La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le président du groupe socialiste, républicain et citoyen a fait savoir au président de l’Assemblée nationale qu’à partir du 1er janvier 2015, M. David Habib remplacera M. Christophe Sirugue dans ses fonctions de vice-président.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, la question que vous avez à examiner ce matin relève de la démocratie locale, puisqu’elle concerne la composition des conseils communautaires des communautés de communes et des communautés d’agglomération, et plus précisément la marge accordée aux conseils municipaux pour, dans des conditions raisonnables, moduler le nombre de sièges du conseil communautaire ainsi que la répartition de ces sièges entre les communes.
En vertu d’un principe général dégagé par le Conseil constitutionnel, ce nombre et cette répartition doivent être déterminés proportionnellement à la population de chaque commune membre de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, afin de respecter le principe fondamental de l’égalité du suffrage. Le tableau du III de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales fixe le nombre de conseillers communautaires en fonction de la population municipale de l’établissement public de coopération intercommunale – EPCI. Il n’est pas question de remettre en cause ce tableau.
La question porte en fait sur la répartition de ces sièges entre les communes membres de l’EPCI. C’est sur ce point que le Conseil constitutionnel a jugé, le 20 juin dernier, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité présentée par la commune de Salbris, que les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales dérogeaient au principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune « dans une mesure qui est manifestement disproportionnée », annulant de ce fait le principe même d’un accord local initialement inscrit dans la loi à la demande générale des élus locaux et nationaux.
La proposition de loi des sénateurs Alain Richard et Jean-Pierre Sueur que vous examinez ce matin vise à rouvrir cette possibilité de modulation. Tout en respectant la décision du Conseil constitutionnel, il convient de permettre aux élus municipaux de nouer des accords locaux de représentation dans leur intercommunalité.
Le Premier ministre a déclaré, lors de la convention nationale de l’Assemblée des communautés de France, le 9 octobre dernier, que le Gouvernement est favorable à cette proposition, à la condition que les dispositions votées par le Parlement soient sécurisées juridiquement de sorte qu’à l’issue d’une éventuelle nouvelle question prioritaire de constitutionnalité, le dispositif ne puisse pas être à nouveau remis en cause. En effet, plusieurs centaines d’intercommunalités sont aujourd’hui potentiellement confrontées à la décision du Conseil constitutionnel, et contraintes de procéder à une nouvelle répartition des sièges, entre leurs communes membres.
Le Conseil constitutionnel n’a pas demandé à l’ensemble des EPCI d’abroger immédiatement les accords locaux et a modulé dans le temps les effets de sa décision. Cependant, chaque EPCI est aujourd’hui confronté à ce risque, ne serait-ce qu’à l’occasion du renouvellement, même partiel, d’un seul conseil municipal d’une de ses communes membres. Cette situation est source d’instabilité et n’est pas tenable, comme plusieurs d’entre vous ainsi que des associations d’élus et de nombreux préfets l’ont signalé au Gouvernement.
La proposition de loi d’Alain Richard et de Jean-Pierre Sueur, adoptée le 22 octobre au Sénat, veut donc remédier rapidement à cette situation. Son examen par votre commission, monsieur le rapporteur, a permis de préciser le dispositif et d’en étendre les effets notamment aux métropoles et aux communautés urbaines, dans une orientation qui convient au Gouvernement.
Sont ainsi encadrées les adaptations à la répartition démographique, et sont garantis deux éléments nécessaires : le maintien d’au moins un siège pour chaque commune, même la plus petite, d’une part, et le plafonnement à 50 % des sièges pour la commune la plus importante d’autre part.
Cette proposition de loi répond également à la question de l’encadrement des dérogations au principe général de proportionnalité par rapport à la population. Le Conseil d’État en a été saisi par le Gouvernement, afin d’indiquer dans quelle mesure et à quelles conditions la possibilité d’un tel accord local pouvait à nouveau être inscrite dans le code général des collectivités territoriales.
D’après le Conseil d’État, un tel accord est possible, dans des conditions toutefois assez précises. La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté un texte qui reprend les conditions prescrites par cet avis du Conseil d’État. Elle a toutefois estimé que, pour favoriser les conclusions d’accords locaux, il fallait aller au-delà. En effet, le Conseil d’État n’est pas le juge constitutionnel et il peut être intéressant, comme l’a souhaité votre rapporteur, d’exploiter pleinement les marges que le Conseil constitutionnel est disposé à laisser aux acteurs locaux.
La volonté du Gouvernement est toutefois de sécuriser pleinement les nouvelles dispositions du code général des collectivités territoriales, induites par cette proposition de loi, et d’éviter, dans l’intérêt des communes et des EPCI, que le Conseil constitutionnel ne soit à nouveau conduit, le cas échéant, à en neutraliser les effets, rééditant les difficultés auxquelles nous avons été confrontés. À cet égard, il apparaîtrait justifié qu’une fois cette proposition de loi définitivement adoptée par le Parlement, le Conseil constitutionnel puisse en être saisi à titre préventif.
En conclusion, en mon nom, au nom de Bernard Cazeneuve, qui vous prie d’excuser son absence, et au nom du Gouvernement, j’aimerais remercier l’ensemble des groupes parlementaires qui, par leur soutien unanime, donneront de la force à ce texte utile à la démocratie locale et attendu par de nombreux élus dans un grand nombre de départements.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, mes chers collègues, en 2010, le législateur avait prévu que la composition des conseils de communautés de communes et de communautés d’agglomération, ainsi que la répartition des sièges en leur sein, pourraient être déterminées de deux manières : soit par l’application d’un tableau précisant le nombre de sièges au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale selon sa population, et les répartissant entre les communes avec un mode de représentation proportionnelle aménagée ; soit par la conclusion, à la majorité qualifiée des communes membres, d’un accord local de répartition des sièges.
Par ailleurs, la loi du 17 mai 2013 a organisé l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct par fléchage dans les communes de plus de 1 000 habitants.
Cette évolution des règles de représentation et cette démocratisation de l’intercommunalité constituent en réalité l’aboutissement d’un long processus. La loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, qui a créé les communautés de communes, prévoyait déjà que la répartition des sièges au sein de leur organe délibérant soit assurée en fonction de leur population. Dans le même temps, déjà, ce principe était nuancé par l’application de deux règles jamais remises en cause depuis lors : l’attribution d’un siège de droit à chaque commune, quelle que soit sa population, afin que toutes les communes soient représentées, et l’interdiction pour l’une d’entre elles de disposer de plus de la moitié des sièges, ce qui lui aurait permis de régir le conseil communautaire et d’exercer ainsi une forme de contrôle sur l’EPCI.
La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 maintenait elle aussi cet encadrement. Toutefois, sur l’initiative du Sénat, la possibilité de procéder à une répartition par accord local à la majorité qualifiée des communes avait été conservée aux communautés de communes et d’agglomération.
Par la suite, la loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération a rendu plus attractive encore la conclusion d’un tel accord, en portant la proportion de sièges supplémentaires pouvant être répartis dans ce cadre à 25 % du total résultant de l’application des règles légales. On estime ainsi que 90 % des organes délibérants de communautés de communes et de communautés d’agglomération installés à l’issue des élections municipales de mars 2014 ont été constitués sur le fondement d’un tel accord local.
La décision du Conseil constitutionnel a donc mis en cause un dispositif qui, en encadrant uniquement, de manière marginale, la libre répartition des sièges de conseillers communautaires par les élus municipaux, méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage, en tant qu’il permettait de déroger de manière excessive au principe général de proportionnalité démographique.
Le Conseil constitutionnel n’a toutefois contesté ni le principe même qui permettait aux conseils municipaux de conclure un accord local de répartition des sièges au sein de l’organe délibérant, ni le fait que cet accord procède d’une majorité qualifiée des communes, à condition que les écarts de représentation qu’il prévoirait soient fondés sur des considérations d’intérêt général et encadrés par le législateur.
Par ailleurs, en vertu de cette décision, toute annulation d’une élection municipale dans une seule des communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération, ainsi que toute modification du périmètre de l’un de ces EPCI, obligent à recomposer un organe délibérant selon la règle de stricte représentation démographique et sans possibilité de recourir à un accord local.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, membres de la commission des lois du Sénat, ont déposé le 24 juillet dernier cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par la Haute assemblée le 22 octobre. Cependant, le dispositif retenu ne semble que partiellement conforme à la jurisprudence constitutionnelle, qui restreint les marges de manoeuvre que le législateur peut laisser aux élus municipaux pour fixer la composition de l’organe délibérant d’un EPCI en exigeant que les écarts de représentation par rapport à la répartition sur des fondements démographiques soient limités et justifiés par des motifs d’intérêt général.
La version initiale de la proposition de loi adoptée au Sénat encadrait doublement ces écarts. Ainsi, aucune commune ne pouvait voir sa représentation augmenter de plus d’un siège, et aucune délégation de commune ne pouvait voir son nombre de sièges au sein de l’organe délibérant diminuer de plus de 20 %. Cependant, ces règles ne garantissent en rien que la répartition soit conforme au principe d’égalité démographique.
D’abord, dans la mesure où le gain potentiel ne pouvait dépasser un siège par commune, les communes les plus peuplées, dont la représentation est déjà limitée à la moitié des sièges au maximum, voient nécessairement leur part reculer : un gain d’un siège correspond à une augmentation de 5 % pour la commune qui dispose déjà de 20 sièges, mais à une hausse de 100 % pour celle qui n’en a qu’un.
Ensuite, en permettant de diluer la part de chaque commune, dans la limite de 20 %, le texte ne tenait pas compte des éventuelles sous-représentations, notamment dans le cas où plusieurs communes se sont vu attribuer des sièges supplémentaires à l’issue de la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne.
La commission des lois du Sénat a d’ailleurs bien observé que l’écart en surreprésentation pourrait, dans certains cas, excéder les limites posées par la jurisprudence constitutionnelle, tout en se demandant si cette tolérance ne pourrait pas être admise en tant que motif d’intérêt général. C’est pour cela qu’elle a renforcé l’encadrement de l’accord local prévu à l’article 1er en adoptant plusieurs amendements de sa rapporteure, Mme Troendlé, et de M. Richard, co-auteur de la proposition de loi.
Malgré ces efforts, le dispositif ne correspond toujours pas à l’encadrement dit du tunnel, habituellement pratiqué par le Conseil constitutionnel, pour lequel une représentation est fondée sur des critères essentiellement démographiques lorsque l’écart à la moyenne de présentation ne dépasse pas plus ou moins 20 %.
Aussi, sur ma proposition, la commission des lois a adopté un dispositif respectant plus strictement les deux principes d’encadrement des marges de manoeuvre laissées aux élus municipaux.
Pour commencer, la marge de 20 % s’appréciera, en l’absence d’accord des communes sur la répartition des sièges, par rapport au nombre de sièges qui résultera, pour la commune concernée, de l’application des règles légales. L’attribution de sièges supplémentaires devra maintenir dans cette limite toutes les communes qui s’y trouvent déjà soumises. À l’égard des autres communes, elle devra avoir pour effet de réduire l’écart à la moyenne, sans nécessairement ramener cet écart en deçà de 20 %.
Enfin, un dernier amendement m’a été suggéré par Alain Richard, que j’ai rencontré pour tenter de parvenir à une rédaction consensuelle, dans la perspective d’un éventuel vote conforme au Sénat. Il dispose, dans le cas où la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ne permet d’attribuer qu’un seul siège à une commune – situation différente de celle des communes qui ne pourraient bénéficier de l’attribution d’un siège en application de la règle résultant de la loi de 2010 – que l’accord pourra lui en conférer un second, afin de favoriser une représentation plurielle et paritaire de chacune des communes.
Notre commission a travaillé sur un autre point. Le VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que, dans les métropoles et les communautés urbaines, à l’exception de la métropole d’Aix-Marseille, et, à défaut d’accord global, dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, les communes peuvent créer et répartir des sièges supplémentaires en nombre inférieur ou égal à 10 % du total issu de la répartition légale. Toutefois, cette répartition, parfois appelée mini-accord local, n’était encadrée par aucune règle visant à garantir le principe général de proportionnalité par rapport à la population. Aussi, nous avons choisi d’appliquer les règles d’encadrement susdites à cette répartition de sièges supplémentaires.
Enfin, le cas d’espèce de la commune de Salbris, soumis au Conseil constitutionnel en juin dernier, a montré que les conditions de majorité qualifiée pouvaient conduire à ce que l’accord local soit au détriment des communes les plus peuplées, au risque de déséquilibrer la gouvernance des EPCI. J’ai donc proposé que l’accord local de répartition des sièges soit adopté dans les conditions de majorité qualifiée qui s’appliquent à la création d’un EPCI à fiscalité propre : soit à la majorité des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres représentant plus de la moitié de la population, soit par la moitié au moins des conseils municipaux des communes membres représentant plus des deux tiers de la population totale, moyennant l’accord obligatoire du conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse, dès lors que celle-ci est supérieure au quart de la population totale.
Comme prévu par le Sénat, l’article 2 de la proposition de loi permet aux communes qui n’auraient pu négocier un accord local de le faire dans les six mois suivant la promulgation du présent texte.
Dans la rédaction adoptée par la commission des lois, il est également permis de procéder à cette recomposition de l’organe délibérant par accord local, comme l’exige la décision du Conseil constitutionnel, avant qu’ait lieu une élection partielle au sein d’une des communes membres de l’EPCI.
La liberté que nous souhaitons naturellement laisser aux élus locaux doit être encadrée, dans le respect des principes constitutionnels, d’où la nécessité de limiter les marges de manoeuvre dont les élus disposent pour conclure un accord local de répartition des sièges.
J’espère toutefois que le texte adopté par la commission des lois pourra rapidement faire l’objet d’une adoption conforme par le Sénat et, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, être éventuellement soumis au Conseil constitutionnel avant sa promulgation afin de sécuriser les accords qui en découleront et la situation des communes concernées.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise aujourd’hui à notre examen est particulièrement attendue par les élus locaux. Après la décision du Conseil constitutionnel, la perspective de la seule application du tableau de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales revient à dénier à l’intelligence locale le pouvoir de s’exprimer et, dans certaines limites, de déterminer une gouvernance adaptée aux enjeux de chaque territoire.
Aussi l’initiative prise par nos collègues du Sénat Alain Richard et Jean-Pierre Sueur et consistant à réintroduire la possibilité de conclure des accords locaux est la bienvenue.
Il convient, afin de sécuriser cette possibilité, de faire en sorte qu’elle respecte strictement les bornes constitutionnelles – que le Conseil constitutionnel, mes chers collègues, ne fait que faire respecter, rappelons-le. Il est inutile de fustiger je ne sais quel « gouvernement des juges », comme nous avons pu l’entendre dans une autre assemblée : cela reviendrait à renier les règles que nous nous sommes nous-mêmes fixées et que le Conseil ne fait que nous rappeler.
Il s’agit essentiellement du principe d’égalité devant le suffrage, qui a amené le Conseil constitutionnel à rappeler que les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques, et que s’il s’ensuit que la répartition des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité territoriale participante, il peut être toutefois tenu compte dans une mesure limitée d’autres considérations d’intérêt général.
Ces éléments à l’esprit, la version de la proposition de loi issue de la commission des lois nous paraît atteindre un point d’équilibre adapté puisqu’elle conjugue la nécessaire possibilité d’une liberté de choix locale avec l’indispensable respect de nos principes juridiques.
Les amendements introduits en commission à l’initiative de son rapporteur, Olivier Dussopt, sont venus renforcer la prépondérance, dans la répartition des sièges, du principe de représentation démographique, ce qui a pour effet de sécuriser davantage le dispositif que ne le permettait le texte sénatorial. Ces principes ont même été étendus au scénario de répartition des sièges hors accord local, c’est-à-dire selon le tableau majoré de 10 % tel que le prévoit l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.
Le texte issu de la commission des lois prévoit en outre explicitement le scénario d’une annulation juridictionnelle d’un accord local et permet au territoire concerné de pouvoir bénéficier du nouveau dispositif. Enfin, il prévoit clairement le cas des EPCI qui devraient procéder à une nouvelle répartition des sièges en cas d’élection partielle organisée dans une commune au cours du mandat actuel. Un délai de deux mois est ouvert pour qu’un accord local puisse être adopté, ce qui permet à la commune concernée de connaître le nombre de sièges communautaires avant la tenue des élections.
Ces évolutions positives et de nature à sécuriser le texte nous ont amenés à adopter la proposition de loi en commission.
Pour les membres du groupe SRC, les deux amendements proposés par le Gouvernement, qui s’inscrivent dans la même démarche, sont les bienvenus. Le premier clarifie le caractère obligatoire de la recomposition de la gouvernance communautaire dans le cas d’un renouvellement intégral ou partiel du conseil municipal d’une commune membre, et le second permet aux différents groupes présents dans les conseils municipaux de concourir à l’élection des conseillers communautaires supplémentaires en cas de recomposition des conseils communautaires entraînant pour une ville un surcroît de sièges.
Au-delà de la proposition de loi que nous examinons, il nous faudra, comme l’a rappelé Colette Capdevielle en commission, développer une réflexion globale sur la question de la démocratie communautaire.
À l’heure des métropoles et des communautés d’agglomération de grande ampleur, comme celles de plus de 200 000 habitants de la grande couronne francilienne, il est indispensable que nous puissions fixer une doctrine, si je puis dire, sur le point le plus sensible qu’a mis en perspective la décision du Conseil constitutionnel, à savoir l’articulation de la représentation des territoires avec celle des populations.
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui introduit le seuil de 20 000 habitants pour les établissements publics de coopération intercommunale, peut être l’occasion pour la représentation nationale de faire avancer cette réflexion.
Celle-ci s’est déroulée jusqu’à présent par étapes successives, au gré des projets de loi soumis à notre examen, depuis la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral jusqu’au projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, actuellement en lecture définitive, en passant par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Le dernier grand texte sur les territoires que nous aurons à examiner, le projet de loi NOTRe, portant Nouvelle organisation territoriale de la République, doit être l’occasion de procéder aux ajustements que les textes précédents peuvent ponctuellement réclamer. Ce faisant, la réforme territoriale portée par la majorité inscrira dans la réalité de notre pays une nouvelle organisation, fondée sur la lisibilité et l’efficacité de l’action publique pour nos concitoyens.
Cette perspective fondamentale, qui s’inscrit dans une démarche de rapprochement entre nos concitoyens et leur administration, correspond à un objectif d’intérêt général qui, je le souhaite, peut rassembler largement la représentation nationale. L’examen de cette proposition de loi en est une étape et c’est pourquoi je vous demande, au nom du groupe SRC, de l’adopter.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en première lecture nous vient du Sénat, où elle a été déposée, le 24 juillet 2014, par les sénateurs Alain Richard et Jean-Pierre Sueur. Une question d’actualité avait été posée préalablement par le groupe UMP, suivie le 3 septembre par un texte quasiment identique déposé par les sénateurs UMP Gélard, Leleux et Milon.
Cette proposition de loi est relative à la représentation des communes au sein des communautés de communes ou d’agglomération. Elle vise à remédier aux conséquences résultant pour les intercommunalités de la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 encadrant l’accord amiable adopté par les conseils municipaux concernés pour la fixation du nombre de sièges communautaires et leur répartition entre les communes membres d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté de communes.
En ce qui me concerne, c’est la communauté de communes du Genevois qui a appelé mon attention sur cette question, car elle venait d’être touchée par les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 qui faisait passer le nombre de ses conseillers communautaires de 52 à 42. Si toutes les communes restent représentées, deux voient leur nombre de délégués passer de trois à deux, excluant de fait l’unique membre de la minorité démocratiquement élu, et surtout huit d’entre elles n’ont plus qu’un seul délégué.
Ce territoire, situé dans l’agglomération du Grand Genève, compte 38 000 habitants, répartis dans 17 communes. Saint-Julien-en-Genevois, la ville-centre, qui compte 12 000 habitants, ainsi que les quatre bourgs – Viry, Valleiry, Collonges-sous-Salève et Beaumont, qui rassemblent un peu plus de 13 000 habitants – pourraient en théorie, compte tenu de la nouvelle composition du conseil communautaire, impulser un type de développement du territoire qui ne correspondrait pas aux douze autres collectivités. Mais l’accord local trouvé au sein de ce conseil communautaire permettait, dans l’esprit de la loi, d’équilibrer la représentation du territoire entre une part prépondérante accordée à la représentation au prorata de la population et une représentation minimale de chaque commune.
C’est cet équilibre local qu’est venu bouleverser la décision du Conseil constitutionnel en excluant formellement du conseil communautaire du Genevois des élus qui étaient fortement investis dans la vie communautaire. Souvent premier adjoint ou premier membre de la minorité communale, ces élus voient dans l’intercommunalité une solution aux problèmes du territoire. Leur enlever la possibilité de s’investir est fortement démotivant et « ne favorise pas le rapprochement entre les élus locaux et l’intercommunalité », vous ont-ils d’ailleurs écrit, monsieur le secrétaire d’État, dans un courrier commun daté du 18 novembre 2014 et signé par les maires du territoire ainsi que par les conseillers communautaires évincés.
Aussi ai-je décidé, avec l’accord du sénateur Leleux, de reprendre à mon compte la proposition de loi du groupe UMP du Sénat et de la déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce que j’ai fait le 14 octobre dernier avec mes collègues haut-savoyards Martial Saddier et Lionel Tardy. Cette proposition de loi, enregistrée sous le no 2287, vise à remédier à ces situations.
Comme le texte que nous examinons aujourd’hui, elle entend établir des limites chiffrées aux écarts de représentation issus d’un accord local, en cohérence avec la jurisprudence fixée par le Conseil constitutionnel en matière de représentation électorale. Ainsi les communautés affectées par une modification de leur organe délibérant se voient-elles offrir enfin la possibilité de conclure un nouvel accord tel qu’encadré par la proposition de loi dans les six mois suivant sa promulgation.
La commission des lois de l’Assemblée nationale ayant totalement réécrit la proposition de loi adoptée par le Sénat – au point d’en modifier même le titre, qui devient « proposition de loi autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire » – au motif que le dispositif voté par le Sénat comportait toujours des risques constitutionnels importants, nous sommes maintenant en droit d’espérer la fin de cette instabilité juridique, préjudiciable au fonctionnement des EPCI. Nous pouvons espérer qu’enfin, les EPCI concernés, plongés dans l’expectative depuis le 20 juin, puissent en sortir et retrouver leur équilibre.
Mettons fin à toute précipitation et luttons contre l’amateurisme qui vous avait amené en décembre 2012 à retoucher la loi de 2010 pour, je cite, la rendre plus attractive. Votons vite, car il y urgence – mais de façon raisonnable, comme le réclamait de façon prémonitoire Philippe Gosselin un certain 19 décembre 2012 à minuit.
Pour ma part, je voterai donc cette proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intercommunalité est désormais, et durablement, une composante essentielle de notre organisation territoriale. En encourageant à faire ensemble ce que l’on ne peut plus raisonnablement faire seul, elle assure la cohérence et la solidarité entre les communes. Je peux en témoigner car mon département de la Mayenne a été pionnier en la matière, comme beaucoup de départements de l’ouest de la France.
Pour autant, l’intercommunalité n’a pas vocation à faire perdre à la commune sa représentativité et ce qui fait son identité même : un certain équilibre doit être préservé.
Nous devons à la loi du 16 décembre 2010 les modalités de répartition des sièges entre communes au sein des conseils communautaires : accord local ou répartition à la représentation proportionnelle.
Deux modalités existaient jusqu’ici : la conclusion d’une entente préalable entre les communes, ratifiée par les conseils municipaux à la majorité qualifiée, et un calcul automatique reposant sur la représentation proportionnelle des populations de chaque commune.
En posant notamment le principe de l’élection au suffrage universel direct des membres des EPCI, la loi de 2010 avait permis de renforcer la démocratie locale et d’accroître l’efficacité de l’action publique au plus près des citoyens.
Deux ans plus tard, la loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération avait modifié le dispositif en relevant de 10 à 25 % la variation de l’effectif du conseil communautaire dans le cas d’un accord local.
À ce jour, parmi les deux options que prévoit le code général des collectivités territoriales, le principe de l’accord est très largement utilisé puisque 90 % des conseils communautaires mis en place au 1er janvier 2014 sont fondés sur le dispositif des accords locaux à la majorité qualifiée.
L’accord constitue ainsi le fondement même du mode de fonctionnement d’une communauté de communes. Il permet de prendre en compte le fait que la démocratie locale ne se résume pas à des chiffres et à un barème préétabli. En outre, la répartition des sièges par le biais d’un accord local avait notamment permis de tempérer le poids de la ville-centre, sans pour autant remettre en question le principe de répartition démographique de la population.
Dans sa décision du 20 juin dernier, le Conseil constitutionnel a bouleversé ce dispositif et remis en cause un certain équilibre en considérant que l’accord local sur la répartition des sièges méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage. Il a ainsi estimé que cet accord permettait de déroger au principe général de la proportionnalité, ce qui a eu pour conséquence de supprimer la possibilité de conclure un accord de répartition libre des sièges de conseillers communautaires.
On peut aisément comprendre l’émoi suscité par cette décision, notamment dans les communes rurales. Les réactions recueillies au sein des territoires révèlent l’importance que les élus attachent à la conclusion d’un accord local, synonyme d’une solidarité réelle entre les collectivités territoriales. Leur désarroi est d’autant plus compréhensible dans un contexte général qui, avouons-le, délaisse de plus en plus les territoires ruraux…
C’est faux !
…que ce soit en termes d’accessibilité des services publics, de sécurité ou encore de représentativité.
Les actuelles réformes démontrent que ces territoires sont parfois les grands oubliés de la République, alors que la fracture entre urbains et ruraux et entre petites communes et grandes métropoles s’accentue de jour en jour.
Mais non !
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République dont nous débattrons prochainement en est un exemple. Il propose en particulier un accroissement de la taille minimale des EPCI à fiscalité propre de 5 000 à 20 000 habitants.
Comment, dans un tel contexte, ne pas comprendre les craintes des élus municipaux d’être sous-représentés au seul motif que leur commune connaît une pauvreté démographique ? La décision du Conseil constitutionnel a privé les communes d’une liberté encadrée qui leur permettait de prendre en considération l’histoire partagée d’une construction intercommunale. Elle nous impose d’agir afin de ne pas laisser les communes concernées devant le fait accompli. Nous devons en outre prendre en compte les problèmes importants qu’elle pose sur le terrain. Assurer la stabilité de la composition des conseils communautaires est une urgence. Je salue donc l’initiative que constitue la présente proposition de loi.
Ce texte prévoit de rétablir la faculté de procéder à un accord de répartition des sièges au sein de l’organe délibérant, à la majorité qualifiée des communes membres, répartissant ainsi un nombre de sièges bonifié de 25 %. Il revient au statut de la loi du 16 décembre 2010, en lui fixant des limites, aboutissant à un juste milieu entre la représentation découlant d’un accord local et celle qui résulte d’un calcul automatique. En effet, le Conseil a encadré précisément les effets de sa censure. La décision s’appliquera aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération « au sein desquelles le conseil municipal d’au moins une des communes membres est, postérieurement à la date de la publication de la présente décision, partiellement ou intégralement renouvelé ». Sont donc visés le litige, l’annulation d’une élection, la démission collective et le remaniement d’une communauté par fusion ou restructuration.
En définitive, la proposition de loi entoure le processus de répartition des sièges au sein des conseils communautaires d’un cadre juridique stable, avant la multiplication des contentieux. J’observe par ailleurs qu’elle a été utilement modifiée par la commission des lois, qui l’a rendue conforme à la jurisprudence constitutionnelle. Elle est nécessaire afin de s’assurer que la représentation communale, en particulier celle des petites communes, ne sera pas mise à mal au profit des communes les plus peuplées. Elle conserve la capacité d’initiative des collectivités et une certaine liberté de gouvernance des EPCI, qui constituent l’essence même de la décentralisation. Le groupe UDI votera donc en faveur de cette proposition de loi.
Très bien !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi adoptée par le Sénat le 22 octobre 2014 relative à la représentation des communes au sein d’une communauté de communes ou d’agglomération. La répartition des sièges y est fondée de longue date sur le poids démographique des communes membres.
La loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République prévoyait déjà un tel dispositif. Deux conditions devaient alors être respectées, l’attribution d’un siège de droit à chaque commune et l’impossibilité que l’une d’elles dispose de plus de la moitié des sièges de la communauté de communes ou d’agglomération, afin d’éviter qu’une commune seule ne dirige l’établissement public de coopération intercommunal.
Le dispositif mis en place au cours du quinquennat précédent par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a modifié la répartition des sièges au sein des établissements publics de coopération intercommunale. La loi prévoit pour les métropoles et les communautés urbaines un nombre de sièges répartis en fonction de la strate démographique à laquelle appartient l’EPCI, les sièges étant répartis entre les communes à la proportionnelle à la plus forte moyenne. À l’issue de la répartition, une commune ne disposant d’aucun siège se voit attribuer un siège supplémentaire de droit. La loi prévoit également que les conseils municipaux répartissent librement les sièges, soit à la proportionnelle soit par accord local, le nombre de sièges résultant de l’accord ne pouvant excéder 10 % du total des sièges attribués par la loi. La loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération a fait passer le seuil de 10 % à 25 % de la limite légale, ce qui a rendu de fait le recours à l’accord local beaucoup plus attractif pour les communes.
