Intervention de Pascal Deguilhem

Séance en hémicycle du 17 décembre 2014 à 15h00
Habilitation du gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires au respect du code mondial antidopage — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Deguilhem, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

… la loi que nous devons à Marie-George Buffet marque une étape supplémentaire, avec la naissance de ce qui deviendra l’AFLD et la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Grâce à la volonté des États les plus engagés – Marie-George Buffet n’y est pas étrangère –, l’Agence mondiale antidopage est créée, ce qui traduit la prise de conscience de la nécessité de mener ce combat de façon harmonisée au niveau international.

En 2003, cette instance produit le premier code mondial antidopage, qui sera transposé en France en 2006, peu après l’adhésion de la France à la Convention internationale contre le dopage. Une deuxième version du code a vu le jour en 2007, puis une troisième en novembre 2013. Ce sont ces modifications que le Gouvernement se propose de transposer par voie d’ordonnance, compte tenu de l’impérieuse nécessité de le faire rapidement.

Aujourd’hui, avec plusieurs représentants au sein de l’AMA – dont notre collègue Valérie Fourneyron, qui préside le comité santé, médecine et recherche –, mais aussi dans le comité des sportifs ou dans les groupes d’experts, nous devons faire preuve d’exemplarité dans la transposition de la nouvelle version du code mondial. Nous n’avons d’ailleurs pas attendu la révision de ce code pour appliquer des mesures importantes, comme, en 2012, le passeport biologique, sans doute appelé à se développer, même si cela requiert des moyens. C’est là un outil extrêmement important pour suivre les variables biologiques des sportifs et repérer ceux qui peuvent éventuellement se doper.

Mais le nouveau code mondial antidopage comporte aussi des nouvelles dispositions susceptibles de rendre la lutte contre le dopage plus ciblée et plus « intelligente », entre guillemets. La France, en signant la convention de l’Unesco contre le dopage, a pris un engagement vis-à-vis des autres États, et elle doit le respecter.

L’entrée en vigueur du nouveau code, comportant plus de 2 000 modifications, est fixée au 1er janvier 2015. Cela oblige donc à présenter ces ordonnances au Parlement et à appliquer ces nouvelles dispositions au plus vite. À défaut, nous risquerions de placer l’AFLD dans une situation difficile.

La grande pertinence des dispositions du code justifie aussi leur intégration rapide, par voie d’ordonnance, dans le droit interne. Dans un domaine qui est, par nature, toujours en avance sur le droit comme sur les techniques de dépistage, on ne peut se permettre de prendre du retard.

Le code mondial antidopage comporte donc plusieurs dispositions nouvelles, qui ont pour objet de rendre plus efficace la prévention et la répression : tout d’abord, les compétences des organisations nationales antidopage – ONAD – sont étendues, ce qui, je l’espère, facilitera le travail de l’AFLD ; elle pourra désormais effectuer des contrôles supplémentaires pendant les manifestations sportives internationales, en dehors du site de celles-ci.

Cela pourrait peut-être permettre de remédier à la mauvaise volonté de certaines instances internationales comme les fédérations. Je n’en dirai pas plus.

Le nouveau code mondial antidopage met l’accent sur le renseignement, sur la réalisation d’enquêtes ainsi que sur le partage d’informations. Il s’agit là d’une réelle nouveauté qui témoigne d’une volonté partagée et exprimée par l’ensemble des acteurs. Cela me paraît essentiel, car la lutte internationale contre le dopage mobilise de nombreux acteurs qui doivent, en tant que détenteurs d’informations, être mis en réseau.

Nous sommes partis d’un contrôle direct pour évoluer progressivement, sans bien entendu abandonner les contrôles sanguins et urinaires, vers un contrôle indirect. C’est la raison, d’ailleurs, pour laquelle l’Agence française de lutte contre le dopage a recruté, ou va recruter, un enquêteur expert issu de la police nationale.

Il ne faut pas systématiquement pointer les sportifs du doigt. Ils sont en effet souvent, mais pas toujours, victimes, car la répression du dopage passe par leur protection vis-à-vis de leur entourage qui peut se révéler défaillant, parfois véreux.

