner.
Certaines personnes se saisissent de ce sujet pour organiser des manifestations violentes, ce que l'on ne peut tolérer. Il est important d'entendre ce que souhaite le territoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous recevrons dans quelques instants le Président de la République italienne, M. Giorgio Napolitano.
Projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente-cinq.)
Monsieur le Président de la République italienne, mesdames et messieurs les ministres, messieurs les ambassadeurs, mes chers collègues, mesdames et messieurs, bienvenue dans la Maison du peuple français, cher Président de la République italienne. C'est, pour tous les députés français, un immense honneur et une grande fierté de vous accueillir.
Vous, le dirigeant dont le parcours inspire tant de respect, pour son caractère assez exceptionnel.
Vous, l'antifasciste ardent.
Vous avez été ce jeune homme qui, dès 1942, a fondé un petit groupe de jeunesse antifasciste, et qui a combattu contre l'armée nazie. Votre lutte contre le fascisme et votre engagement pour la démocratie et la tolérance sont le combat de toute votre vie.
Vous, le révolté... « moral ».
Nous avons en mémoire le rôle déterminant que vous avez joué au sein du Parti communiste italien, porté, expliquiez-vous, par « une révolte morale bien plus que par une quelconque motivation idéologique ». Rôle déterminant dans la transition du PCI, qui a abouti à la création du Parti démocrate de la gauche.
Vous, l'Européen... bagarreur.
Tout au long de votre parcours, vous n'avez eu de cesse de plaider pour une Europe politique, pour une Europe plus forte, à même de porter un message au monde.
Ici, au sein de cet hémicycle, nous sommes tous attentifs à votre plaidoyer en faveur du rôle du parlement, de cette démocratie parlementaire, que vous défendez depuis de nombreuses années, et qui doit reposer, disiez-vous, ici même, à l'Assemblée nationale en 2001, sur « deux piliers : le Parlement européen d'une part, les parlements nationaux d'autre part ».
Vous, l'homme d'État.
Monsieur le Président de la République, l'ensemble des Italiens, et bien au-delà, l'ensemble des Européens, vous reconnaissent la qualité d'un homme de dialogue et d'expérience, et nous pouvons l'affirmer, la stature d'un grand homme d'État.
Vous vous revendiquez, vous-même, comme « un défenseur de la dialectique démocratique », ayant participé à tous les grands combats pour la démocratie italienne depuis 1945.
Votre modération, votre droiture, vos valeurs, l'estime de l'ensemble de la classe politique, vous ont permis de jouer le rôle déterminant que nous connaissons.
Rôle qui vous a valu les distinctions les plus prestigieuses, plusieurs prix internationaux et qui fait de vous un professeur honoraire de nombreuses universités, y compris l'université de la Sorbonne à Paris.
Rôle de rassembleur, quand en 1992, alors président de la Chambre des députés, vous avez su unir les Italiens dans cette période troublée de l'opération « mains propres », et de l'effondrement d'un système politique dominé par la Démocratie chrétienne.
Depuis le 10 mai 2006, élu Président de la République italienne, vous n'avez jamais hésité à vous impliquer personnellement chaque fois que l'Italie a eu besoin de vous pour redresser la situation.
Monsieur le Président de la République, vous le savez, l'Italie est pour nous, Français, un pays ami.
L'Italie est pour la France un pays frère, partageant la même culture, affrontant les mêmes défis, nourrissant les mêmes espoirs pour nos peuples et pour l'avenir de l'Europe.
Nos deux pays se retrouvent aujourd'hui côte à côte, du fait de ces liens si forts qui nous unissent, du fait de cette intimité, pourrais-je dire.
Nous sommes côte à côte face à la crise, cette terrible crise et son cortège de souffrances sociales, de replis identitaires, de perte de foi en l'avenir.
Et nous savons comme il est vital, en ces temps difficiles, de veiller à la cohésion de nos sociétés ; de n'exciter aucune peur ; de n'échauffer aucune rancoeur ; de préserver notre socle républicain, celui-là même qui nous permet de vivre ensemble.
Vital aussi de tenir les grands équilibres vertueux que la crise impose à chacun de nos pays : Protéger, oui…, mais pour mieux changer. Gérer, oui... mais pour mieux transformer. Sécuriser, oui... mais pour mieux espérer.
La France, comme l'Italie, refuse de faire de la souffrance sociale son destin national. Pour cela, sachons être sérieux sur le plan budgétaire pour redevenir ambitieux sur le plan social.
Nous sommes côte à côte en Europe.
Ne nous cachons pas les difficultés, les contradictions, les défis liés à la crise. Mais ne sous-estimons pas non plus la force que représente l'Europe, quand elle offre l'image d'un ensemble uni qui porte un message au monde.
En 1984 déjà, François Mitterrand disait devant le Parlement européen : « Chacun d'entre nos peuples, aussi riche que soit son passé, aussi ferme que soit sa volonté de vivre, ne peut seul peser du poids qu'il convient sur le présent et l'avenir des hommes sur la terre. Ensemble nous le pouvons. »
Ensemble donc, retrouvons la fierté de porter ce projet, non pas dans une vision béate, encore moins dans un « entre soi » auto satisfait mais plutôt dans une démarche active, dans un compromis combatif.
L'Europe, cette grande mal-aimée, pour renouer avec l'amour des peuples, doit devenir elle-même plus aimante.
Jamais les pères fondateurs n'auraient toléré de voir en l'Europe le simple expert-comptable de l'espace de paix qu'elle a rendu possible hier. Veillons ensemble à ce qu'elle ne devienne jamais cela.
Si un jour nous consentons à réduire le projet européen à la simple quête esthétique de l'alignement d'une colonne de dépenses sur une colonne de recettes, ce jour-là, il n'y a plus de projet européen, ce jour-là, il n'y a plus d'Europe.
L'Europe, c'est une conquête du quotidien et le grand défi du XXIe siècle, c'est de la rendre plus protectrice, plus juste, plus forte, plus solidaire, plus éclairée, plus à l'écoute des peuples qu'elle ne l'est aujourd'hui, plus sociale.
C'est d'en initier la réorientation, la refondation.
C'est d'en faire un véritable fer de lance de la préparation de l'avenir, en y semant les mots éducation, culture, recherche, innovation, développement durable, démocratie.
La France est engagée sur cette voie. Et je sais que l'Italie y est attentive.
Monsieur le Président de la République italienne, vous l'avez compris, c'est avec admiration, respect et une amitié profonde que nous allons vous écouter.
Nous vous remercions d'avoir choisi de vous exprimer en français. Monsieur le Président de la République italienne, vous avez la parole. (Mmes et MM. les députés, les membres du Gouvernement et les membres de la délégation italienne se lèvent et applaudissent.)
Monsieur le président, vos paroles empreintes de foi européenne, si généreuses et amicales à l'égard de mon pays et à mon égard, m'ont profondément touché et je vous en remercie de tout coeur.
J'ai accueilli, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'invitation de cette assemblée, éminemment représentative de la tradition historique de la France et de son rôle dans le monde, comme un honneur rendu à mon pays et à la fonction de Président de la République que j'y exerce depuis bientôt sept années. Un honneur peut-être aussi motivé par mon long engagement – une grande partie de ma vie – au service des institutions parlementaires. En même temps, je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est offerte, dans le cadre de la visite d'État que j'accomplis aujourd'hui à l'invitation du Président François Hollande, d'adresser un message essentiel sur les relations entre l'Italie et la France ainsi que sur notre mission commune pour l'avenir de l'Europe.
Sans vouloir entrer dans les détails fascinants et complexes du premier thème, je voudrais simplement vous dire combien ces rapports ont fait récemment l'objet d'un intérêt renouvelé et d'une ultérieure mise au point en relation avec le processus d'avancement de l'unité de l'Italie jusqu'au moment culminant que fut la naissance, le 17 mars 1861, de notre état national. Les célébrations que nous avons consacrées en Italie au cent cinquantième anniversaire de cet événement ont pu se déployer durant plus de deux ans, au plus profond de notre pays, mais non sans écho à l'extérieur, et en particulier en France. L'unification de l'État s'est accomplie tardivement et laborieusement en Italie, malgré l'ancienneté de l'idée et la profondeur des racines culturelles et linguistiques de la nation italienne. Cet achèvement fut le résultat des apports généreux d'avant-gardes héroïques, de mobilisations et de combats, d'adhésions populaires, mais il fut aussi l'oeuvre de savants tisserands politiques. Cette oeuvre eut son centre et son guide à Turin, au centre de l'action diplomatique et militaire du royaume de Sardaigne et de son gouvernement. Le comte de Cavour en fut l'artisan, qui sut choisir comme axe de sa politique européenne l'alliance avec la France de Napoléon III.
Nous savons bien que la recherche de cette entente avec l'empereur français ne fut pas linéaire, qu'elle connut des difficultés et des moments de crise. Mais, avec la deuxième guerre d'indépendance, les batailles de Solférino et San Martino cimentèrent dans le sang une alliance que, cent ans plus tard, en 1959, le Président de la République française élu l'année précédente, le général de Gaulle, voulut à son tour commémorer. En visite en Italie pour les célébrations de notre premier centenaire, il évoqua le souvenir de cette alliance où se retrouvèrent côte à côte, je cite, « les champions d'un principe grand comme la terre, celui du droit d'un peuple à disposer de lui-même lorsqu'il en a la volonté et la capacité ».
Un demi-siècle après ces batailles, lors d'un moment décisif pour le sort de la Première Guerre mondiale, en juillet 1918, ce fut à l'Italie de défendre le sol français contre une très violente offensive des troupes allemandes, en laissant sur le sol cinq mille morts, dont le cimetière italien de Bligny garde encore aujourd'hui la mémoire.
Mais, en pensant au second terrible conflit qui éclata au coeur de l'Europe, provoqué par le dessein hitlérien de destruction et de domination, je ne peux naturellement omettre le rappel douloureux de l'événement qui entacha l'histoire des relations entre nos deux pays : la décision de Mussolini de juin 1940, « l'agression, digne de brigands, d'une France défaite », selon les mots indignés du grand intellectuel antifasciste Benedetto Croce, qui les fit suivre de ces mots d'amour pour une « France qui forme tellement une partie de notre vie non seulement civile, mais aussi personnelle ».
Grâce à la Résistance, à la guerre de Libération conduite aux côtés des Alliés, l'honneur de l'Italie fut lavé de la honte de la guerre fasciste s'achevant dans l'écroulement de la dictature et la défaite militaire.
Avec la République et la Constitution, l'Italie ne refonda pas seulement sa liberté et son indépendance en se donnant des institutions et des règles démocratiques, elle fit aussi le choix d'une nouvelle orientation dans la perspective de l'unité européenne. En mars 1947, l'Assemblée constituante inséra dans notre Charte fondamentale, à l'article 11, la prévision que l'Italie consente, je cite, « dans des conditions de réciprocité avec les autres États, aux limitations de souveraineté nécessaires à un ordre qui assure la paix et la justice entre les nations ».
Telle fut aussi l'approche fondamentale qui caractérisa le grand dessein d'une fédération européenne tracé par Robert Schuman dans la déclaration du 9 mai 1950, et dans son sillage l'invention communautaire de Jean Monnet, traduite en avril 1951 dans le traité instituant la Communauté du charbon et de l'acier, première étape de la construction européenne. Le principe de la délégation de souveraineté marquait une différence par rapport à une simple et traditionnelle coopération au sein d'organismes internationaux. Il s'agissait, selon les mots de Monnet, de susciter entre les Européens « le plus vaste intérêt commun géré par des institutions démocratiques communes, auxquelles est déléguée la souveraineté nécessaire ».
Eh bien, de fait, c'est encore autour du même axe que l'on se confronte aujourd'hui sur les choix à accomplir pour renforcer l'unité et le rôle de l'Europe. Devons-nous aller de l'avant sur la voie de l'intégration dans l'esprit communautaire des origines ou remettre en question les objectifs déjà atteints – avant tout, celui de l'euro et de l'unification monétaire – et nous replier sur une défense anachronique d'intérêts et de prérogatives nationaux, voire sur des positions de repli dictées par l'égoïsme ou par les illusions d'autosuffisance de certains États membres ? La réponse ne peut faire aucun doute.
Nous savons tous que le choix de l'intégration s'imposa, dans les années cinquante du siècle passé, aux dirigeants les plus clairvoyants des pays d'Europe occidentale comme une nécessité politique pour rompre avec le passé et les antagonismes nationaux destructeurs de la première moitié du vingtième siècle, pour réconcilier, dans la liberté et dans la paix, la France et l'Allemagne avant tout. Mais aujourd'hui, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il est devenu impératif d'avancer avec détermination vers une plus étroite intégration économique et politique. Et l'on ne peut s'y soustraire si l'on veut réaffirmer, en termes nouveaux, le rôle et l'avenir de notre continent dans un monde profondément modifié par le processus de globalisation et par le déplacement, loin de l'Europe, du centre de gravité du développement mondial et des relations internationales. Aucun des États de l'Union, aussi grand, riche et fort soit-il, ne peut, seul, conjurer le risque du déclin et de l'insignifiance.
Ce qui doit nous unir est le nouveau sens de notre mission commune : faire vivre, en tant qu'Européens, face à une mondialisation sans règles qui pourrait nous submerger, notre identité, notre exemple d'intégration et d'unité, notre modèle de développement, en un mot, la particularité indéfectible de notre apport au développement de la civilisation mondiale. Rassembler les forces d'une Europe enfin réunifiée dans la démocratie devient essentiel si nous voulons compter parmi ceux qui orientent la dynamique et fixent les règles de la mondialisation.
Engageons-nous, ensemble, appliquons-nous à plus de clarté, contre les anciens comme les nouveaux malentendus et lieux communs. Nous pouvons le faire en nous inspirant des mots de Lucien Febvre qui, au Collège de France, dans son cours des années 1944-1945, sur le thème de la « genèse d'une civilisation », la civilisation européenne, posa une question essentielle, encore aujourd'hui actuelle, en ces termes : « L'unité européenne n'est pas l'uniformité : dans l'histoire de l'Europe, le chapitre des dissemblances reste aussi important que celui des ressemblances. » Nous pouvons aussi le dire en évoquant les paroles du dernier discours d'un grand européiste, François Mitterrand, au Parlement de Strasbourg : « Elles sont riches et diverses, les expressions de notre génie protéiforme », disait-il. « L'Europe des cultures, c'est l'Europe des nations contre celle des nationalismes. »
Un brillant protagoniste du débat actuel, Zygmunt Bauman, a écrit récemment : « La maison européenne offre une espèce de toit commun pour les traditions, les valeurs, les multiples différences. Chacun de nos pays, pris singulièrement, risque beaucoup plus de perdre son identité spécifique s'il s'expose sans protection, sans le bouclier européen, aux pressions globales. » Renforçons-le donc, ce bouclier. Réagissons, plus qu'on ne l'a fait au cours de ces dernières années dans tous nos pays, contre les représentations faussées du projet européen. Nous avons besoin de plus d'unité et de plus d'intégration, dans le respect des diversités qui constituent notre richesse.
