Intervention de Rudy Salles

Séance en hémicycle du 20 janvier 2015 à 15h00
Dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne nous y trompons pas, le projet de loi soumis aujourd’hui à l’examen de l’Assemblée nationale revêt bel et bien une importance stratégique. Sa technicité ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif essentiel qu’il poursuit : l’accès le plus large possible à la culture.

Soulignons à cet égard à quel point il est vital de poursuivre sans relâche cet objectif, en particulier lorsque la démocratie, la République, le vivre-ensemble sont attaqués, car la culture nous élève et nous rassemble. Nous avons tous conscience que la culture constitue un vecteur d’émancipation personnelle et collective, un pilier de notre cohésion sociale, une véritable ouverture sur le monde comme oeuvre, création et émotion.

La culture est également un secteur d’excellence vital pour la croissance, l’innovation et l’emploi puisque les secteurs européens de la culture et de la création représentent 4,5 % du PIB de l’Union européenne et emploient 8,5 millions de personnes.

Si nous regrettons qu’une véritable culture européenne peine encore à émerger, nous considérons que la préservation de la diversité culturelle des États membres de l’Union européenne, la promotion de son patrimoine culturel commun, de son histoire commune, sont des objectifs que nous devons poursuivre car ils contribuent à améliorer l’attractivité et le dynamisme de l’Europe. Ce défi est d’autant plus immense que l’Europe de la culture est également confrontée à la mondialisation et au passage au numérique.

Notre groupe tient à saluer les apports importants de ce projet de loi qui, en premier lieu, renforce la défense des droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs du seul secteur de la musique en allongeant leur durée de protection de cinquante à soixante-dix ans.

Nous saluons à cet égard l’adoption par notre assemblée d’un amendement visant à rendre le texte plus conforme à la directive. L’article 1er de celle-ci confère en effet à l’artiste le droit, à l’issue de la période initiale de protection de cinquante ans, de résilier le contrat qui le lie à un producteur dès lors que celui-ci n’a pas, dans un délai d’un an à compter de la notification par l’artiste de son intention de résilier ce contrat, accompli les deux actes d’exploitation imposés par la directive : l’offre à la vente d’exemplaires du phonogramme en quantité suffisante et la mise à la disposition du public pour un accès à la demande.

La rédaction finale est plus fidèle à l’esprit de la directive et nous saluons cette avancée.

Nous nous réjouissons également que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur la rédaction de l’article 2 relatif aux droits voisins. Le Sénat a supprimé une mention non conforme à la directive, incluant les recettes issues de la location des oeuvres dans l’assiette de la rémunération annuelle supplémentaire des artistes-interprètes et ouvert la possibilité pour les sociétés de perception et de répartition des droits agissant pour le compte des artistes-interprètes de demander au producteur l’état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme, confortant ainsi les droits des artistes-interprètes.

Cette rédaction, que la commission mixte paritaire a retenue, est donc conforme à l’esprit de nos travaux.

En outre, ce projet de loi vise à permettre la numérisation et la mise à disposition du public des oeuvres considérées comme orphelines, objectif qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie numérique pour l’Europe de la Commission européenne, laquelle vise à rendre plus accessibles les oeuvres littéraires et artistiques au nom de la nécessité de promouvoir la libre circulation des connaissances et des innovations dans le marché intérieur.

Il est heureux que ce projet de loi, dans sa version issue de la commission mixte paritaire, instaure un équilibre satisfaisant entre la sécurité juridique des autorisations d’exploitation d’oeuvres orphelines ou partiellement orphelines et le droit de la propriété littéraire et artistique qui ne doit pas être fragilisé. Cet équilibre permettra, nous n’en doutons pas, de faciliter l’accès à la culture du plus grand nombre.

Enfin, ce texte garantit la restitution au profit d’un autre État membre de tout bien culturel considéré comme un trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique, ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Il s’agit de lutter plus efficacement contre le trafic international de biens culturels et d’assurer une protection juridique à l’ensemble du patrimoine culturel mobilier que la France tient à protéger.

Les modifications apportées aux dispositions en vigueur reposent sur quatre principes essentiels : l’élargissement de la portée du dispositif de protection à tous les biens culturels reconnus trésors nationaux, au sens de l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’allongement de deux à six mois du délai permettant aux autorités de l’État membre requérant de vérifier la nature du bien culturel trouvé dans un autre État membre, l’extension de un à trois ans du délai permettant l’exercice de l’action en restitution et la clarification du point de départ de ce délai, enfin la précision que la charge de la preuve de l’exercice de la diligence requise repose sur le possesseur.

Protection de la création, accès à la culture dans le respect des droits d’auteur, défense des patrimoines nationaux, tels sont les trois piliers de ce projet de loi.

Soulignons par ailleurs que ce texte est examiné dans un cadre particulièrement contraint. En premier lieu, l’adaptation au droit européen implique une retranscription fidèle et précise de dispositions que le législateur national ne peut pas modifier substantiellement.

Par ailleurs, la procédure d’adaptation de notre droit interne au droit européen impose au législateur national de répondre à des délais précis.

Le retard pris dans la transposition de la directive 201177UE, qui devait l’être au plus tard le 1ernovembre 2013, place la France sous la menace du déclenchement par la Commission européenne d’une procédure d’infraction et par conséquent, sous la menace d’une amende. Nous regrettons, collectivement d’ailleurs, que le dépôt de ce projet de loi de transposition intervienne si tardivement, ce qui nous contraint à examiner en urgence des dispositions très complexes.

Ce retard a des conséquences en matière de sécurité juridique puisque certaines mesures seront rétroactives pour la période courant entre le 1ernovembre 2013 et la date de la promulgation de la loi. Ce n’est pas une manière satisfaisante de légiférer et nous tenions à le souligner.

Néanmoins, les avancées permises par ce projet de loi et l’esprit de responsabilité qui doit prévaloir pour transposer en urgence trois directives européennes conduiront notre groupe à voter ce texte.

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