Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 18 décembre 2014 à 9h30
Représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi adoptée par le Sénat le 22 octobre 2014 relative à la représentation des communes au sein d’une communauté de communes ou d’agglomération. La répartition des sièges y est fondée de longue date sur le poids démographique des communes membres.

La loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République prévoyait déjà un tel dispositif. Deux conditions devaient alors être respectées, l’attribution d’un siège de droit à chaque commune et l’impossibilité que l’une d’elles dispose de plus de la moitié des sièges de la communauté de communes ou d’agglomération, afin d’éviter qu’une commune seule ne dirige l’établissement public de coopération intercommunal.

Le dispositif mis en place au cours du quinquennat précédent par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a modifié la répartition des sièges au sein des établissements publics de coopération intercommunale. La loi prévoit pour les métropoles et les communautés urbaines un nombre de sièges répartis en fonction de la strate démographique à laquelle appartient l’EPCI, les sièges étant répartis entre les communes à la proportionnelle à la plus forte moyenne. À l’issue de la répartition, une commune ne disposant d’aucun siège se voit attribuer un siège supplémentaire de droit. La loi prévoit également que les conseils municipaux répartissent librement les sièges, soit à la proportionnelle soit par accord local, le nombre de sièges résultant de l’accord ne pouvant excéder 10 % du total des sièges attribués par la loi. La loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération a fait passer le seuil de 10 % à 25 % de la limite légale, ce qui a rendu de fait le recours à l’accord local beaucoup plus attractif pour les communes.

Or le Conseil constitutionnel a mis un terme à cette évolution, à la suite de la demande d’une commune s’estimant lésée car la majorité qualifiée des autres communes membres de l’EPCI lui avait imposé une représentation estimée désavantageuse. Le Conseil constitutionnel a donc jugé au mois de juin 2014 que les modalités de composition de l’organe délibérant par accord local étaient contraires au principe d’égalité devant le suffrage et de fait contraire à la Constitution car elles dérogeaient de manière manifestement excessive au principe général de proportionnalité démographique. La censure de la disposition a placé les EPCI ayant contracté des accords locaux de représentation des communes dans une réelle insécurité juridique, car les communes renouvelant en partie leur représentation au sein de l’EPCI ne disposent plus de base légale pour y procéder. Il semblait donc nécessaire de revoir le dispositif, et c’est pourquoi le Sénat a rétabli par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui la négociation par les communes d’un accord local de répartition.

Il est donc prévu que les communes ne puissent distribuer au sein de l’organe délibérant des communautés de communes ou d’agglomération plus de 25 % de sièges prévus par les règles légales. L’accord doit être adopté à la majorité qualifiée des conseils municipaux des communes membres, qui peuvent alors fixer librement le nombre de conseillers communautaires de l’EPCI, sous réserve de tenir compte des populations respectives des communes membres.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a revu cette disposition de sorte que le nombre de sièges attribués à chaque commune ne s’écarte pas de plus de 20 % de la proportion de sa population dans la population globale des communes membres. Ainsi, l’article 1er du présent texte vise à réécrire l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales afin que les communes puissent conclure un accord local de composition de l’organe délibérant des communautés de communes ou d’agglomération. Les sièges seront répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne et chaque commune membre disposera d’au moins un siège au sein de l’établissement public de coopération intercommunale afin de conserver la représentation effective de l’ensemble des communes membres. En outre, le nombre total de sièges attribués à une commune ne pourra excéder la moitié du total des sièges de l’EPCI afin d’empêcher la commune centre de prendre seule les décisions en son nom.

Nous serons attentifs à l’application effective de ces dispositions. Élus de terrain, souvent de territoires ruraux, les radicaux de gauche et apparentés ne souhaitent pas que les besoins des petites communes soient sacrifiés au profit des communes les plus peuplées. Il nous semble nécessaire de veiller à une représentation effective de toutes les communes au sein des groupements. La complexité du dispositif et l’éventuelle augmentation importante du nombre de sièges attribués à certaines communes, en dérogation aux règles applicables à l’ensemble des EPCI, nous préoccupent également. La proposition de loi semble en effet assez complexe et s’écarte parfois de la simplification que nous appelons de nos voeux. Nous concédons que les projets et les politiques publiques se construisent de plus en plus à l’échelon intercommunal et qu’il importe que toutes les communes soient représentées, mais il nous semble hasardeux de garantir la représentation effective des petites communes par le biais d’un tel dispositif.

Nous ne sommes pas convaincus que la présente proposition de loi garantira l’équilibre effectif entre les communes centres et les petites et moyennes communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Nous nous inquiétons aussi du délai accordé aux communautés de communes ou d’agglomération pour procéder à la détermination du nombre de sièges et à leur répartition, qui est de six mois à partir de la promulgation de la présente loi : n’est-il pas souhaitable d’accorder un délai plus long aux EPCI pour modifier leur mode de gouvernance ? En outre, les mêmes causes produisant les effets, nous nous interrogeons toujours, en dépit des assurances que nous avons reçues ici, sur la conformité du texte à la Constitution. Néanmoins, le groupe RRDP salue avant tout l’avancée que constitue le texte et votera en sa faveur. Les questions qu’il a soulevées n’en demeurent pas moins en suspens et nous souhaitons obtenir quelques éclaircissements à leur sujet.

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