Plus d'unité et plus d'intégration. Voyons comment. Avant tout, nous devons redonner vie et actualité à tout ce qui compose la vision de l'Europe dans laquelle nous nous reconnaissons. Certes, il nous faut renforcer et respecter les règles et les institutions communes, mais sans jamais délaisser cette composante intangible de la construction européenne que constitue le principe de solidarité. Au cours des dernières années, face à la crise de l'Europe, ce principe s'est peu à peu obscurci, mais il constitue partie intégrante d'une vision indivisible.
Le renforcement des règles et des institutions communes est indispensable, et à juste titre la plus grande énergie y est consacrée. Je dirais même qu'on s'y applique à grand renfort de mesures et de formules, exprimées parfois dans une langue d'initiés qui met à rude épreuve la simplicité et une plus large compréhension.
Dans cet esprit, il faut ainsi compléter le projet encore inachevé de l'Union économique et monétaire. Le premier des deux termes a été couché sur le papier, mais il appelle un outillage plus riche et un arsenal plus efficace de décisions. D'où des décisions qui ont été prises au fur et à mesure par les institutions européennes et qui visent en particulier une union budgétaire et une union bancaire.
Un passage nodal à cet égard s'est joué avec l'accord sui generis, souscrit par vingt-cinq des vingt-sept États membres, qui est maintenant soumis à ratification. J'observe, à ce propos, que nous ne pouvons qu'être conscients de l'indéniable nécessité de clarifier et de consolider dans un futur proche la physionomie juridique et constitutionnelle de l'Union, nécessairement conduite à évoluer.
Deux thèmes cruciaux me semblent dignes d'intérêt en la matière. D'une part, celui des formes possibles de différenciation du processus d'union et d'intégration. Certes, ce thème n'est pas neuf : il a fait, à maintes reprises, l'objet de débats, à partir du moment où, au lendemain de la chute du mur de Berlin, l'on commença à réfléchir au rapport entre élargissement et approfondissement du projet communautaire. Plus récemment, il fallut statuer – au fur et à mesure que le nombre d'États membres augmentait – et prévoir la possibilité de coopérations renforcées, dont le passage à la monnaie unique représenta, en quelque sorte, une véritable expérimentation. Mais la question des diversifications possibles dans le développement ultérieur du processus d'intégration reste encore à explorer.
Inutile de dire que cela n'a rien à voir avec l'opposition futile et fallacieuse entre une Europe du Nord, ou baltique, et une Europe du Sud, ou méditerranéenne, la première proposée comme le dépôt des vertus et la seconde désignée comme l'enceinte des vices. (Sourires sur de nombreux bancs.)
J'en viens maintenant au second thème crucial : celui d'un besoin de légitimation démocratique accrue dans le processus de décision européen et dans la vie de l'Union.
Plusieurs chapitres sont à ouvrir et à affronter. Commençons par celui que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les députés, qui concerne l'intensité des rapports de collaboration entre le Parlement européen et les parlements nationaux, pour arriver à ce volet qu'il me semble possible de définir comme une européanisation de notre politique, de nos partis politiques, et dont il serait louable d'inscrire les premiers signes dans les élections européennes de 2014.
La crise de fonctionnement et de consensus qui a porté atteinte au projet européen, contrecoup significatif d'une crise financière et économique mondiale née en dehors de l'Europe, est sans aucun doute liée, je l'ai dit, à l'inachèvement du processus d'intégration en gestation dans le traité de Maastricht. À cette crise concourt tout autant une insuffisante participation des citoyens, toujours plus limitée et plus ardue, ainsi que l'abandon grave de la confiance réciproque et de la volonté politique commune.
Mais sans nul doute, la crise de consensus qui nous afflige est aussi, de façon notable, le reflet de la crise du processus de développement et de progrès économique et social qui avait été assuré pendant des décennies par la Communauté et par l'Union européenne. Dans ce moment, nous sommes engagés à renforcer la soutenabilité financière de nos politiques de développement, à les libérer du poids d'endettements désormais intolérables en corrigeant avec rigueur les erreurs politiques et les effets de comportements collectifs qui furent causes de graves distorsions. Mais nous devons également sans tarder inaugurer et parcourir la voie d'une relance de la croissance et de l'emploi en Europe. Nous ne pouvons à cet égard justifier aucune tergiversation ou forme de résistance passive.
Voilà la feuille de route sur laquelle, au lendemain des changements de la situation politique dans nos deux pays, les positions de nos gouvernements se sont fort heureusement croisées. Cette rencontre n'est pas surprenante, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, car tout ce qui a rapproché l'Italie et la France dans l'histoire, la culture, les relations humaines, a conflué de la façon de la plus éminente et limpide dans le creuset de la construction européenne. C'est dans ce creuset que se sont consumées les scories des évènements dramatiques que chacun de nos deux pays et leurs relations réciproques ont traversés jusqu'en 1945 ; et c'est de là qu'on pu renaître, consolidées et toujours plus partagées, ces valeurs de liberté, de dignité humaine, d'égalité et de tolérance issues des mouvements de pensée pionniers et des luttes populaires que l'histoire de la France et celle de l'Italie ont incarnées depuis le XVIIIe siècle. Ces valeurs sont devenues les principes de l'Union européenne.
Sur cette base nouvelle d'union offerte par la construction européenne, l'Italie et la France, aux côtés de l'Allemagne et des autres pays fondateurs, ont oeuvré longtemps, animées d'une profonde synergie. Parmi les étapes les plus significatives de cet engagement commun, je voudrais mentionner le moment qui suivit l'approbation en 1984, par le Parlement européen, du projet d'union promu par Altiero Spinelli : ce fut un temps fort de compréhension réciproque et de dialogue entre l'auteur du manifeste de Ventotene « Pour une Europe libre et unie » et le président François Mitterrand.
Cet arrière-pays partagé, cet engagement solidaire des États promoteurs du processus d'intégration européenne, a couru le risque, au cours de ces dernières années, de se fissurer. Les conséquences en auraient été fatales. Il faut retrouver, et je le dis avec confiance, le chemin d'une nouvelle et décisive convergence dans nos projets et dans nos positions.
Chacun doit apporter son dû pour hisser hors de la crise l'Europe et l'idée d'unité européenne. L'Italie est en train d'assumer ses propres responsabilités, consciente des aspects critiques de son histoire et de la réalité du pays, mais fière – les célébrations du cent cinquantième anniversaire l'ont montré – des progrès accomplis, bien loin des clichés faciles et négatifs sur la péninsule.
Nous traçons et suivons actuellement, grâce à un vaste concours de forces politiques dans notre parlement, un parcours exigeant de redressement et de changement, et en même temps, nous sollicitons et encourageons un tournant vers de nouvelles perspectives de croissance et de développement en Europe ; c'est dans ce domaine, je le disais, que l'action de nos gouvernements, unis par une fructueuse collaboration, se rejoint.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, une nouvelle phase dans les relations entre la France et l'Italie vient de s'ouvrir. Il est de notre devoir d'oeuvrer pour cultiver et faire germer cette précieuse semence. Précieuse pour nous, précieuse pour l'Europe. (Mmes, MM. les députés, les membres du Gouvernement et les membres de la délégation italienne se lèvent et applaudissent longuement.)
Monsieur le Président de la République italienne, la représentation nationale a été particulièrement honorée de vous accueillir dans l'hémicycle. Au nom de toute notre assemblée, je vous remercie chaleureusement pour votre intervention.
Je vais maintenant raccompagner notre hôte et suspendre la séance, qui reprendra à dix-sept heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale en cette fin d'après-midi vise à donner toute sa portée à l'article 7 de la Charte de l'environnement qui figure dans notre Constitution et qui stipule que toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement.
Chacun connaît le contexte particulier de cette discussion. Le Conseil constitutionnel, dans quatre décisions prises en application de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, entre le 14 octobre 2011 et le 27 juillet dernier, a déclaré non conformes à la Constitution diverses dispositions du code de l'environnement et a donné deux délais au Gouvernement pour rectifier les dispositions censurées : le premier expire le 1er janvier 2013 et le second le 1er septembre 2013.
Ce projet de loi est donc marqué par l'urgence car le Gouvernement doit assurer la sécurité juridique des actes pris en application du code de l'environnement. Mais cette urgence offre aussi l'opportunité d'élaborer un dispositif exemplaire, en votant une loi qui va résolument de l'avant et prolonge les principes que nous avons inscrits dans la Constitution en leur donnant toute leur portée concrète. Ce chemin prolonge aussi la ratification par la France, le 8 juin 2002, de ce grand texte qu'est la Convention d'Aarhus.
Ces quatre censures du Conseil constitutionnel ont révélé, dans notre droit actuel, des insuffisances dans la mise en oeuvre législative du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant un impact sur l'environnement. Ce principe, la France s'honore de l'avoir élevé au rang de principe constitutionnel en permettant au public, c'est-à-dire au citoyen, d'être non pas un observateur passif des décisions prises au-dessus de lui et sans lui, mais d'être placé au coeur du processus de décision.
L'article 7 de la Charte de l'environnement a posé la base d'une démocratie environnementale. Il a fait de la transparence l'une des valeurs essentielles de l'action publique à laquelle nous sommes très attachés.
Par ce projet de loi, je vous propose donc, au nom du Gouvernement, de tirer toutes les conséquences du droit de participation. La Constitution nous l'impose et le Conseil constitutionnel devrait, très bientôt, statuer sur une nouvelle QPC portant sur l'article L. 120-1 du code de l'environnement que nous réécrivons dans ce projet de loi.
Nous devons relever le défi de la participation de façon concrète, efficace et innovante et je voudrais vous présenter de façon succincte mais précise les principales avancées que comporte ce projet de loi. Je veux d'abord saluer le président de la commission du développement durable, Jean-Paul Chanteguet, et la rapporteure Sandrine Buis pour la façon dont nous avons échangé sur ce texte, notamment en commission. Je rappelle que ce projet de loi a été adopté à l'unanimité par le Sénat.
Avec ce projet de loi nous affirmons très clairement, en reprenant les termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement, que la participation est l'un des principes fondamentaux du droit de l'environnent. C'est l'objet de l'article 1er A nouveau du projet issu d'une rédaction proposée par votre commission du développement durable qui reprend, en la déplaçant dans les tout premiers articles du code de l'environnement, une rédaction proposée par le Sénat et adoptée avec l'accord du Gouvernement.
Avec ce projet de loi, nous modifions en profondeur l'article L. 120-1 du code de l'environnement. C'est l'objet de l'article 1er qui devient le pivot de la procédure. Cette procédure électronique s'applique quand aucune disposition particulière n'est prévue pour assurer la participation du public. Elle joue actuellement un rôle supplétif dans le code et n'est mise en oeuvre que pour des actes réglementaires.
Cette procédure aura vocation à s'appliquer à toutes les décisions de l'État, de ses établissements publics et des autorités administratives, qu'elles soient réglementaires comme les décrets et les arrêtés, d'espèce comme les décisions ni réglementaires ni individuelles qui s'appliquent à une zone ou une réglementation donnée, ou individuelles.
Ce champ très large est la conséquence que nous tirons des censures du Conseil constitutionnel qui atteignent l'ensemble des décisions publiques, quelle que soit leur nature et surtout quelle que soit l'autorité qui les prend, dès lors qu'elles ont un impact sur l'environnement.
Si aucune censure n'a frappé de décision rendue par une collectivité territoriale, il ne fait aucun doute juridiquement qu'une telle décision relèverait du champ de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Une QPC est d'ailleurs actuellement pendante en matière de publicité contre une décision d'un maire.
Toutefois, et j'aurai l'occasion d'y revenir à la fin de ma présentation, ce projet de loi nous donnera le temps d'élaborer des procédures adaptées aux décisions individuelles de l'État et aux décisions des collectivités locales.
La procédure définie à l'article 1er du projet devrait à l'avenir constituer le socle commun de la participation du public. Cette procédure ne définit que les dispositions minimales à appliquer : il est toujours possible de faire plus et de proportionner la participation à l'ampleur des projets et à leur impact.
Parmi les avancées de ce texte, citons la disparition de la formule actuelle de l'article L. 120-1 du code mentionnant « les décisions publiques ayant une incidence directe et significative sur l'environnement. » N'est plus mentionnée que l'incidence sur l'environnement, ce qui est une avancée importante.
Cette participation constitue un droit pour tous puisque la possibilité de transmettre des observations par voie postale a été introduite à l'initiative du Sénat avec l'accord du Gouvernement. Nous devons prendre en compte la fracture numérique pour permettre un exercice effectif de ce droit de participation par tous les citoyens. Je sais que c'est aussi un souci de l'Assemblée nationale.
Autre avancée : le public sera désormais informé trois mois à l'avance des décisions qui seront mises en consultation et pourra donc s'y préparer dans de bonnes conditions. De plus, les délais minimaux de mise à disposition du projet de décision ont été allongés, passant de quinze jours dans le projet initial à vingt et un jours dans sa version actuelle.
L'élaboration d'une synthèse écrite de ces observations est désormais imposée à l'autorité compétente afin que le public s'assure que ses observations ont été analysées et prises en considération. Une notice explicative est aussi ajoutée pour que le public comprenne le contenu et la portée des décisions. Par souci de transparence, cette synthèse est rendue publique, de même que les observations. Obligation est également faite de mentionner dans cette synthèse les observations dont il a été tenu compte.
À l'initiative du Sénat, le Gouvernement a aussi proposé en commission un dispositif d'expérimentation pour organiser des consultations sous forme d'un forum interactif où chacun peut avoir accès en ligne aux observations des autres et y répondre. Il s'agit d'une proposition innovante de la sénatrice Laurence Rossignol et qui fait l'objet de l'article 1er bis A nouveau du projet. Il me paraît effectivement raisonnable de prévoir une expérimentation de cette notion de forum pour en assurer la meilleure mise en oeuvre opérationnelle possible.