Or le Conseil constitutionnel a mis un terme à cette évolution, à la suite de la demande d’une commune s’estimant lésée car la majorité qualifiée des autres communes membres de l’EPCI lui avait imposé une représentation estimée désavantageuse. Le Conseil constitutionnel a donc jugé au mois de juin 2014 que les modalités de composition de l’organe délibérant par accord local étaient contraires au principe d’égalité devant le suffrage et de fait contraire à la Constitution car elles dérogeaient de manière manifestement excessive au principe général de proportionnalité démographique. La censure de la disposition a placé les EPCI ayant contracté des accords locaux de représentation des communes dans une réelle insécurité juridique, car les communes renouvelant en partie leur représentation au sein de l’EPCI ne disposent plus de base légale pour y procéder. Il semblait donc nécessaire de revoir le dispositif, et c’est pourquoi le Sénat a rétabli par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui la négociation par les communes d’un accord local de répartition.
Il est donc prévu que les communes ne puissent distribuer au sein de l’organe délibérant des communautés de communes ou d’agglomération plus de 25 % de sièges prévus par les règles légales. L’accord doit être adopté à la majorité qualifiée des conseils municipaux des communes membres, qui peuvent alors fixer librement le nombre de conseillers communautaires de l’EPCI, sous réserve de tenir compte des populations respectives des communes membres.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a revu cette disposition de sorte que le nombre de sièges attribués à chaque commune ne s’écarte pas de plus de 20 % de la proportion de sa population dans la population globale des communes membres. Ainsi, l’article 1er du présent texte vise à réécrire l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales afin que les communes puissent conclure un accord local de composition de l’organe délibérant des communautés de communes ou d’agglomération. Les sièges seront répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne et chaque commune membre disposera d’au moins un siège au sein de l’établissement public de coopération intercommunale afin de conserver la représentation effective de l’ensemble des communes membres. En outre, le nombre total de sièges attribués à une commune ne pourra excéder la moitié du total des sièges de l’EPCI afin d’empêcher la commune centre de prendre seule les décisions en son nom.
Nous serons attentifs à l’application effective de ces dispositions. Élus de terrain, souvent de territoires ruraux, les radicaux de gauche et apparentés ne souhaitent pas que les besoins des petites communes soient sacrifiés au profit des communes les plus peuplées. Il nous semble nécessaire de veiller à une représentation effective de toutes les communes au sein des groupements. La complexité du dispositif et l’éventuelle augmentation importante du nombre de sièges attribués à certaines communes, en dérogation aux règles applicables à l’ensemble des EPCI, nous préoccupent également. La proposition de loi semble en effet assez complexe et s’écarte parfois de la simplification que nous appelons de nos voeux. Nous concédons que les projets et les politiques publiques se construisent de plus en plus à l’échelon intercommunal et qu’il importe que toutes les communes soient représentées, mais il nous semble hasardeux de garantir la représentation effective des petites communes par le biais d’un tel dispositif.
Nous ne sommes pas convaincus que la présente proposition de loi garantira l’équilibre effectif entre les communes centres et les petites et moyennes communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Nous nous inquiétons aussi du délai accordé aux communautés de communes ou d’agglomération pour procéder à la détermination du nombre de sièges et à leur répartition, qui est de six mois à partir de la promulgation de la présente loi : n’est-il pas souhaitable d’accorder un délai plus long aux EPCI pour modifier leur mode de gouvernance ? En outre, les mêmes causes produisant les effets, nous nous interrogeons toujours, en dépit des assurances que nous avons reçues ici, sur la conformité du texte à la Constitution. Néanmoins, le groupe RRDP salue avant tout l’avancée que constitue le texte et votera en sa faveur. Les questions qu’il a soulevées n’en demeurent pas moins en suspens et nous souhaitons obtenir quelques éclaircissements à leur sujet.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel, par la décision 2014-405 QPC du 20 juin 2014, a déclaré non conformes à la Constitution certaines dispositions de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités locales relatif au système de représentation au sein des conseils communautaires. Plus précisément, cet article, créé par la loi du 16 décembre 2010, contre laquelle nous nous sommes élevés avec toute la gauche, prévoit que le nombre de sièges à pourvoir est arrêté par un tableau variant en fonction de la population totale de l’EPCI à fiscalité propre. Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, mais chaque commune doit avoir au moins un délégué, afin de voir sa représentation garantie, et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges.
Une faculté d’accord amiable est prévue dans les communautés de communes et d’agglomération, sous réserve de son acceptation par les deux tiers des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de la communauté ou de la moitié des conseils municipaux représentant les deux tiers de la population. À défaut d’accord, le principe proportionnel à la population s’applique, comme c’est le cas dans les communautés urbaines et les métropoles. Ce dispositif a été en vigueur entre la fin de l’année 2012 et l’automne 2013 à l’occasion de la répartition des sièges communautaires avant les élections municipales du mois de mars 2014. Or, 90 % des 2 125 conseils communautaires sont parvenus à des accords locaux, s’écartant du barème strictement démographique. Pourtant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision de juin dernier, a jugé que la liberté de détermination de la représentation communale prévue à l’article L. 5211-6-1 déroge au principe général de proportionnalité de la représentation communale dans une mesure manifestement disproportionnée.
Ainsi, le défaut de la disposition prévoyant un accord local de représentation ne tient pas à son existence même mais au décalage de représentation, qui est manifestement disproportionné. Mais en raison de cette décision, seule reste en vigueur la règle de représentation purement démographique. Dès lors, la proposition de loi vise d’une part à réintroduire la faculté de composer l’organe délibérant des communautés d’agglomération et de communes par accord entre les communes membres, dans des limites compatibles avec la jurisprudence constitutionnelle, et d’autre part à ménager aux communautés affectées par une modification de leur organe délibérant la possibilité de conclure un nouvel accord, encadré par la proposition de loi, dans les six mois suivant sa promulgation.
Je rappelle que les députés du front de gauche, comme l’ensemble de la gauche à l’époque, s’étaient fermement opposés à la réforme de la loi du 16 décembre 2010 et en particulier aux fusions intercommunales à marche forcée. Si nous avons affirmé à plusieurs reprises ne pas être opposés par principe à une réforme de l’intercommunalité, nous avons toujours fait valoir qu’elle doit aboutir à un approfondissement de la démocratie locale ainsi qu’au respect de la libre administration communale et de ses choix de coopération intercommunale, et non à une nouvelle centralisation des pouvoirs.
Une telle opposition, à laquelle certains semblent avoir renoncé, demeure toujours aussi ferme alors que nos territoires se voient imposer sans débat public des métropoles technocratiques ne tenant aucun compte de l’avis des populations et des maires, présidents d’intercommunalités et élus qui les représentent légitimement. L’exemple de la métropole Aix-Marseille-Provence, unanimement rejetée par les maires, objet de tergiversations agaçantes et peu crédibles pour les populations et les territoires, est particulièrement révélateur.
Pour en revenir à la proposition de loi, si nous ne pouvons nous opposer à la réintroduction de la faculté de composer l’organe délibérant des communautés d’agglomération ou de communes par accord entre les communes membres, dans des limites compatibles avec la jurisprudence constitutionnelle, nous regrettons qu’elle réintroduise la faculté d’un accord in fine plus strictement contraint conformément à la décision du Conseil constitutionnel. La place de la démocratie locale, c’est-à-dire de la décision prise par les représentants élus au suffrage universel afin de mettre en oeuvre des choix politiques dans un périmètre donné, en sort donc encore un peu plus réduite.
En définitive, il nous semble nécessaire de conforter la commune comme cellule de base de la démocratie au lieu de la stigmatiser, l’asphyxier financièrement et souvent la mépriser, de Paris à Bruxelles. Nous sommes donc favorables à une coopération entre les communes à la fois volontaire et utile, aboutissant à un approfondissement de la démocratie locale et au respect de la libre administration communale. Une telle conduite devrait d’ailleurs être à la base de toute réflexion sur la décentralisation et les collectivités territoriales.
Pour conclure, les députés du front de gauche voteront le texte, non en guise d’acceptation de la loi du 16 décembre 2010 et de fait de la loi MAPTAM, qui en est à nos yeux l’indigne héritière, mais en vue d’éviter les difficultés posées par la décision du Conseil constitutionnel et de ne pas remettre en cause le principe d’accord local, fût-il de plus en plus contraint.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, l’objet de cette proposition de loi a déjà expliqué. Je n’entrerai donc pas dans le détail.
Elle a deux objectifs principaux. Le premier est de rétablir la possibilité offerte aux communes de négocier un accord local de répartition des sièges au sein de leur communauté de communes ou d’agglomération, les faisant bénéficier par là même de 25 % de sièges en plus – au lieu de 10 % à l’origine – par rapport à l’application des règles légales. Le second est d’autoriser les communes membres d’une communauté de communes ou d’agglomération dont la composition de l’organe délibérant a été modifiée depuis le 20 juin 2014 à procéder à une nouvelle répartition des sièges par accord local dans les six mois suivant la promulgation du texte.
Je le dis clairement, pour couper court à toute ambiguïté : le groupe UMP ne s’opposera pas à l’adoption de ce texte. Mais qu’on ne lui demande pas non plus, monsieur le secrétaire d’État, de faire preuve d’un enthousiasme délirant.
Dommage.
Il nous faut en effet rétablir quelques vérités sur lesquelles vous avez tendance à faire la sourde oreille. Car ne l’oublions pas, c’est de la loi du 16 décembre 2010 votée sous la précédente législature pour réformer les collectivités territoriales, contestée par certains, qu’est née la possibilité de conclure des accords locaux de représentation. Et nous continuons à voir dans ce type d’accord une condition de l’efficacité de l’intercommunalité. Ce qui nous amène à discuter du présent texte, c’est une suite de difficultés et une décision sur question prioritaire de constitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel. Nous ne pouvons pour autant pas ignorer que dans de nombreux cas, la loi de 2010 a permis, grâce aux dérogations autorisées, de trouver un point d’équilibre que la loi ne pouvait pas garantir.
Les règles établies en 2010 fixaient d’abord dans un tableau le nombre de sièges à pourvoir dans les conseils communautaires, nombre qui varie en fonction de la population de l’EPCI. Les sièges étaient répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec deux tempéraments : chaque commune doit avoir au minimum un délégué – nous sommes heureusement allés plus loin dans certains accords locaux – et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges. Dans le passé en effet, des communautés regroupant un faible nombre de communes, avec une commune centre sensiblement plus peuplée que les autres, avaient pu voir cette commune centre disposer à elle seule de plus de la majorité des sièges. C’est à cela que ce mécanisme de redistribution des sièges veut remédier : il ne peut y avoir de véritable intercommunalité si l’un des membres capte à son profit la gouvernance et la prise de décisions.
Enfin, pour les communautés de communes et d’agglomération, a été maintenue, comme alternative à la proportionnelle démographique, la possibilité d’accords amiables décidés à la majorité qualifiée pour fixer et répartir, en tenant compte de la population de chaque commune, le nombre de sièges de conseiller communautaire. À défaut, c’est le tableau prévu par la loi qui s’applique. Je rappelle pour mémoire que le Conseil constitutionnel avait validé ces dispositions, suite au recours des groupes socialistes de l’Assemblée comme du Sénat sur cette loi.
Depuis 2012, vous avez voulu faire mieux. Pourquoi pas ? Le sénateur Alain Richard, co-auteur de la proposition de loi de ce jour, a été à l’origine de celle qui est devenue la loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération. Vous avez voulu rendre la conclusion de l’accord local encore plus attractive, en portant à 25 % les sièges supplémentaires pouvant être répartis dans l’hypothèse où la négociation aboutirait, contre 10 % dans la loi de 2010.
Et puis, patatras ! Par sa décision du 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’initiative de la commune de Salbris, a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi de 2012. Il a en effet jugé que la liberté de détermination de la représentation communale telle que permise par le code général des collectivités territoriales dérogeait au principe général de proportionnalité de la représentation communale dans une mesure manifestement disproportionnée. Conséquence directe de cette décision, nous nous trouvons, comme c’est souvent le cas lorsque le Conseil constitutionnel se prononce sur une question prioritaire de constitutionnalité, devant une impossibilité pour ces communautés de conclure un accord local. Seule reste donc en vigueur la règle de la représentation purement démographique : c’en est fait de la possibilité d’aménagement.
Vous nous dites donc, et c’est vrai dans les faits, qu’il est urgent d’agir, et qu’à cause de la décision du Conseil constitutionnel, dans la mesure où les cas d’élections partielles communales commencent à se produire dans les communautés de communes où un accord de représentation avait été trouvé, un certain nombre de conseillers communautaires vont se retrouver immédiatement privés de leur mandat. C’est vrai. L’équilibre trouvé voilà moins de six mois est rompu, concluez-vous. C’est exact. Il y a dans la décision du Conseil constitutionnel une véritable source d’instabilité, difficilement tenable pour un grand nombre d’intercommunalités. Car si le Conseil constitutionnel n’a pas demandé à l’ensemble des EPCI d’abroger immédiatement les accords locaux, et s’il a modulé dans le temps les effets de sa décision, chaque EPCI issu d’un accord local est désormais confronté à ce risque, ne serait-ce qu’à l’occasion du renouvellement, même partiel, d’un seul conseil municipal.
Qui est responsable ? Reconnaissez que nous sommes fondés à nourrir des doutes sur la sécurité juridique des dispositifs que vous nous proposez, quand non seulement vous remettez l’ouvrage sur le métier à deux ans d’intervalle, presque jour pour jour, mais qu’en plus, le Gouvernement est d’accord avec chaque version du texte qui est proposée !
Lors de l’examen de la première proposition de loi du sénateur Richard, en décembre 2012, le Gouvernement était d’accord. Lors de l’examen en séance publique au Sénat de cette nouvelle proposition de loi du sénateur Richard, en octobre 2014, le Gouvernement était toujours d’accord. Et aujourd’hui encore, alors que, c’est une évidence, le texte que nous avons voté en commission des lois à l’initiative de notre rapporteur Olivier Dussopt n’est pas du tout le même que celui qui a été adopté par le Sénat, au point que nous avons été jusqu’à en modifier le titre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est d’accord !
Sourires
Vous n’allez pas vous plaindre !
Nous sommes donc un peu perplexes, et sans doute un peu ironiques, en cette fin d’année.
Cela méritait d’être rappelé, mais cela ne m’empêchera pas de saluer, cette fois sans aucune ironie, le travail du rapporteur de la commission des lois. En effet, l’encadrement qui a été trouvé pour la répartition du nombre de sièges bonifié de 25 %, et la réécriture du texte par la commission qui en découle, paraît ne plus méconnaître le principe d’égalité devant le suffrage, ce qui était important au regard des considérants et des conclusions du Conseil constitutionnel.
Ainsi, une commune ne pourra ainsi plus disposer d’un nombre de sièges supérieur à une autre commune plus peuplée qu’elle. Ceci me semblait élémentaire. À l’article 2, le texte prévoit aussi explicitement le cas des communautés de communes et d’agglomération qui devront procéder à une nouvelle répartition des sièges de l’organe délibérant en cas d’élection partielle organisée dans une commune au cours du mandat municipal en cours. Cet accord devra être trouvé dans un délai de deux mois à compter de l’événement rendant nécessaire la tenue de l’élection partielle. Ainsi, la nouvelle répartition et le nombre de conseillers communautaires à élire devraient pouvoir être fixés avant le début des opérations électorales, devant avoir lieu dans un délai de trois mois. C’est là une sécurisation vraiment utile.
Le groupe UMP soutiendra donc ce texte, tout en regrettant la méthode qui a été employée. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’aurons pas à nous revoir sur un texte de cette espèce : cela nous donnerait, je le crains, l’occasion de redire encore une fois que quel que soit le texte et quel que soit le titre, le Gouvernement est toujours d’accord !
Sourires
La parole est à M. Pascal Popelin, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 20 juin 2014, à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Salbris, qui s’estimait insuffisamment représentée au regard de sa population, le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité pour les membres d’une communauté de communes ou d’agglomération de négocier entre eux une répartition des sièges de conseillers communautaires. Vous voyez bien, cher collègue Geoffroy, et nous pouvons le dire gentiment, quoique avec un peu d’ironie, en cette dernière journée avant la trêve des confiseurs, que la loi du 16 décembre 2010 que vous chérissez tant et dont vous nous parlez si souvent, et pas seulement au sujet des accords entre communes, n’était pas non plus parfaite. En tout cas pas davantage que la proposition de loi Richard sur laquelle vous vous êtes plu à ironiser…
Sans remettre en cause le droit pour toute commune de disposer, au sein du conseil communautaire, d’au moins un siège quelle que soit sa population, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions légales qui prévoyaient cette répartition négociée étaient « manifestement disproportionnées » et méconnaissaient le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Il a donc déclaré l’accord local de représentation des communes membres, issu de la loi du 31 décembre 2012, contraire à la Constitution.
Personnellement, cette décision ne m’a pas surpris. En effet, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, en tant que rapporteur de différents textes relatifs à notre droit électoral, le juge constitutionnel, depuis 1985, n’a cessé de consolider sa jurisprudence relative au respect du principe d’égalité devant le suffrage, n’en déplaise à certains de nos collègues, qui faisaient parfois mine de croire qu’il serait possible de s’en affranchir pour convenance territoriale. Nous avons eu de nombreux débats sur le sujet. Il est intéressant qu’on nous rappelle aujourd’hui à l’orthodoxie constitutionnelle, quand on connaît les amendements qui ont pu être proposés depuis le début de la législature sur des sujets de droit électoral…
La décision relative aux accords locaux de représentation a créé une situation de vide juridique pour les communes qui se trouveraient en situation de renouvellement de leur assemblée délibérante avant les prochaines échéances, ce qui pourrait être de nature à mettre en péril la gouvernance locale. Notre responsabilité de législateur est donc d’instaurer au plus vite des dispositions pour éviter de tels blocages. C’est l’objet de cette proposition de loi d’origine sénatoriale, et il est vrai que ce n’est pas facile.
L’utilité et l’opportunité de ce texte ne font pas de doute. Toutefois, bien qu’adoptée à l’unanimité par nos collègues de la chambre haute, la version du Sénat présentait une possibilité de dérogation trop importante au principe de l’égalité du suffrage. Il fallait donc trouver un équilibre entre la souplesse qui est nécessaire et la rigueur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d’égalité du suffrage.
Un travail subtil et précis a donc été conduit par notre rapporteur, en lien étroit avec le Gouvernement, afin qu’un juste équilibre, conforme aux règles édictées par notre Constitution et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, puisse être trouvé. Nous avons la préoccupation que celui-ci soit conforme à la Constitution, mais il faut faire preuve de beaucoup d’humilité en la matière, cher collègue Geoffroy.
Il est arrivé aux uns comme aux autres d’être confrontés à des censures du Conseil constitutionnel. Vous m’accorderez néanmoins que, s’agissant des textes dont j’ai été le rapporteur, ce sont les dispositions introduites par des amendements que je n’avais pas soutenus qui ont été censurées.
Nous rendons donc possible, par l’adoption de ce texte technique, l’accord local de représentation, tout en l’adaptant afin qu’il demeure dans l’épure de ce qui est conforme à notre Constitution – du moins en formons-nous le voeu. La solution proposée me semble être de bon sens : elle respecte la volonté initiale des promoteurs de ce texte, tout en s’efforçant, si difficile que soit l’exercice, de le sécuriser juridiquement. C’est donc bien volontiers que j’y souscris, comme l’ensemble de mes collègues du groupe SRC.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
L’article 1er est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 5 rectifié .
L’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales dispose, dans le b) de son 1°, que si les sièges attribués à une commune sont en nombre supérieur ou égal à ceux qu’elle détenait lors du dernier renouvellement général des conseils municipaux, les conseillers communautaires élus lors de ces dernières élections conservent leur mandat et, le cas échéant, les conseillers supplémentaires sont élus par le conseil municipal en son sein.
Le dispositif en vigueur pour l’élection des conseillers supplémentaires prévoit l’élection de listes complètes de conseillers municipaux, non titulaires d’un mandat communautaire. Or, dans certains cas, le rapport entre le nombre de sièges supplémentaires à pourvoir et le nombre de conseillers municipaux non titulaires d’un mandat communautaire, dans le respect de la parité des listes, ne permet pas, compte tenu des différentes sensibilités politiques au sein du conseil municipal issu des élections, de constituer des listes complètes. Au mieux, et le plus fréquemment, une seule liste peut être constituée. Une telle situation peut être source de contentieux et pourrait être considérée comme portant atteinte à l’objectif constitutionnel de pluralisme des courants d’idées et d’opinion.
Dans ces conditions, cet amendement a pour objet de substituer à la constitution de listes complètes la possibilité de former des listes incomplètes, à l’instar du dispositif défini au c) de ce même article, ce qui conduit à prévoir le cas où le nombre de candidats figurant sur une liste incomplète est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent. Dans cette hypothèse, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la liste qui a la plus forte moyenne suivante.
Tel est l’objet de cet amendement qui, comme vous pouvez le constater, n’est pas du tout technique…
Sourires.
La commission a examiné cet amendement lors de sa réunion tenue au titre de l’article 88 du règlement et lui a donné un avis favorable, dans la mesure où les lois de 2010 et 2013 qui organisent la gouvernance des intercommunalités n’avaient pas prévu cette faille. Comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, l’adoption de cet amendement permettra aux groupes dits minoritaires dans les conseils municipaux, lors de la recomposition d’un conseil communautaire, de présenter des listes incomplètes et ainsi de faire valoir leur droit à être représentés dans le conseil communautaire. Cela permettra d’atteindre l’objectif de pluralité affirmé par la loi du 17 mai 2013 avec le fléchage des conseillers communautaires.
L’amendement no 5 rectifié est adopté.
L’article 1er bis, amendé, est adopté.
L’article 1er ter est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 4 .
Cet amendement a pour objet de préciser que, lors du renouvellement partiel ou intégral d’un conseil municipal d’une commune membre d’une communauté de communes ou d’agglomération dont le conseil communautaire a fait l’objet d’un accord local avant le 20 juin 2014, la recomposition du conseil communautaire est obligatoire, conformément à la décision du Conseil constitutionnel no 2014-405 QPC du 20 juin 2014.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 2 pourrait laisser penser que la recomposition du conseil communautaire n’est que facultative alors qu’à l’évidence, c’est bien l’accord local seul qui est facultatif, la recomposition elle-même étant obligatoire aux termes de l’article 62 de la Constitution. Si la rédaction de l’amendement rend obligatoire la recomposition du conseil communautaire, elle permet aux communautés de recourir tant à la règle dite du « tableau » qu’à l’accord local.
Avis favorable, puisque cette rédaction est meilleure que celle adoptée par notre commission, qui prévoyait la possibilité de négocier un tel accord mais restait muette sur la nécessité de recomposer l’organe délibérant, y compris par application du tableau, si aucun accord local ne pouvait être trouvé.
L’amendement no 4 est adopté.
Cet amendement de sécurité juridique est relatif aux exécutifs communautaires et fait application de la décision QPC Commune de Salbris, qui soulève la question de savoir s’il faut conserver les exécutifs communautaires existants et à quel moment on doit les recomposer, en application de la décision précitée.
Cet amendement vise à ce que les mandats des exécutifs communautaires élus avant le 20 juin 2014 se poursuivent, sauf, évidemment, en cas de contestation d’une opération devant la juridiction administrative, au nom du respect de la décision populaire rendue lors de l’élection initiale.
Sur la forme, tout d’abord, la rédaction proposée n’est pas satisfaisante : il n’existe pas d’ « autorité exécutive communautaire », mais un bureau de l’EPCI ; ses membres sont élus par l’organe délibérant et n’exercent donc pas un mandat, mais une fonction ; enfin, ces fonctions doivent être maintenues non pas en cas de contestation, mais d’annulation de leur élection par la juridiction administrative.
Sur le fond, l’objectif recherché par l’auteur de l’amendement est d’ores et déjà atteint par le droit en vigueur, puisque l’article L. 2122-10 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable au président et aux membres du bureau des EPCI par l’article L. 5211-2 du même code, dispose que les membres de l’exécutif sont élus pour la même durée que l’organe délibérant et que leur mandat ne prend fin, rendant ainsi nécessaire de procéder à une nouvelle élection du président et des membres du bureau, que lorsque la juridiction administrative, par une décision devenue définitive, a rectifié les résultats de l’élection des conseillers municipaux de telle sorte que la majorité des sièges a été attribuée à une liste autre que celle qui avait bénéficié de cette attribution lors de la proclamation des résultats à l’issue du scrutin. La modification par un accord local n’est pas un renouvellement global mais un ajustement de la composition de l’organe délibérant et n’entraîne pas la nécessité de renouveler le bureau.
Le droit actuel prévoit donc d’ores et déjà qu’en cas de modification de la composition de l’organe délibérant dans les cas ouverts par la présente proposition de loi, l’exécutif, donc le bureau, serait maintenu et ne devrait pas faire l’objet d’une nouvelle élection. Dans la mesure où l’objectif recherché est atteint, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, la recomposition du conseil communautaire s’impose dans deux cas : lorsqu’ont été introduites devant les juridictions, avant le 20 juin 2014, des instances contestant cette composition, faite en fonction d’un accord local, ou lorsque le conseil municipal d’au moins une commune membre d’une communauté de communes ou d’agglomération ayant composé son conseil communautaire par accord local est partiellement ou intégralement renouvelé.
Dans ces situations, le nombre de sièges au sein de l’organe délibérant de ces EPCI peut varier même s’il est fait application de l’accord local issu de la présente proposition de loi. En vertu de son article 1er bis, ces modifications s’opèrent selon les modalités de l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, qui permet de garantir, autant que possible, la poursuite des mandats des conseillers communautaires élus en mars 2014. Ce même article dispose, en son huitième alinéa, que « le mandat des conseillers communautaires précédemment élus et non membres du nouvel organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre prend fin à compter de la date de la première réunion de ce nouvel organe délibérant ». A contrario, le mandat des conseillers communautaires précédemment élus et membres du nouvel organe délibérant ne prend pas fin : il n’est donc pas interrompu.
L’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, relatif au bureau des EPCI à fiscalité propre, dispose quant à lui, en son cinquième alinéa, que « le mandat des membres du bureau prend fin en même temps que celui des membres de l’organe délibérant. »
Autrement dit, en vertu de la présente proposition de loi, les membres du bureau qui conservent leur mandat de conseiller communautaire conservent aussi leurs fonctions de membre du bureau. Toutefois, dans le cas où le président de l’EPCI perdrait son mandat de conseiller communautaire, le bureau devrait être intégralement renouvelé, en application des arrêts du Conseil d’État du 18 novembre 1981 nos 19652 et 22826.
Ainsi, sauf le cas particulier où le président de l’EPCI perd son mandat, les précisions apportées par cette proposition de loi pour l’application de l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les dispositions en vigueur, permettent d’ores et déjà de maintenir le bureau dans sa formation issue des élections de mars 2014.
Votre amendement est donc satisfait. Par ailleurs, sa rédaction soulève des difficultés. C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir le retirer. À défaut, nous émettrions un avis défavorable.
Je remercie le Gouvernement pour sa réponse. Je comprends qu’en cas d’annulation d’un accord local, il n’y a pas de remise en cause de l’exécutif communautaire. Je retire donc mon amendement.
L’amendement no 1 est retiré.
L’article 2, amendé, est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures cinquante.
L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2015 (no 2480 et 2484).
Madame la présidente, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, s’achèvent aujourd’hui deux mois de discussions budgétaires qui nous ont occupés depuis le mois d’octobre.
Ces deux mois de débats ont été riches : tous les sujets, dans toute leur diversité, ont été abordés, depuis le ciblage du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, jusqu’à la mesure d’exonération en faveur des compétitions sportives, en passant par les contributions demandées aux collectivités territoriales ou aux chambres de commerce et d’industrie. Sur tous ces sujets, chacun a pu exprimer son avis, avancer ses arguments et prendre position sur les propositions du Gouvernement.
Ces deux mois de débats honorent votre assemblée. Ils montrent que la discussion parlementaire est le lieu du dialogue, parfois de la confrontation, le plus souvent d’échanges solidement argumentés. La discussion parlementaire est en effet le moment où tous les sujets d’importance sont mis sous la lumière, où l’on dispose du temps nécessaire pour développer ses arguments sur des sujets souvent complexes et où les choix de chacun doivent être clairement assumés devant les Français.
Et les choix du Gouvernement et de la majorité sont clairs. C’est tout d’abord la poursuite de l’assainissement des finances publiques, parce que pendant trente ans tous les gouvernements qui se sont succédé ont accumulé les déficits, et que nous ne pouvons pas vivre indéfiniment au-dessus de nos moyens.
C’est ensuite la mobilisation de moyens exceptionnels en faveur de l’emploi, au travers des allégements du CICE et du pacte de responsabilité, parce que nous traversons une situation économique exceptionnellement dégradée et que l’État doit mobiliser tous les moyens pour que chacun retrouve un travail.
C’est enfin la justice fiscale et le rétablissement de la progressivité du système fiscal, parce que chacun doit contribuer au service public à raison de ses moyens. C’est pour cela que nous avons demandé une contribution particulière aux ménages les plus aisés en début de législature et que nous allégeons aujourd’hui les impôts des ménages modestes et des classes moyennes avec la réforme du bas du barème de l’impôt sur le revenu.
Ces trois priorités, nous les finançons par des économies sur la dépense publique. Ces économies, outre un moyen de financement, sont aussi une nécessité. L’argent public est en effet le patrimoine de tous, et même le seul patrimoine de ceux qui ne possèdent rien. C’est donc la responsabilité de notre gouvernement et de notre majorité d’en assurer la gestion la plus sérieuse qui soit.
Voilà donc l’essentiel des trois textes qui vous sont soumis aujourd’hui pour adoption définitive.
Je voudrais conclure sur une note d’optimisme et rappeler quelques faits. En 2010, le déficit de l’État atteignait 148,8 milliards d’euros ; en 2015, la prévision est de 74,4 milliards d’euros. Il sera donc exactement divisé par deux. En 2010, le déficit structurel atteignait 5,6 % du PIB ; en 2015, la prévision est de 2,1 %. Il sera donc quasiment divisé par trois en cinq ans. Selon les prévisions, la croissance de la dépense publique sera de 16 milliards d’euros cette année ; en moyenne, entre 2002 et 2012, elle était de plus de 32 milliards d’euros. La progression de la dépense publique est donc divisée par deux.
Enfin, si l’on compare l’évolution du produit intérieur brut au sein de la zone euro depuis 2008, année du début de la crise, on constate que la zone euro n’a pas encore retrouvé son niveau de production d’avant-crise et que seuls deux des grands pays de la zone dépassent aujourd’hui leur niveau de production d’avant-crise : l’Allemagne, certes, mais aussi la France.
Mesdames et messieurs les députés, alors que nous sommes sur le point de nous séparer après cet automne budgétaire, il me paraissait utile de rappeler ces quelques chiffres incontestables qui prouvent que notre politique économique et budgétaire porte peu à peu ses fruits et qu’il faudra maintenir le cap jusqu’à la fin de la législature.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, mes chers collègues, comme vient de l’indiquer M. le secrétaire d’État, nous achevons aujourd’hui le marathon budgétaire – et je pèse mes mots – qui a commencé voilà plus de deux mois, le 1er octobre dernier, avec le dépôt du projet de loi de finances pour 2015 et du projet de loi de programmation pour les années 2014 à 2019 et qui s’est poursuivi avec le dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2014, le 12 novembre dernier. Il s’achève donc enfin aujourd’hui avec le vote en lecture définitive par notre assemblée de ces trois textes financiers de l’automne, que j’aborderai de manière conjointe plutôt que de me limiter au seul projet de loi de finances pour 2015.
Mes chers collègues, vous connaissez mon goût pour les statistiques. En voici donc quelques-unes.
Au total, l’examen de ces trois textes nous aura mobilisés durant 107 heures de débat dans cet hémicycle, auxquelles il faudrait, pour être tout à fait complet, ajouter les heures d’examen en commission des finances. Ce travail a en effet été, sur chacun des trois textes, extrêmement riche, technique, et a conduit à des améliorations pour la lecture définitive. Les heures de discussion en séance publique ont conduit à l’examen de 1 614 amendements sur les 1 966 qui avaient été déposés sur les trois textes par l’ensemble des députés de cette assemblée, dont 471 ont été adoptés. Même si parmi ces derniers certains étaient rédactionnels, on peut donc néanmoins considérer qu’un certain nombre d’améliorations ont été apportées par notre assemblée.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, première oratrice inscrite.
Pour la première fois depuis trois ans, le Sénat a réussi à adopter un projet de loi de finances en première lecture. Ces textes ont été souvent incomplets et, par conséquent, inopérants. En effet, le projet de loi de programmation a été adopté sans programmation et le projet de loi de finances amputé des crédits de neuf missions budgétaires – dont celle de la défense, ce qui poserait des problèmes pour rémunérer les militaires en OPEX –, pour un total de 106 milliards d’euros.
Ces trois textes constituent un tout et réaffirment les choix initiaux du Gouvernement et de la majorité : soutien au pouvoir d’achat des ménages, à travers diverses mesures d’allégement de la fiscalité ; soutien renouvelé à l’activité économique, via un plan important en faveur du bâtiment et du logement, notamment ; poursuite de l’assainissement des finances publiques, avec pour priorité la maîtrise de la dépense publique.
Alors que celle-ci augmentait de 37,5 milliards d’euros par an entre 2002 et 2007, et de 34,1 milliards d’euros par an entre 2007 et 2012, la progression ne sera que de 17 milliards d’euros entre 2013 et 2014, soit deux fois moindre. Les mesures adoptées dans ces trois textes visent encore à la réduire.
Tous les secteurs d’administration publique devront fournir un effort. Mais notre assemblée a souhaité faire en sorte que la baisse de l’investissement public, notamment des collectivités territoriales, ne soit pas trop forte.
Enfin, nous nous sommes trouvés à vos côtés, monsieur le secrétaire d’État, lors de vos discussions avec la Commission européenne sur la trajectoire de solde structurel pour 2015 et les années suivantes. Vous avez proposé un effort supplémentaire de 3,6 milliards d’euros, et nous vous soutenons. Mais aller au-delà ferait perdre au pays et à l’économie leurs capacités et leur dynamisme. En définitive, nous sommes arrivés à des textes équilibrés, que je vous invite à adopter à la suite de la commission des finances.
Permettez-moi un dernier mot : 107 heures de débat dans l’hémicycle, 1 966 amendements déposés, 1 614 amendements examinés, cela n’aurait pu se faire sans l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale et bien sûr, en tout premier lieu, les administrateurs de la commission des finances, sous la direction de Guillaume Bazin. On me dit qu’il n’est pas d’usage de citer des noms. Je souhaiterais néanmoins citer ici leurs prénoms pour que ceux-ci figurent au compte rendu : Sébastien, Mohamed, Sophie, Chloé, Jean-Luc, Guillaume, Cédric, Marie-Odile, Morgane, Théodore, Ludovic et François-Xavier. Je remercie également l’ensemble du secrétariat – que va quitter Martine après y avoir passé huit années, je salue son départ. Mes remerciements vont aussi à l’ensemble des administrateurs qui oeuvrent à l’application de l’article 40 – un article redouté des députés ! –, notamment Éric, dont je salue le départ de cette division. Je tiens également à remercier Marie et Caroline. Vous le voyez, beaucoup de personnes se mobilisent pour que nous puissions procéder à un examen des textes financiers. En votre nom, je les en remercie infiniment.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la rapporteure générale, les députés s’associent à vos remerciements et saluent l’ensemble des personnels de l’Assemblée, qui nous permettent de travailler, jour et nuit, dans les meilleures conditions possibles.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, tout a été dit par Christian Eckert et Valérie Rabault. Pour ne pas prêter le flanc à la célèbre critique que faisait Edgar Faure des débats budgétaires – « litanies, liturgie, léthargie » –, je n’interviendrai qu’une fois au nom du groupe SRC, sur l’ensemble des trois textes.
Je voudrais d’abord saluer le secrétaire d’État. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais avoir au banc un secrétaire d’État qui était précédemment rapporteur général a été très utile à la qualité de nos débats. Cela a permis un dialogue franc, aussi bien avec l’opposition, même si quelques tensions ont parfois pu se manifester, qu’avec la majorité, avec laquelle ce dialogue a toujours été riche et constructif.
Quelques mots pour rappeler le contexte dans lequel nous avons engagé cette discussion budgétaire. Elle avait été précédée par l’adoption, en juillet, d’un projet de loi de finances rectificative qui, déjà, fixait des orientations en matière de maîtrise de la dépense publique : tenant compte des éléments de conjoncture et de l’objectif de redressement des finances publiques, nous avions placé les premiers jalons de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, l’axe principal de l’ensemble des textes financiers, dont ceux relatifs au financement de la Sécurité sociale.
Il nous fallait composer avec une situation difficile des finances publiques, héritée des deux quinquennats précédents. Je sais qu’un tel constat énerve toujours la droite de cet hémicycle, mais l’honnêteté m’oblige à dire que cela fait trente ou trente-cinq ans que la dette de notre pays ne cesse de croître. La dernière fois où elle a reculé, c’était sous le gouvernement de Lionel Jospin, avec Dominique Strauss-Kahn comme ministre des finances.
C’est faux ! Cela a été le cas également en 2005, sous le gouvernement de Villepin !
L’accumulation historique des déficits, cette tendance spontanée à faire progresser constamment la dépense publique comme si l’on y voyait le gage d’une bonne utilisation de l’argent public et d’un renforcement des politiques publiques, rendent évidemment les choses ardues. Par ailleurs, la conjoncture européenne est très difficile, avec une croissance faible et un risque de déflation.
Les enjeux étaient simples. Dans ce contexte difficile – et j’entends les débats sur tous les bancs –, il fallait poursuivre et accentuer le redressement des finances publiques engagé depuis 2012. Il s’agissait de parvenir à inscrire 21 milliards d’économies dans la loi de finances pour 2015 et de procéder aux redéploiements nécessaires pour tenir l’exécution budgétaire et terminer l’année 2014 en dessous de l’autorisation parlementaire dans la loi de finances rectificative. Il fallait, par ailleurs, inscrire l’effort de 50 milliards d’économies dans la trajectoire de la loi de programmation. Pour tout cela, il convenait de tenir compte de la conjoncture et de la nécessité de soutenir la croissance, l’emploi, le pouvoir d’achat et de restaurer la compétitivité de l’économie française.
Deux questions sont souvent revenues, qui n’étaient pas indépendantes. Y aurait-il une majorité parlementaire pour adopter ces textes, sans qu’il soit fait usage de la procédure de vote bloqué ou du 49-3 ? Les objectifs d’évolution en valeur et en volume de la dépense publique inscrits par le Gouvernement dans le texte et les objectifs de solde seraient-ils tenus ? La réponse a été apportée. Il y a aujourd’hui une majorité parlementaire, laquelle s’exprimera dans un instant. Les objectifs de solde sont tenus, lesquels ont même été clarifiés.
Nous avons pris en compte les objectifs politiques du pacte de responsabilité. Mais nous savons que ce n’est qu’une étape. Nous nous retrouverons dès le début de l’année prochaine, monsieur le secrétaire d’État. La loi de programmation prévoyant un effort supplémentaire, plus compliqué encore, de 15 milliards d’euros l’année prochaine, il faudra entreprendre une analyse de la dépense publique pour préparer le budget pour 2016. Vous vous êtes engagé à y associer le Parlement. Le groupe SRC sera présent et votera ces trois textes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous souscrivons volontiers à la poursuite de l’assainissement des finances publiques ; affirmer qu’il s’agit là, après de trop longues années de dérapage budgétaire, d’une oeuvre indispensable est une analyse objective.
Malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous – pas même sur le plan idéologique. Vous indiquez, monsieur le secrétaire d’État, que la dépense publique est le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Considérant tout le respect que nous devons à nos concitoyens qui n’ont pas de patrimoine et mesurant l’utilité que peut avoir, particulièrement pour eux, la dépense publique, j’aurais quelque difficulté à la qualifier de « patrimoine ». C’est sans doute là une pudeur de ma part, mais je pense que votre phrase en dit sans doute bien plus que vous ne le pensez sur votre vision, profonde, de ce que doit être le budget de la nation.
Les rendez-vous ne sont pas honorés. S’agissant de la réforme fiscale, nous ne partageons pas votre choix de réforme de l’impôt sur le revenu. Vous aggravez les travers de l’architecture de cet impôt et employez mal les moyens que vous consacrez à une réforme qui, pourtant, serait nécessaire. À l’issue de travaux entrepris en début d’année, nous avions dégagé un certain nombre de pistes, partagées par certains députés de la majorité, que vous n’avez pas même commencé de suivre dans votre réforme.
Le rendez-vous n’est pas davantage honoré en matière de dépenses, Bruxelles l’a rappelé à plusieurs reprises. Nous regrettons la manière très cavalière dont la France traite l’analyse de l’Union européenne et de la Commission sur l’évolution des dépenses dans notre pays et leur constat que les réductions de dépenses affichées ne sont pas respectées. Cela n’est pas de bonne pratique. Vous avez été contraints, en deuxième partie de discussion budgétaire, de consentir des efforts supplémentaires ; vous y serez de nouveau contraints dans les mois qui viennent, et vous le savez. Vous vous honoreriez donc à faire preuve de moins de légèreté.
Par ailleurs, nous nourrissons une grande inquiétude quant à la stratégie de la dette. Le niveau actuel des taux d’intérêt constitue un bienfait, une aubaine même. Mais il n’est pas garanti dans la durée et dépend de l’évolution de la politique monétaire dans les mois qui viennent, en Europe et aux États-Unis. La probabilité, au deuxième semestre de l’année 2015, d’une augmentation significative des taux d’intérêt est très forte, laquelle pourrait peser à la fois sur l’exécution du présent budget et sur la préparation du suivant. Vous le savez, mais n’y préparez pas notre pays. Vous vous placez aujourd’hui dans une stratégie de pure aubaine, qui n’est pas à la hauteur de la situation de la France.
La situation est encore aggravée par l’accumulation de décisions publiques, grandes ou plus modestes, qui abîment considérablement la signature de la France.
Je prendrais l’exemple de la décision de justice qui a annulé hier les textes réglementaires pris par le Gouvernement concernant les véhicules de transport avec chauffeur, les VTC, et les taxis. Ce sujet est grave. Au début de l’année 2014, Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, avait appelé l’attention des pouvoirs publics sur la mauvaise qualité de la loi et le mépris que l’exécutif affichait à l’égard de l’ordre juridique – conformité des circulaires aux règlements, des règlements à la loi, de la loi à la Constitution. Or, hélas avec constance, votre Gouvernement privilégie l’effet d’annonce à la solidité de l’action publique, comme nous l’avons vu avec les VTC donc, mais aussi avec Écomouv ou bien encore les sociétés d’autoroutes. Vous êtes d’ardents communicants sur le plan politique mais vous vous souciez moins de la solidité de l’action publique. Est-ce un sujet budgétaire ? Oui, car un certain nombre de décisions que je viens d’évoquer – d’autres encore, on pourrait le redire avec Marc Goua – emportent des conséquences graves pour les prochaines années, sans doute au-delà de cette législature, ce qui ne doit pas dispenser d’en avoir conscience dès aujourd’hui.
Par ailleurs, ces décisions, de la plus importante à la plus modeste, affectent de manière extrêmement grave la qualité de la signature de l’État. Lorsque le Gouvernement n’attache plus beaucoup de considération à la cohérence de l’État de droit, c’est la crédibilité de l’État qui en souffre, comme nous l’avons vu avec le retrait d’un certain nombre de candidats au moment de l’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse et le verrons avec les taux d’intérêt que notre pays sera inéluctablement amené à payer les prochains mois ou les prochaines années.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas le projet de loi de finances pour 2015.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la France se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire. Trop de temps a été perdu et les réformes structurelles, vitales pour notre pays, ont trop longtemps été repoussées.
Nous devons à présent choisir entre le courage, qui seul permettra de sortir notre pays de la crise, ou le renoncement, qui placerait inévitablement la France sous la tutelle de Bruxelles et des marchés financiers. En effet, tous les indicateurs sont au rouge : la dette explose, la croissance est nulle, les déficits dérapent, les dépenses publiques, tout comme les prélèvements obligatoires, n’ont jamais été aussi élevés. Pas moins de mille chômeurs de plus par jour sont à mettre à votre actif depuis votre arrivée au pouvoir. L’absence de résultats économiques et sociaux depuis le début du quinquennat de François Hollande a brisé la confiance de nos concitoyens, tant les efforts demandés ont été importants, tant ils ont été vains. La France, placée sous surveillance renforcée par la Commission européenne, est à présent considérée comme le mauvais élève de la zone euro.
Monsieur le secrétaire d’État, les députés du groupe UDI vous ont alerté sans relâche, depuis le début de ce quinquennat, quant aux conséquences dramatiques de vos décisions injustes socialement et inefficaces économiquement. Votre première faute fut d’infliger une sanction sévère aux 9,5 millions de Français qui faisaient des heures supplémentaires et ont vu leurs salaires se réduire en même temps que leurs impôts augmentaient.
Votre seconde faute aura été de priver nos entreprises d’un allégement de charges de 13,2 milliards d’euros et de nous engager ainsi sur la pente du déclin.
Après l’annonce du pacte de responsabilité et de solidarité, nous espérions que le projet de budget pour 2015 constituerait le sursaut dont notre pays a tant besoin. Force est cependant de constater qu’il n’en est rien, malheureusement.
Loin de prendre des mesures courageuses pour réduire le déficit, le Gouvernement a fait le choix de le laisser filer, bafouant nos engagements européens.
Les 3,6 milliards d’euros de mesures correctrices prises par le Gouvernement face à la menace d’une sanction de Bruxelles ont certes permis à la France de gagner quelques mois mais la Commission européenne attend, d’ici mars 2015, que soient mises en place des réformes structurelles convaincantes, « propices à la croissance en vue d’améliorer la viabilité des finances publiques à moyen terme ».
Voilà deux ans et demi que nous appelons ces réformes structurelles de nos voeux, monsieur le secrétaire d’État.
Au-delà des exigences de Bruxelles, des réformes courageuses, profondes, doivent être mises en oeuvre pour préparer l’avenir de notre pays, maîtriser la dette, lutter contre les déficits et favoriser le retour de la croissance.
La réforme de l’État et des collectivités territoriales, celle de la protection sociale et de la santé, du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer et sur lesquels vous patinez.
Sans ces réformes structurelles, il sera impossible de réaliser les 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques, dont dépendent pourtant notre souveraineté budgétaire et la survie de notre modèle social. Selon la Cour des comptes, à peine 20 milliards seraient réalisés.
Nous le disons pourtant sans détours : l’effort annoncé de 21 milliards d’euros pour 2015 est significatif.
Nous l’avions d’ailleurs souligné lors de la présentation à l’Assemblée nationale du programme de stabilité budgétaire 2014-2017 par le Premier ministre, ce qui avait conduit à l’abstention d’une majorité de notre groupe. Pour autant, nous savons tous aujourd’hui qu’à peine la moitié de ces économies seront véritablement réalisées.
Le Haut conseil des finances publiques a d’ailleurs constaté que l’intégralité des économies annoncées n’était pas documentée et que leur réalisation était incertaine.
En effet, sur ces 21 milliards d’euros d’économies, 4 résultent de mesures d’ores et déjà adoptées, certaines étant par ailleurs issues des décisions des partenaires du dialogue social.
De surcroît, les 3,7 milliards d’euros de baisse de la dotation aux collectivités locales font peser une lourde menace sur leurs capacités d’investissement, alors même que l’État leur transfère des charges toujours plus lourdes. Il est ainsi évident que pour compenser cette baisse de la DGF, les collectivités augmenteront les impôts locaux. Votre politique irresponsable continuera de peser ainsi sur les ménages et les entreprises.
Les ménages modestes resteront donc les grands perdants de votre politique, comme depuis le début de votre quinquennat.
La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu ne permettra pas de faire oublier aux Français la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ou de compenser les effets du matraquage fiscal sans précédent de 37 milliards subi par les ménages.
Elle ne permettra pas plus de regagner la confiance des ménages, en particulier des plus modestes, qui ont été trompés par le Président de la République, lorsqu’il leur a promis plusieurs fois une pause fiscale qui n’est jamais venue, ou qu’il a maintenu le gel du barème de l’impôt sur le revenu, qu’il avait pourtant qualifié de mesure la « plus injuste » et promis de supprimer le 10 avril 2012.
Cette mesure va toutefois continuer à réduire l’assiette de l’impôt sur le revenu et à faire peser la totalité de l’effort sur moins de la moitié des foyers fiscaux. Ce choix s’est pourtant avéré inefficace puisqu’en 2014, l’impôt sur le revenu a rapporté 6 milliards d’euros de moins que prévu.
Enfin, ne nous y ne trompons pas, ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre : les impôts sur les ménages vont augmenter de 3 milliards d’euros en 2015 du fait du relèvement du tarif de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, sur le carburant gazole, la hausse des cotisations de retraite, l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité, l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public et la hausse des impôts locaux consécutive à la baisse de la dotation globale de fonctionnement.
Non content de ne pas écouter l’opposition ici, le Gouvernement s’apprête également à revenir sur les mesures de justice votées par le Sénat, notamment en ce qui concerne la baisse de la DGF, le quotient familial ou encore les chambres d’agriculture. Nous le déplorons.
Monsieur le secrétaire d’État, avec ce projet de loi de finances pour 2015 vous faites le choix du renoncement : vous renoncez aux objectifs fixés avec nos partenaires européens en termes de déficit, vous renoncez à tout mettre en oeuvre pour favoriser le retour de la croissance, vous renoncez à inverser la courbe du chômage, vous renoncez à baisser la dépense publique dans la justice, vous renoncez, enfin, à rétablir la confiance sans laquelle le redressement du pays sera impossible. C’est pourquoi les députés du groupe UDI voteront contre.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, sans doute cette dernière lecture est-elle l’occasion de tirer le bilan de nos travaux, que nous devons placer dans un contexte général, celui de la dette et des déficits de notre pays d’une part, celui de la mondialisation d’autre part.
En 2015, nous aurons à déplorer une hausse de 80 à 85 milliards du déficit, ce qui ne représente pas moins de 7 % de la dépense publique – Sécurité sociale, État, collectivités locales. Il revient à cette majorité, après trente-cinq ans d’incurie, de s’emparer du problème et d’y remédier. Nous avons, en tant que députés écologistes, plus que tous les autres encore, la responsabilité de ne pas laisser à nos successeurs une charge dont la lourdeur limiterait leurs marges de manoeuvre.
S’agissant de la mondialisation, nous devons nous interroger sur l’attitude à adopter face à l’ensemble des flux planétaires et mondiaux auxquels nous sommes confrontés : flux commerciaux, dont dépend la compétitivité de notre économie par la mise en concurrence des salariés à travers le monde, flux financiers, dont découlent les problèmes liés à l’évasion fiscale, flux migratoires qui pourraient déséquilibrer nos économies, flux environnementaux, et je pense là bien sûr aux efforts nécessaires en matière de réduction des émissions de carbone afin de limiter les changements climatiques, enfin, trafics de toute nature.
L’ensemble de ces flux hypothèque largement nos économies.
Dans ce panorama plus large, je retiendrai tout particulièrement de ce budget l’effort consenti en direction des ménages modestes. Pas moins de 1,8 milliard sera mobilisé du fait de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Nous pouvons débattre de l’opportunité de faire payer l’impôt à chacun mais il n’empêche que les salariés les plus modestes profiteront de cette mesure qui vise à rattraper les effets de bord que nous avons malheureusement subis ces deux dernières années. Cette mesure, de surcroît, a un sens fort car cette somme a pu être dégagée grâce à la lutte que mène ce Gouvernement contre l’évasion fiscale des particuliers. La loi du 6 décembre 2013 a d’ores et déjà eu des effets remarquables puisque plus de 30 000 ménages rapatrient aujourd’hui leurs avoirs en France, ce qui représentera à terme 6 à 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, dont près de 2 milliards sont consacrés en 2015 aux plus modestes. Comment ne pas penser à la geste de Robin des bois ? La vocation de la gauche est en tout cas d’agir ainsi. Sans vouloir forcer le trait, il est vrai que nous demandons une contribution aux plus riches pour aider les plus pauvres. Et notre majorité en est fière et le revendique haut et fort.
La deuxième mesure en faveur des plus modestes, qui sera effective en 2016, consiste à fusionner le revenu de solidarité active et la prime pour l’emploi en une prime d’activité.
Un autre aspect saillant de ce budget est la pause consentie sur la trajectoire de réduction des déficits publics, déjà constatée en 2014. Les 21 milliards d’économies sur la baisse de la dépense publique, après les 10 milliards de 2014, seront, pour leur plus grande part, réinjectés dans l’économie. Entre le CICE et l’ensemble du pacte de responsabilité, c’est à peu près 25 ou 26 milliards qui seront fléchés sur l’économie. Nous assumons ce choix. Au moment où certaines manifestations de mécontentement s’y font jour, le milieu économique doit mesurer la portée de l’effort consenti par l’État et les Français pour soutenir les entreprises.
Nous constatons combien il est difficile de poursuivre le double objectif de réduire substantiellement les déficits et de soutenir l’économie. Un choix était nécessaire : pour l’instant, trois quarts des mesures prises l’ont été en faveur des entreprises. Assumons-le.
Pour ce qui est du projet de loi de finances rectificative, il faut souligner que les 3,6 milliards de réduction supplémentaire du déficit pour 2014 sont obtenus, non par des baisses de dépenses mais grâce à de nouvelles recettes, même si celles-ci sont constituées de nouveaux prélèvements sur les entreprises, ce qui peut être quelque peu contradictoire avec la logique générale. Il est important de l’expliquer : si l’on ne veut pas que la dépense publique s’effondre, au risque de nuire à l’économie et aux entreprises elles-mêmes, il est important que parallèlement à la réduction des déficits, aujourd’hui exclusivement tournée vers la baisse de la dépense publique, on s’attache à lutter contre l’évasion fiscale, afin d’alléger la contrainte pesant sur la dépense publique. Les deux trajectoires doivent être parallèles. Il faut mettre à contribution celles et ceux qui refusent de payer leurs impôts, comme la majorité des Français et des entreprises dans notre pays.
Il est donc important et même urgent, monsieur le secrétaire d’État, de mettre en oeuvre les mesures prônées par l’OCDE et le G 20 dans le fameux plan d’action BEPS. J’espère que la France et les autres pays de l’Union européenne pourront appliquer dès 2015 ce programme qui vise notamment à lutter contre les transferts de bénéfices dans les pays à fiscalité privilégiée.
Soit ; je conclurai mon propos par la question de la baisse des dotations aux collectivités locales et celle, cruciale, de la sélectivité des investissements. Sans vouloir paraître monomaniaque, je répète que les investissements réalisés en matière d’économies d’énergie garantissent un retour sur investissement et, de ce fait, permettent d’investir davantage et d’atténuer les effets de la baisse des dotations aux collectivités locales, qui risque de nuire à nos entreprises, voire à l’emploi.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous achevons en lecture définitive l’examen du projet de loi de finances pour 2015 qui devait, comme lors de la première lecture, faire l’objet d’une discussion générale commune avec le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Comme l’a annoncé le groupe RRDP en première puis en nouvelle lectures, la programmation des finances publiques sur trois années est avant tout un exercice de construction intellectuelle. De ce point de vue, en l’absence de véritable dynamique de croissance et compte tenu des restrictions budgétaires qui permettront d’atteindre l’épure des 3 % de déficit public, nous devons à notre sens nous prémunir contre les risques de déflation.
La situation de l’Europe en est une parfaite illustration. À cause des plans de rigueur excessifs mis en oeuvre sur le vieux continent, sous l’impulsion dogmatique de la Commission européenne sortante, l’OCDE a estimé la semaine dernière que la croissance devrait continuer à s’infléchir en Europe et plus spécifiquement en Allemagne, pays dont le PIB a déjà reculé de 0,2 % au deuxième trimestre, ainsi qu’en Italie – au point qu’un membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne évoque cette semaine un « affaiblissement massif de l’économie de la zone euro ».
Depuis le 30 juin, l’euro a d’ailleurs plongé de pas moins de 10 % face au dollar, et rien ne semble plaider en faveur d’une inversion de tendance, même si le dynamisme des États-Unis est avant tout provoqué par une gigantesque création de monnaie.
En France, la croissance s’est élevée à 0,3 % du PIB en 2012 et en 2013. Elle est estimée à 0,4 % cette année. Comme l’a indiqué le Président de la République le 8 octobre dernier à Milan, lors du sommet européen pour l’emploi, « il faut ajuster le rythme des politiques budgétaires par rapport à l’enjeu de la croissance ». Il faut en effet ajuster le rythme des politiques budgétaires nationales aux enjeux économiques, régionaux et internationaux dans lesquels elles s’inscrivent. C’est en partie ce que propose le Gouvernement dans ces deux textes.
Il ne faut pas non plus feindre collectivement de croire que la croissance sera mécaniquement relancée par les allégements de charges et les crédits d’impôts, qui sont prévus à hauteur de 41 milliards d’euros en trois ans dans le pacte de responsabilité et de solidarité. Nous ne nions pas les éventuels effets positifs de ce pacte, que nous appelons de nos voeux, mais il ne produira que peu de résultats en l’absence de réformes structurelles visant à restaurer l’attractivité de l’investissement en France et, en l’absence d’accords de branche, il perdrait tout intérêt véritable.
Ainsi, nous avons entendu avec satisfaction les déclarations prononcées la semaine dernière par M. le Premier ministre, qui s’est dit « convaincu que le pacte de responsabilité sera une réussite ». Il précisait que six accords de branche ont déjà été conclus et qu’un autre accord représentant 28 000 emplois vient d’être signé dans le secteur de l’assurance, et ajoutait avoir espoir que « d’autres seront possibles très vite dans le bâtiment et la banque ». En outre, M. le Premier ministre a dit espérer que plus de la moitié des salariés seront concernés très prochainement par ces accords permettant de préserver l’emploi, d’embaucher et de former les salariés. Nous l’espérons avec force car le chômage culmine toujours à plus de 10 %.
C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons des nouveaux accords conclus la semaine dernière dans les branches des services, de l’automobile et des transports urbains de voyageurs.
Quant au projet de loi de finances pour 2015 dont nous achevons ici l’examen, il comporte un programme d’économies relativement raisonnable de 21 milliards d’euros tout en allégeant l’impôt sur le revenu des ménages modestes et moyens, ce que nos compatriotes vont constater avec satisfaction.
Il y a cependant un élément négatif. La forte baisse des concours financiers de l’État aux collectivités locales, d’un montant de 3,7 milliards d’euros en 2015, pourrait amener la plupart des collectivités à renoncer à des projets d’investissement, induisant le risque d’un repli massif de l’investissement local qui représente aujourd’hui plus de 70 % de l’investissement public. Un tel repli serait évidemment préjudiciable à l’activité économique, à la croissance et à l’emploi.
Malgré tous les efforts consentis, le déficit public représente encore 4,4 % du PIB en 2014. Certains vous en font grief, monsieur le secrétaire d’État ; pas le groupe RRDP, bien au contraire. Depuis le mois de juillet 2012, les députés de notre groupe sont en effet intervenus à cette tribune lors de l’examen de chaque loi de finances afin de plaider contre un rythme trop rapide de réduction du déficit public et en faveur d’une baisse des prélèvements obligatoires, pour relancer l’activité économique par le dynamisme de la demande.
En première lecture, de nombreux amendements présentés par notre groupe ont été adoptés, concernant la surélévation d’immeubles ou la reconstitution des titres de propriété par exemple. Au sujet des collectivités, nous avons approuvé la majoration du Fonds de compensation de la TVA – le FCTVA – et le soutien particulier apporté à l’investissement local, dont notre groupe souhaite qu’il bénéficie pour partie et en priorité aux « communes nouvelles », afin d’inciter nos plus petites communes à la fusion en renforçant leurs moyens d’investissement par l’augmentation du taux de dotation d’équipement des territoires ruraux. Nous nous réjouissons donc de l’abondement à hauteur de 200 millions d’euros de cette dotation, ainsi que des mesures favorables annoncées par le Premier ministre pour les maires bâtisseurs même si, compte tenu de la baisse des dotations, nous estimons, je le répète, que le compte n’y est pas encore.
Plusieurs mesures proposées par notre groupe ont été conservées par le Sénat : le relèvement du plafond de la taxe sur les transactions financières au bénéfice du Fonds de solidarité pour le développement, la possibilité ménagée aux établissements publics de coopération intercommunale d’établir un dispositif de convergence entre l’ancien et le nouveau barème de la base minimale de cotisation foncière des entreprises, ou encore la prorogation en 2015 de l’abattement de 30 % dont bénéficient les logements sociaux situés en zone urbaine sensible.
D’autres articles ont été supprimés par le Sénat. L’un d’entre eux prévoyait la publication annuelle de la liste des agréments accordés aux organismes ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers effectuant des dons. Dans une logique de transparence, nous avions proposé à notre Assemblée de le restaurer en nouvelle lecture, cette dépense fiscale représentant tout de même près de 2 milliards d’euros par an. Après avoir émis un avis de sagesse en première lecture, le Gouvernement a néanmoins considéré la semaine dernière que cette publication annuelle des agréments triennaux au Journal Officiel était trop contraignante pour l’administration ; nous le regrettons vivement.
Nous saluons en revanche le vote en nouvelle lecture des amendements présentés par notre groupe concernant les chambres d’agriculture, qui permettent d’ajuster la répartition de l’effort structurel demandé sur les trois prochaines années et de simplifier le dispositif d’utilisation du Fonds national de solidarité et de péréquation.
Toutefois, s’agissant des chambres de commerce et d’industrie, la double seconde délibération exigée par le Gouvernement sur les amendements de notre groupe visant à déplafonner, dans un esprit de consensus et, je le rappelle, sans implication sur le solde budgétaire, le plafond initial de la taxe affectée payée par les entreprises pour permettre essentiellement aux petites chambres rurales de survivre, pose la question de la capacité du Parlement à légiférer sous la pression de l’exécutif et des procédures dont celui-ci dispose pour contraindre notre Assemblée.
Au bout du compte, pour être entendus sur ces questions, les députés du groupe RRDP n’ont en majorité pas voté en faveur de ce projet de loi de finances lors de sa précédente lecture. À l’occasion de ce vote définitif qui engage notre responsabilité vis-à-vis du Gouvernement, cependant, nous voterons majoritairement en faveur de ce budget.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous arrivons au terme de ce marathon budgétaire avec l’adoption en lecture définitive de trois textes financiers : le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de finances pour 2015, que nous examinons présentement.
À l’approche de la trêve des confiseurs, je veux à mon tour m’associer aux remerciements de Mme la rapporteure générale. Je ne citerai, pour ma part, ni noms ni prénoms, mais chacune et chacun se reconnaîtra : je veux naturellement remercier les services de la commission des finances et les services chargés de la séance publique, ainsi que les collaborateurs des groupes politiques, en particulier ceux du groupe UMP, pour l’ensemble de leur travail.
Pour la première fois depuis mai 2012, le Sénat a enfin adopté un projet de loi de finances. En deuxième lecture, nous avons eu l’occasion de tenir compte des apports que le Sénat a faits au texte. Le groupe UMP aurait préféré intégrer davantage encore les avancées adoptées par le Sénat, mais je tiens tout de même à souligner l’enrichissement du texte apporté par nos collègues sénateurs, comme l’a relevé Mme la rapporteure générale.
Sur le fond, tout a déjà été dit. Selon moi, deux articles posent un véritable problème. Le groupe RRDP vient de rappeler le cas de l’article 17 : j’estime qu’il est tout à fait regrettable que nous mettions en péril certaines chambres de commerce et d’industrie départementales au profit des chambres régionales. Si l’objectif était de supprimer les chambres départementales, il aurait été bien plus honnête de l’annoncer officiellement. Hélas, la reprise de 500 millions d’euros nécessaires au budget de l’État affectera forcément le fonctionnement de certaines de ces chambres, en particulier dans les départements ruraux.
De même, l’article 47 relatif au contrat vendanges pose un réel problème car il porte atteinte à notre patrimoine national : la gastronomie française. En toute franchise, je regrette que l’on affecte ce secteur, qui ne se limite pas aux seuls vignerons et producteurs : on met aussi à mal les revenus complémentaires que certaines personnes, étudiants ou salariés précaires, percevaient grâce aux vendanges. En clair, j’éprouve de profonds regrets au sujet de ces deux articles.
Pour conclure, je ne crois pas, hélas, que la signature de la France gagnera en crédibilité grâce à ce projet de loi de finances pour 2015 : la dette dépasse 2 000 milliards d’euros et les rentrées fiscales connaissent une dégradation plus qu’inquiétante.
Cette baisse était de 15 milliards en 2013, elle approche 12 milliards en 2014 : c’est une réalité. La pression fiscale empêche les rentrées fiscales de se produire. Voici deux ans que nous vous alertons au sujet de ce dispositif qui ne peut pas fonctionner, et qui crée une instabilité et une insécurité fiscales. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que votre politique budgétaire porte peu à peu ses fruits ; nous aurions plutôt tendance à croire qu’elle les porte peu. C’est en raison de cette réalité budgétaire que le groupe UMP n’est pas satisfait par ce projet de loi de finances pour 2015.
Conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Le projet de loi est adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (no 2479) et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (no 2481).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, j’ai eu l’occasion de prendre la parole tout à l’heure et je ne voudrais pas allonger excessivement nos débats, après plus de deux mois dans cet hémicycle.
Deux remarques, néanmoins. La première, c’est que depuis l’été, on nous annonce des votes bloqués, le recours au 49-3, des difficultés à surmonter les obstacles dans l’examen des textes financiers qui se succèdent : projet de loi de finances rectificative au mois de juillet, projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale en juillet également, projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne puis les trois textes majeurs dont nous achevons l’examen à cet instant.
Eh bien, je voudrais souligner que, grâce à ce dialogue que j’évoquais tout à l’heure, avec l’envie de n’esquiver aucun débat, nous n’avons eu recours à aucun de ces artifices. Pour être tout à fait honnête, il y a eu quelques reports de vote d’amendements, représentant quelques dizaines de minutes, sur plusieurs centaines d’heures de débats. Je crois que nous avons fait un beau travail parlementaire.
Seconde remarque : après les corrections faites au mois d’août, nous allons confirmer les chiffres du projet de loi de finances rectificative qui sera approuvé, j’imagine, dans quelques instants. Le déficit représentera 4,4 % du PIB, oui, cela semble plus que probable pour l’année 2014. La fin de l’exécution est proche et elle a fait l’objet d’un pilotage particulièrement fin.
Je pense que les prévisions pour l’année 2015, contrairement à ce qui est dit, sont prudentes et se trouveront confortées dans les prochaines semaines, pour ne pas dire dans les prochains jours.
Nous sommes entrés dans un cycle où, après beaucoup de difficultés, nous allons confirmer, mois après mois, que nous tenons nos objectifs et que la signature de la France est une bonne signature. On peut toujours se dire que les taux d’intérêts bas qui sont consentis à notre pays sont le résultat d’une situation extérieure et en rien dus à l’action du Gouvernement. J’imagine ce qu’on dirait si, au contraire, ces taux devaient s’élever, ce qui pourrait se produire un jour ou l’autre, même si personne ne le souhaite : j’entends déjà ceux qui expliqueraient cette hausse par la mauvaise gestion du Gouvernement !
Je termine, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en m’associant aux remerciements qui ont été exprimés tout à l’heure. Madame la rapporteure générale, ils vont d’abord en votre direction : je sais ce que sont les difficultés d’organisation avec un Gouvernement qui dépose tardivement des amendements parfois complexes. Je sais que c’est un lourd travail et je connais la difficulté de réagir dans un contexte contraint. Vous avez produit des rapports extrêmement complets et je voudrais saluer ce travail.
Monsieur le président, sous votre présidence, la commission des finances a pu travailler dans d’excellentes conditions. Vous avez également marqué de votre empreinte des prises de position qui sont légitimes : ce n’est pas parce qu’on est président de commission qu’on n’a pas des convictions, une âme et des propositions à faire. La qualité de nos relations contribue à ce que j’évoquais tout à l’heure : un beau travail parlementaire.
Je voudrais remercier les présidents de tous les groupes parlementaires, ainsi que les orateurs des groupes : Dominique Lefebvre, Éric Alauzet, Joël Giraud, Nicolas Sansu, Marie-Christine Dalloz, Charles de Courson et tous ceux qui ont pris part à nos débats.
Je voudrais, madame la présidente, remercier les présidents de séance, qui ont mené nos travaux avec le savoir-faire qui les distingue. Je remercie l’ensemble des services de l’Assemblée nationale pour leur patience et leur attention permanente : en particulier, le service de la séance et celui de la commission des finances que je connais bien, y compris le groupe chargé du suivi de l’application de l’article 40.
Je voudrais remercier aussi les collaborateurs des groupes, qui font des sacrifices sur leur temps personnel. Un mot enfin pour saluer le travail des services de Bercy, qui ont préparé ces textes et sans lesquels le Gouvernement n’aurait pu répondre point par point à toutes vos légitimes interpellations.
Merci, mesdames et messieurs, et par avance je vous souhaite de bonnes fêtes de Noël : un peu de repos, avant de participer à la suite des débats, dès le mois de janvier, avec la revue des missions. Par avance, bonne année à tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Merci, monsieur le secrétaire d’État. De la part de toute l’Assemblée, bonnes fêtes à vous également.
Mme la rapporteure générale s’étant exprimée tout à l’heure et ayant fait savoir qu’elle ne le ferait qu’une fois pour les deux textes, nous en venons à la discussion générale commune.
Je suis heureuse que nous arrivions au terme de l’ensemble de ces débats.
Mme la rapporteure générale a parlé du nombre d’heures, en commission ou en séance, que nous avons consacrées à ces textes. C’était nécessaire. Je déplore simplement que l’opposition soit peu entendue, mais chacun est dans son rôle. Pour autant, nous n’avons pas renoncé à faire entendre notre voix, comme vient de le souligner monsieur le secrétaire d’État et je l’en remercie.
Le déficit acté dans ce projet de loi de finances rectificative de 2014 représente 4,4 % du PIB. C’est encore trop.
J’entends les satisfecit que certains s’octroient ici ou là, mais dans le contexte de redressement général des autres pays de l’Union européenne, la France est affaiblie par ce résultat relativement médiocre et cette progression du déficit nominal au titre de l’année 2014.
Deux articles du projet de loi de finances rectificative me posent tout particulièrement un problème. Le premier institue la non-déductibilité de la taxe de risque systémique pour les banques françaises. On leur demande une contribution de 200 millions qui alimentera le budget de l’État, alors que parallèlement on leur demandera de contribuer dès 2015 au Fonds de résolution unique qui a été adopté par l’ensemble des pays de l’Union européenne. Je trouve dommage qu’on laisse cohabiter deux charges lourdes, d’autant que la taxe de risque systémique n’est pas une taxe affectée, mais que son produit va aux recettes de l’État.
Le second de ces articles concerne la taxe sur les surfaces commerciales : 50 % de progression sur les grandes surfaces, dès 2 500 mètres carrés. Ce sont là aussi 200 millions de recettes au budget de l’État, au détriment des collectivités territoriales.
Le CICE, me répond-on. Mais c’est là un choix que vous avez fait. Le CICE, vous l’avez mis en oeuvre : ne reprenez pas d’une main ce que vous avez donné de l’autre. La crédibilité et la stabilité fiscale sont nécessaires dans notre pays. Il est profondément dommage que vous ne l’ayez pas intégré.
Le Président de la République avait annoncé dès octobre qu’il n’y aurait plus de nouvelles augmentations d’impôts ni de fiscalité nouvelle, et ces engagements ont été réitérés par le ministre des finances, Michel Sapin. Or, et je le déplore, qu’il s’agisse de l’augmentation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones tendues, de la TASCOM ou de la non-déductibilité de certains prélèvements, on s’aperçoit que ce projet de loi de finances rectificative autorise encore des augmentations d’impôts.
Il est profondément dommage que vous n’entendiez pas les ménages et les entreprises vous dire qu’il n’est plus possible de continuer ainsi. Pour le rétablissement de nos comptes publics, comme l’a dit l’orateur du groupe écologiste, on ne peut pas miser uniquement sur de nouvelles taxes : il faut vraiment s’attacher à la maîtrise de nos dépenses publiques.
Pour ces raisons, le groupe UMP votera contre ces textes.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion budgétaire, après l’adoption du projet de loi de finances pour 2015 il y a quelques instants et alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur le dernier collectif de 2014 et sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Beaucoup de choses ont été dites durant ces trois mois de débats, je n’y reviendrai donc pas. Les députés du groupe UDI, dans la logique d’opposition constructive qui est la leur depuis le début de cette législature, ont proposé des mesures courageuses pour le redressement de notre pays. Malheureusement, nous ne pouvons que déplorer que le Gouvernement ne nous ait pas entendus, alors que nous constatons tous l’échec de la politique mise en place depuis deux ans et demi.
Nous le déplorons et vous appelons à nouveau, monsieur le secrétaire d’État, à mettre en place les réformes structurelles courageuses qui, seules, permettront de réaliser des économies dans la justice, de renouer avec la croissance et, par là, de rétablir la confiance.
Ce collectif budgétaire ne constitue en aucun cas le sursaut indispensable pour sortir la France de la crise économique, sociale et morale dans laquelle elle s’enlise un peu plus chaque jour. C’est pourquoi les députés du groupe UDI voteront contre ces deux textes.
Je vais adresser mes remerciements à tous ceux qui ont déjà été salués dans cette assemblée, et particulièrement à mes collaborateurs les plus proches.
Chaque année, depuis trois exercices, nous nous disons que ça ira mieux l’année prochaine. Nous enregistrons encore 6 milliards de moindres recettes cette année, qu’il faut combler dans la douleur. Nous en avions 15 milliards l’année dernière. C’est déjà un peu moins et on se dit qu’en 2015, nous aurons de bonnes nouvelles.
C’est important pour la confiance. On le sait, une de nos principales difficultés est là, qu’il s’agisse de la confiance des ménages ou de celle des entreprises. Tout doit être fait pour restaurer cette confiance.
L’affichage d’un budget de l’écologie facialement en baisse n’est pas un bon signal, même si je sais que la mécanique budgétaire est complexe et que certaines lignes d’autres budgets abondent des politiques en faveur de l’écologie. Je ne vois donc pas les choses de façon trop simpliste.
Je salue le fait que l’équilibre budgétaire, cette année, n’ait pas été recherché à travers des prélèvements supplémentaires. C’est difficile, on le sait. Certains souhaitent des réductions de dépenses plus importantes, en oubliant que celles-ci nuiraient à l’économie. Il faut tenir compte de cette contradiction et la regarder en face.
Contrairement à Mme Dalloz, je me félicite que la contribution des banques au Fonds de résolution européen ainsi que la taxe de risque systémique ne soient pas déductibles. Ce n’est pas que je souhaite que les entreprises versent plus d’argent…
… mais parce qu’il faut éviter qu’en cas de crise, ce soit le contribuable qui fasse les frais d’une mésaventure financière.
Je regrette une nouvelle fois l’accord fiscal décidé par le précédent gouvernement concernant l’Euro 2016.
Enfin, j’attends, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous fassiez des propositions afin que la taxe sur les surfaces commerciales soit équitable et que les nouvelles formes de commerce qui se développent aujourd’hui aient à supporter les mêmes charges que les autres– il en va d’une concurrence loyale.
Très majoritairement, le groupe écologiste s’abstiendra sur ce projet de loi de finances rectificative, même si, à titre personnel, je le soutiendrai.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le second projet de loi de finances rectificative pour 2014, adopté en première et en nouvelle lectures par notre assemblée, et que nous examinons en lecture définitive aujourd’hui, contient une série de mesures dont le groupe RRDP se félicite. À l’occasion de l’examen du texte il y a quinze jours, plusieurs amendements du groupe RRDP ont d’ailleurs été votés par notre assemblée.
Sur le fond, et sans reprendre l’ensemble des éléments énoncés précédemment, comme le Gouvernement s’y était engagé, ce second projet de loi de finances rectificative pour 2014 permet d’assurer le respect de la norme de dépenses de l’État par une diminution de 3,3 milliards des dépenses, hors charges de la dette et des pensions, comparativement à la loi de finances initiale pour 2013.
Le précédent projet de loi de finances rectificative du 8 août 2014 avait d’ailleurs déjà procédé à l’annulation de 1,6 milliard de crédits. Ce respect de la norme de dépense est réalisé en 2014, malgré plusieurs facteurs qui ont contribué à l’apparition de dépassements des dépenses ministérielles, plus particulièrement dans les domaines des prestations sociales et des opérations militaires extérieures, lesquelles ont dépassé à elles seules de plus de 600 millions d’euros la provision constituée, ce qui a nécessité des redéploiements importants.
Le groupe RRDP se félicite que la stratégie de réduction des dépenses publiques commence à porter ses fruits, puisque l’on constate une progression historiquement faible de celle-ci : elle est estimée cette année à environ 16 milliards d’euros, soit la moitié de la croissance moyenne des dépenses constatée sur la décennie 2002-2012. Elle est ainsi contenue à 1,4 % en valeur et 0,9 % en volume, hors crédits d’impôts. Son impact sur l’effort structurel est néanmoins plus faible qu’attendu, du fait de la faiblesse de l’inflation.
Concernant la trajectoire de nos finances publiques, le Gouvernement table, tout comme dans le projet de loi de finances pour 2015, sur une prévision de croissance de 0,4 %, jugée réaliste par le Haut conseil des finances publiques, et sur un déficit des administrations publiques de 4,4 % du PIB en 2014, qualifié de vraisemblable par le Haut conseil.
Dans ce second projet de loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement soumet au Parlement une série de mesures, fiscales et non fiscales, pour lesquelles, dans leur ensemble, le groupe RRDP l’assure de son soutien – je songe notamment au renforcement de la lutte contre la fraude à la TVA par l’intensification des moyens de détection et d’intervention.
Nous saluons également l’anticipation, par la suppression de la prime pour l’emploi, des moyens nécessaires à la mise en oeuvre d’un nouveau dispositif de soutien aux salariés précaires dès le 1er janvier 2016. Nous serons particulièrement attentifs à ce qu’il soit lisible, efficace, pérenne et ciblé.
Le groupe RRDP, qui a défendu plusieurs amendements, se félicite que certains d’entre eux, et trois en particulier, aient été adoptés.
Celui, tout d’abord, qui instaure un relèvement du taux de la taxe de risque systémique, au profit des collectivités qui ont souscrit des emprunts structurés. Ce fonds de soutien des collectivités qui ont souscrit par le passé des emprunts toxiques a été institué par l’article 92 de la loi de finances pour 2014. Avec le taux proposé initialement, le rendement attendu de 50 millions d’euros annuels n’était pas garanti. Afin de respecter l’esprit de la loi de finances pour 2014, qui prévoyait que ce fonds de soutien serait abondé pour moitié par les établissements de crédit, et pour l’autre moitié par l’État, notre groupe a fait voter le relèvement du taux, lequel a été maintenu par nos collègues sénateurs.
Nous sommes également satisfaits de la prorogation jusqu’en 2020 du crédit d’impôt pour investissement en Corse, à l’initiative de notre groupe. Notre amendement, restauré en nouvelle lecture par Mme la rapporteure générale, permettra en effet de maintenir, dans une logique de compétitivité et d’emploi, le taux de ce crédit d’impôt à 20 % jusqu’en 2020, alors qu’il devait être ramené à 10 % à compter du 1er janvier 2015, en vertu de l’article 39 de la dernière loi de finances rectificative pour 2011.
Enfin, concernant la transposition maintenue par le Sénat, par amendement de notre groupe et du groupe SRC, de la directive européenne du 8 juillet 2014, qui vise à prévenir « les situations de double non-imposition découlant de l’asymétrie de traitement fiscal appliqué aux distributions de bénéfices entre États membres », nous nous réjouissons que soit désormais interdit aux États membres d’exonérer d’impôt sur les sociétés les bénéfices distribués par une filiale, lorsque ces derniers sont déductibles du résultat de la filiale et que soit ainsi consacré le principe selon lequel une distribution exonérée dans la filiale ne peut bénéficier du régime mère-fille, quel que soit le lieu d’imposition de cette filiale.
En conséquence, le groupe RRDP votera en faveur de cette seconde loi de finances rectificative pour 2014.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, ma dernière intervention au nom du groupe majoritaire dans cette discussion budgétaire sera brève.
La France doit retrouver confiance en elle-même. Cette confiance, que d’autres orateurs, avant moi, ont appelée de leurs voeux, suppose trois choses.
Elle suppose d’abord la vérité, laquelle est assez éloignée du French bashing auquel l’opposition, hélas, s’est parfois prêtée dans cet hémicycle. La vérité, c’est que la situation est difficile, aussi bien du point de vue des finances publiques que de la compétitivité. Nous devons expliquer cette situation et faire oeuvre de pédagogie, notamment au sujet des enjeux européens. Ces textes financiers sont des textes de vérité, et ils doivent permettre à nos concitoyens de retrouver confiance.
La vérité ne suffit pas et il faut aussi de la clarté : nous devons savoir où nous allons, et pourquoi. Toute l’action du Gouvernement et de la majorité parlementaire a pour objectif unique de retrouver la croissance et de recréer de l’emploi. C’est ainsi que nous pourrons, tout à la fois vaincre le cancer social qu’est le chômage, et combattre le sentiment de l’impuissance des pouvoirs publics, lequel, comme la défiance, alimente les différentes formes de populisme, dont les dangers nous guettent. Je regrette d’ailleurs que nos débats aient connu quelques accents populistes, même si l’esprit, aujourd’hui, est plutôt au consensus.
La dernière exigence, c’est la constance. Depuis 2012 et la conférence de presse du président François Hollande en janvier 2014, le Gouvernement et la majorité parlementaire, d’un même pas, mettent en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité. Ces textes les traduisent, et c’est pour cela que le groupe socialiste, républicain et citoyen les votera. Je ne doute pas, pour ma part, que cette constance reconnue donnera des résultats rapides et que la France, qui a un bel avenir devant elle, pourra le construire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
À l’issue de ce traditionnel marathon budgétaire, j’aimerais, à mon tour, vous faire part de quelques réflexions sur les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, et formuler quelques remerciements.
S’agissant des conditions de travail, je dirai qu’elles ont ressemblé à ce qu’elles sont d’habitude.
Le regretter n’aurait pas tellement de sens, car c’est inévitable, tant les délais constitutionnels auxquels nous sommes contraints sont stricts. Du côté du Gouvernement, les choses sont également difficiles, je le reconnais, puisque les derniers arbitrages se font pendant l’été, et même à la fin de l’été. Quant au collectif de fin d’année, il faut toujours y intégrer un ensemble de mesures de dernière minute : c’est ce qui explique que certains amendements, déposés trop tard, n’aient pas pu être examinés en commission des finances.
Cette année, nous avons en outre dû faire face à un événement supplémentaire, la pression de Bruxelles, qui nous a obligés à trouver de manière précipitée plus de 3 milliards d’euros d’économies, qu’il nous a fallu pour ainsi dire injecter dans le collectif de fin d’année.
En dépit de ces contraintes de procédure, nous avons essayé de travailler dans les meilleures conditions. Je tiens vraiment à souligner, une nouvelle fois, la qualité de l’écoute et du dialogue qui sont la règle au sein de la commission des finances. En tant que président de cette commission, je suis souvent fier de la qualité des débats qui ont lieu sur les différents amendements.
Je voudrais saluer une première fois, et je le ferai à nouveau, le rôle de notre rapporteure générale, dont l’ouverture d’esprit a facilité notre travail, qui s’est déroulé dans un bon esprit.
S’agissant du déroulement des débats en séance, ce qui m’a frappé, monsieur Lefebvre, c’est que la tension ne s’est pas tellement exprimée entre l’opposition et la majorité – l’opposition a joué son rôle, voilà tout. Cette tension, je l’ai plutôt sentie au sein du groupe majoritaire.
Il y avait aussi des tensions au cours des deux précédentes législatures, c’est certain, mais la grande différence, c’est qu’elles opposaient un groupe majoritaire uni au Gouvernement – il est normal, du reste, que le Parlement défende parfois des positions différentes de celles du Gouvernement.
Il fallait avoir le doigt sur la couture du pantalon, pour ne pas risquer une convocation à l’Élysée !
Monsieur Launay, vous avez bien compris que lorsque je parle du Gouvernement, je songe aussi à d’autres institutions. Mais c’est encore vrai aujourd’hui !
Le dialogue, qui était un peu musclé, opposait alors, je le répète, une majorité unie au Gouvernement. Or ce que j’ai vraiment senti cette année à l’occasion de très nombreux débats, ce sont de profondes divisions, de profondes différences d’approche et de conception au sein même de la majorité.
Cela étant, je dois avouer que les choses se sont plutôt bien passées. Après les fortes tensions que nous avions connues au moment du collectif du mois de juillet, je me disais qu’une partie de la majorité serait certainement très peu conciliante lors de l’examen du dernier collectif de l’année. En fin de compte, comme le secrétaire d’État l’a noté, il n’a pas été nécessaire de recourir à l’article 49-3, ni à des votes bloqués. Il y a eu des suspensions de séance, c’est vrai, mais c’est la règle, et le texte a été voté.
Pour en venir au fond, les déficits restent malheureusement très élevés. Nous sommes les premiers, dans l’opposition, à être persuadés que la trajectoire de réduction des déficits doit tenir compte de la situation économique. Nous ne sommes pas les partisans intégristes d’une trajectoire accélérée de retour à l’équilibre : c’est une évidence. Il nous semble en revanche, et c’est le fond de notre position, qu’il faut être beaucoup plus prudents que vous ne l’avez été sur les hausses d’impôt…
…car cette saturation fiscale – cette overdose fiscale – entraîne une perte de confiance. Nous pensons en revanche que nous pourrions être un peu plus ambitieux sur le rythme de décrue des dépenses : celles-ci ne peuvent pas faire uniquement l’objet de mesures de rabotage.
Or c’est tout de même ce qui s’est passé. Il faudrait avoir le courage d’engager des réformes de fond, s’agissant notamment des effectifs et des interventions sociales, sans quoi les choses seront encore plus difficiles encore pour le budget de 2016.
En attendant, monsieur le secrétaire d’État, je suis comme vous : je me réjouis que l’écart, qui reste considérable, entre les dépenses et les recettes, puisse être comblé dans des conditions tellement optimales. Conditions tellement optimales, qu’on a parfois l’impression que plus on s’endette, moins cela coûte, et que finalement tout cela pourrait durer éternellement !Or on sait bien que tout peut changer radicalement du jour au lendemain.
Pour terminer, je tiens à adresser quelques remerciements, d’abord à l’ensemble des collaborateurs de la commission des finances, qui ont travaillé de concert. Je me félicite que les administrateurs des divisions B, C, et A collaborent et abordent les problèmes ensemble. Je remercie à nouveau la rapporteure générale qui, lors des commissions mixtes paritaires, et surtout lors de la dernière, relative au projet de loi de finances rectificative, a bien voulu reprendre une partie substantielle du travail fait au Sénat.
Je tiens également à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que vos collaborateurs. Nous nous connaissons bien et il est vrai que cela facilite les choses. Je reconnais volontiers la difficulté de votre tâche. Nous n’avons pas les mêmes orientations, ni les mêmes options, mais nous essayons de faire le travail du mieux possible, et chacun d’entre nous cherche à donner le meilleur de lui-même.
Je voudrais aussi remercier les collaborateurs de nos groupes, et en particulier les collaborateurs du groupe UMP. Nous n’avons pas tout à fait fini, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous avons encore de nombreuses heures de réflexion sur les recours auprès du Conseil constitutionnel. C’est un exercice de fin d’année qui exige aussi beaucoup de travail.
Nous préparons déjà les réponses !
Sourires
Je souhaite enfin remercier les services de la séance et les différents présidents. Et bien entendu, je voulais vous remercier, chers collègues, d’avoir été très présents pendant tous ces débats. Merci de votre assiduité et de vos interventions, toujours de grande qualité.
Après ces remerciements, je vous souhaite à toutes et à tous d’excellentes fêtes de fin d’année, et un repos bien mérité !
J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Le projet de loi est adopté.
J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, mardi 13 janvier 2015, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Déclaration du Gouvernement, débat et vote par scrutin public sur l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces françaises en Irak.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly