Le projet de loi qui nous est soumis tire les conséquences de décisions rendues par le Conseil Constitutionnel, l'une au mois d'octobre 2011 et les trois autres au mois de juillet dernier, à l'occasion de quatre questions prioritaires de constitutionnalité. Elles visent toutes les quatre une lacune de notre arsenal législatif au regard de l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui consacre le principe de participation du public aux décisions ayant des effets sur l'environnement.
Ce principe est l'aboutissement d'une longue marche – si j'ose dire – qu'ont engagée l'adoption de la Charte en 2004 et son inscription dans nos références constitutionnelles en 2005, mais il nous vient de plus loin en droit international puisqu'il figure dans la déclaration de Rio de 1992 – cela a été rappelé – et dans la convention d'Aarhus de 1998, ratifiée par la France en 2002.
Je crois que nous devons tous nous réjouir de cette avancée de notre démocratie que constitue la valeur constitutionnelle accordée au principe de participation du public prévu dans cet article 7 de la Charte de l'environnement. Il nous reste à la traduire en urgence dans notre droit national, car les dispositions actuelles du code de l'environnement risquent fort d'être abrogées à partir du 1er janvier 2013 par de nouvelles décisions du Conseil constitutionnel en réponse à des questions prioritaires de constitutionnalité qu'il va très prochainement examiner. L'article 120-1 du code de l'environnement introduit par la loi Grenelle 2 se révèle, en effet, insuffisamment opérant dans l'application de cet article 7, et les députés du Front de Gauche sont favorables à l'objectif de ce projet de loi qui va permettre une plus grande transparence et une démocratisation des politiques publiques en matière d'environnement.
Dans notre droit national, nous disposons des enquêtes publiques et des concertations publiques et de la loi du 23 février 1995, relative à la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Le présent projet de loi est appelé à s'appliquer lorsque aucun autre dispositif particulier de participation n'est prévu, et il va au-delà du simple principe d'information pour assurer la participation des citoyens aux décisions. Il a d'abord été examiné au Sénat, où de nombreuses améliorations ont été obtenues et où des amendements des sénateurs communistes ont été pris en compte ; il en est ainsi d'un amendement concernant l'information et la participation des élus locaux ; il était en effet paradoxal de prétendre permettre la consultation du public quand, fréquemment, les élus eux-mêmes découvraient après coup que leurs communes étaient impliquées dans un projet dont ils ne savaient rien ou presque ; c'est parfois même telle ou telle association qui les informait. Les élus locaux que nous sommes pour la plupart ont vécu ce type de situations, ou les vivent encore ; nous recevons ainsi dans nos permanences parlementaires des associations qui nous alertent sur telle ou telle mesure qui pourrait d'ailleurs passer en catimini sans ce circuit d'information.
D'un point de vue plus général, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées obtenues. J'en cite les principales : l'allongement des délais de transmission au public ; la publicité des observations ; l'articulation de la consultation de l'organe collégial et la participation du public ; une prise en compte plus effective des observations par l'administration ; la précision du contenu de la note technique jointe au projet de décision ; les procédures de participation concernant les canalisations de transport des hydrocarbures et produits chimiques et les plans de prévention des risques naturels ; la précision des critères de dispense de participation en cas d'urgence justifiée par la protection de l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public.
Je dois vous dire, madame la ministre, madame la rapporteure, que M. Carvalho éprouve toutefois un regret en raison, m'a-t-il dit, de l'article 7 du projet de loi, que je partage puisqu'il concerne les ordonnances. Il est, en effet, proposé de recourir aux ordonnances pour les décisions d'espèce, celles qui concernent un domaine restreint, à savoir les décisions dites « individuelles », c'est-à-dire celles qui, de manière ponctuelle, concerneront des dérogations au droit commun. D'un côté, nous apprécions le souci de ne pas entraver des projets relevant de l'intérêt général ; de l'autre, la procédure choisie constitue une violation de l'un des principes démocratiques fondamentaux d'organisation de notre République, à savoir la répartition des pouvoirs. Or, en l'occurrence, la confiscation par l'exécutif de la prérogative législative porte atteinte à ce principe.
Cela dit, ce regret exprimé par M. Carvalho ne s'accompagne pas de la formulation très précise de propositions de nature à éviter ce recours aux ordonnances.
J'émets pour ma part le voeu que le débat qui nous réunit permette un véritable échange, un échange constructif, voire, pour reprendre le mot du président Chanteguet, un échange imaginatif, pour affiner le texte. Enfin, faut-il préciser, madame la ministre, que la transition écologique, dont il a beaucoup été question lors de la conférence des 14 et 15 septembre dernier, ne saurait, j'y insiste, s'opérer sans la participation responsable des citoyens aux décisions publiques qui les concernent ?
Le projet de loi qui nous est soumis doit nous permettre d'avancer dans cette direction. Je pense que vous aurez compris que l'approuver ne nous pose aucun problème. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)