Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise aujourd’hui à notre examen est particulièrement attendue par les élus locaux. Après la décision du Conseil constitutionnel, la perspective de la seule application du tableau de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales revient à dénier à l’intelligence locale le pouvoir de s’exprimer et, dans certaines limites, de déterminer une gouvernance adaptée aux enjeux de chaque territoire.
Aussi l’initiative prise par nos collègues du Sénat Alain Richard et Jean-Pierre Sueur et consistant à réintroduire la possibilité de conclure des accords locaux est la bienvenue.
Il convient, afin de sécuriser cette possibilité, de faire en sorte qu’elle respecte strictement les bornes constitutionnelles – que le Conseil constitutionnel, mes chers collègues, ne fait que faire respecter, rappelons-le. Il est inutile de fustiger je ne sais quel « gouvernement des juges », comme nous avons pu l’entendre dans une autre assemblée : cela reviendrait à renier les règles que nous nous sommes nous-mêmes fixées et que le Conseil ne fait que nous rappeler.
Il s’agit essentiellement du principe d’égalité devant le suffrage, qui a amené le Conseil constitutionnel à rappeler que les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques, et que s’il s’ensuit que la répartition des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité territoriale participante, il peut être toutefois tenu compte dans une mesure limitée d’autres considérations d’intérêt général.
Ces éléments à l’esprit, la version de la proposition de loi issue de la commission des lois nous paraît atteindre un point d’équilibre adapté puisqu’elle conjugue la nécessaire possibilité d’une liberté de choix locale avec l’indispensable respect de nos principes juridiques.
Les amendements introduits en commission à l’initiative de son rapporteur, Olivier Dussopt, sont venus renforcer la prépondérance, dans la répartition des sièges, du principe de représentation démographique, ce qui a pour effet de sécuriser davantage le dispositif que ne le permettait le texte sénatorial. Ces principes ont même été étendus au scénario de répartition des sièges hors accord local, c’est-à-dire selon le tableau majoré de 10 % tel que le prévoit l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.
Le texte issu de la commission des lois prévoit en outre explicitement le scénario d’une annulation juridictionnelle d’un accord local et permet au territoire concerné de pouvoir bénéficier du nouveau dispositif. Enfin, il prévoit clairement le cas des EPCI qui devraient procéder à une nouvelle répartition des sièges en cas d’élection partielle organisée dans une commune au cours du mandat actuel. Un délai de deux mois est ouvert pour qu’un accord local puisse être adopté, ce qui permet à la commune concernée de connaître le nombre de sièges communautaires avant la tenue des élections.
Ces évolutions positives et de nature à sécuriser le texte nous ont amenés à adopter la proposition de loi en commission.
Pour les membres du groupe SRC, les deux amendements proposés par le Gouvernement, qui s’inscrivent dans la même démarche, sont les bienvenus. Le premier clarifie le caractère obligatoire de la recomposition de la gouvernance communautaire dans le cas d’un renouvellement intégral ou partiel du conseil municipal d’une commune membre, et le second permet aux différents groupes présents dans les conseils municipaux de concourir à l’élection des conseillers communautaires supplémentaires en cas de recomposition des conseils communautaires entraînant pour une ville un surcroît de sièges.
Au-delà de la proposition de loi que nous examinons, il nous faudra, comme l’a rappelé Colette Capdevielle en commission, développer une réflexion globale sur la question de la démocratie communautaire.
À l’heure des métropoles et des communautés d’agglomération de grande ampleur, comme celles de plus de 200 000 habitants de la grande couronne francilienne, il est indispensable que nous puissions fixer une doctrine, si je puis dire, sur le point le plus sensible qu’a mis en perspective la décision du Conseil constitutionnel, à savoir l’articulation de la représentation des territoires avec celle des populations.
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui introduit le seuil de 20 000 habitants pour les établissements publics de coopération intercommunale, peut être l’occasion pour la représentation nationale de faire avancer cette réflexion.
Celle-ci s’est déroulée jusqu’à présent par étapes successives, au gré des projets de loi soumis à notre examen, depuis la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral jusqu’au projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, actuellement en lecture définitive, en passant par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Le dernier grand texte sur les territoires que nous aurons à examiner, le projet de loi NOTRe, portant Nouvelle organisation territoriale de la République, doit être l’occasion de procéder aux ajustements que les textes précédents peuvent ponctuellement réclamer. Ce faisant, la réforme territoriale portée par la majorité inscrira dans la réalité de notre pays une nouvelle organisation, fondée sur la lisibilité et l’efficacité de l’action publique pour nos concitoyens.
Cette perspective fondamentale, qui s’inscrit dans une démarche de rapprochement entre nos concitoyens et leur administration, correspond à un objectif d’intérêt général qui, je le souhaite, peut rassembler largement la représentation nationale. L’examen de cette proposition de loi en est une étape et c’est pourquoi je vous demande, au nom du groupe SRC, de l’adopter.