Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, « la meilleure façon de traiter les questions environnementales est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ». C'est en ces termes que la déclaration de Rio de 1992 posait le principe de participation du public aux décisions ayant un impact sur l'environnement. Ce principe est inscrit pour la première fois dans notre droit positif avec la loi dite Barnier du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement, qui a fixé les règles d'organisation du débat public. Par la suite, la volonté d'améliorer la prise en compte de l'environnement a conduit la France à signer puis ratifier le 8 juillet 2002 la convention d'Aarhus qui garantit l'accès à l'information et la participation du public au processus décisionnel, ainsi que l'accès à la justice en matière d'environnement, mais c'est véritablement l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004, inscrite dans la Constitution en 2005, qui consacre la démocratie environnementale en permettant l'ouverture de grands débats publics sur les projets ayant un impact environnemental. Cet article dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
Ce texte ambitieux – une initiative, faut-il le rappeler, du président Jacques Chirac – a constitué une avancée fondamentale. Il a réellement marqué les premiers pas de la démocratie environnementale, à laquelle nous sommes tous, quelle que soit notre couleur politique, aujourd'hui particulièrement attachés. Il a également, pour la première fois, consacré le droit de l'environnement, en conférant aux droits et devoirs qui y sont édictés une valeur constitutionnelle. C'est grâce à la persévérance et à la force de conviction de Jacques Chirac que l'environnement figure désormais dans notre Constitution. Si cette inscription a suscité de vifs débats à l'époque, je crois que plus personne, aujourd'hui, ne la conteste.
Je le dis en tant que rapporteur, à l'époque, de la commission qui s'appelait alors commission des affaires économiques et du développement durable et au nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui était rapporteure de la commission des lois, saisie au fond.
Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, principe de précaution, promotion du développement durable, et enfin droit pour toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement : voilà entre autres plusieurs nouveaux principes à valeur constitutionnelle qui ont été introduits par la Charte de l'environnement.
Le projet de loi que vous nous proposez d'examiner aujourd'hui, madame la Ministre, se donne pour objectif premier de conférer toute sa portée au droit de participation du public tel qu'il est énoncé par la Charte. Son second objectif est de garantir la conformité à la Constitution des dispositions du code de l'environnement qui n'assuraient aucune participation du public ou une participation très limitée, comme l'ont démontré quatre décisions récentes du Conseil constitutionnel.
L'article 7 de la Charte renvoyait en effet pour sa mise en oeuvre à l'élaboration d'un texte législatif qui devait préciser les conditions et les limites de son application. Par la suite, l'article 244 de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle 2 », codifiée à l'article L. 120-1 du code de l'environnement, a donc encadré la portée du principe de participation du public. Or le Conseil constitutionnel a récemment, et à plusieurs reprises, déclaré que la mise en oeuvre du principe de participation du public telle que définie à l'article L. 120-1 du code de l'environnement n'était pas conforme à la Constitution. La participation du public pose notamment problème en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, ou ICPE. Elle pose également problème concernant la mise en place par les autorités administratives de zones de protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable et des zones d'érosion, ainsi que dans le cas de décisions individuelles. Ces différentes censures prendront effet pour certaines au 1er janvier 2013, pour d'autres au 1er septembre 2013. Le Conseil constitutionnel risque par ailleurs de censurer à nouveau, par une prochaine décision, l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Telles sont les considérations qui vous ont conduite à nous présenter ce projet de loi dans l'urgence.
Bien que vous ayez invoqué l'urgence lorsque ce texte nous a été présenté, nous tenons à saluer la richesse des débats qui nous ont animés, et nous nous félicitons des améliorations qui ont d'ores et déjà été apportées lors de l'examen de ce projet tant au Sénat qu'en commission du développement durable mercredi dernier. Nous saluons également l'ouverture d'esprit dont a fait preuve Mme la rapporteure, qui a déjà garanti un travail certes efficace, mais insuffisant, sur ce texte. Nous espérons sincèrement que nos débats se poursuivront avec la même qualité aujourd'hui au sein de cet hémicycle. Nous présenterons notamment, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, un certain nombre d'amendements portant sur le volet agricole de ce projet de loi. Nous souhaitons avoir un vrai débat, ouvert, sur cette question.
L'objectif poursuivi par votre projet de loi est certes louable. Nous souhaitons tous impliquer de manière plus concrète les citoyens dans l'élaboration des décisions publiques ayant un impact environnemental. Nous reconnaissons tous également la nécessité de consacrer le principe de participation du public. Toutefois, le texte que vous nous soumettez aujourd'hui ne répond malheureusement pas aux nombreuses interrogations que suscite sa mise en oeuvre. Nous ne vous cachons pas, madame la ministre, que nous sommes très inquiets en raison des insuffisances et des multiples imperfections de ce projet de loi.
Nous nous inquiétons tout d'abord – je le dis une nouvelle fois et je n'aurai de cesse de le répéter – de la volonté persistante du Gouvernement d'engager quasi systématiquement la procédure accélérée sur les textes qui nous sont soumis, et cela depuis le début de la législature. Ces textes ont eu par la suite, il faut bien l'avouer, des fortunes diverses.
Cette précipitation est désormais célèbre ; elle est marque de fabrique de cette majorité. Cela n'est selon nous ni le gage d'un travail efficace des parlementaires, ni l'assurance de débats constructifs. Si, en l'occurrence, l'urgence se justifie pour éviter l'éventuelle censure…