Intervention de Jean-Marie Le Guen

Séance en hémicycle du 19 juillet 2012 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Après l'article 15, amendement 204

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Le Guen :

Je vais présenter un amendement que vous connaissez bien, madame la présidente, puisque vous en êtes cosignataire. C'est un sujet sensible et important, une question de santé publique, de finances publiques et, d'une certaine façon, de morale publique. Je propose tout simplement de taxer les superbénéfices de l'industrie du tabac. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Sous le second mandat de Jacques Chirac, les taxes sur le tabac avaient augmenté de façon significative, ce qui avait entraîné une augmentation des prix sans toucher aux bénéfices des industriels du tabac.

Sous le mandat précédent, M. Sarkozy et M. Fillon ont mené une politique contraire, puisqu'ils ont décidé à quatre reprises une augmentation du prix du tabac, donc une augmentation du prix payé par le consommateur, mais cette augmentation à profité de façon quasi exclusive, déduction faite, bien sûr, de la part proportionnelle de la fiscalité, c'est-à-dire principalement de la TVA, aux industriels du tabac.

Sur les trois dernières années, ce sont plus de 300 millions d'euros qui sont venus augmenter les profits de l'industrie du tabac, et je ne parle évidemment pas des buralistes : il s'agit d'un enrichissement sans cause, et qui n'a profité ni à l'emploi, ni à la recherche, ni à l'investissement.

Cette année, et le ministre nous dira dans quelles conditions, le gouvernement précédent a engagé une nouvelle négociation avec les industriels pour leur accorder une nouvelle augmentation des prix, de plus de 6 % au mois d'octobre, qui leur rapportera plus de 125 millions supplémentaires.

On ne peut manquer d'être stupéfait devant le laxisme et la tolérance dont il a été fait preuve envers ces industriels, et ce sans aucun fondement économique. Cela pèsera lourd sur le pouvoir d'achat de ceux qui achètent des cigarettes, sans pour autant aller, c'est le moins que l'on puisse dire, dans le sens de la santé publique, car les moyens ainsi offerts à cette industrie lui permettront de continuer à mener de grandes actions d'influence et de désinformation. Un quotidien du soir a révélé voici quelques semaines la manière dont, dans notre pays, certains milieux scientifiques ont été influencés et financés par ces industriels pour alimenter des thèses totalement caduques au plan scientifique, à savoir que le tabagisme passif n'existerait pas ou serait sans conséquences.

Pendant les années 1970 et 1980, notamment aux États-Unis – et chacun se souvient des procès menés contre eux –, ils ont utilisé tous les moyens les plus frauduleux pour nier les conséquences de la consommation de tabac sur la santé, notamment ses effets cancérigènes. Depuis une quinzaine d'années, ils mènent un combat secondaire pour que le tabagisme passif ne soit pas mis en cause, alors que plus de 70 000 morts par an sont liées à la consommation de tabac.

Il semble donc évidemment nécessaire de ne pas donner de moyens supplémentaires à cette industrie. Comme cela a été fait pour l'industrie pétrolière, et parce qu'il est difficile de la taxer sur les bénéfices en tant que tels, nous proposons de tenir compte du chiffre d'affaires et de sa progression pour obtenir les sommes, une centaine de millions, peut-être plus, que nous souhaitons voir revenir dans le budget de l'État.

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