Madame et monsieur les ministres, madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, notre pays fait face à un défi démocratique d'une ampleur sans doute équivalente au défi relevé par les pères de la démocratie moderne. Jamais nos concitoyens n'ont été aussi formés : 80 % des jeunes sont maintenant titulaires du baccalauréat. Jamais nos concitoyens n'ont été aussi informés : tout argument soutenu par un spécialiste peut être pris en défaut par une simple consultation d'Internet via un téléphone portable. Jamais nos concitoyens n'ont été aussi inquiets et n'ont remis autant de décisions en cause, notamment concernant la santé et l'environnement. Ce phénomène a commencé par les pluies acides, puis ce furent l'affaire du sang contaminé, les OGM, et demain, peut-être, les nanotechnologies. Nous sommes donc tenus de décider et de gouverner autrement : c'est un grand défi démocratique pour les pays occidentaux en général et le nôtre en particulier, qui est si, et trop, centralisé.
Le législateur a progressivement tenu compte de ces attentes de nos concitoyens. Comment pouvons-nous agir pour cesser de passer en force, ou en catimini, ou de reculer sur l'ensemble de nos décisions ?
Le législateur a introduit – Martial Saddier a évoqué ce sujet – la Charte de l'environnement dans le bloc de constitutionnalité : c'est une première avancée fondamentale. Cette charte reprend les principes de la convention d'Aarhus : participation de tous à la prise de décision en matière environnementale, droit à l'information, à la protection et à la défense juridique. Il est désormais possible de saisir le Conseil constitutionnel quant à la conformité des projets et propositions de loi aux dispositions de la charte. Le citoyen est dorénavant placé sur ce point à égalité avec le législateur.
Ces dispositions ont d'ailleurs permis aux grandes organisations environnementales, notamment France nature environnement, de contester l'article 244 de la loi « Grenelle 2 », qui était imparfaite pour ce qui concerne le régime des consultations.
Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement tire les conséquences de quatre décisions du Conseil constitutionnel. Ce projet de loi est présenté en procédure accélérée car l'abrogation des dispositions du code de l'environnement visées par les décisions du Conseil constitutionnel prendra effet très prochainement. Nous comprenons donc que le Gouvernement ait choisi d'engager la procédure accélérée.
Aujourd'hui, nous travaillons à élargir le champ d'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement en étendant les possibilités de consultation aux décisions réglementaires, voire aux projets de loi. Tel était l'objet de l'un des amendements que j'ai soutenus en commission. Ce texte ne sera évidemment pas la grande loi sur la gouvernance environnementale que nous attendions. Nous espérons que cette loi d'envergure pourra être adoptée rapidement.
Nous devons mettre en place une expertise généralisée, ouverte et pluridisciplinaire : la question des organismes d'expertise dans notre pays doit être traitée. Le problème de l'open data et de la transparence de l'information, particulièrement crucial dans le domaine de l'environnement, doit aussi être résolu. Je vous invite d'ailleurs à un séminaire organisé jeudi matin prochain à l'Assemblée nationale par l'association Décider ensemble – dont je suis le président – consacré au thème de l'open data. Ce sujet est passionnant : quelle information devons-nous rendre publique ?
La question du recours systématique à des études d'impact réalisées par des organismes indépendants est également posée. Les débats publics doivent être généralisés, à la lumière des expériences menées et des pratiques adoptées depuis longtemps dans les pays d'Europe du Nord et les pays anglo-saxons. Il est également nécessaire de reconnaître le rôle des lanceurs d'alerte. Un financement pérenne doit enfin être consenti aux grandes organisations environnementales. J'espère que de beaux débats auront lieu à l'avenir sur ces sujets.
Ce projet de loi est important : nous le soutiendrons très vraisemblablement. Il contient quelques avancées intéressantes. Nous sommes d'ores et déjà satisfaits que les débats au Sénat et en commission à l'Assemblée nationale aient permis d'aboutir à des avancées significatives. Le délai de transmission des observations est passé de quinze jours à trois semaines. Les synthèses des consultations du public doivent à présent mentionner les observations dont il a été tenu compte pour les établir : de cette manière, les consultations seront beaucoup plus claires. J'ai déposé un amendement qui a été adopté en commission : il visait à ce que le Gouvernement informe le public par voie électronique, au mois trois mois à l'avance, de l'organisation des consultations. C'est une grande avancée. Ainsi le public, et notamment les parties prenantes, pourront préparer à l'avance, et donc efficacement, leur participation. On avait à l'époque, critiqué l'article 244 de la loi Grenelle 2, même si l'on considérait que consulter pendant quinze jours les acteurs et le public concernés représentait un progrès. Autre avancée : le nouvel article additionnel après l'article 1er, introduit par le Gouvernement, vise à expérimenter, au fur et à mesure de leur réception, les observations du public formulées par voie électronique. Je citerai, enfin, une dernière avancée significative : l'introduction partielle du garant dans la consultation
Ce texte présente encore des imperfections, en dépit du travail effectué au Sénat, puis en commission à l'Assemblée. Je suis très frustré qu'on ait écarté un de mes amendements, d'ailleurs repris par la gauche, visant à ce que les projets de loi relevant du domaine de l'environnement soient soumis à consultation, par le biais du Conseil national de la transition écologique. Comment allons-nous faire comprendre à nos concitoyens que nous ouvrons la participation et le dialogue pour des textes réglementaires émanant de notre administration ou des textes des collectivités, alors que l'on prive les projets, voire les propositions de loi, de la participation du public ? Je pense d'ailleurs qu'une analyse fine de l'article 7 de la Charte de l'environnement conduira sans doute d'autres organisations à continuer d'interroger le Conseil constitutionnel sur ce sujet. De quoi avons-nous peur ? Il n'est pas difficile, pour nous, de recenser l'ensemble des opinions dans le cadre d'un projet de loi. Cela n'affaiblira pas le rôle du Parlement, mais, au contraire, cela le renforcera, puisque le législateur pourra s'appuyer davantage sur cette participation du public. J'observe, d'ailleurs, que le principe de la consultation est généralisé dans toutes les grandes démocraties qui nous entourent. Nous aurions vraiment dû progresser sur ce sujet. Je regrette que l'UDI soit le seul groupe politique à soutenir une idée de bon sens comme celle-là.
J'évoquerai ensuite la question du garant. Le texte a évidemment évolué dans la bonne direction. Il est, en effet, essentiel qu'une personne neutre oriente les consultations, les classe, et veille à ce qu'elles puissent se traduire en des propositions susceptibles de recevoir des réponses très précises du Parlement, voire du Gouvernement. Ce garant pourrait être nommé par la Commission nationale du débat public.
Je n'ai pas eu le temps, en commission, de déposer des amendements sur la durée de la consultation. Nous les examinerons, par conséquent, tout à l'heure. Le Sénat a porté le délai de la consultation de quinze jours à trois semaines. En acceptant cette proposition, le Gouvernement a pris peu de risques puisque, aujourd'hui, la consultation dure en moyenne vingt-et-un ou vingt-deux jours. Nous aurions intérêt à prévoir des délais de consultation beaucoup plus longs, qui pourraient être d'un ou deux mois. Je rappelle qu'aux États-Unis, depuis 1940, tous les projets de lois et règlements sont mis à la disposition du public au moins deux mois avant leur promulgation.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter. Mme la ministre a répondu à une question que je souhaitais également poser concernant l'intégration des réseaux consulaires dans la future composition du Conseil national de la transition écologique ; je pense qu'elle évoquera à nouveau ce point.
Le groupe UDI ne peut donc que soutenir cette avancée. Il restera vigilant quant à la rédaction de l'ordonnance prévue à l'article 7 de ce projet de loi, rédaction à laquelle nous avons bien noté que vous avez décidé d'associer le Parlement.