Monsieur le ministre, vous allez ouvrir le capital de sociétés de droit à des professionnels du droit. Pas de problème, mais les contours de ces professions ne sont pas les mêmes dans les autres pays de l’Union européenne. Le solicitor britannique, par exemple, est à la fois avocat et notaire.
Ce que je vous reproche, ce n’est pas d’être ouvert sur notre époque, sur la mondialisation, ni de vouloir permettre les prises de participation croisées. Ce que craignent les notaires, c’est qu’on leur enlève une partie de leur activité pour aller progressivement vers une fusion entre la profession d’avocat et celle de notaire en France.
Le fait que des professionnels du droit, par exemple britanniques, qui sont déjà eux-mêmes notaires et avocats, puissent posséder des sociétés juridiques pose un problème parce que c’est une première étape. Ces acteurs vont ensuite importer leur modèle. Au sein des barreaux, au sein des différents organismes de représentation des professions juridiques françaises, ils vont défendre de facto leur vision de ce que devraient être ces professions, et ils prendront appui sur ce qu’ils connaissent dans leur pays d’origine.
Comme, à titre personnel, je considère que nous devons garder la spécificité des notaires, auxiliaires de l’État, auxiliaires de justice, parfois auxiliaires de l’administration fiscale, qu’il est très mauvais de vouloir mélanger les deux parce qu’ils n’ont pas exactement le même rôle par rapport à leurs clients, que les notaires sont parfois utiles pour renseigner l’administration fiscale, parfois pour filtrer, empêcher les dérives, je ne souhaite pas la fusion des professions d’avocat et de notaire.
C’est la raison pour laquelle je vous propose que l’ouverture du capital ne soit possible que si ces professionnels du droit exercent strictement dans le même périmètre. L’équivalent de l’avocat allemand, par exemple, pourra prendre une participation dans un cabinet d’avocats français s’il ne cumule pas les fonctions d’avocat et de notaire – ou d’autres professions juridiques.
Au cas où, pour une raison mystérieuse, vous vous y opposeriez, je vous propose, par l’amendement no 2134 , de limiter à 33 % les parts sociales et les droits de vote des sociétés étrangères afin de limiter l’impact qu’auront ces prises de participations dans notre système juridique.
Évidemment, monsieur le ministre, vous êtes surtout venu ici pour parler de la croissance et de l’activité, pas du système de droit continental. Un seul être nous manque et tout est dépeuplé. Nous ne répéterons jamais assez à quel point l’absence de Mme la ministre de la justice a été durement ressentie par les représentants de la nation, qui en ont conclu que, quelque part, elle se désintéressait de l’avenir du système juridique français. Malheureusement, vous en êtes le paratonnerre.