Je passe sur les autres articles qui feront l'objet de discussions tout à l'heure pour aller directement à l'article 7 du projet qui habilite le Gouvernement à prendre, par une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, les dispositions nécessaires pour rendre conformes à l'article 7 de la Charte de l'environnement les décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement qui ne sont pas mentionnées à l'article L. 120-1 du code de l'environnement dans la nouvelle rédaction. Autrement dit, cela concernera les décisions individuelles de l'État et de ses établissements publics et toutes les décisions réglementaires, d'espèce et individuelles des collectivités locales.
Je voudrais m'arrêter un instant sur ce choix de l'ordonnance dont nous avons discuté en commission. Le projet de loi présenté aujourd'hui est en quelque sorte le premier temps de ce principe de participation. Avec cette ordonnance, il y aura un deuxième temps.
Ce choix d'une ordonnance répond à un double souci.
Le premier tient au fait que, pour être mises en conformité, les décisions individuelles de l'État, de ses établissements publics et des autorités indépendantes devront être recensées et examinées une par une. Il y en a des dizaines et des dizaines dans le code de l'environnement à être concernées. Nous voulons prendre le temps de cet examen exhaustif pour trouver la formule de participation la plus adaptée. Le Conseil constitutionnel nous y a autorisés de fait, en donnant un délai au 1er septembre 2013.
Le second concerne les collectivités territoriales. Nous avons fait le choix de prendre le temps de la réflexion, de la concertation préalable avec elles et de ne pas présenter dispositifs dans ce projet de loi qui auraient figé les mécanismes de participation adaptés dont nous devons discuter notamment avec les associations d'élus, compte tenu de l'importance et de l'incidence que cela va avoir dans la vie de ces collectivités.
C'est pourquoi j'ai pris l'engagement solennel devant le Sénat puis devant votre commission du développement durable d'associer non seulement les collectivités territoriales mais aussi les parlementaires à l'élaboration du projet d'ordonnance.
En commission, je m'étais personnellement engagée à vous présenter un calendrier de discussion et je veux le faire dès à présent. Notre calendrier pourrait être le suivant : phase de concertation jusqu'en mars 2013 ; consultation du public en avril 2013 ; consultation du Conseil d'État en juin 2013. Le projet de loi de ratification pourrait être inscrit immédiatement après à l'ordre du jour du Parlement.
La concertation pourrait s'organiser de la façon suivante. À la mi-décembre 2012, une première table ronde de lancement pourrait réunir les présidents des commissions du développement durable des deux assemblées et les membres des commissions qu'ils désigneront, les présidents des associations représentatives des collectivités territoriales ainsi que des représentants des associations de protection de la nature et de l'environnement, d'autres usagers de la nature ou d'organisations professionnelles. Lors de cette table ronde, les grandes lignes du projet d'ordonnance pourraient être présentées.
De janvier à mars 2013, devraient se mettre en place des groupes de travail en fonction des différents chapitres, pilotés par le ministère de l'écologie mais qui auront évidemment une dimension interministérielle, en associant les différentes parties prenantes évoquées.
En avril 2013, la concertation pourrait se clore par une table ronde.
J'aimerais également évoquer devant vous le sens de la démarche que nous voulons mettre en oeuvre avec ce projet de loi qui s'intègre dans une ambition plus globale : développer et encourager avec force et vigueur la participation citoyenne au droit de l'environnement tout en modernisant le droit de l'environnement. Nous devons avoir un haut niveau d'exigence en matière de droit de l'environnement mais être aussi capables de simplifier et moderniser certaines procédures, afin de remédier à l'empilement administratif dont se plaignent notamment les élus locaux.
Dans le cadre de la conférence environnementale, nous allons organiser au printemps prochain des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement, mobilisant de nombreux juristes spécialisés mais aussi tous ceux que ces questions concernent : les services de l'État, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement qui sont confrontées à toutes ces procédures et qui en ont la meilleure expertise, les associations et les acteurs économiques. Il y a là un grand chantier que je veux résolument engager.
Je terminerai en rappelant que la démocratie a un coût, que nous devons assumer, et représente également une charge de travail pour l'administration. Pour ne prendre qu'un exemple, le projet d'arrêté fixant la liste des espèces nuisibles a recueilli 14 129 observations ! Il faudra le garder à l'esprit lorsque nous discuterons ce soir de la nécessité de faire une synthèse des observations et de les analyser… Mais il faut assumer ce surcroît de travail pour les services de l'État, la participation effective des citoyens aux décisions ayant un impact sur l'environnement est à ce prix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Le projet de loi dont nous débattons avait à l'origine un caractère essentiellement technique et juridique : il s'agissait de tirer les conséquences de quatre questions prioritaires de constitutionnalité. Grâce aux travaux du Sénat, grâce aux réflexions de l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale et grâce enfin à la capacité d'écoute du Gouvernement, il revêt désormais une véritable dimension politique, sur un sujet qui est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
Le principe de participation du public aux projets de décision en matière d'environnement ne constitue pas un simple élément du droit administratif : c'est avant tout l'application d'un principe constitutionnel, porté, je le rappelle volontiers, dans un esprit républicain, par l'ancien Président de la République Jacques Chirac.
Comme toute idée politique, ce principe a une histoire et, s'agissant de notre pays, il a un cheminement très long – sans doute trop. La fin des années 1980 a fait apparaître que l'environnement ne se limitait pas à la préservation des milieux naturels et des espèces menacées, mais constituait une politique transversale. Les nombreux sommets des années 1990 ont ensuite montré que le concept de développement durable imprégnait de manière croissante nos sociétés, avec la mobilisation active de nombre de nos concitoyens. Plusieurs associations disposent de capacités techniques et juridiques leur permettant de procéder à des expertises égales en qualité à celles que peuvent produire les services de l'État.
C'est là que se trouve le changement d'époque : nos concitoyens n'acceptent pas aveuglément la parole de l'État ou des collectivités locales. S'agissant de décisions qui concernent leur cadre de vie ou l'exercice de leur profession, ils aspirent d'une part à participer à leur élaboration et d'autre part à les comprendre.
Ce changement n'est pas forcément facile pour l'administration, surtout dans un contexte humain et budgétaire tendu. Ce point a été évoqué à maintes reprises lors des auditions que j'ai conduites avec plusieurs de mes collègues ainsi que lors de l'examen du projet en commission. Le processus d'ouverture au public est déjà ancien, mais c'est un processus continu par lequel, au-delà de ses missions traditionnelles, l'administration doit se montrer capable de dialoguer dans un esprit ouvert avec nos concitoyens. En d'autres termes, elle doit cesser de prendre la consultation du public comme une contrainte et au contraire la considérer comme une étape normale de son travail, susceptible d'ailleurs de l'enrichir.
Le terme de confiance est au coeur de cette démarche. Si nous voulons faire cesser cette spirale dans laquelle toute décision administrative sur l'environnement donne inévitablement lieu à un recours judiciaire, il faut promouvoir la participation du public, qui doit être l'élément qui instaure cette confiance. Les conflits naissent le plus souvent de l'absence de dialogue.
J'ai dit que le cheminement du concept de participation du public avait été trop long. Il a effectivement pris du temps, bien que le ministère de l'environnement ait eu conscience du problème puisqu'il a financé de 1999 à 2007 des études sur les dispositifs de concertation. Mais bien évidemment, c'est la Charte de l'environnement, puis la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle 2 qui ont donné une impulsion décisive au processus.
Ce concept est largement partagé par l'ensemble des groupes politiques. Le présent texte a été adopté à l'unanimité au Sénat et nos débats en commission du développement durable se sont déroulés dans un esprit constructif. Vous avez pu constater, madame la ministre, qu'il n'y avait pas de clivage majeur sur le principe même du projet de loi et que bien des amendements révélaient des préoccupations communes aux députés de la majorité et de l'opposition, les désaccords portant sur certaines modalités de mise en oeuvre. J'espère que nous aurons dans cet hémicycle la même qualité technique et surtout la même sérénité.
J'en arrive aux travaux de la commission. Dès le mois juillet, notre président Jean-Paul Chanteguet s'était inquiété du vide juridique que faisaient courir les questions prioritaires de constitutionnalité. Il a donc appelé au dépôt d'un texte, auquel le Sénat par ses amendements, puis le Gouvernement par les siens ont conféré un caractère nettement plus politique qu'initialement.
En examinant ce texte, nous avons souhaité qu'il conserve une cohérence intellectuelle et juridique, afin d'envoyer un signal clair à l'opinion publique et aux professionnels intéressés. Il faut affirmer avec force que c'est volontairement que nous souhaitons changer la culture des administrations, que le principe de participation consiste à échanger des arguments de manière équilibrée et transparente, que l'ensemble de la procédure est publique et qu'il en est fait à la fin une synthèse.
L'apport de la commission se répartit en deux catégories, l'une technique et l'autre politique – ce qui n'a rien de surprenant. Je passe donc rapidement sur les modifications rédactionnelles que nous avons apportées. De même, ce sont des raisons purement juridiques qui nous ont conduits à supprimer les articles 1er bis et 1er ter, qui portent sur des sujets importants, comme le gaz de schiste, mais qui sont déjà pris en compte dans notre droit avec le code minier.
Les apports les plus politiques portent sur divers points. La question d'un accès facile de nos concitoyens aux projets de décision d'abord a largement occupé nos débats, avec l'adoption d'un amendement de notre collègue Fanny Dombre Coste. On aurait pu penser que cela allait de soi, dans un pays où la fracture numérique est une réalité à la fois géographique et sociologique, mais cela se heurte apparemment au problème des moyens humains et financiers des administrations… Avec l'amendement qu'a déposé le Gouvernement aujourd'hui, nous parvenons à un bon équilibre.
Deuxième point, la question d'une tierce personne, d'un garant, qui assure la neutralité de la procédure. Ce point a longtemps été en débat car le Gouvernement n'était pas favorable à la position de notre commission, pour des raisons tenant là encore aux ressources humaines et aux moyens budgétaires. Nous examinerons en conséquence un amendement portant expérimentation du recours à une tierce personne, ce qui permettra au Gouvernement d'évaluer la charge réelle de travail induite pour les administrations.
Troisième point, le recours à l'ordonnance de l'article 38 de la Constitution. Cet article est le seul du projet qui ne fasse vraiment pas l'unanimité… Le Gouvernement souhaite utiliser cet outil juridique pour statuer sur les projets de décisions des collectivités territoriales et de décisions individuelles. Face aux inquiétudes du Parlement, il a assuré qu'il ouvrirait une large phase de concertation, Mme la ministre vient de l'évoquer, au bénéfice des sénateurs et des députés. La majorité de la commission a pris bonne note de cet engagement et rappelle au Gouvernement qu'elle est disponible pour mettre en oeuvre cette concertation au plus tôt.
Dernier point : avec l'article 8, le Gouvernement a introduit au Sénat un Conseil national de la transition écologique et, par l'article 8 bis, il a abrogé le Conseil national du développement durable créé par le Grenelle de l'environnement. Il s'agit de tenir une promesse prise pendant la conférence de l'environnement. La suppression du CNDD n'est en aucun cas une sanction : il a bien travaillé… Nous souhaitons désormais entrer dans une nouvelle étape, avec un organe consultatif qui pourra être saisi notamment des projets de loi et stratégies nationales sur le développement durable ou la biodiversité, mais qui disposera également d'une faculté d'autosaisine qui lui permettra de s'intéresser à diverses questions, parmi lesquelles l'énergie. La commission a approuvé ces initiatives du Gouvernement.
Pour ne pas allonger mon propos, je n'insisterai pas sur le fait que ce texte est un élément de la politique environnementale du Gouvernement, définie lors de la conférence des 14 et 15 septembre. Ce point est connu.
La commission du développement durable a, sur ma proposition, approuvé le présent projet de loi et demande à l'Assemblée de faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a été saisie au fond du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement, après son adoption par le Sénat.
Prolongeant les propos de notre rapporteure, je souhaiterais souligner que la commission soutient le Gouvernement dans son souci de clarifier les dispositions en matière d'information et de participation du public.
Certes, les récentes décisions du Conseil constitutionnel, dans le cadre de quatre questions prioritaires de constitutionnalité, rendent urgente une réforme du code de l'environnement et il est impératif d'éviter les risques d'annulation pesant sur les décisions environnementales. J'avais d'ailleurs alerté le Gouvernement dès les premières décisions d'octobre 2011 et de juillet 2012 sur le vide juridique auquel elles pouvaient conduire.
Mais les dispositions censurées s'insèrent dans une évolution décennale de notre droit et surtout dans l'évolution de la sensibilité de l'opinion publique sur ces questions. C'est ce qui explique le choix opéré par le Gouvernement pour ce texte. L'urgence commande en effet d'adopter des dispositions avant la fin de l'année pour prendre en compte les décisions constitutionnelles. Néanmoins il n'était pas possible d'envisager dans de si courts délais une réforme plus ambitieuse, même si elle était demandée tous les bancs de notre Assemblée, comme elle l'a été au Sénat.
Le chantier reste ouvert. Nos débats en commission ont d'ailleurs montré que nous en étions tous conscients.
D'une part, l'article 7 du projet de loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires afin de polir le code de l'environnement, d'enlever celles qui ne sont pas conformes à l'article 7 de la Charte de l'environnement mais aussi de prévoir les situations qui n'ont pas été envisagées par le présent texte.
D'autre part, il nous reste à traiter le cas des décisions prises par les collectivités locales afin d'instituer un système certes conforme à l'ambition de la Charte, mais adapté à leurs particularités. En d'autres termes, il nous faut imaginer un système qui améliore l'information et la participation du public tout en évitant le double risque de nouvelles censures constitutionnelles et de nouvelles dispositions qui paralysent les exécutifs locaux.
Cet équilibre à trouver entre urgence et prolongation de la réflexion explique pourquoi la commission a adopté un grand nombre d'amendements pour améliorer la qualité du texte, en modifiant les ajouts opérés par le Sénat, sur la gestion des observations du public ou les missions du Conseil national de la transition écologique par exemple, mais a aussi rejeté nombre d'entre eux, venant de tous les groupes politiques. Il nous est apparu en effet que certaines propositions étaient prématurées et qu'il convenait d'attendre par exemple le travail d'analyse du Gouvernement ou l'expérimentation du forum gérant les observations du public.
