Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 20 juin 2014, à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Salbris, qui s’estimait insuffisamment représentée au regard de sa population, le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité pour les membres d’une communauté de communes ou d’agglomération de négocier entre eux une répartition des sièges de conseillers communautaires. Vous voyez bien, cher collègue Geoffroy, et nous pouvons le dire gentiment, quoique avec un peu d’ironie, en cette dernière journée avant la trêve des confiseurs, que la loi du 16 décembre 2010 que vous chérissez tant et dont vous nous parlez si souvent, et pas seulement au sujet des accords entre communes, n’était pas non plus parfaite. En tout cas pas davantage que la proposition de loi Richard sur laquelle vous vous êtes plu à ironiser…
Sans remettre en cause le droit pour toute commune de disposer, au sein du conseil communautaire, d’au moins un siège quelle que soit sa population, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions légales qui prévoyaient cette répartition négociée étaient « manifestement disproportionnées » et méconnaissaient le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Il a donc déclaré l’accord local de représentation des communes membres, issu de la loi du 31 décembre 2012, contraire à la Constitution.
Personnellement, cette décision ne m’a pas surpris. En effet, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, en tant que rapporteur de différents textes relatifs à notre droit électoral, le juge constitutionnel, depuis 1985, n’a cessé de consolider sa jurisprudence relative au respect du principe d’égalité devant le suffrage, n’en déplaise à certains de nos collègues, qui faisaient parfois mine de croire qu’il serait possible de s’en affranchir pour convenance territoriale. Nous avons eu de nombreux débats sur le sujet. Il est intéressant qu’on nous rappelle aujourd’hui à l’orthodoxie constitutionnelle, quand on connaît les amendements qui ont pu être proposés depuis le début de la législature sur des sujets de droit électoral…
La décision relative aux accords locaux de représentation a créé une situation de vide juridique pour les communes qui se trouveraient en situation de renouvellement de leur assemblée délibérante avant les prochaines échéances, ce qui pourrait être de nature à mettre en péril la gouvernance locale. Notre responsabilité de législateur est donc d’instaurer au plus vite des dispositions pour éviter de tels blocages. C’est l’objet de cette proposition de loi d’origine sénatoriale, et il est vrai que ce n’est pas facile.
L’utilité et l’opportunité de ce texte ne font pas de doute. Toutefois, bien qu’adoptée à l’unanimité par nos collègues de la chambre haute, la version du Sénat présentait une possibilité de dérogation trop importante au principe de l’égalité du suffrage. Il fallait donc trouver un équilibre entre la souplesse qui est nécessaire et la rigueur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d’égalité du suffrage.
Un travail subtil et précis a donc été conduit par notre rapporteur, en lien étroit avec le Gouvernement, afin qu’un juste équilibre, conforme aux règles édictées par notre Constitution et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, puisse être trouvé. Nous avons la préoccupation que celui-ci soit conforme à la Constitution, mais il faut faire preuve de beaucoup d’humilité en la matière, cher collègue Geoffroy.