Une nouvelle infraction est créée : elle interdit à des sportifs de s’associer à des personnes ayant enfreint une ou plusieurs règles antidopage. L’actualité nous en a donné récemment un exemple, dont on ne connaît pas encore la pertinence : des médecins frappés d’une interdiction de fréquenter des sportifs, et ayant donc déjà été sanctionnés, exerceraient encore dans le milieu sportif.

Il faut pouvoir démasquer les vrais tricheurs, c’est-à-dire ceux qui violent de façon intentionnelle les règles antidopage. Ils se verront appliquer des sanctions disciplinaires plus lourdes. Porter la durée de la suspension de deux à quatre ans n’est pas rien : prononcer cette sanction reviendra à mettre fin à la carrière du sportif de haut niveau mis en cause. Il est en effet impossible, à l’issue de quatre ans de mise à l’écart, de revenir à un tel niveau.

À l’inverse, certains sportifs pourront contribuer à la découverte et à la mise en évidence d’une infraction : ils pourront, dans ce cas, voir leur sanction réduite.

Le code mondial antidopage n’a pas été élaboré uniquement pour la France : il l’a été pour l’ensemble des 177 pays signataires qui participent à la lutte antidopage. Ceux-ci ont tous des politiques de lutte contre le dopage de niveau et d’intensité variables : nombre d’entre eux sont aujourd’hui défaillants. Pour faire référence une nouvelle fois, car cela me paraît intéressant, à l’actualité, nous voyons bien aujourd’hui que certains États manifestent dans cette lutte de la mauvaise volonté. D’autres se trouvent dans l’incapacité de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour sanctionner leurs sportifs ou les entourages de ceux-ci.

Aussi, dans le cadre de la transposition qui fait l’objet du présent projet de loi, nous pouvons, dans une certaine mesure, adapter ces dispositions à notre tradition juridique, notamment aux principes constitutionnels. Un point, qui sera sans doute évoqué lors des interventions à venir, fait débat : la possibilité désormais offerte au contrôleur de procéder à des contrôles en tous lieux et à tout moment.

Au regard du droit actuel, cela signifie que les autorités en charge de la lutte antidopage pourraient diligenter des contrôles devant avoir lieu entre 21 heures et 6 heures du matin. Bien sûr, dans notre droit interne, cette possibilité contrevient au principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile. En droit pénal, les perquisitions nocturnes ne sont d’ailleurs autorisées que pour des infractions particulièrement graves comme le terrorisme et la criminalité organisée.

Mais cette extension des pouvoirs de contrôle contreviendrait également au principe de respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Monsieur le ministre, vous avez rappelé l’avis du Conseil d’État : je crois qu’il faut le suivre à la lettre.

Cette mesure paraît répondre – nous pourrions en débattre d’un point de vue technique – à l’une des failles du droit actuel qui permet d’absorber des produits dopants au cours de la nuit. On sait très bien, par exemple, que l’hormone de croissance, qui constitue aujourd’hui pour certaines disciplines sportives un fléau, s’avère très rapidement, en moins de deux heures, indétectable. Je laisse naturellement aux spécialistes le soin de préciser cette durée.

En cas de très forte suspicion d’utilisation d’hormone de croissance, il n’existe pas cinquante solutions : il faut pouvoir intervenir le plus rapidement possible. La substance ne reste en effet présente dans l’organisme que quelques heures à peine. Le processus est identique pour les faibles doses d’érythropoïétine.

Au total, nous pensons que la transposition de la nouvelle version du code mondial antidopage devrait contribuer à renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage et à mieux préserver nos sportifs. Monsieur le ministre, il faudra néanmoins prendre garde, dans la mesure où les mesures induites par cette transposition coûteront peut-être plus cher, à ce que les moyens financiers et humains de la lutte antidopage – c’est-à-dire ceux de l’Agence française de lutte contre le dopage, du laboratoire de Châtenay-Malabry et des directions régionales – soient suffisants pour pouvoir les mettre en oeuvre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion