Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel, par la décision 2014-405 QPC du 20 juin 2014, a déclaré non conformes à la Constitution certaines dispositions de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités locales relatif au système de représentation au sein des conseils communautaires. Plus précisément, cet article, créé par la loi du 16 décembre 2010, contre laquelle nous nous sommes élevés avec toute la gauche, prévoit que le nombre de sièges à pourvoir est arrêté par un tableau variant en fonction de la population totale de l’EPCI à fiscalité propre. Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, mais chaque commune doit avoir au moins un délégué, afin de voir sa représentation garantie, et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges.
Une faculté d’accord amiable est prévue dans les communautés de communes et d’agglomération, sous réserve de son acceptation par les deux tiers des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de la communauté ou de la moitié des conseils municipaux représentant les deux tiers de la population. À défaut d’accord, le principe proportionnel à la population s’applique, comme c’est le cas dans les communautés urbaines et les métropoles. Ce dispositif a été en vigueur entre la fin de l’année 2012 et l’automne 2013 à l’occasion de la répartition des sièges communautaires avant les élections municipales du mois de mars 2014. Or, 90 % des 2 125 conseils communautaires sont parvenus à des accords locaux, s’écartant du barème strictement démographique. Pourtant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision de juin dernier, a jugé que la liberté de détermination de la représentation communale prévue à l’article L. 5211-6-1 déroge au principe général de proportionnalité de la représentation communale dans une mesure manifestement disproportionnée.
Ainsi, le défaut de la disposition prévoyant un accord local de représentation ne tient pas à son existence même mais au décalage de représentation, qui est manifestement disproportionné. Mais en raison de cette décision, seule reste en vigueur la règle de représentation purement démographique. Dès lors, la proposition de loi vise d’une part à réintroduire la faculté de composer l’organe délibérant des communautés d’agglomération et de communes par accord entre les communes membres, dans des limites compatibles avec la jurisprudence constitutionnelle, et d’autre part à ménager aux communautés affectées par une modification de leur organe délibérant la possibilité de conclure un nouvel accord, encadré par la proposition de loi, dans les six mois suivant sa promulgation.
Je rappelle que les députés du front de gauche, comme l’ensemble de la gauche à l’époque, s’étaient fermement opposés à la réforme de la loi du 16 décembre 2010 et en particulier aux fusions intercommunales à marche forcée. Si nous avons affirmé à plusieurs reprises ne pas être opposés par principe à une réforme de l’intercommunalité, nous avons toujours fait valoir qu’elle doit aboutir à un approfondissement de la démocratie locale ainsi qu’au respect de la libre administration communale et de ses choix de coopération intercommunale, et non à une nouvelle centralisation des pouvoirs.
Une telle opposition, à laquelle certains semblent avoir renoncé, demeure toujours aussi ferme alors que nos territoires se voient imposer sans débat public des métropoles technocratiques ne tenant aucun compte de l’avis des populations et des maires, présidents d’intercommunalités et élus qui les représentent légitimement. L’exemple de la métropole Aix-Marseille-Provence, unanimement rejetée par les maires, objet de tergiversations agaçantes et peu crédibles pour les populations et les territoires, est particulièrement révélateur.
Pour en revenir à la proposition de loi, si nous ne pouvons nous opposer à la réintroduction de la faculté de composer l’organe délibérant des communautés d’agglomération ou de communes par accord entre les communes membres, dans des limites compatibles avec la jurisprudence constitutionnelle, nous regrettons qu’elle réintroduise la faculté d’un accord in fine plus strictement contraint conformément à la décision du Conseil constitutionnel. La place de la démocratie locale, c’est-à-dire de la décision prise par les représentants élus au suffrage universel afin de mettre en oeuvre des choix politiques dans un périmètre donné, en sort donc encore un peu plus réduite.
En définitive, il nous semble nécessaire de conforter la commune comme cellule de base de la démocratie au lieu de la stigmatiser, l’asphyxier financièrement et souvent la mépriser, de Paris à Bruxelles. Nous sommes donc favorables à une coopération entre les communes à la fois volontaire et utile, aboutissant à un approfondissement de la démocratie locale et au respect de la libre administration communale. Une telle conduite devrait d’ailleurs être à la base de toute réflexion sur la décentralisation et les collectivités territoriales.
Pour conclure, les députés du front de gauche voteront le texte, non en guise d’acceptation de la loi du 16 décembre 2010 et de fait de la loi MAPTAM, qui en est à nos yeux l’indigne héritière, mais en vue d’éviter les difficultés posées par la décision du Conseil constitutionnel et de ne pas remettre en cause le principe d’accord local, fût-il de plus en plus contraint.