Intervention de Laurence Abeille

Séance en hémicycle du 21 novembre 2012 à 15h00
Principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Madame la présidente, mesdames, messieurs, la Charte de l'environnement a été adoptée en 2004, mais ce n'est que huit ans après que nous examinons un projet de loi relatif au principe de participation du public aux décisions environnementales, principe pourtant intégré à l'article 7 de ladite charte. Ce délai est effectivement d'autant plus regrettable que le texte qui nous est soumis aujourd'hui intervient après quatre décisions du juge constitutionnel pointant les manquements législatifs.

Cette participation du public est l'un des éléments essentiels de la démocratie que les écologistes souhaitent mettre en place. Ce projet de loi ne doit pas être appréhendé comme un projet technique, mais comme un acte politique. Grâce à cette participation du public, les citoyens se réapproprient leur milieu, leur espace de vie, en ayant une emprise sur les décisions qui ont un effet sur l'environnement. Cette emprise doit être forte, la participation doit être réelle, et donc les choix du public doivent pouvoir prévaloir, le cas échéant, sur ceux des autorités. Introduire la participation du public, c'est aussi reconnaître la nécessité du dialogue : la démocratie, aujourd'hui, ne peut se satisfaire d'un État qui décide sans écouter.

Après notre discussion sur l'article 7 de la Charte de l'environnement, j'espère que nous en viendrons ultérieurement, mais rapidement, à l'article 5 relatif au principe de précaution, principe qui, pour l'instant, n'a que peu de déclinaisons normatives.

Comme je l'ai déjà dit, notamment lors de l'examen en commission du développement durable, la procédure de participation du public doit prendre en compte plusieurs points auxquels tiennent particulièrement les écologistes. Il est tout d'abord nécessaire, pour toute procédure de participation, de tenir compte des observations formulées par le public. La participation, ce n'est ni la consultation ni l'information. La participation, c'est écouter les revendications des citoyens, reconnaître que l'autorité publique peut avoir tort et c'est donc être prêt à remettre en cause un projet préalablement établi.

Le deuxième point concerne le délai. La procédure doit être menée suffisamment en amont, avant toute décision ou annonce de décision. La participation, ce n'est pas entériner une décision qui serait déjà prise. Si la procédure de participation débouche sur une remise en question du projet initialement prévu, ce retournement doit pouvoir se faire sans préjudice financier ou moral.

Troisième point : la procédure doit avoir un caractère contradictoire. Les citoyens doivent pouvoir répliquer aux observations des autres citoyens, répondre aux arguments des uns et des autres. Il s'agit d'un élément fondamental pour mener une participation réellement efficace. La participation, c'est plus qu'une simple discussion, c'est un échange, un débat.

Quatrième point : il est nécessaire d'accompagner la procédure d'un garant. Aussi, je me félicite que nos travaux en commission aient permis d'avancer sur ce point. Je m'interroge néanmoins sur un élément : la Commission nationale du débat public se voit attribuer une mission de supervision du garant de la procédure. Elle devra donc avoir les moyens financiers, humains et logistiques pour remplir cette nouvelle mission.

Enfin, cinquième et dernier point, il est nécessaire que l'autorité publique, qui rédige la synthèse des observations, explique pourquoi elle a tenu compte de certaines observations mais n'a pas tenu compte des autres. Sans cela, les citoyens qui ont participé de bonne foi à la procédure ne comprendront pas que, si leurs remarques n'ont pas été prises en compte, elles semblent ne pas non plus avoir été traitées. Les députés du groupe écologiste ont déposé des amendements sur ces cinq points qui ont déjà été soulevés en commission ; nous y reviendrons lors de l'examen des articles.

Je souhaiterais ajouter deux observations.

La première concerne l'obligation d'une transmission au public des informations à caractère environnemental détenues par les autorités publiques, obligation prévue par l'article 7 de la Charte de l'environnement. Cette information est tout aussi importante que la participation du public, mais elle est insuffisamment prise en compte dans ce texte. Les écologistes proposeront plusieurs amendements pour rendre notamment communicables les informations relatives au sous-sol ou celles détenues par les agences de l'eau.

Ma deuxième observation concerne le Conseil national de la transition écologique. Les écologistes se félicitent, bien sûr, de sa création. Nous regrettons cependant que ce conseil n'ait pas encore fait l'objet d'une réelle discussion : il a été créé par amendement au Sénat sans possibilité de travailler en amont sur son architecture. La discussion en commission à l'Assemblée a été rapide, l'amendement proposé par les écologistes étant tombé. Puisque ce projet de loi est examiné en urgence, la discussion aujourd'hui en séance publique est donc la seule occasion de débattre des modalités et des compétences de ce conseil, et j'espère que nous aurons une discussion approfondie sur ce point. Les écologistes proposeront plusieurs amendements pour faire de ce conseil un véritable soutien du Parlement. Ce conseil servira d'appui aux décisions politiques qui seront ainsi analysées au travers du prisme de la transition écologique. La transition écologique étant une démarche globale, ce CNTE doit donc avoir des compétences plus larges que celles actuellement prévues. Il doit être saisi sur tous les projets de loi ayant un impact sur l'environnement. Il doit pouvoir se saisir également sur des projets locaux ayant un impact national. Le Parlement doit, de même, pouvoir le saisir.

Enfin, il nous paraît regrettable que le Gouvernement ait fait disparaître, lors de l'examen en commission, la nécessité de consulter ce Conseil sur « les mesures prises en vue de la mise en oeuvre des engagements internationaux de la France, notamment en matière de protection de l'environnement et de biodiversité ». Nous souhaiterions que le Gouvernement revienne sur cette modification.

Je rappellerai, en conclusion, la qualité des débats que nous avons eus en commission du développement durable et je remercierai particulièrement le président Chanteguet qui a su animer de très riches discussions.

Les députés écologistes soutiendront donc ce projet de loi, lequel n'est pas parfait, mais constitue une avancée tout à fait importante et nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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