Il nous faut en effet rétablir quelques vérités sur lesquelles vous avez tendance à faire la sourde oreille. Car ne l’oublions pas, c’est de la loi du 16 décembre 2010 votée sous la précédente législature pour réformer les collectivités territoriales, contestée par certains, qu’est née la possibilité de conclure des accords locaux de représentation. Et nous continuons à voir dans ce type d’accord une condition de l’efficacité de l’intercommunalité. Ce qui nous amène à discuter du présent texte, c’est une suite de difficultés et une décision sur question prioritaire de constitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel. Nous ne pouvons pour autant pas ignorer que dans de nombreux cas, la loi de 2010 a permis, grâce aux dérogations autorisées, de trouver un point d’équilibre que la loi ne pouvait pas garantir.
Les règles établies en 2010 fixaient d’abord dans un tableau le nombre de sièges à pourvoir dans les conseils communautaires, nombre qui varie en fonction de la population de l’EPCI. Les sièges étaient répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec deux tempéraments : chaque commune doit avoir au minimum un délégué – nous sommes heureusement allés plus loin dans certains accords locaux – et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges. Dans le passé en effet, des communautés regroupant un faible nombre de communes, avec une commune centre sensiblement plus peuplée que les autres, avaient pu voir cette commune centre disposer à elle seule de plus de la majorité des sièges. C’est à cela que ce mécanisme de redistribution des sièges veut remédier : il ne peut y avoir de véritable intercommunalité si l’un des membres capte à son profit la gouvernance et la prise de décisions.
Enfin, pour les communautés de communes et d’agglomération, a été maintenue, comme alternative à la proportionnelle démographique, la possibilité d’accords amiables décidés à la majorité qualifiée pour fixer et répartir, en tenant compte de la population de chaque commune, le nombre de sièges de conseiller communautaire. À défaut, c’est le tableau prévu par la loi qui s’applique. Je rappelle pour mémoire que le Conseil constitutionnel avait validé ces dispositions, suite au recours des groupes socialistes de l’Assemblée comme du Sénat sur cette loi.
Depuis 2012, vous avez voulu faire mieux. Pourquoi pas ? Le sénateur Alain Richard, co-auteur de la proposition de loi de ce jour, a été à l’origine de celle qui est devenue la loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération. Vous avez voulu rendre la conclusion de l’accord local encore plus attractive, en portant à 25 % les sièges supplémentaires pouvant être répartis dans l’hypothèse où la négociation aboutirait, contre 10 % dans la loi de 2010.
Et puis, patatras ! Par sa décision du 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’initiative de la commune de Salbris, a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi de 2012. Il a en effet jugé que la liberté de détermination de la représentation communale telle que permise par le code général des collectivités territoriales dérogeait au principe général de proportionnalité de la représentation communale dans une mesure manifestement disproportionnée. Conséquence directe de cette décision, nous nous trouvons, comme c’est souvent le cas lorsque le Conseil constitutionnel se prononce sur une question prioritaire de constitutionnalité, devant une impossibilité pour ces communautés de conclure un accord local. Seule reste donc en vigueur la règle de la représentation purement démographique : c’en est fait de la possibilité d’aménagement.
Vous nous dites donc, et c’est vrai dans les faits, qu’il est urgent d’agir, et qu’à cause de la décision du Conseil constitutionnel, dans la mesure où les cas d’élections partielles communales commencent à se produire dans les communautés de communes où un accord de représentation avait été trouvé, un certain nombre de conseillers communautaires vont se retrouver immédiatement privés de leur mandat. C’est vrai. L’équilibre trouvé voilà moins de six mois est rompu, concluez-vous. C’est exact. Il y a dans la décision du Conseil constitutionnel une véritable source d’instabilité, difficilement tenable pour un grand nombre d’intercommunalités. Car si le Conseil constitutionnel n’a pas demandé à l’ensemble des EPCI d’abroger immédiatement les accords locaux, et s’il a modulé dans le temps les effets de sa décision, chaque EPCI issu d’un accord local est désormais confronté à ce risque, ne serait-ce qu’à l’occasion du renouvellement, même partiel, d’un seul conseil municipal.
Qui est responsable ? Reconnaissez que nous sommes fondés à nourrir des doutes sur la sécurité juridique des dispositifs que vous nous proposez, quand non seulement vous remettez l’ouvrage sur le métier à deux ans d’intervalle, presque jour pour jour, mais qu’en plus, le Gouvernement est d’accord avec chaque version du texte qui est proposée !
Lors de l’examen de la première proposition de loi du sénateur Richard, en décembre 2012, le Gouvernement était d’accord. Lors de l’examen en séance publique au Sénat de cette nouvelle proposition de loi du sénateur Richard, en octobre 2014, le Gouvernement était toujours d’accord. Et aujourd’hui encore, alors que, c’est une évidence, le texte que nous avons voté en commission des lois à l’initiative de notre rapporteur Olivier Dussopt n’est pas du tout le même que celui qui a été adopté par le Sénat, au point que nous avons été jusqu’à en modifier le titre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est d’accord !