J'aurai cependant une demande à formuler. Il est prévu que le Gouvernement publie l'ordonnance avant le 1er juillet 2013 – et je sais, madame la ministre, combien vous trouvez ce délai court pour vos services. Il est également prévu que le projet de loi de ratification soit déposé dans les trois mois, soit avant le 1er octobre. Je souhaiterais donc que ce projet de loi de ratification soit inscrit à l'ordre du jour afin non seulement que nous puissions en débattre, mais, en le votant, que nous conférions aux nouvelles dispositions un caractère législatif plein et entier.
Pour toutes ces raisons, j'invite donc l'Assemblée à adopter le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je supplée cet après-midi mon collègue Patrice Carvalho, mais c'est avec plaisir et intérêt que j'interviens dans cette discussion générale. C'est en quelque sorte un retour aux sources, puisque j'ai siégé dans la commission du développement durable…
…et que j'ai participé avec plusieurs collègues à la discussion qu'avait suscitée la Charte de l'environnement. Je vous confie d'ailleurs, à titre personnel, la fierté que j'éprouve lorsque, arrivant dans une mairie, je vois affichée au mur la Charte de l'environnement ; c'est souvent le cas dans les communes rurales. Quand nous relisons les articles, en particulier l'article 5, relatif au principe de précaution, nous reviennent à l'esprit de multiples débats, mais, finalement, cette Charte de l'environnement est un document extrêmement intéressant.
Le projet de loi qui nous est soumis tire les conséquences de décisions rendues par le Conseil Constitutionnel, l'une au mois d'octobre 2011 et les trois autres au mois de juillet dernier, à l'occasion de quatre questions prioritaires de constitutionnalité. Elles visent toutes les quatre une lacune de notre arsenal législatif au regard de l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui consacre le principe de participation du public aux décisions ayant des effets sur l'environnement.
Ce principe est l'aboutissement d'une longue marche – si j'ose dire – qu'ont engagée l'adoption de la Charte en 2004 et son inscription dans nos références constitutionnelles en 2005, mais il nous vient de plus loin en droit international puisqu'il figure dans la déclaration de Rio de 1992 – cela a été rappelé – et dans la convention d'Aarhus de 1998, ratifiée par la France en 2002.
Je crois que nous devons tous nous réjouir de cette avancée de notre démocratie que constitue la valeur constitutionnelle accordée au principe de participation du public prévu dans cet article 7 de la Charte de l'environnement. Il nous reste à la traduire en urgence dans notre droit national, car les dispositions actuelles du code de l'environnement risquent fort d'être abrogées à partir du 1er janvier 2013 par de nouvelles décisions du Conseil constitutionnel en réponse à des questions prioritaires de constitutionnalité qu'il va très prochainement examiner. L'article 120-1 du code de l'environnement introduit par la loi Grenelle 2 se révèle, en effet, insuffisamment opérant dans l'application de cet article 7, et les députés du Front de Gauche sont favorables à l'objectif de ce projet de loi qui va permettre une plus grande transparence et une démocratisation des politiques publiques en matière d'environnement.
Dans notre droit national, nous disposons des enquêtes publiques et des concertations publiques et de la loi du 23 février 1995, relative à la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Le présent projet de loi est appelé à s'appliquer lorsque aucun autre dispositif particulier de participation n'est prévu, et il va au-delà du simple principe d'information pour assurer la participation des citoyens aux décisions. Il a d'abord été examiné au Sénat, où de nombreuses améliorations ont été obtenues et où des amendements des sénateurs communistes ont été pris en compte ; il en est ainsi d'un amendement concernant l'information et la participation des élus locaux ; il était en effet paradoxal de prétendre permettre la consultation du public quand, fréquemment, les élus eux-mêmes découvraient après coup que leurs communes étaient impliquées dans un projet dont ils ne savaient rien ou presque ; c'est parfois même telle ou telle association qui les informait. Les élus locaux que nous sommes pour la plupart ont vécu ce type de situations, ou les vivent encore ; nous recevons ainsi dans nos permanences parlementaires des associations qui nous alertent sur telle ou telle mesure qui pourrait d'ailleurs passer en catimini sans ce circuit d'information.
D'un point de vue plus général, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées obtenues. J'en cite les principales : l'allongement des délais de transmission au public ; la publicité des observations ; l'articulation de la consultation de l'organe collégial et la participation du public ; une prise en compte plus effective des observations par l'administration ; la précision du contenu de la note technique jointe au projet de décision ; les procédures de participation concernant les canalisations de transport des hydrocarbures et produits chimiques et les plans de prévention des risques naturels ; la précision des critères de dispense de participation en cas d'urgence justifiée par la protection de l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public.
Je dois vous dire, madame la ministre, madame la rapporteure, que M. Carvalho éprouve toutefois un regret en raison, m'a-t-il dit, de l'article 7 du projet de loi, que je partage puisqu'il concerne les ordonnances. Il est, en effet, proposé de recourir aux ordonnances pour les décisions d'espèce, celles qui concernent un domaine restreint, à savoir les décisions dites « individuelles », c'est-à-dire celles qui, de manière ponctuelle, concerneront des dérogations au droit commun. D'un côté, nous apprécions le souci de ne pas entraver des projets relevant de l'intérêt général ; de l'autre, la procédure choisie constitue une violation de l'un des principes démocratiques fondamentaux d'organisation de notre République, à savoir la répartition des pouvoirs. Or, en l'occurrence, la confiscation par l'exécutif de la prérogative législative porte atteinte à ce principe.
Cela dit, ce regret exprimé par M. Carvalho ne s'accompagne pas de la formulation très précise de propositions de nature à éviter ce recours aux ordonnances.
J'émets pour ma part le voeu que le débat qui nous réunit permette un véritable échange, un échange constructif, voire, pour reprendre le mot du président Chanteguet, un échange imaginatif, pour affiner le texte. Enfin, faut-il préciser, madame la ministre, que la transition écologique, dont il a beaucoup été question lors de la conférence des 14 et 15 septembre dernier, ne saurait, j'y insiste, s'opérer sans la participation responsable des citoyens aux décisions publiques qui les concernent ?
Le projet de loi qui nous est soumis doit nous permettre d'avancer dans cette direction. Je pense que vous aurez compris que l'approuver ne nous pose aucun problème. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, ce qui nous amène aujourd'hui à examiner ce projet de loi relatif à la participation du public, au-delà d'une nécessaire meilleure intégration des termes de la Convention d'Aarhus, c'est la bonne application du principe de participation du public, tel qu'il a été consacré au plus niveau de la hiérarchie des normes, dans la Charte – constitutionnelle – de l'environnement, bonne application que nous devons garantir. En effet, ce principe, parce qu'il n'a pas été correctement appliqué, voire même parce qu'il a été méprisé, a conduit le Conseil constitutionnel à abroger un certain nombre de dispositions du code de l'environnement. Cela, vous en conviendrez, fait désordre, et ne nous pare pas de l'exemplarité dont nous rêvions en adoptant cette Charte de l'environnement.
Il s'agit donc pour nous de donner à l'article 7 de la Charte ses pleins effets juridiques et d'associer les citoyens d'un point de vue tant pratique qu'utile au processus d'élaboration des décisions et applications des politiques publiques impactant l'environnement.
J'insiste à ce stade pour souligner que l'ambition du texte ne doit pas être seulement de nous doter de procédures de participation du public formelles ou minimalistes, comme d'autant d'étapes de cautionnement de la décision publique. Précisons aussi que nous devons tout autant éviter un autre écueil qui serait d'alourdir les dispositifs de décision, de telle sorte que les décisions perdraient de leur efficacité et de leur réactivité.
Une bonne application du principe de participation suppose comme un préalable une parfaite application d'un principe corollaire, d'ailleurs lui aussi énoncé dans ce même article 7, celui de l'accès à l'information. Or l'accès aux informations, je le constate, est parfois bloqué de façon excessive, voire illégitime, par notre droit. Je fais notamment allusion à ces dispositions qui opposent la confidentialité, le secret industriel ou commercial, le secret fiscal à la libre communication des données ; citons par exemple les déclarations faites aux agences de l'eau pour la fixation des redevances. On pourrait aussi s'interroger à ce titre sur une conception peut-être parfois abusive du secret défense en matière de nucléaire.
Je veux aussi vous alerter sur le sens que nous devons donner au terme même de « public », car sur notre perception et conception de ce terme se construira toute la philosophie du texte.
Bien sûr, le « public » ne doit pas renvoyer, dans nos esprits, à la liste des opposants à tel ou tel projet. Il y a plusieurs publics, les riverains, certes, mais aussi les citoyens lambda, les publics initiés et compétents – associations et personnes qualifiées –, et chacun doit pouvoir trouver sa place dans un processus rigoureux, responsable, constructif et ambitieux.
On le voit, un point déterminant auquel nous devons veiller, que nous devons garantir dans le texte, réside dans le caractère précoce de l'association du public à la prise de décision. Les nouvelles technologies, par exemple les consultations par internet, ne doivent pas, sous le prétexte de la rapidité de leur mise en oeuvre, réduire les délais de sollicitation, ou induire une inégalité d'accès des citoyens à la concertation, bien au contraire. Ce critère de précocité nous livre d'ailleurs le premier caractère légitime de dérogation au principe de participation du public à mettre en oeuvre ; c'est probablement l'urgence, l'urgence comme une force majeure. En effet, une procédure d'urgence avec un processus de décision accéléré du fait d'une situation de crise, doit pouvoir prendre le pas sur le principe de participation du public à la décision.
Hormis ce cas, on ne peut admettre, à mes yeux, que de façon très restrictive qu'une demande de mise en oeuvre de la participation du public soit rejetée : quand elle contrarie ou atteint des intérêts et principes protégés avec la même force juridique.
Au-delà du texte, j'élargirai mon propos à la démocratie participative et contributive, qui dépasse encore l'enjeu de ce texte, aux contours bien définis. Il nous faut ouvrir nos horizons et ne pas ramener la démocratie participative au seul référendum, voire au référendum d'initiative populaire. Car, enfin, régulièrement, lors des échéances électorales, nous sommes les premiers à regretter une désaffection des citoyens pour la politique, pour la chose publique. Ne nous bornons pas à le déplorer, il nous appartient de redonner à nos concitoyens ce goût pour la chose publique, en leur offrant ce nouveau moyen d'appropriation et de responsabilisation.
Ce texte, enrichi par notre force de proposition, répond aux principales exigences en matière de participation du public aux décisions impactant l'environnement. C'est la raison pour laquelle – notre rapporteure et le président de la commission du développement durable l'ont déjà dit – le groupe SRC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, « la meilleure façon de traiter les questions environnementales est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ». C'est en ces termes que la déclaration de Rio de 1992 posait le principe de participation du public aux décisions ayant un impact sur l'environnement. Ce principe est inscrit pour la première fois dans notre droit positif avec la loi dite Barnier du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement, qui a fixé les règles d'organisation du débat public. Par la suite, la volonté d'améliorer la prise en compte de l'environnement a conduit la France à signer puis ratifier le 8 juillet 2002 la convention d'Aarhus qui garantit l'accès à l'information et la participation du public au processus décisionnel, ainsi que l'accès à la justice en matière d'environnement, mais c'est véritablement l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004, inscrite dans la Constitution en 2005, qui consacre la démocratie environnementale en permettant l'ouverture de grands débats publics sur les projets ayant un impact environnemental. Cet article dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
Ce texte ambitieux – une initiative, faut-il le rappeler, du président Jacques Chirac – a constitué une avancée fondamentale. Il a réellement marqué les premiers pas de la démocratie environnementale, à laquelle nous sommes tous, quelle que soit notre couleur politique, aujourd'hui particulièrement attachés. Il a également, pour la première fois, consacré le droit de l'environnement, en conférant aux droits et devoirs qui y sont édictés une valeur constitutionnelle. C'est grâce à la persévérance et à la force de conviction de Jacques Chirac que l'environnement figure désormais dans notre Constitution. Si cette inscription a suscité de vifs débats à l'époque, je crois que plus personne, aujourd'hui, ne la conteste.
Je le dis en tant que rapporteur, à l'époque, de la commission qui s'appelait alors commission des affaires économiques et du développement durable et au nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui était rapporteure de la commission des lois, saisie au fond.
Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, principe de précaution, promotion du développement durable, et enfin droit pour toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement : voilà entre autres plusieurs nouveaux principes à valeur constitutionnelle qui ont été introduits par la Charte de l'environnement.
Le projet de loi que vous nous proposez d'examiner aujourd'hui, madame la Ministre, se donne pour objectif premier de conférer toute sa portée au droit de participation du public tel qu'il est énoncé par la Charte. Son second objectif est de garantir la conformité à la Constitution des dispositions du code de l'environnement qui n'assuraient aucune participation du public ou une participation très limitée, comme l'ont démontré quatre décisions récentes du Conseil constitutionnel.
L'article 7 de la Charte renvoyait en effet pour sa mise en oeuvre à l'élaboration d'un texte législatif qui devait préciser les conditions et les limites de son application. Par la suite, l'article 244 de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle 2 », codifiée à l'article L. 120-1 du code de l'environnement, a donc encadré la portée du principe de participation du public. Or le Conseil constitutionnel a récemment, et à plusieurs reprises, déclaré que la mise en oeuvre du principe de participation du public telle que définie à l'article L. 120-1 du code de l'environnement n'était pas conforme à la Constitution. La participation du public pose notamment problème en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, ou ICPE. Elle pose également problème concernant la mise en place par les autorités administratives de zones de protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable et des zones d'érosion, ainsi que dans le cas de décisions individuelles. Ces différentes censures prendront effet pour certaines au 1er janvier 2013, pour d'autres au 1er septembre 2013. Le Conseil constitutionnel risque par ailleurs de censurer à nouveau, par une prochaine décision, l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Telles sont les considérations qui vous ont conduite à nous présenter ce projet de loi dans l'urgence.
Bien que vous ayez invoqué l'urgence lorsque ce texte nous a été présenté, nous tenons à saluer la richesse des débats qui nous ont animés, et nous nous félicitons des améliorations qui ont d'ores et déjà été apportées lors de l'examen de ce projet tant au Sénat qu'en commission du développement durable mercredi dernier. Nous saluons également l'ouverture d'esprit dont a fait preuve Mme la rapporteure, qui a déjà garanti un travail certes efficace, mais insuffisant, sur ce texte. Nous espérons sincèrement que nos débats se poursuivront avec la même qualité aujourd'hui au sein de cet hémicycle. Nous présenterons notamment, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, un certain nombre d'amendements portant sur le volet agricole de ce projet de loi. Nous souhaitons avoir un vrai débat, ouvert, sur cette question.
L'objectif poursuivi par votre projet de loi est certes louable. Nous souhaitons tous impliquer de manière plus concrète les citoyens dans l'élaboration des décisions publiques ayant un impact environnemental. Nous reconnaissons tous également la nécessité de consacrer le principe de participation du public. Toutefois, le texte que vous nous soumettez aujourd'hui ne répond malheureusement pas aux nombreuses interrogations que suscite sa mise en oeuvre. Nous ne vous cachons pas, madame la ministre, que nous sommes très inquiets en raison des insuffisances et des multiples imperfections de ce projet de loi.
Nous nous inquiétons tout d'abord – je le dis une nouvelle fois et je n'aurai de cesse de le répéter – de la volonté persistante du Gouvernement d'engager quasi systématiquement la procédure accélérée sur les textes qui nous sont soumis, et cela depuis le début de la législature. Ces textes ont eu par la suite, il faut bien l'avouer, des fortunes diverses.
Cette précipitation est désormais célèbre ; elle est marque de fabrique de cette majorité. Cela n'est selon nous ni le gage d'un travail efficace des parlementaires, ni l'assurance de débats constructifs. Si, en l'occurrence, l'urgence se justifie pour éviter l'éventuelle censure…
Oui, c'est pour cela que nous avons engagé la procédure accélérée !
…si, dis-je, l'urgence peut être comprise du fait du risque de censure de certaines dispositions du code de l'environnement dès le 1er janvier prochain, ce projet de loi aurait dû être avant tout l'occasion de répondre à un enjeu plus fondamental : définir un équilibre entre la protection de l'environnement et la sécurité juridique dont ont besoin les industriels aussi bien que les défenseurs de l'environnement.
Ce projet de loi aurait aussi dû permettre de prendre clairement en compte et d'encadrer les différentes étapes qui composent la participation du public, à savoir : l'information complète, sincère et fiable ; la concertation directe et indirecte et le dialogue environnemental ; et enfin la décision, l'autorité administrative devant faire la preuve qu'elle a bien tenu compte des observations émises par le public.
Sans pour autant identifier clairement ces trois étapes, le projet de loi introduit de nouvelles contraintes, notamment pour les petites communes. Il étend ainsi le champ d'application de l'article L. 120-1, actuellement limité aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, à l'ensemble de leurs décisions autres qu'individuelles. De plus, l'abandon du critère relatif à « l'incidence directe et significative » risque d'ouvrir la voie à une multitude de recours, car il suffira désormais – c'est en tout cas notre crainte, madame la ministre – que la décision ait une incidence sur l'environnement pour qu'elle soit soumise au principe de participation du public. Enfin, il prévoit de recourir, au grand dam de nombreux parlementaires – d'autres parlementaires ont exprimé avant moi leurs réticences sur ce point – à une ordonnance pour modifier le régime des décisions individuelles. Le Parlement est dessaisi de sa compétence !
Sur ce dernier point, avec mes collègues du groupe UMP, nous déplorons fermement la volonté du Gouvernement de recourir à cette procédure telle qu'elle est prévue par l'article 7 du projet de loi. Cet article habilite en effet le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, des dispositions relatives à la participation du public pour les décisions autres que celles incluses dans le champ de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, c'est-à-dire notamment les décisions individuelles. Notre inquiétude est d'autant plus vive que l'urgence n'a, vous en conviendrez tous, pas lieu d'être pour ce type de décisions. Nous devrions tous veiller particulièrement à ce que le Parlement ne soit pas systématiquement dessaisi de ses prérogatives sous prétexte d'une éventuelle ou lointaine urgence. En tant que parlementaires, nous devons, au contraire, veiller à leur maintien : elles sont la garantie d'une bonne séparation des pouvoirs et du bon fonctionnement de notre démocratie.
Nous allons adopter un texte visant à améliorer la concertation avec le public, sur lequel la procédure d'urgence a été engagée, et auquel nous ne participons qu'en partie puisque nombre de dispositions seront prises par ordonnance. Avouez quand même, mes chers collègues, qu'il fallait le faire ! Or, c'est que nous risquons de faire ce soir.
De plus, le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public présente de nombreuses imperfections d'un point de vue purement juridique. Sa lecture est rendue assez complexe en raison de nombreux renvois à d'autres dispositions. La qualité de la contribution du public pourrait souvent être améliorée par une limitation du nombre de consultations, qui sont parfois redondantes. Il aurait également été souhaitable que ce texte, en plus de consacrer le principe de participation du public, veille à garantir une certaine harmonisation avec les procédures mises en oeuvre dans les différents États européens.
Enfin, le manque d'informations relatives à la composition du futur Conseil national de la transition écologique et à ses conditions de travail soulève aussi de vives inquiétudes. Cette nouvelle instance, introduite par l'article 8 du projet de loi, remplacera le comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement qui est par ailleurs supprimé. J'ai eu l'occasion de vous dire, madame la ministre, que je comprends tout à fait cette suppression : elle est tout à fait logique. Nous avons simplement du mal à comprendre qu'au moment de nous prononcer, nous n'avons qu'une vision partielle de ce que sera cette instance. Cela a aussi été le cas pour l'Agence nationale de la biodiversité.
Alors que la composition de ce dernier comité était prévue par la loi, celle du Conseil national de la transition écologique fera l'objet d'un décret d'application. J'en termine, madame la présidente. J'espère que le Gouvernement aura la sagesse d'y inclure les réseaux consulaires qui ont à de nombreuses reprises fait part de leur souhait de continuer à figurer au sein de cette gouvernance.
Je vous le confirme, monsieur le député : ils en feront partie.
Je vous remercie, madame la ministre. Ils sont en effet d'incroyables relais de diffusion des informations, mais aussi de formation et de sensibilisation aux bonnes pratiques de développement durable. Les inclure au sein du Conseil national de la transition écologique semble donc indispensable.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que ce texte présente au moins un point positif : a posteriori, il permettra à de nombreux parlementaires de voter enfin pour la Charte de l'environnement, ce que certains n'avaient pas fait à l'époque de son adoption…
Nous sommes pleinement conscients de la nécessité de tirer les conséquences des décisions successives du Conseil constitutionnel. Néanmoins, et bien que notre majorité ait été à l'origine de la Charte de l'environnement, pour les raisons que je viens d'évoquer, le groupe UMP s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame et monsieur les ministres, madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, notre pays fait face à un défi démocratique d'une ampleur sans doute équivalente au défi relevé par les pères de la démocratie moderne. Jamais nos concitoyens n'ont été aussi formés : 80 % des jeunes sont maintenant titulaires du baccalauréat. Jamais nos concitoyens n'ont été aussi informés : tout argument soutenu par un spécialiste peut être pris en défaut par une simple consultation d'Internet via un téléphone portable. Jamais nos concitoyens n'ont été aussi inquiets et n'ont remis autant de décisions en cause, notamment concernant la santé et l'environnement. Ce phénomène a commencé par les pluies acides, puis ce furent l'affaire du sang contaminé, les OGM, et demain, peut-être, les nanotechnologies. Nous sommes donc tenus de décider et de gouverner autrement : c'est un grand défi démocratique pour les pays occidentaux en général et le nôtre en particulier, qui est si, et trop, centralisé.
Le législateur a progressivement tenu compte de ces attentes de nos concitoyens. Comment pouvons-nous agir pour cesser de passer en force, ou en catimini, ou de reculer sur l'ensemble de nos décisions ?
Le législateur a introduit – Martial Saddier a évoqué ce sujet – la Charte de l'environnement dans le bloc de constitutionnalité : c'est une première avancée fondamentale. Cette charte reprend les principes de la convention d'Aarhus : participation de tous à la prise de décision en matière environnementale, droit à l'information, à la protection et à la défense juridique. Il est désormais possible de saisir le Conseil constitutionnel quant à la conformité des projets et propositions de loi aux dispositions de la charte. Le citoyen est dorénavant placé sur ce point à égalité avec le législateur.
Ces dispositions ont d'ailleurs permis aux grandes organisations environnementales, notamment France nature environnement, de contester l'article 244 de la loi « Grenelle 2 », qui était imparfaite pour ce qui concerne le régime des consultations.
Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement tire les conséquences de quatre décisions du Conseil constitutionnel. Ce projet de loi est présenté en procédure accélérée car l'abrogation des dispositions du code de l'environnement visées par les décisions du Conseil constitutionnel prendra effet très prochainement. Nous comprenons donc que le Gouvernement ait choisi d'engager la procédure accélérée.
Aujourd'hui, nous travaillons à élargir le champ d'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement en étendant les possibilités de consultation aux décisions réglementaires, voire aux projets de loi. Tel était l'objet de l'un des amendements que j'ai soutenus en commission. Ce texte ne sera évidemment pas la grande loi sur la gouvernance environnementale que nous attendions. Nous espérons que cette loi d'envergure pourra être adoptée rapidement.
Nous devons mettre en place une expertise généralisée, ouverte et pluridisciplinaire : la question des organismes d'expertise dans notre pays doit être traitée. Le problème de l'open data et de la transparence de l'information, particulièrement crucial dans le domaine de l'environnement, doit aussi être résolu. Je vous invite d'ailleurs à un séminaire organisé jeudi matin prochain à l'Assemblée nationale par l'association Décider ensemble – dont je suis le président – consacré au thème de l'open data. Ce sujet est passionnant : quelle information devons-nous rendre publique ?
La question du recours systématique à des études d'impact réalisées par des organismes indépendants est également posée. Les débats publics doivent être généralisés, à la lumière des expériences menées et des pratiques adoptées depuis longtemps dans les pays d'Europe du Nord et les pays anglo-saxons. Il est également nécessaire de reconnaître le rôle des lanceurs d'alerte. Un financement pérenne doit enfin être consenti aux grandes organisations environnementales. J'espère que de beaux débats auront lieu à l'avenir sur ces sujets.
Ce projet de loi est important : nous le soutiendrons très vraisemblablement. Il contient quelques avancées intéressantes. Nous sommes d'ores et déjà satisfaits que les débats au Sénat et en commission à l'Assemblée nationale aient permis d'aboutir à des avancées significatives. Le délai de transmission des observations est passé de quinze jours à trois semaines. Les synthèses des consultations du public doivent à présent mentionner les observations dont il a été tenu compte pour les établir : de cette manière, les consultations seront beaucoup plus claires. J'ai déposé un amendement qui a été adopté en commission : il visait à ce que le Gouvernement informe le public par voie électronique, au mois trois mois à l'avance, de l'organisation des consultations. C'est une grande avancée. Ainsi le public, et notamment les parties prenantes, pourront préparer à l'avance, et donc efficacement, leur participation. On avait à l'époque, critiqué l'article 244 de la loi Grenelle 2, même si l'on considérait que consulter pendant quinze jours les acteurs et le public concernés représentait un progrès. Autre avancée : le nouvel article additionnel après l'article 1er, introduit par le Gouvernement, vise à expérimenter, au fur et à mesure de leur réception, les observations du public formulées par voie électronique. Je citerai, enfin, une dernière avancée significative : l'introduction partielle du garant dans la consultation
Ce texte présente encore des imperfections, en dépit du travail effectué au Sénat, puis en commission à l'Assemblée. Je suis très frustré qu'on ait écarté un de mes amendements, d'ailleurs repris par la gauche, visant à ce que les projets de loi relevant du domaine de l'environnement soient soumis à consultation, par le biais du Conseil national de la transition écologique. Comment allons-nous faire comprendre à nos concitoyens que nous ouvrons la participation et le dialogue pour des textes réglementaires émanant de notre administration ou des textes des collectivités, alors que l'on prive les projets, voire les propositions de loi, de la participation du public ? Je pense d'ailleurs qu'une analyse fine de l'article 7 de la Charte de l'environnement conduira sans doute d'autres organisations à continuer d'interroger le Conseil constitutionnel sur ce sujet. De quoi avons-nous peur ? Il n'est pas difficile, pour nous, de recenser l'ensemble des opinions dans le cadre d'un projet de loi. Cela n'affaiblira pas le rôle du Parlement, mais, au contraire, cela le renforcera, puisque le législateur pourra s'appuyer davantage sur cette participation du public. J'observe, d'ailleurs, que le principe de la consultation est généralisé dans toutes les grandes démocraties qui nous entourent. Nous aurions vraiment dû progresser sur ce sujet. Je regrette que l'UDI soit le seul groupe politique à soutenir une idée de bon sens comme celle-là.
J'évoquerai ensuite la question du garant. Le texte a évidemment évolué dans la bonne direction. Il est, en effet, essentiel qu'une personne neutre oriente les consultations, les classe, et veille à ce qu'elles puissent se traduire en des propositions susceptibles de recevoir des réponses très précises du Parlement, voire du Gouvernement. Ce garant pourrait être nommé par la Commission nationale du débat public.
Je n'ai pas eu le temps, en commission, de déposer des amendements sur la durée de la consultation. Nous les examinerons, par conséquent, tout à l'heure. Le Sénat a porté le délai de la consultation de quinze jours à trois semaines. En acceptant cette proposition, le Gouvernement a pris peu de risques puisque, aujourd'hui, la consultation dure en moyenne vingt-et-un ou vingt-deux jours. Nous aurions intérêt à prévoir des délais de consultation beaucoup plus longs, qui pourraient être d'un ou deux mois. Je rappelle qu'aux États-Unis, depuis 1940, tous les projets de lois et règlements sont mis à la disposition du public au moins deux mois avant leur promulgation.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter. Mme la ministre a répondu à une question que je souhaitais également poser concernant l'intégration des réseaux consulaires dans la future composition du Conseil national de la transition écologique ; je pense qu'elle évoquera à nouveau ce point.
Le groupe UDI ne peut donc que soutenir cette avancée. Il restera vigilant quant à la rédaction de l'ordonnance prévue à l'article 7 de ce projet de loi, rédaction à laquelle nous avons bien noté que vous avez décidé d'associer le Parlement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs, la Charte de l'environnement a été adoptée en 2004, mais ce n'est que huit ans après que nous examinons un projet de loi relatif au principe de participation du public aux décisions environnementales, principe pourtant intégré à l'article 7 de ladite charte. Ce délai est effectivement d'autant plus regrettable que le texte qui nous est soumis aujourd'hui intervient après quatre décisions du juge constitutionnel pointant les manquements législatifs.
Cette participation du public est l'un des éléments essentiels de la démocratie que les écologistes souhaitent mettre en place. Ce projet de loi ne doit pas être appréhendé comme un projet technique, mais comme un acte politique. Grâce à cette participation du public, les citoyens se réapproprient leur milieu, leur espace de vie, en ayant une emprise sur les décisions qui ont un effet sur l'environnement. Cette emprise doit être forte, la participation doit être réelle, et donc les choix du public doivent pouvoir prévaloir, le cas échéant, sur ceux des autorités. Introduire la participation du public, c'est aussi reconnaître la nécessité du dialogue : la démocratie, aujourd'hui, ne peut se satisfaire d'un État qui décide sans écouter.
Après notre discussion sur l'article 7 de la Charte de l'environnement, j'espère que nous en viendrons ultérieurement, mais rapidement, à l'article 5 relatif au principe de précaution, principe qui, pour l'instant, n'a que peu de déclinaisons normatives.
Comme je l'ai déjà dit, notamment lors de l'examen en commission du développement durable, la procédure de participation du public doit prendre en compte plusieurs points auxquels tiennent particulièrement les écologistes. Il est tout d'abord nécessaire, pour toute procédure de participation, de tenir compte des observations formulées par le public. La participation, ce n'est ni la consultation ni l'information. La participation, c'est écouter les revendications des citoyens, reconnaître que l'autorité publique peut avoir tort et c'est donc être prêt à remettre en cause un projet préalablement établi.
Le deuxième point concerne le délai. La procédure doit être menée suffisamment en amont, avant toute décision ou annonce de décision. La participation, ce n'est pas entériner une décision qui serait déjà prise. Si la procédure de participation débouche sur une remise en question du projet initialement prévu, ce retournement doit pouvoir se faire sans préjudice financier ou moral.
Troisième point : la procédure doit avoir un caractère contradictoire. Les citoyens doivent pouvoir répliquer aux observations des autres citoyens, répondre aux arguments des uns et des autres. Il s'agit d'un élément fondamental pour mener une participation réellement efficace. La participation, c'est plus qu'une simple discussion, c'est un échange, un débat.
Quatrième point : il est nécessaire d'accompagner la procédure d'un garant. Aussi, je me félicite que nos travaux en commission aient permis d'avancer sur ce point. Je m'interroge néanmoins sur un élément : la Commission nationale du débat public se voit attribuer une mission de supervision du garant de la procédure. Elle devra donc avoir les moyens financiers, humains et logistiques pour remplir cette nouvelle mission.
Enfin, cinquième et dernier point, il est nécessaire que l'autorité publique, qui rédige la synthèse des observations, explique pourquoi elle a tenu compte de certaines observations mais n'a pas tenu compte des autres. Sans cela, les citoyens qui ont participé de bonne foi à la procédure ne comprendront pas que, si leurs remarques n'ont pas été prises en compte, elles semblent ne pas non plus avoir été traitées. Les députés du groupe écologiste ont déposé des amendements sur ces cinq points qui ont déjà été soulevés en commission ; nous y reviendrons lors de l'examen des articles.
Je souhaiterais ajouter deux observations.
La première concerne l'obligation d'une transmission au public des informations à caractère environnemental détenues par les autorités publiques, obligation prévue par l'article 7 de la Charte de l'environnement. Cette information est tout aussi importante que la participation du public, mais elle est insuffisamment prise en compte dans ce texte. Les écologistes proposeront plusieurs amendements pour rendre notamment communicables les informations relatives au sous-sol ou celles détenues par les agences de l'eau.
Ma deuxième observation concerne le Conseil national de la transition écologique. Les écologistes se félicitent, bien sûr, de sa création. Nous regrettons cependant que ce conseil n'ait pas encore fait l'objet d'une réelle discussion : il a été créé par amendement au Sénat sans possibilité de travailler en amont sur son architecture. La discussion en commission à l'Assemblée a été rapide, l'amendement proposé par les écologistes étant tombé. Puisque ce projet de loi est examiné en urgence, la discussion aujourd'hui en séance publique est donc la seule occasion de débattre des modalités et des compétences de ce conseil, et j'espère que nous aurons une discussion approfondie sur ce point. Les écologistes proposeront plusieurs amendements pour faire de ce conseil un véritable soutien du Parlement. Ce conseil servira d'appui aux décisions politiques qui seront ainsi analysées au travers du prisme de la transition écologique. La transition écologique étant une démarche globale, ce CNTE doit donc avoir des compétences plus larges que celles actuellement prévues. Il doit être saisi sur tous les projets de loi ayant un impact sur l'environnement. Il doit pouvoir se saisir également sur des projets locaux ayant un impact national. Le Parlement doit, de même, pouvoir le saisir.
Enfin, il nous paraît regrettable que le Gouvernement ait fait disparaître, lors de l'examen en commission, la nécessité de consulter ce Conseil sur « les mesures prises en vue de la mise en oeuvre des engagements internationaux de la France, notamment en matière de protection de l'environnement et de biodiversité ». Nous souhaiterions que le Gouvernement revienne sur cette modification.
Je rappellerai, en conclusion, la qualité des débats que nous avons eus en commission du développement durable et je remercierai particulièrement le président Chanteguet qui a su animer de très riches discussions.
Les députés écologistes soutiendront donc ce projet de loi, lequel n'est pas parfait, mais constitue une avancée tout à fait importante et nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, mesdames, messieurs, la Charte de l'environnement adoptée en 2004 constitue une étape essentielle pour une meilleure prise en compte de l'environnement dans les décisions publiques qui peuvent l'affecter. Cette charte avait l'ambition de permettre aux citoyens de s'exprimer sur les projets qui ont une incidence réelle sur leur environnement. Il serait, en effet, illusoire de croire que l'on peut protéger la nature, la biodiversité et, plus généralement, nos cadres de vie sans que ceux qui les côtoient localement, les vivent quotidiennement, aient leur mot à dire. Contrairement à une certaine vision ancienne de l'écologie, qui percevait la protection de l'environnement comme une fin, les députés du groupe RRDP considèrent qu'elle est un impératif qui n'a d'autre but que le bien-être de nos concitoyens. Mais alors que le principe de la Charte est bon, sa mise en oeuvre, depuis 2004, a été par trop insatisfaisante. En effet, comment vouloir parler de gouvernance quand, dans le même temps, le précédent gouvernement prenait un arrêté, le 12 juillet 2011, afin de limiter la participation de certaines ONG aux débats, alors qu'elles sont, souvent, des lanceurs d'alerte ! Ne faut-il pas revenir sur cet arrêté ? La mise en oeuvre de la charte a été trop insatisfaisante. C'est aussi ce qu'ont rappelé plusieurs décisions du Conseil constitutionnel. Si une censure partielle de l'article L. 120-1 du code de l'environnement est attendue, c'est bien que les droits à valeur constitutionnelle de nos concitoyens n'ont pas été respectés depuis maintenant sept ans.
Il est donc temps que la mise en oeuvre de ce principe annoncé dans la Charte de l'environnement devienne effective. Et c'est seulement au regard de cet impératif que ce projet doit être apprécié. Certes, les députés du groupe RRDP n'ignorent pas les contraintes qui pèsent sur ce projet de loi. La censure probable de l'article L. 120-1 du code de l'environnement nécessite de légiférer rapidement. Il est absolument indispensable que ce texte puisse lever les doutes qui pèsent sur le principe de participation aussi bien auprès de nos concitoyens que des organismes qui ont à le mettre en oeuvre. Il aura donc fallu sept ans, un changement de majorité et la menace d'une censure par le Conseil constitutionnel pour modifier un texte aux défauts flagrants. Autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi le prouve bien : ce texte répond, en réalité, à une certaine urgence.
Les parlementaires ont, malgré cela, réalisé un travail remarquable, que je salue, pour introduire diverses modalités qui donnent de la substance à ce projet de loi. Ce fut d'abord le cas au Sénat, puis lors des travaux de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, qui, sous la responsabilité du président Chanteguet et de Mme la rapporteure, a accepté plusieurs amendements, le Gouvernement en ayant d'ailleurs lui-même déposé. À ce titre, je tiens à saluer le travail de Mme Batho, qui a cherché à consolider le projet. L'affirmation du droit d'accès à l'information environnementale et la communication des différentes études sont autant de nécessités.
Cependant, en dépit des améliorations apportées, le principal défaut de ce texte, et la ministre l'a souligné, est le manque de réponses concrètes.
Tout à fait, et je pense qu'elle apportera des réponses par la suite.
Nous devons garder à l'esprit que nous travaillons à l'élaboration d'un texte de loi destiné à nos concitoyens. Ce que veulent savoir nos concitoyens, c'est comment leurs avis seront pris en compte dans des dossiers d'actualité importants comme la création de nouveaux couloirs aériens, la gestion des ondes de téléphonie mobile, la culture des OGM ou encore l'exploitation du gaz de schiste.
Ce que veulent savoir nos concitoyens, c'est quelle sera la portée et l'incidence de leur avis, qui est aujourd'hui peu respecté par l'État. Il en est souvent ainsi lors des consultations des enquêtes publiques, comme encore hier dans mon territoire, à l'Épine-aux-Bois, et dans bien d'autres communes encore. Nous en avons des exemples à Château-Thierry et dans le sud de l'Aisne. Qu'il s'agisse des demandes de permis concernant les gaz et huiles de schistes ou des couloirs aériens, les citoyens, les élus, et les associations de Château-Thierry et du Soissonnais ont été méprisés, bafoués, ils n'ont pas reçu la moindre information.
Ce que veulent savoir nos concitoyens, c'est s'il est vraiment utile d'investir du temps dans ces consultations publiques.
Ce qu'ils veulent aussi, c'est comprendre. Comme pour les parlementaires, il faut mettre à leur disposition des informations claires et leur permettre de bénéficier du soutien d'experts, bien évidemment indépendants et choisis par eux.
Tant que l'on n'aura pas répondu à ces questions, à leurs questions, on ne pourra s'étonner qu'ils se sentent bien trop souvent écartés de la chose publique et de ses discussions.
Notre système de concertation doit donc être plus simple, plus lisible et plus transparent.
Malheureusement, mes chers collègues, le projet de loi n'apporte qu'une réponse très partielle à toutes ces questions.
Nous avons bien perçu les objectifs de ce texte et son urgence mais, s'il est nécessaire et si nous le soutenons, il ne peut se suffire en tant que tel parce qu'aujourd'hui l'enjeu de la participation du public va au-delà du domaine environnemental. Il y va de la survie de notre démocratie.
Nos habitants sont nombreux à rejeter la politique. Ils sont nombreux à avoir le sentiment qu'ils ne sont pas entendus, que cela ne sert à rien, que tout est déjà décidé à l'avance. Vous connaissez aussi bien que moi ces litanies.
Il est donc grand temps de revoir tous les outils disponibles dans le domaine de la consultation des publics, de simplifier les procédures, de simplifier les accès, tout en rappelant les règles du jeu et les responsabilités de chacun, celles des institutions mais aussi celles des citoyens.
Réfléchissons à ce projet qui s'appuie sur une volonté de transparence, garante d'une véritable liberté du citoyen, tout en permettant de sanctionner les obstructions abusives que nous connaissons ici ou là, car nous savons que la somme des intérêts particuliers ne fait pas l'intérêt général.
Soyons à l'offensive pour aboutir à des solutions acceptables par tous. Ne perdons plus de temps, travaillons à ces perspectives d'une citoyenneté plus active mais aussi plus responsable. Sans plus tarder, Mme la ministre nous propose de travailler à ce grand projet qu'est le renforcement de la consultation et de la participation des citoyens. Nous sommes prêts à être à ses côtés sur ce grand chantier.
Ainsi, dans l'espoir d'aller encore plus loin, les députés du groupe RRDP, très nombreux ce soir, voteront ce texte. Comme le disait Jean de la Fontaine, dans la fable Démocrite et les Abdéritains, au livre VIII, « Aucun n'est prophète chez soi ». Ne l'oublions pas. Oui, plus que jamais, nous avons besoin de l'avis de tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la mise en oeuvre de la participation du public qui nous est proposé est l'occasion pour le Parlement de mettre notre législation, et notamment notre code de l'environnement et nos pratiques administratives, en conformité avec la Constitution, et particulièrement avec la Charte de l'environnement.
Plus que de réaliser un simple aménagement technique ou juridique, l'occasion nous est donnée d'instaurer davantage de transparence et de démocratie dans un domaine qui est cher à nos concitoyens, l'environnement.
Élue locale comme un grand nombre d'entre vous, je peux attester que l'expertise citoyenne permet souvent d'enrichir la réflexion et d'améliorer les projets.
L'environnement est à la fois un bien commun précieux et fragile. C'est cette prise de conscience individuelle et collective qui conduit de plus en plus de nos concitoyens à s'intéresser aux mutations environnementales et à la préservation de nos ressources naturelles, de nos paysages et de notre cadre de vie.
Cette préoccupation légitime témoigne de l'émergence d'une conscience citoyenne et d'une opinion publique qui ont vocation à accompagner la transition écologique que le Gouvernement se propose de mettre en oeuvre.
En mettant le public au coeur de la concertation et du processus décisionnel, c'est une relation partenariale fondée sur une plus grande transparence que ce projet de loi cherche à promouvoir ; nous ne pouvons que nous en féliciter.
À travers ce texte, ce sont donc des droits nouveaux que nous consacrons et qu'il nous appartiendra de faire appliquer.
Cette loi a vocation aussi à surmonter le scepticisme de certaines administrations et de certaines autorités publiques à l'égard de la société civile en général, des associations et des citoyens en particulier.
Je tiens à souligner la qualité des travaux réalisés en commission sous l'autorité de notre président, Jean-Paul Chanteguet, avec le concours de Sabine Buis, la rapporteure. Je salue aussi l'accueil que le Gouvernement a réservé à nos contributions. Les débats qui ont eu lieu en amont de cette séance publique témoignent d'une véritable co-construction, où les membres de la commission du développement durable ont pleinement joué leur rôle de législateur.
En effet, grâce au travail réalisé par le Sénat en première lecture puis par l'Assemblée nationale, ce texte ne s'est pas limité à tirer les conséquences des annulations prononcées par le Conseil constitutionnel lors des différentes questions prioritaires de constitutionnalité. Ce projet est bien plus ambitieux. Il s'inscrit dans la droite ligne de l'engagement du Président de la République, François Hollande, et du Gouvernement de mettre en oeuvre la transition énergétique de manière ambitieuse, audacieuse et volontariste, et c'est l'état d'esprit qui nous anime aussi.
C'est d'abord le sens de la création du Conseil national de la transition écologique proposé par le Gouvernement.
C'est ensuite le sens de la création d'un garant, personnalité qualifiée, qui sera responsable de la rédaction de la synthèse analysant les observations.
C'est aussi l'exigence d'indépendance et de transparence, qui se traduira par l'adoption d'un décret précisant les modalités de désignation et de rémunération de la personnalité qualifiée, ainsi que les conditions auxquelles celle-ci doit satisfaire en vue d'assurer son impartialité. Nombre de nos concitoyens mais également d'associations seront extrêmement attentifs à ce point. Je me permets dès lors de réitérer notre souhait de voir le garant présenter une déclaration d'intérêt, portée à la connaissance du public.
C'est enfin l'amendement porté par notre collègue Florent Boudié, auquel je m'associe, qui vise à ce que l'autorité administrative motive sa décision en analysant les observations du public.
Je note la volonté du Gouvernement de passer par une phase d'expérimentation de dix-huit mois pour le garant mais aussi pour le forum citoyen. Les députés que nous sommes auront à coeur d'être attentifs à cette expérimentation, à son suivi et à son évaluation.
Je voudrais finalement exprimer ma satisfaction après l'adoption lors des débats en commission de l'amendement que j'ai déposé, affirmant le principe d'égalité des citoyens et permettant à tous ceux qui sont exclus par la fracture numérique d'accéder à l'information. Nombre de nos concitoyens sont en effet écartés de fait de la sphère numérique, parfois pour des raisons techniques liées à une incomplète couverture des territoires, véritable enjeu pour les années à venir, mais aussi tout simplement pour des raisons sociales. Il était donc nécessaire de leur permettre d'accéder à l'information et je remercie Mme la Ministre et Mme la rapporteure d'avoir soutenu cette demande que les projets soient mis à disposition en préfecture.
J'espère que la discussion permettra d'améliorer encore le texte et que nous pourrons tous être rassemblés autour de cette ambition.
Je me réjouis que le projet de loi présenté au Sénat ait été voté à l'unanimité, et j'espère qu'il en sera de même dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ce qui touche de manière générale à l'environnement, je le regrette, mais je le confesse ici publiquement à l'Assemblée nationale, qui représente le peuple de France, m'a rendu très sceptique à l'égard de la démocratie…
Depuis quelques décennies, depuis que je siège ici mais bien avant aussi, puisque je suis maire de ma commune depuis 1977 et conseiller général depuis 1982, j'ai vu un certain nombre de choses. J'ai connu l'époque où les maires représentaient vraiment leur commune, les élus territoriaux leurs territoires. L'État jouait son rôle ; on pouvait parler, on était pour on contre. Les collectivités, de manière générale, étaient à leur place.
Force est de constater qu'au cours des vingt ou trente dernières années, tout s'est emmêlé dans ma tête, et j'espère que ce n'est que dans la mienne.
Un véritable déluge de lois, de chartes, de directives européennes s'est abattu sur notre territoire, comme à Gravelotte – d'autant plus importantes d'ailleurs que la population du territoire que je représentais baissait et continuait à baisser encore. Je me suis demandé s'il n'y avait pas une erreur de casting quelque part, si c'était bien chez moi, dans ces vallées si verdoyantes, dans ces paysages si exceptionnels, qu'il fallait chercher toutes les causes des malheurs que les hommes apportaient à la terre, avec les conséquences que cela aurait pour nos enfants.
À partir de ce moment-là, j'ai beaucoup douté, parce que je me suis rendu compte que, bien souvent, une loi votée ici avait des prolongements à l'infini avec les décrets d'application qui suivaient et que je n'avais pas du tout prévus. J'ai vu que les deux directives Oiseaux et Habitat constituaient la base de Natura 2 000 et avaient quasiment enlevé tout pouvoir à ceux qui, depuis des siècles, assumaient si bien le territoire qu'ils avaient aimé au point d'avoir choisi d'y vivre. J'ai vu le retour des grands fauves. Il n'y a pas eu la moindre concertation. Puisqu'ils revenaient naturellement, il fallait qu'ils soient là, et on ne pouvait rien contre ce phénomène. Les manifestations pouvaient se multiplier, les actes de désespoir aussi. Il n'y avait rien à faire.
Tout cela a fait naître chez moi un doute réel à l'égard de la démocratie et par conséquent à l'égard de l'une des grandes causes de notre temps, l'environnement. Je suis de ceux qui croient que l'homme a des devoirs à l'égard de sa terre, que certains appellent la terre-mère, et à l'égard de ceux qui le suivront un jour car je suis persuadé que ce que nous faisons n'est pas sans incidence.
Toutefois, je voudrais pouvoir comprendre comment les choses se décident. J'en suis arrivé à me demander si les grandes organisations mondiales prétendument écologistes – je pense notamment à WWF, à Greenpeace, à France nature environnement – n'ont pas pris notre place à nous, les élus du peuple, pour décider de tout ; et je me suis vraiment inquiété quand j'ai découvert que ces organisations étaient financées par certains des acteurs les plus pollueurs de la planète.
Je dis oui à la participation du peuple : il est bon qu'il puisse regarder les choses de très près. Mais oui aussi à la prise en considération de l'avis des élus. Assez de ces enquêtes d'utilité publique tronquées qui, jour après jour, poussent nos concitoyens à ne plus croire en rien et surtout plus en leurs élus. Toutefois, de peur d'être encore une fois trompé par un texte de loi sur l'environnement, je m'abstiendrai.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le présent projet de loi tire toutes les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Son objet est de donner toute sa portée à l'article 7 de la Charte de l'environnement, laquelle consacre en tant que principe à valeur constitutionnelle le droit pour toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement et attribue au législateur la compétence pour en définir la mise en oeuvre.
L'article 7 énonce que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
La participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics est essentielle en ce que celles-ci ont souvent un impact, fort ou faible, durable ou temporaire, sur l'environnement. Le champ d'application du principe de participation ne pouvait donc rester aussi restreint qu'il l'était auparavant : il convenait de le modifier. C'est chose faite avec ce projet de loi qui retient, pour la modification de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, la formulation exacte de la Charte de l'environnement.
La participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics est nécessaire, profondément nécessaire même, à l'heure où certains projets font l'objet de longues discussions, de longues réflexions et, disons-le, parfois de franches oppositions. Elle pose la question de l'acceptabilité de certains projets dans notre société.
Le législateur doit donc se poser la question de l'origine de ces oppositions et de ces hésitations. La solution ne réside pas dans l'absence ou la rétention d'informations, dans la difficulté d'y accéder, bien au contraire. C'est au contraire par l'accessibilité et la richesse des informations mises à disposition du public que nous garantirons la bonne conduite des projets.
À une époque où les citoyens ne sont pas simplement spectateurs mais acteurs, à un moment où la vigilance citoyenne permet dans bien des cas de soulever des questions qui n'ont pas été décelées par les élus ou les experts, comme c'est le cas pour les permis d'exploitation de gaz de schiste – l'exemple a été cité en commission –, nous ne devons pas avoir peur de la participation du public, nous devons au contraire l'encourager.
Cela suppose de développer l'information du public, bien entendu, et de rendre cette information accessible. Nous serons aidés en cela par le développement des supports numériques. Ils ne constituent cependant pas les seuls outils. Nous avons veillé à ce que l'information soit aussi disponible sous de multiples formats, car la fracture numérique, comme vient de le rappeler Fanny Dombre Coste, ne doit pas constituer un obstacle à la participation.
La qualité de l'information est aussi visée par notre texte. Les informations seront placées dans leur contexte et présentées de manière intelligible, de façon à inciter à une participation plus large. Tout citoyen doit pouvoir, sans connaissance préalable, devenir un véritable acteur d'un projet.
Les remarques émises par nos concitoyens constituent une véritable source d'émulation et cette dimension sera accentuée par la possibilité offerte à chacun de prendre connaissance des avis et commentaires laissés par d'autres.
La participation, comme tout message émis, doit avoir un corollaire : la réception. L'administration aura ainsi à motiver clairement sa décision. Il s'agit là d'une avancée majeure. À cet égard, je salue l'amendement déposé par Florent Boudié. Notre administration n'a pas à se méfier de la parole citoyenne car celle-ci, loin de remettre en cause la qualité de son travail, vient la renforcer. Le rapprochement entre les décideurs et les citoyens n'est pas de nature à troubler leurs relations ou à ralentir l'action de l'administration qui va au contraire sortir fortifiée de la transparence de ce processus.
Jacques Krabal citait La Fontaine, je citerai Victor Hugo : « Placez une tribune au centre du monde, et avant peu, aux quatre coins de la terre, la République se lèvera ».
En adoptant ce projet de loi, notre assemblée ne tire pas seulement toutes les conséquences des imperfections des textes précédents : elle nous met sur la voie d'une véritable démocratie environnementale au coeur de laquelle se situe, naturellement, l'expression citoyenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la nature particulière du présent projet de loi qui tient sa source de trois questions prioritaires de constitutionnalité, préférant insister sur un point précis : la question fondamentale posée à travers ce texte, c'est la place que nous entendons donner dans notre pays à la démocratie participative. Et qu'est-ce que la démocratie participative sinon une grande et profonde révolution politique ?
Les uns la considèrent parfois comme un accident et espèrent pouvoir encore l'arrêter parce qu'ils y voient la marginalisation annoncée de nos institutions représentatives. Ce débat, nous l'avons eu en commission à propos de l'amendement qui étendait la consultation du public aux projets de loi dont le nouveau Conseil national de la transition écologique sera saisi. Je comprends que le texte soumis à notre discussion, compte tenu de l'urgence qu'il y a de le voir aboutir, ne puisse intégrer cette proposition mais sans doute conviendra-t-il à terme d'approfondir cette réflexion.
D'autres voient, au contraire, la participation du public comme un processus irrésistible parce qu'elle leur semble traduire le fait démocratique le plus continu, le plus ancien, le plus permanent que l'on connaisse : la volonté d'étendre l'espace civique pour favoriser l'implication de tous dans les choix collectifs et relégitimer – c'est en tout cas la conviction du groupe SRC – l'action publique.
Voici l'objet essentiel de nos discussions.
Vous me permettrez à présent, monsieur le ministre, de revenir sur quelques-uns des sujets qui ont alimenté nos échanges en commission.
Il s'agit tout d'abord de l'instauration d'un garant des procédures de consultation, que j'ai proposée par voie d'amendement avec quelques autres collègues. Après des débats très approfondis, je dois le dire, Mme la ministre en a accepté le principe et a approuvé une mise en oeuvre à titre expérimental. Je tiens à remercier le Gouvernement pour cette réelle avancée. Le groupe SRC souscrit donc aux modifications apportées par son amendement n° 91 et ce d'autant plus volontiers que le Gouvernement ne s'est pas montré sensible à l'irrecevabilité financière invoquée hier par la commission des finances.
J'en viens au deuxième point, majeur à mon sens : la motivation des décisions consécutives aux procédures de participation du public, qui a fait elle aussi l'objet d'un amendement. Dans la droite ligne de nos débats en commission, vous me permettrez, chers collègues, d'insister sur l'avancée que permettrait son adoption.
Rappelons qu'il ne s'agit pas d'imposer, d'un seul coup, l'obligation pour chaque administration de motiver ses décisions, quel qu'en soit l'objet, mais de les inciter à motiver les décisions qui ont un impact sur l'environnement parce qu'elles sont soumises précisément à une procédure qui, en elle-même, préfigure et prépare la motivation.
Je crois nécessaire d'aller dans cette direction, monsieur le ministre. Et j'observe là aussi – du moins je crois le pressentir – que le dialogue entre l'Assemblée et le Gouvernement a porté ses fruits.
Enfin, je terminerai mon propos en revenant, de façon plus générale, sur l'enjeu que constitue la démocratie participative elle-même, qui est au coeur de ce projet de loi.
Sonne-t-elle la mort de nos institutions représentatives, nationales et locales, comme nous l'entendons parfois et comme nous l'avons entendu tout à l'heure encore ? Je ne le crois pas. Les deux formes de l'expression politique, représentative et participative, ne s'excluent pas par principe. Elles se complètent et s'enrichissent mutuellement dans un mouvement d'approfondissement de la démocratie globale. Dans le même temps, mes chers collègues, il va de soi qu'un projet politique ne saurait se résumer à n'être qu'un discours de la méthode participative.
C'est entre ces deux exigences qu'il nous faut trouver un équilibre. Je crois, monsieur le ministre, que ce texte y parvient dans le cadre des contraintes de temps et de fond posées par le Conseil constitutionnel. C'est pourquoi le groupe SRC l'approuvera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, il en va de la participation comme de bien d'autres domaines : l'environnement joue souvent un rôle pionnier.
La notion de participation, issue du principe 10 de la déclaration de Rio de Janeiro de 1992, a été progressivement introduite dans notre ordre juridique : son principe général a été inscrit dans le droit de l'environnement grâce à la loi Barnier de 1995, son champ d'application a été élargi par la loi relative à la démocratie de proximité en 2002, et elle a connu une fortune particulière avec l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2005 qui lui a conféré une valeur constitutionnelle.
Le projet de loi qui nous est soumis permet avant tout de se mettre en conformité avec cette obligation constitutionnelle. Il est aussi la traduction d'un engagement inscrit sur la feuille de route de la transition écologique en faveur d'une participation effective du public.
Le principe de participation implique une véritable révolution culturelle. Il suppose une modification du mode de fonctionnement de l'administration dès lors qu'il remet en cause son monopole dans le processus de production de la norme. Il pourrait donc susciter quelques réserves ou réticences, mais je crois fondamentalement que la démocratie participative doit être conçue comme un enrichissement.
La participation doit en effet améliorer le contenu tout comme l'application de la norme. Quant au contenu, les observations, commentaires ou critiques formulées par le public viendront enrichir la décision publique et non s'y substituer. Il est par conséquent impératif que la participation s'organise à un moment où les inflexions restent possibles, sinon elle ne sera qu'illusion.
La participation doit aussi contribuer à améliorer l'application des décisions, pour peu que l'on s'attache à en valoriser le processus et le contenu et à en préserver la lisibilité ainsi que la transparence.
Une autre révolution culturelle est en marche, celle de la démocratie numérique, mais elle ne doit pas se faire au détriment de l'égalité entre les citoyens dans l'accès à l'information et à la participation, comme l'a souligné Fanny Dombre Coste.
Des améliorations ont d'ores et déjà été apportées au texte, à la suite notamment du travail en commission, et j'en profite pour remercier de nouveau notre rapporteure Sabine Buis pour son travail remarquable et pour sa pugnacité.
Une participation réelle et effective implique de se donner les moyens d'un véritable échange constructif entre les citoyens et l'administration. La note de présentation, la synthèse et la prise en considération par l'administration des observations du public sont à cet égard des éléments essentiels.
Je souhaite également saluer la création du Conseil national de la transition écologique, qui vient en quelque sorte parfaire le dispositif en ouvrant une consultation obligatoire pour les projets de loi intéressant l'environnement.
D'autres amendements seront débattus dans les prochaines minutes ; il sera alors sans doute possible d'aller encore plus loin, notamment sur la question de la motivation évoquée par mon collègue Florent Boudié.
De plus, Mme la ministre l'a évoqué, les derniers amendements déposés par le Gouvernement démontrent une volonté d'écoute et d'intégration des préoccupations exprimées lors des débats en commission. Je pense notamment à l'expérimentation de la désignation d'une personnalité par la Commission nationale du débat public, qui serait chargée de la synthèse des observations du public.
Mais je souhaiterais profiter de ce débat général pour attirer votre attention sur un volet de l'article 7, qui aura des implications non négligeables dans la mesure où il concernera une part importante des décisions publiques. Je vise ici les décisions émanant des collectivités locales, mais également les décisions individuelles de l'État et de ses établissements publics.
La définition des principes et limites de la participation se fera en la matière par ordonnance, nous l'avons dit. Le Gouvernement a affirmé sa volonté de donner du temps à la concertation et la rédaction de cette ordonnance devra associer non seulement les associations d'élus, mais aussi le Parlement. Mme la ministre nous a indiqué la manière de procéder dans les semaines et les mois à venir. Ce processus sera à n'en pas douter utile, mais je souhaite dès aujourd'hui insister sur quelques points qui me semblent essentiels pour assurer une participation effective, et que vous proposez d'ores et déjà d'intégrer pour les actes réglementaires nationaux.
Il s'agit par exemple de la publication d'un programme des différentes procédures de participation ; de la précision du contenu de la note de présentation ; de la synthèse des observations du public et de son mode de diffusion ; ou encore de l'organisation de la communicabilité et de la transparence des observations du public en temps réel – autant de dispositions que nous retrouvons dans le texte en débat ce soir.
Je terminerai par la question du garant, qui a fait l'objet d'un riche débat en commission. En garantissant la sincérité du dispositif, il constitue un avantage tant pour les citoyens, dans la mesure où il pourrait être chargé de veiller au bon déroulement de la participation, que pour l'administration, en lui ôtant le souci d'un dysfonctionnement dans la procédure.
Le garant peut de plus jouer un rôle déterminant pour qualifier l'information, en veillant à ce qu'elle soit intelligible et accessible. On sait en effet que la qualité et le contenu de l'information sont des éléments décisifs pour la réalité et l'effectivité de la participation.
Vous l'aurez compris, la représentation nationale sera vigilante concernant les règles et modalités pratiques de participation qui seront définies par l'ordonnance prévue à l'article 7.
En conclusion, la participation est parée de vertus qui ont pu susciter l'unanimité lors de nos débats en commission. J'encourage vivement mes collègues de l'UMP, au-delà des querelles soumises à l'arbitrage de la Commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales de leur parti, à poursuivre le riche débat amorcé en commission, puis à en tirer les conséquences en votant ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme la ministre Delphine Batho, qui m'a confié le soin de poursuivre les travaux, me permettant ainsi d'être à l'écoute des remarques particulièrement intéressantes qui s'inscrivaient dans la continuité des riches travaux de la commission. Je tenais du reste à vous adresser toutes nos félicitations, monsieur le président, pour la belle manière avec laquelle vous conduisez ces travaux.
Ce débat, portant sur le rôle de l'information et la transparence quant à la décision publique, est majeur. Il y avait donc urgence, après la censure du Conseil constitutionnel, à prendre cette décision ; cela n'avait que trop tardé. Le fait que les textes soient exposés à la censure du juge constitutionnel nous a en effet amenés à souligner les faiblesses du droit.
Nous devons réaffirmer l'enjeu, contenu dans l'engagement de Delphine Batho, que représente la transparence dans la décision publique et administrative, synonyme de crédibilité et de démocratie environnementale. Il est important que ce débat ait lieu, et que nous en précisions les délais ; le texte doit ainsi contenir une date d'information. Mais, au-delà de cette question des délais, il est également nécessaire de conférer de la force à la décision. La clarification, la transparence et la participation entraînent en effet une reconnaissance de la part des citoyens, et contribuent à créer une culture participative, et même une démocratie participative.
Le texte dont Delphine Batho a précisé les contours constitue un premier acte. Le deuxième acte, dont le calendrier vous a été communiqué, concernera notamment les collectivités locales. Je donne en outre rendez-vous à chacune et chacun d'entre vous afin de moderniser le droit de l'environnement ; nous avons en effet tous conscience que cela est nécessaire.
Sur l'ensemble de ces questions, les parlementaires ont, tant en commission qu'en séance publique, contribué à enrichir les travaux de cette assemblée. Je souhaite donc que la belle unanimité qui s'est manifestée au cours de ces débats se poursuive.
N'ayant pas eu la chance d'entendre l'ensemble de vos interventions, je vous ferai part des informations que Mme Batho m'a demandé de vous communiquer en réponse à vos questions.
Madame la rapporteure, vous avez souligné les attentes de nos concitoyens, ainsi que la lenteur avec laquelle l'article 7 de la Charte est entré dans notre droit et est devenu opposable : nous ne pouvons que vous suivre dans votre réflexion et votre constat. Ce projet de loi va donc dans le bon sens, en apportant des avancées sur lesquelles nous ne reviendrons plus. Il était nécessaire de préciser et de compléter : c'est désormais chose faite avec ce texte.
Monsieur le président de la commission du développement durable, nous nous engageons à inscrire à l'ordre du jour du Parlement le projet de loi de ratification de l'ordonnance. Je rappelle en effet que nous sommes dans l'obligation de rendre ces dispositions applicables dès le 1er septembre 2013. Mme Delphine Batho et le Gouvernement en prennent l'engagement par mon intermédiaire.
M. Chassaigne nous apporté son soutien, ce dont je le remercie.
Tous les soutiens sont importants s'agissant d'une réforme qui sert l'intérêt de nos concitoyens en recherchant la clarté de la décision publique.
En dépit de son absence, je salue le soutien de M. Chassaigne à la réforme, laquelle sera de nature à réconcilier nos concitoyens avec l'ensemble de ces décisions. Le doute ne peut en effet exister, notamment en matière d'environnement, au moment de prendre une décision. Je reprendrai à ce sujet le témoignage émouvant de M. Lassalle ; les citoyens attendent en effet de nous, acteurs publics ayant la charge de l'intérêt général, que nous répondions à leurs préoccupations. Ce sera donc chose faite.
M. Saddier regrettait la suppression de la formule « directe et significative ». Nous reprenons simplement la rédaction de l'article 7 de la Charte, la formulation actuelle risquant de créer une ambiguïté supplémentaire et par conséquent de ne pas protéger suffisamment du risque juridique. L'ajout des qualificatifs « directe et significative » ne renforce pas la précision juridique, comme vous le pensez, mais constitue au contraire une source d'ambiguïté et d'incertitude. Voilà qui démontre que le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Concernant les chambres consulaires, nous créons le nouveau CNTE. Il s'agit en l'occurrence de faire preuve de cohérence, car le Grenelle 1 mentionne le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement, le CNDDGE, à propos de ces chambres consulaires. Nous ne pouvions pas conserver cette référence, et nous avons tout simplement procédé à une coordination des différents textes en substituant le CNTE au CNDDGE. Naturellement, Mme Batho s'engage par ma voix à faire figurer cette modification dans le décret, ainsi que tout ce qui concerne la composition du futur CNTE ; soyez-en assuré.
Le décret sur le fonctionnement et la composition, en cours de préparation, fera bien évidemment l'objet d'une concertation – c'est l'une des vertus de la méthode employée par ce gouvernement. Un groupe ad hoc sera constitué, regroupant les organisations et organismes membres de l'actuel CNDDGE. Nous ne remettons naturellement pas en cause les acquis du Grenelle, au contraire : nous les précisons, et nous ferons en sorte que cette consultation permette de préciser le fonctionnement et la composition du CNTE.
La Charte est un grand texte fondateur – chacun le reconnaîtra – qui permet de conférer une valeur constitutionnelle à certaines dispositions. Nous assistons ainsi à l'émergence d'un droit nouveau, accordant plus de place aux citoyens ; c'est cela qui importe.
Madame Abeille, je partage votre point de vue sur la différence existant entre l'information et la participation. Tout dépend en fait du niveau de décision concerné, car il n'est pas toujours possible d'intervenir très en amont. Votre vision s'applique par exemple à un projet d'infrastructure, pour lequel le public a intérêt à formuler des observations avant que toutes les options soient figées. Mais la situation est très différente pour un texte réglementaire, car celui-ci doit avoir un contenu précis pour justifier une participation.
Concernant le CNTE, je comprends bien sûr votre frustration de ne pas pouvoir construire ici en séance ce nouveau Conseil national de la transition écologique. Mais il s'agit en l'occurrence d'une instance facultative, dont la composition et le fonctionnement relèvent du pouvoir réglementaire. Ainsi, vous devrez lui faire pleine et entière confiance pour composer cet organisme, même si nos débats vous donnent l'occasion d'exprimer votre sentiment à ce sujet. Peut-être parviendrez-vous à influencer la réflexion du pouvoir réglementaire, car nous recherchons toujours les bonnes idées, les bonnes références ; c'est aussi l'une des raisons de l'existence du débat parlementaire.
De plus, nous tenons à discuter avec toutes les parties concernant le fonctionnement de cette nouvelle instance, car nous souhaitons le dialogue avec tout le monde, notamment les ONG. Vous comprendrez donc qu'il soit nécessaire de nous entourer de la plus grande clarté afin d'aboutir à des textes parfaits, non contestables. La crédibilité des instances créées par ces textes en sera ainsi renforcée.
Par ailleurs, je souhaite également répondre à certaines de vos interrogations. Les engagements internationaux auxquels vous faites référence constituent en fait des stratégies nationales de développement durable et de la biodiversité, qui découlent des engagements pris lors de la Conférence de Rio. La consultation du CNTE est obligatoire pour un certain nombre de décisions, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent ; cela le sera désormais avec cette procédure.
Monsieur Pancher, je vous remercie d'avoir relevé les avancées du texte, concernant notamment les thèmes de l'open data et de l'expertise, sur lesquels vous avez rédigé un rapport dont chacun a souligné le caractère tout à la fois novateur et remarquable. Ces différentes réflexions seront, à n'en pas douter, abordées lors des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement. Nous nous inspirerons du travail que vous avez fourni, permettant ainsi d'avancer dans nombre de domaines.
Vous pourrez ainsi remarquer que nous n'hésitons pas à concrétiser certaines dispositions lorsqu'elles vont dans le bon sens.
Monsieur Krabal, Mme Batho et moi-même partageons votre analyse sur la qualité des débats. Cela montre que qualité des débats et urgence à légiférer peuvent aller de pair. Vous avez fait référence aux couloirs aériens, aux gaz de schiste, aux OGM, bref aux différents domaines de l'article 7. Toutes ces questions mobilisent l'ensemble du Gouvernement et la conférence environnementale en est une démonstration. C'est dire combien il est acteur ! Nous apportons les réponses concrètes qui s'imposent.
S'agissant des agréments d'associations, nous ne souhaitons pas être restrictifs. Ils doivent tenir compte d'une situation territoriale et de la qualité des associations à agir sur le territoire.
Monsieur Lassalle, je vous ai déjà cité, mais je ne me lasse pas de le refaire. Je veux saluer la réalité de l'expression démocratique qui est la vôtre, ce qui est souvent le cas. Mais n'opposons pas la démocratie représentative et la démocratie participative ! Elles sont complémentaires et interagissent. La démocratie peut prendre différentes formes d'expression, avec des légitimités complémentaires. Chacun a sa place. L'environnement a une place à part et vous en êtes aussi un témoin à part dans notre démocratie. La Constitution n'est plus celle qu'elle était en 1958, elle a pris en charge les enjeux environnementaux qui sont un pari sur l'avenir pour la société.
Vous avez eu raison, monsieur Bouillon, de rappeler l'historique du débat sur les gaz de schiste. Cela ne fait que donner plus de légitimité à vos travaux d'aujourd'hui. Ce sont les citoyens et les collectifs qui ont obtenu de la transparence et qui ont permis de prendre la bonne décision. Cette décision est incontestable, notamment sur les permis. Avec cette réforme, ainsi que celle du code minier sur laquelle je ne reviendrai pas, nous travaillons à instaurer plus de transparence dans la décision publique.
Madame Dombre Coste, le Gouvernement vous rejoint sur l'importance du garant, sur son indépendance qui est une nécessité et une force de la procédure telle qu'elle pourra être issue des textes qui seront votés par la représentation nationale. Le Gouvernement fera des propositions en la matière.
Monsieur Boudié, je vous remercie pour votre contribution au projet de loi. On me dit que vous avez engagé une discussion passionnante, permanente, sur les motivations des décisions administratives. Nul doute que la suite des débats vous permettra de contribuer encore à leur qualité. Il est évident que les travaux parlementaires sont toujours une référence et une forme de source de droit. Autant donc en profiter pour éclairer des décisions qui nécessitent des références à ces travaux.
Monsieur Yann Capet, j'ai bien entendu votre inquiétude sur la fracture numérique. Nous partageons votre préoccupation, surtout lorsque nous avons le souhait de permettre au plus grand nombre, avec des modes d'intervention les plus larges possibles, de participer à un débat. La fracture numérique est une réalité qui nous amène à être extrêmement offensifs. Fleur Pellerin est très sensible à cette question dont elle a la charge. Nous prenons bonne note de votre volonté d'être associé à la rédaction de l'ordonnance. À cet égard, je crois que Mme la ministre vous avait rassuré dans son propos introductif.
Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les réponses que je pouvais apporter à vos interventions au nom de Delphine Batho et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron