Au-delà de son caractère apparemment anecdotique, cet amendement, qui me tient à coeur, touche en fait à l’objet de votre loi, à savoir la croissance, laquelle repose d’abord sur la confiance.
De nombreuses entreprises françaises qui se battent pour continuer à produire dans notre pays se voient concurrencées par des entreprises qui ne produisent plus du tout, ou qui ne produisent plus que partiellement, sur le territoire national. C’est la réalité, bien connue, des délocalisations, à laquelle on pourrait ajouter les « délocalisations partielles », de nombreux produits étant fabriqués en partie hors de France, et en partie seulement sur le territoire national. Ce phénomène crée évidemment bien des inquiétudes pour l’emploi et l’industrialisation de notre pays et il nous faut tenter par tous les moyens de lutter contre ces dérives. À cette fin, il faut que nous donnions aux consommateurs les armes du choix et de la lutte, afin qu’ils puissent arbitrer leur acte d’achat en toute connaissance de cause.
Depuis plusieurs années se développe un phénomène, renforcé par une récente remise au goût du jour du « made in France » : la prolifération sur de nombreux produits – il suffit pour s’en convaincre de se rendre dans les rayons de n’importe quel magasin, grand ou petit – de drapeaux bleu-blanc-rouge, sans autres indications, qui sont souvent un repère laissant penser au consommateur que le produit auquel il s’intéresse est français ou fabriqué en France. Or, il est rare que, lors de l’achat, on passe une heure à examiner toutes les étiquettes : le drapeau attire l’oeil et les entreprises ne s’y trompent pas.
Il y a dans cette utilisation du drapeau français une série de fraudes, certaines entreprises et certains producteurs utilisant impunément le drapeau bleu-blanc-rouge parce que la recette ou une partie du produit est française, ou parce que l’un de ses éléments a pu passer par la France.
Ces fraudes sont punissables par la loi – j’anticipe en cela la réponse que vous allez me faire et que vous m’avez du reste déjà faite en commission, selon laquelle la fraude et la tromperie du consommateur sont un délit qui peut déjà être puni. Cependant, compte tenu des moyens limités de la direction ad hoc de vos services, les sanctions sont faibles, le nombre des contrôles insignifiant – pour ne pas dire qu’ils sont inexistants – et la puissance des producteurs est évidemment bien supérieure à celle dont dispose l’administration pour procéder à des contrôles.
L’amendement propose donc une mesure simple : le contrôle ne s’opérera plus a posteriori, mais il s’agit d’interdire l’utilisation du drapeau bleu-blanc-rouge sur un produit, sauf si l’entreprise a les moyens de démontrer que ce produit est bien fabriqué en France. Cette mesure très simple ne nuira pas aux entreprises de bonne foi, mais leur permettra au contraire de mieux valoriser leur différence. Elle contribuera à donner au combat pour le « made in France », que nous soutenons tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, une traduction concrète et opérationnelle et évitera des dérives et des pratique de marketing destinées à tromper le consommateur et à dévoyer l’esprit de vérité qui doit commander la présentation des produits.
C’est là, même si elle peut sembler anecdotique, une vraie question, qui sous-tend une réorientation de la consommation vers des produits véritablement français. Si l’on ne réorientait même qu’un pourcentage infime de la consommation, ce sont des centaines, des milliers d’emplois qui seraient concernés. Cette disposition qui ne coûte pas un sou d’argent public peut être un levier intéressant, faisant rimer « croissance » avec « confiance » et indiquant aux consommateurs que, s’ils aperçoivent un drapeau bleu-blanc-rouge sur un produit, il peuvent avoir la certitude que ce produit a vraiment été fabriqué en France et que, s’ils le choisissent, leur acte d’achat est citoyen, avec un retour sur l’emploi.
Vous savez, monsieur le ministre, mon attachement à cette question. J’ai d’ailleurs eu l’occasion, par l’intermédiaire d’un rapport parlementaire, de proposer la mise en oeuvre du label « Origine France garantie », qui fixe des critères assez exigeants pour qualifier l’origine des produits. C’est dans ce cadre que je m’exprime et que je propose, au nom des milliers d’entreprises qui produisent en France et qui n’en peuvent plus de voir d’autres entreprises, qui ne le font plus, s’attribuer scandaleusement l’origine française de leurs produits malgré les contrôles que vous diligentez. Je ne doute pas que vous allez me dire que vous allez renforcer les contrôles, mais cela ne suffira pas si l’on n’inverse pas le mouvement.
C’est, je le répète, sur une mesure simple et qui ne coûtera pas un sou d’argent public que j’invite l’Assemblée réfléchir. Se battre pour l’emploi, c’est aussi parfois faire des choses très simples qui peuvent se révéler des leviers très appréciables.
J’attends avec impatience votre réponse, et avec moi les 350 entreprises de l’association Pro France qui portent le label « Origine France garantie ». Elles l’attendent avec d’autant plus d’impatience qu’elles emploient en France, qu’elles ont fait le choix de rester sur notre territoire, de respecter les normes et les règles sanitaires et sociales et de payer des impôts et des charges élevées, et qu’elles entendent être défendues face à ceux qui s’attribuent le drapeau français alors qu’ils ont depuis bien longtemps délocalisé leur production.
Monsieur le ministre, votre engagement et votre réponse seront, pour moi-même et pour le groupe UDI, importants dans la détermination de la position que nous adopterons globalement sur votre texte.