La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de dix heures et quarante-trois minutes pour le groupe SRC dont 446 amendements sont en discussion ; cinq heures et trente-trois minutes pour le groupe UMP dont 590 amendements sont en discussion ; trois heures et vingt-sept minutes pour le groupe UDI dont 98 amendements sont en discussion ; deux heures et seize minutes pour le groupe RRDP dont 60 amendements sont en discussion ; deux heures et sept minutes pour le groupe écologiste dont 144 amendements sont en discussion ; une heure et quarante-quatre minutes pour le groupe GDR…
…dont 79 amendements sont en discussion et trente et une minutes pour les députés non inscrits.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 229 à l’article 20.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 229 .
Cet amendement vise à insérer, à l’alinéa 12, après la seconde occurrence du mot « les », les termes « règles de déontologie » car ces dernières dépassent les stricts problèmes d’incompatibilité et de risques de conflits d’intérêts mentionnés dans le texte.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Même avis.
L’amendement no 229 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 2299 .
Le groupe UDI est favorable à la création de la profession de commissaire de justice. Les professions d’huissier et de commissaire-priseur ont une base commune et leur travail en synergie a du sens. Nous nous félicitons à cet égard que les mandataires judiciaires aient été extraits de ce cadre.
Outre le fait de prendre en considération les incompatibilités et les risques de conflits d’intérêts, il est également primordial de garantir les compétences et le niveau de formation propres à chacune de ces deux professions. C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à compléter l’alinéa 12 par les mots : « et en garantissant les compétences et le niveau de formation spécifique à chaque profession concernée ».
C’est une manière d’afficher à l’égard des clients le maintien des savoir-faire, des compétences, des capacités de ces deux professions qui conservent leur particularité dans ce nouvel ensemble.
Je partage votre préoccupation mais il ne nous est pas possible d’étendre l’habilitation. Avis défavorable par conséquent mais je suis bien persuadée que le Gouvernement travaillera dans cette direction.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure. Vous voulez compléter l’alinéa 12 pour garantir les compétences et le niveau de formation spécifique à chaque profession, ce qui rejoint la philosophie du texte que j’évoquais tout à l’heure. Des voix se sont élevées pour protester contre une certaine complexité mais cette mesure sera mise en oeuvre progressivement.
À court terme, les professionnels continueront à exercer leur métier. Suite à l’ordonnance que nous prendrons, ils pourront bénéficier du régime des passerelles et accéder aux fonctions qui relevaient jusqu’à présent d’une profession distincte. À long terme, la profession de commissaire de justice regroupera les deux professions et associera des généralistes et des spécialistes, car certaines compétences sont spécifiques à une partie de l’activité des commissaires-priseurs, ce qui est déjà reconnu par des certificats de compétence. Telle est bien l’intention du Gouvernement mais en apportant cette précision à l’alinéa 12, vous contraignez, d’une certaine manière, cette convergence progressive, ce qui n’est pas approprié même si nous partageons le même objectif. Je vous propose de retirer votre amendement, sinon avis défavorable.
L’amendement no 2299 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 14, lequel a pour objet d’améliorer le recrutement des greffiers des tribunaux de commerce par la voie du concours en fixant les conditions financières de cette mesure, tout en sollicitant une habilitation pour recourir à l’ordonnance.
Monsieur le ministre, qu’entendez-vous par « conditions financières de cette mesure » et surtout comment envisagez-vous de satisfaire à l’avis du Conseil d’État, lequel considère qu’il n’est pas possible d’imposer, notamment dans le cadre d’une association, à un greffier en place de choisir le lauréat du concours car ce serait porter atteinte au droit de présentation. Votre texte est muet sur cette question.
Cet amendement s’explique par l’opposition de principe de notre groupe au recours aux ordonnances qui prive le Parlement de ses prérogatives. Il nous semble important que, sur un sujet aussi essentiel, compte tenu de surcroît de la formulation très imprécise de l’alinéa 14, le Parlement délibère.
C’est mon premier mandat de député mais je suis tout de même extrêmement peiné que la fonction parlementaire, malgré l’excellente combativité dont ont fait preuve nos collègues en commission spéciale, soit à ce point dévalorisée par le double mouvement qu’a entrepris le Gouvernement par rapport à ce texte.
Tout d’abord, la procédure accélérée ayant été engagée, ce texte fera l’objet d’une seule lecture par chambre, ce qui est regrettable car le débat parlementaire, quoi que l’on pense de la philosophie du texte et de son contenu final, aurait permis d’évoluer et une deuxième lecture n’aurait pas été inutile à cet égard.
Par ailleurs, le recours aux ordonnances est une procédure très dommageable quand elle n’est pas réduite à son domaine le plus restreint. Depuis 1958, il découle des articles 34 et 37 de la Constitution que la loi est devenue l’exception et le règlement la règle.
L’article 37 de la Constitution dispose en effet que les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.
Le pouvoir exécutif étant pour l’essentiel à l’origine de la production normative dans ce pays, la représentation nationale – les élus du peuple depuis la Révolution française –, qui détient pourtant la souveraineté nationale à titre temporaire pendant cinq ans, se voit déjà restreinte dans sa possibilité de produire la norme.
Et voilà que l’on recourt à présent à l’article 38 alors qu’il devrait être réservé aux grandes occasions, par exemple pour nationaliser quand la gauche revenait au pouvoir ou privatiser quand c’était au tour de la droite. C’était compréhensible, car il fallait agir vite, mais il est dommageable de recourir à ce subterfuge juridique dont le but est de déposséder les parlementaires de leur capacité à légiférer sur des sujets qui relèvent de la production législative courante. De surcroît, les travaux en commission dans des domaines très pointus ont montré que les parlementaires, quand on leur laisse le temps de travailler et que l’administration joue le jeu en leur fournissant les documents nécessaires peuvent, avec l’appui des services de l’Assemblée nationale, fournir un travail d’une qualité législative équivalente si ce n’est supérieure à celui de l’administration. Quelle que soit la couleur politique du Gouvernement, je défends par principe les prérogatives des parlementaires que j’invite mes collègues à ne pas abdiquer. Nous devons défendre la fonction parlementaire d’autant plus que nous vivons à une époque où le politique n’est pas simplement discrédité parce que les promesses ne sont pas tenues mais aussi parce que nous-mêmes, qui sommes les représentants de la souveraineté nationale pour cinq ans, en renonçant aux prérogatives que nous tirons de la Constitution, n’incitons pas nos concitoyens à nous faire confiance.
C’est une erreur que de recourir à l’article 38 dans ce cadre et je maintiens mon amendement.
Je suis obligée de vous contredire, mon cher collègue : s’agissant d’un concours dont l’Assemblée a convenu du principe et des raisons pour lesquelles il devait être prévu, il me semble que l’on peut laisser le Gouvernement se charger de son organisation.
Ensuite, je ne suis pas du tout d’accord avec les amendements de suppression de l’alinéa. Il s’agit au contraire de garantir l’égal accès de tous à cette fonction de greffier en chef. Lors de la mission dont il a abondamment été question, nous avons constaté que le stage prévu à l’issue des quatre années universitaires requises constitue un verrou d’entrée, car n’en bénéficient que ceux que l’on veut bien retenir.
Dans ces conditions, il nous semble que la réponse républicaine à apporter consiste en un concours méritocratique à l’issue duquel, parce qu’il y a un droit de présentation, les greffiers des tribunaux de commerce pourront choisir leur successeur. Il nous semble en effet que le filtre du concours est un élément extrêmement intéressant du dispositif et je ne vois pas, dans l’intérêt de notre jeunesse et de l’égalité qu’elle attend de nous, en quoi nous pourrions nous y opposer. L’avis de la commission est donc défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Il s’agit d’un concours : sachons raison garder. J’ai entendu la tirade de M. Cherki, après l’avoir déjà entendue sur un autre article : elle est inspirée.
Permettez-moi, mesdames et messieurs les députés, de rappeler ce dont il s’agit. Il existe 136 greffes de tribunaux de commerce, qui bénéficient d’un monopole absolu – autrement dit, nul autre greffier ne peut s’installer dans leur ressort et, comme l’a justement précisé M. Dolez, ils ont une compétence exclusive pour toutes les entreprises de leur ressort.
Tout à fait : je vous rassure, monsieur le député, l’État l’a voulu.
Le droit de présentation est devenu le moyen d’assurer la transmission exclusive de ces charges, comme chacun sait, et un rapport parlementaire sur ce sujet – dont M. le rapporteur général est l’auteur – contenait des propositions dont quelques-unes étaient même à certains égards plus ambitieuses que le présent texte. Ce droit de présentation, qu’a récemment conforté le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, comme l’a rappelé M. Houillon à juste titre, constitue donc le moyen d’assurer cette transmission dans un cadre intrafamilial ou autre, sans possibilité pour un tiers d’espérer obtenir l’office.
Si. L’ouverture est éventuellement possible après une transmission, mais tel est le cadre du droit de présentation, qui a été conforté par une jurisprudence constitutionnelle, comme vous l’avez rappelé avec raison. C’est pourquoi il est impératif que nous organisions l’attribution de nouveaux greffes ainsi que celle des greffes actuels, et donc l’association par voie de concours, car toutes les situations ne sont pas aujourd’hui couvertes. Or, compte tenu de leur complexité, il est normal que les modalités techniques dudit concours soient définies par ordonnance – cette argumentation rejoint celle que je faisais tout à l’heure.
Pour répondre à vos deux préoccupations, monsieur Houillon, permettez-moi de préciser que le droit de présentation recouvre deux aspects. Le premier est patrimonial, puisqu’il s’agit de la valeur du fonds : le concours permettra de désigner le nouveau greffier titulaire à l’occasion d’un départ ou d’une démission, et le lauréat sera tenu d’acheter le fonds de commerce du greffe à sa valeur normale de cession, car c’est ainsi que les choses se passent aujourd’hui. Vous savez bien que lors d’une cession, on estime la valeur patrimoniale qui est liée au droit de présentation. La valeur normale de cession du fonds de commerce du greffe est fixée par le greffier sous le contrôle du ministère de la justice en fonction des critères habituels. De ce point de vue, je veux lever tout malentendu : il n’y aura aucune perte patrimoniale.
Le second aspect est moral : il a trait à la perte éventuelle – c’est, me semble-t-il, ce que disait M. Dolez en creux – du droit de présenter le greffe à un membre de sa famille. L’habilitation prévoit bien que sont déterminées les conditions éventuelles d’indemnisation de cette valeur morale, qui est très subjective. Nous couvrons ainsi ce qui relève aujourd’hui d’une telle autorisation. Tels sont les éléments que je tenais à préciser pour lever toute ambiguïté.
Si je comprends bien, le dispositif ne s’appliquera pas aux associations.
J’ai dit l’inverse !
Je ne vous ai pas entendu répondre à cette question, donc il ne s’appliquera pas aux associations puisque vous avez envisagé l’hypothèse du départ ou de la cessation d’activité.
J’ai mentionné précisément l’association par voie de concours.
Dans ce cas, si les associations sont couvertes, alors vous dévitalisez le droit de présentation. Les mots ont un sens : le droit de présentation consiste à pouvoir présenter un successeur. Si c’est la lauréate ou le lauréat du concours qui est imposé pour s’associer ou pour succéder, alors il s’agit bel et bien d’une atteinte au droit de présentation !
La valeur patrimoniale est une autre question, et je vous rejoins sur ce point. En revanche, vous n’avez pas répondu sur la question du droit de présentation.
Si !
Comme l’a indiqué le Conseil d’État dans son avis, vous ne pouvez pas, sauf à supprimer le droit de présentation ou à y porter atteinte, imposer le lauréat d’un concours en vue d’une association dans le cadre d’une structure sociale qui, en général, comporte une clause d’agrément, comme je l’ai déjà dit, ou en vue d’une succession en faisant fi du droit de présentation !
Pardonnez-moi si je n’ai pas été suffisamment clair, monsieur le député. Le droit de présentation recouvre deux éléments : la valeur patrimoniale, qui est couverte, et le choix, c’est-à-dire l’aspect moral, que nous définirons dans l’ordonnance.
Oui, il se produit un changement, puisque l’on procédera désormais par concours. Somme toute, au XXIe siècle, monsieur Cherki – puisque vous avez déposé un amendement de suppression –, l’idée de recruter les greffiers de tribunal de commerce par concours ne me semble pas contraire à la méritocratie républicaine que vous défendez !
C’est précisément de cela dont nous parlons !
Oui, le droit de présentation et la valeur patrimoniale sont respectés !
L’aspect moral du droit de présentation sera couvert par l’ordonnance !
Cette sorte de coalition – je m’adresse aussi à M. Dolez – a donc, en fin de compte, un caractère extraordinairement baroque – je pèse mes mots.
Arrivé à un certain moment de la journée, monsieur le député, j’ai ce que l’on appelle des colères saines !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous apprenez très vite, monsieur le ministre, et vous avez la fougue et le tempérament d’un parlementaire.
Je voulais vous dire ceci : je ne débats pas du contenu – même si j’aimerais pouvoir le faire – mais de la méthode. Dans l’absolu, le contenu de l’alinéa 14 ne me pose pas de problème. Je demande simplement pourquoi nous n’avons pas la possibilité d’en discuter avec vous dans le détail et de le rédiger ensemble – de faire la loi, en somme. Ne nous contentons pas de nous mettre d’accord – même avec fougue – sur le but à atteindre avant de vous faire toute confiance pour la rédaction du texte. Non ! Travaillons ensemble !
Je ne reviendrai pas sur la primauté de la loi pour ne pas allonger mon propos, mais je dirai ceci : l’un de nos grands anciens, François Mitterrand, qui a tenu ses engagements de campagne en début de mandat, disait de l’article 16 qu’il s’agit d’un coup d’État permanent. Vis-à-vis du Parlement, l’article 38 est un petit coup d’État permanent.
Je crois, monsieur le ministre, que vous pourriez nous aider dans notre combat pour restaurer la primauté de la fonction parlementaire.
N’ayons pas de faux débat entre nous : je ne suis pas en désaccord sur le contenu de la mesure que vous prenez, mais sur le fait que vous allez nous interdire la possibilité de faire la loi, une prérogative qui nous est pourtant donnée par la Constitution.
Or, notre mission sacrée à nous, parlementaires, est de respecter la Constitution !
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Il ne s’agit pas de morale, monsieur le ministre – et mieux vaut ne pas commencer sur le sujet de la morale, surtout compte tenu de ce qui a été dit tout à l’heure…
Le Conseil d’État, dont vous savez certainement qu’il conseille le Gouvernement – Mme Taubira vous le rappellerait si elle était là, mais ce n’est toujours pas le cas…
Le Conseil d’État, disais-je, a indiqué en toute clarté qu’imposer « au cédant de l’office de conclure avec le lauréat du concours, sans liberté de choix de son successeur, affecterait de manière significative le droit de présentation sans ses dimensions morale et patrimoniale et réduirait sensiblement la marge de négociation sur le prix de cession ». Une telle ordonnance se heurte donc au principe d’égalité devant les charges publiques.
Vous n’êtes donc pas le représentant de la morale contre tous, monsieur le ministre.
Je parlais de l’aspect moral.
Nous avons là un problème technique et juridique : le ministre s’apprête à s’affranchir de la décision du Conseil d’État. Ce n’est pas un problème moral, mais un problème patrimonial, et un problème juridique qui touche au droit de présentation.
Le Conseil d’État vous dit que vous ne pouvez pas agir ainsi. Libre à vous de nous expliquer le contraire, mais vous feriez mieux de l’expliquer au Conseil d’État car, selon toute vraisemblance, votre mesure ne résistera pas longtemps !
Monsieur Tian, il existe une valeur patrimoniale et une valeur morale, laquelle désigne le fait de choisir son successeur. La valeur morale que j’évoquais n’a donc rien à voir avec la morale dont vous parlez – je tenais simplement à rectifier ce point.
Permettez-moi d’ajouter que l’article – il faut bien le lire – précise ceci : « par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure ».
Voici donc la réponse à l’observation formulée par le Conseil d’État dans l’avis que vous avez bien voulu lire.
La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement no 1173 .
L’amendement no 1173 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement no 2628 .
Même avis. Ces amendements visent à limiter aux seules créations d’offices la réforme consistant à améliorer le recrutement des greffiers de tribunaux de commerce par la voie de concours.
Ils limiteraient donc fortement l’objectif même de la réforme que je viens de décrire, puisqu’ils préserveraient le statu quo en précisant les modalités d’accès sans changer la norme.
Et moi pour résister !
L’article 20 est adopté.
En vertu de l’article 55, alinéa 6, je vous demanderais, madame la présidente, de bien vouloir acter le fait que compte tenu du dépôt tardif de l’amendement no 3232 , les groupes parlementaires bénéficient d’un temps de parole supplémentaire.
Je vous en donne acte. Le temps de parole supplémentaire pour la discussion de l’article 20 bis est donc de dix minutes pour les groupes et de deux minutes pour les députés non inscrits.
La parole est à M. Philippe Houillon, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement a exactement le même objet que celui de mon collègue Dolez. Je vous remercie, madame la présidente, de nous donner acte de ces dix minutes complémentaires.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 1338 .
Cet amendement vise à supprimer un article, déjà substantiellement modifié en commission spéciale, qui vise à modifier l’article 7 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant création de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession.
Je prends connaissance d’un amendement du Gouvernement qui tend à insérer à l’alinéa 2 de l’article 20 les mots : « non juridiques » après le mot : « travaux ». Au vu de cette précision, je retire mon amendement et voterai celui du Gouvernement.
L’amendement no 1338 est retiré.
…qui propose de supprimer l’article 20 bis pour en rester à la rédaction actuelle de l’alinéa 7 de l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 sur la base de laquelle les experts-comptables exercent leur activité.
Le dispositif proposé dans cet article aurait pour conséquence de créer deux systèmes distincts : les travaux et études d’ordre statistique, économique, administratif, social et fiscal d’une part, et les travaux et études d’ordre juridique, les consultations juridiques, sociales et fiscales et la rédaction d’actes sous seing privé d’autre part.
Il en résulterait selon nous un dispositif déséquilibré qui aurait pour seule conséquence d’attiser les conflits entre professionnels du droit et professionnels de la comptabilité. C’est pourquoi nous proposons d’en rester à la rédaction actuellement en vigueur.
Monsieur le ministre, je ne veux pas que vous vous énerviez. Nous devons vous ménager car vous serez présent jusqu’à la fin du texte, tandis que moi je n’assisterai qu’aux débats sur les professions juridiques réglementées. Dans quelques heures, vous n’aurez plus à me supporter car, j’ai cette chance, je serai remplacé par un autre membre de mon groupe.
Sachant que vous irez au bout du débat, je ne voudrais pas que vous vous énerviez inutilement. Vous avez utilisé à plusieurs reprises, en commission spéciale et ici même, le mot « baroque » qui, si j’ai bien compris, qualifie une collusion entre mon groupe et l’autre partie de l’hémicycle.
C’est tout à l’honneur de la représentation nationale que nous puissions, quelles que soient nos sensibilités et nos diversités, nous retrouver sur quelques fondamentaux qui sont les piliers de notre République – en particulier notre système juridique, notre service public et les professions qui en sont délégataires.
Mme la garde des sceaux, qui a fait une brève apparition de quelques minutes, la semaine dernière, au début de l’examen de ce projet de loi, …
…a évoqué à juste titre l’esprit du Conseil national de la Résistance. Nous ferions bien de nous y référer davantage.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 2108 .
La distinction entre les professions du chiffre et les professions du droit a alimenté pendant de nombreuses années un certain nombre de conflits, souvent au détriment de l’usager. L’ordonnance de 1945, à travers ses rédactions successives, nous avait permis de trouver un équilibre.
Quant à l’article 20 bis, il contient un certain nombre de confusions.
L’alinéa 2 dispose que les professions comptables peuvent effectuer toutes études et tous travaux d’ordre statistique, économique, administratif, social et fiscal, et l’alinéa 3 énonce qu’ils peuvent dispenser des consultations juridiques, sociales et fiscales. On peut disserter longuement sur la nuance entre les études et les travaux d’ordre social et fiscal et les consultations juridiques, sociales et fiscales, mais chacun y voit ce qu’il a envie d’y voir, ce qui signifie que le dispositif présente une certaine opacité.
Nous avons compris le sens de ce texte, mais derrière les mots se cachent parfois des situations de conflit d’intérêt, ce qui peut desservir celui qu’on était censé protéger. Je pense notamment à des travaux d’ordre social réalisés par des experts-comptables : il leur sera difficile de défendre objectivement l’une et l’autre des parties liées par un contrat de travail, par exemple.
Nous disposons d’un système à peu près équilibré qui a réussi à maintenir la paix entre les deux professions et je ne voudrais pas que ce dispositif vienne raviver un conflit. C’est pourquoi j’avais soutenu un amendement de suppression de cet article pour en revenir au droit en vigueur.
Dans la ligne de ce que vient de dire notre collègue Clément, il convient en effet d’en revenir à la rédaction actuelle de l’alinéa 7 de l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, sur laquelle les experts-comptables fondent leur activité. En effet, ce dispositif fonctionne de façon très satisfaisante et la jurisprudence qui s’est développée sur cette base est parvenue à conserver stabilité et équilibre : il serait paradoxal de vouloir le remettre en cause.
Nous partageons les interrogations dont viennent de nous faire part nos collègues puisque nous avons, en commission spéciale, et en accord avec le ministre, rédigé un article dans le but d’écarter tout risque d’empiétement de l’expert-comptable sur le travail de l’avocat.
Il est clair que le Gouvernement n’avait pas du tout l’intention de provoquer un déséquilibre entre la profession d’avocat et celle d’expert-comptable.
Ce serait d’ailleurs totalement inopportun dans la mesure où nous proposons, dans un article suivant, la possibilité d’une interprofession entre les deux professions. Ce n’est pas le moment de brouiller les cartes.
Dans un souci de clarification, le Gouvernement a d’ailleurs rédigé un amendement no 3232 dont nous allons discuter dans un instant. En attendant son examen, j’émets un avis défavorable à ces amendements. Il est clair pour nous tous ici qu’il ne s’agit pas d’ouvrir une brèche au risque de provoquer un déséquilibre entre ces deux professions.
Je remercie Mme Capdevielle d’avoir bien voulu retirer son amendement après avoir pris connaissance de l’amendement no 3232 et j’invite M. Clément et M. Giraud à faire de même car il semble que cet amendement répond à leurs préoccupations.
Je vais être parfaitement clair, en gardant à l’esprit les longs débats que nous avons eus en commission spéciale et qui ont permis d’améliorer la rédaction initiale : ce texte n’ouvre en aucun cas une possibilité de démarchage aux experts-comptables.
Non, mais c’est l’une des craintes exprimées en creux. Seuls les avocats ont la liberté de fournir sans restriction des études juridiques, monsieur le député. Il ne doit pas y avoir la moindre ambiguïté sur ce point.
Et ce n’est que dans le cadre d’un contrat préalable que l’expert-comptable peut être amené à procéder aux tâches mentionnées, qui se situent dans les champs d’exercice de l’expert-comptable et sont directement liées à sa mission. Je tenais dissiper toute ambiguïté car j’ai senti dans vos propos qu’il pouvait y en avoir une.
Dans la mesure où l’amendement no 3232 apporte les précisions rédactionnelles nécessaires, je vous invite, messieurs, à retirer vos amendements.
Nous avons cherché à couvrir des cas très précis. La tâche de remplir une fiche de paie, par exemple, peut être confiée à un expert-comptable sans pour autant qu’il exerce une mission d’expertise comptable au sein de l’entreprise. Aujourd’hui, il s’agit d’un travail juridique,…
…qu’il ne peut donc effectuer au regard du droit actuel. Nous avons donc clarifié la situation en apportant les précisions nécessaires. Je tiens à le répéter une fois encore, il ne peut y avoir de démarchage juridique de la part des experts-comptables.
Enfin, je ne résiste pas, monsieur Dolez, au plaisir de vous dire que l’esprit du Conseil national de la Résistance, je l’appelle également de mes voeux.
Si nous pouvions nous en prévaloir plus souvent, ce serait formidable, mais je ne pensais pas en faire l’expérience au sujet des greffes du tribunal de commerce.
Monsieur le ministre, si j’ai bien compris, vous demandez le retrait des amendements, faute de quoi vous émettrez un avis défavorable.
En effet.
Indiscutablement, l’amendement présenté par le Gouvernement améliore la rédaction qui nous est proposée.
Monsieur le ministre, n’étant pas l’auteur de ces amendements, il ne m’appartient pas de les retirer ou de les maintenir, mais notre collègue Giraud a dit une chose très juste : nous nous serions épargné bien des difficultés si nous en étions restés à la rédaction en vigueur de l’ordonnance de 1945.
En effet, quels que soient les efforts accomplis, il reste une ambiguïté : les avocats pourraient considérer que la frontière entre leur profession et celle des experts-comptables s’est déplacée. Ce risque, auquel personne ne pense, existe pourtant bel et bien, malgré les assurances que vous donnez et qui, figurant au compte rendu de nos débats, pourront, en cas de contentieux, nourrir la doctrine. Car c’est aussi le destin de nos échanges que d’éclairer les juridictions en leur permettant de trancher les conflits en se fondant sur les intentions du législateur.
Mais lorsqu’on brise un équilibre, on prend le risque de faire surgir des contentieux. Les avocats pourraient, un jour, se présenter devant des juridictions nationales ou européennes et réclamer la réciprocité, au nom de laquelle ils pourraient, à titre accessoire, exercer des missions d’expertise comptable.
Cette possibilité n’est pas à exclure. Et si demain les avocats gagnent, je vous laisse deviner les difficultés dans lesquelles nous nous trouverons pour avoir confondu les professions en voulant progressivement les rapprocher. Or, je le sais, c’est l’inverse que vous recherchez.
La rédaction actuelle de l’ordonnance de 1945, parce qu’elle est acceptée par les deux parties, constitue un équilibre et nous protège de ce risque. Mais si vous déplacez le curseur, vous n’êtes pas à l’abri d’une procédure engagée par les avocats – qu’il s’agisse de leurs instances ordinales, d’un syndicat professionnel ou d’un particulier – pour obtenir la réciprocité, c’est-à-dire la possibilité, à titre accessoire, d’effectuer dans les mêmes conditions que les experts-comptables, sans démarchage, des actes relevant de la profession du chiffre.
Imaginez les conséquences d’une telle situation ! C’est pourquoi, pour nous prémunir de ces difficultés, je vous invite à conserver la rédaction de l’ordonnance de 1945 qui a fait ses preuves au cours du temps.
Afin que les choses soient claires, il s’agit évidemment d’une extension de la compétence des experts-comptables en matière juridique. Il faut dire les choses telles qu’elles sont.
Ils peuvent actuellement intervenir en matière juridique à l’occasion d’une mission comptable dès lors que les travaux juridiques en découlent. Ils le pourront toujours mais sans lien avec la mission comptable si une clientèle habituelle les sollicite. Pour parler encore plus clairement, au bénéfice de la clientèle pour laquelle ils effectuent des travaux comptables, ils peuvent dorénavant effectuer des travaux juridiques sans lien avec ceux-ci.
Il ne s’agit pas de feuilles de paie, monsieur le ministre ! Vous évacuez toujours les problèmes comme si tout cela était sans importance, mais lisez le texte, il ne s’agit pas de feuilles de paie mais d’actes sous seing privé et de consultations en matière juridique ! Contrairement à ce que vous affirmez, l’amendement du Gouvernement ne vient pas résoudre le problème, car il complète l’alinéa 2 de l’article. Or l’extension des compétences des experts-comptables est traitée à l’alinéa 3. Votre amendement ne change donc rien à ce que je viens de dire, il s’agit bel et bien d’une extension du champ de compétence des experts-comptables en matière juridique qui ravivera les difficultés que nous avons connues alors que, comme l’ont dit mes collègues de la majorité à l’instant, nous étions parvenus à un équilibre.
Par ailleurs, comme le rappelait tout à l’heure Mme la rapporteure thématique, les articles suivants suggèrent la mise en place, le cas échéant, d’une interprofession incluant les experts-comptables. Par conséquent, l’alinéa n’est pas nécessaire, il n’est qu’une source inutile de difficultés.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » ! Il suffit de lire la construction de l’article pour comprendre le problème !
Vous ratiocinez, monsieur le ministre, sur la distinction entre « études » et « consultations », mais le texte lui-même est très compliqué ! Il évoque « toutes études et tous travaux d’ordre statistique, économique, administratif, social et fiscal » tout en distinguant « les consultations juridiques, sociales et fiscales », au statut particulier, qui doivent être rattachées à des missions. Le problème réside dans l’emploi de termes différents. Il est parfois question d’études et de travaux, parfois de consultations. J’en déduis qu’un reliquat entre ce qui relève de la consultation et ce qui relève des études et travaux demeure autorisé et aimerais savoir de quoi vous parlez ! Vous évoquez des bulletins de paie mais il n’est écrit rien de tel ! Demain, on se demandera quel est l’intérêt des énumérations de l’alinéa 2 si l’alinéa 3 en fait d’autres ! Quelle distinction sépare les deux ? Pourquoi évoquer d’abord des consultations juridiques puis des études et travaux d’ordre juridique ? Quelle est la différence ? Tout cela n’est tout de même pas très clair !
C’est donc un nid à contentieux, sans parler des heures d’interprétation jurisprudentielle nécessaires pour déterminer ce qui relève d’une consultation, ce qui relève d’une étude et ce qu’entend le législateur par « travaux juridiques » ! Quelle est la différence entre ce qui relève des études et travaux d’ordre juridique évoqués à l’alinéa 2 et ce qui relève des consultations juridiques et des travaux d’ordre juridique mentionnés à l’alinéa 3 ? Si ce n’est pas un nid à contentieux, je ne m’y connais pas !
Vous avez évoqué tout à l’heure le baroque, monsieur le ministre, c’est-à-dire un monde où tous les contraires sont harmonieusement possibles, du moins selon la description retenue par l’histoire de l’art, mais il s’agit en l’espèce d’une rédaction complètement illisible s’apparentant davantage à des hiéroglyphes égyptiens ! Quelle plus-value apporte-t-elle au texte ? Perdre des heures au Parlement en complications tout en tenant un discours gouvernemental selon lequel on simplifie la vie des gens, voilà bien le summum de la contradiction !
Nous avons eu l’occasion de discuter longuement de l’article 20 bis en commission spéciale et d’en proposer à plusieurs reprises des rédactions différentes pour aboutir à celle-ci. Les cabinets d’expertise-comptable sont en effet confrontés à une vraie difficulté car ils sont parfois amenés à réaliser des missions qui ne sont pas des missions comptables. Je citerai deux exemples parmi d’autres. Tout d’abord, ils établissent des bulletins de salaire pour des particuliers employeurs ou des associations pour lesquels ils ne sont pas forcément chargés d’une mission comptable, mais qui les sollicitent pour réaliser une mission sociale. En termes d’assurance et de législation, cela pose une vraie difficulté.
Ensuite, ils effectuent également des missions fiscales –typiquement, la rédaction de déclarations de revenus ou d’impôt sur la fortune – pour des clients retraités dont ils assuraient la comptabilité lorsqu’ils étaient en activité et dont ils connaissent la situation. Il existe donc une vraie difficulté et il faut trouver une solution.
Les inquiétudes relatives à la protection des métiers n’en sont pas moins légitimes dès lors qu’il s’agit de tracer la frontière entre les métiers du chiffre et ceux du droit. On a déjà retiré le terme « juridique » de l’alinéa 2 et je crois que l’amendement que vous proposerez va encore au-delà, monsieur le ministre, car il précise que seuls les travaux non juridiques sont concernés, ce qui permet à mes yeux une forme d’équilibre.
Certes, la distinction entre consultations, études et travaux fait toujours problème, mais le retrait du terme « juridique » de l’alinéa 2 contribue, à mes yeux, à un bon équilibre. Ce qui est par ailleurs très important – et heureusement, cette mention figure dans le texte –, c’est que certains travaux ne puissent être réalisés qu’à titre accessoire.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 2317 .
Il porte sur le même sujet. Dès lors que les professionnels du chiffre et du droit sont réunis en une même structure juridique pour l’exercice de leur activité respective, la notion d’exercice accessoire des travaux d’ordre juridique n’est plus justifiée et introduit en outre une confusion dans l’esprit du consommateur. La question est inchangée : qui fait quoi dans ce type d’activité ? Chacun exerce une activité réglementée. On attend d’un expert-comptable qu’il sécurise les comptes d’une entreprise, son bilan et l’information qu’elle donne aux tiers et d’un professionnel du droit qu’il sécurise les relations juridiques entre les partenaires. Il ne s’agit pas des mêmes métiers. Il ne faut pas entretenir la confusion, y compris dans le dispositif dont nous débattons actuellement. C’est pourquoi je propose d’insérer les mots : « donner des consultations » à l’alinéa 2 et de rédiger l’alinéa 3 en conséquence.
Avis défavorable en raison de la discussion de l’amendement du Gouvernement qui va suivre.
L’amendement viendrait presque restreindre le statu quo. Il s’inscrit dans la discussion que nous venons d’avoir et je comprends la volonté d’éviter un démarchage actif et de revenir sur le caractère accessoire des prestations des experts-comptables. La rédaction initiale était encore ambiguë malgré nos efforts en commission spéciale et l’amendement no 3232 vient l’améliorer. Je vous invite donc à retirer votre amendement, monsieur le député, compte tenu de nos travaux et des engagements que j’ai pris pour le compte du Gouvernement. Je comprends la philosophie de votre amendement mais, tel quel, il constituerait un pas en arrière, conformément sans doute au coup d’arrêt que vous avez voulu donner à la première rédaction.
L’amendement no 2317 est retiré.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel insistant sur l’interdiction faite aux experts-comptables d’offrir des services juridiques à des clients pour lesquels ils n’assurent pas, par ailleurs, des travaux comptables. Une telle restriction me semble utile compte tenu des préoccupations formulées par plusieurs d’entre vous, mesdames et messieurs les députés. Il vise à rendre aussi claire que possible cette interdiction afin d’éviter un glissement trop conséquent. Mme Louwagie rappelait à l’instant ce qu’il s’agit de clarifier et quels étaient les actes concernés. Nous ne voulons pas que les experts-comptables réalisent de nouveaux actes et démarchent de nouveaux clients sur la base de prestations juridiques.
L’amendement du Gouvernement est bienvenu. Il est de nature à rassurer les auteurs des amendements de suppression de l’article 20 bis.
L’amendement no 3232 est adopté.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 230 .
Il s’inscrit dans la lignée de nos discussions précédentes et de l’amendement présenté par le Gouvernement. Afin que la mission d’expertise comptable ne soit pas réalisée uniquement à titre accessoire mais aussi à titre principal, notre amendement propose de remplacer la deuxième occurrence du terme « ou » de l’avant-dernière ligne de l’alinéa 3 par le terme « et ».
Avis défavorable. Nous avons déjà examiné ce point en commission spéciale et je maintiens mon avis fondé sur l’analyse de Jean-Yves Caullet à ce sujet.
Nous avons eu cette discussion en commission spéciale, je m’en souviens très bien, à l’initiative de M. Robiliard qui a fait à juste titre la même remarque que la vôtre, madame Bonneton. Or la rédaction adoptée en commission spéciale est exactement celle de l’ordonnance de 1945. La vôtre se situe en-deçà du texte de l’ordonnance de 1945 car en remplaçant « ou » par « et », elle revient à interdire à des experts-comptables d’accomplir des tâches comptables ponctuelles. Je vous renvoie à l’ordonnance de 1945 dont la formulation est strictement reprise par notre texte et vous invite à retirer l’amendement.
Je me souviens même très bien que M. Caullet nous avait rappelés à la sagesse collective en citant le texte de ladite ordonnance. Nous voulons ici couvrir les missions à caractère permanent ou habituel ainsi que les consultations et actes sous seing privé qui leur sont directement liés, c’est-à-dire les missions permanentes et habituelles d’un expert-comptable chez un client auquel il est lié par un contrat-cadre ou bien les consultations, bien évidemment comptables, qu’il effectue chez un client occasionnel. Comme vous le voyez, substituer « et » à « ou » va au-delà de ce que vous appelez de vos voeux, madame Bonneton. Je vous invite donc à retirer l’amendement à défaut de quoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il s’agit selon moi d’un « ou » inclusif à valeur de « et » dont l’insertion rend le texte encore plus clair. Je maintiens donc mon amendement.
L’amendement no 230 n’est pas adopté.
Au cas où le Gouvernement aurait eu l’idée saugrenue de rétablir l’avocat d’entreprise, j’ai préféré déposer cet amendement destiné à rappeler à quel point il s’agissait d’une mauvaise idée. Nous sommes heureux que le ministre ait renoncé à ce projet, mais s’il changeait d’avis, l’adoption de cet amendement servirait de garde-fou.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Cet amendement se révèle totalement superfétatoire, puisque l’une des premières décisions de la commission spéciale a été d’annuler la création, un temps envisagée, de l’avocat d’entreprise.
Il est donc inutile d’insister et de vouloir supprimer quelque chose qui n’existe plus. Avis évidemment défavorable.
Même avis.
L’amendement no 2136 n’est pas adopté.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2517 .
L’amendement no 2517 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 20 bis, amendé, est adopté.
Article 20
La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement no 416 .
Avec cet article et les suivants, on aborde la question des capitaux des sociétés des professions du droit, qui est déclinée sur pas moins de quatorze pages ; encore est-il nécessaire, sur certains points, de recourir aux ordonnances.
Je dois dire – et je pense que cet avis est partagé sur tous les bancs – que ces articles sont particulièrement complexes. Mis à part les éminents rapporteurs, personne n’y comprend quoi que ce soit.
S’agissant de l’article 20 ter, je pense qu’il traduit une volonté commune de faire un pas vers l’interprofessionnalité. À mon sens, il est en effet nécessaire d’avancer sur cette proposition déjà ancienne – des rapports ayant été rédigés de longue date sur le sujet –, et qui m’apparaît pertinente, à condition de savoir comment procéder.
En vertu de cet article dont nous demandons la suppression – ce qui nous permettra, monsieur le ministre, d’entendre vos explications –, et si tant est que j’ai bien compris, n’importe quelle profession du droit pourra détenir le capital d’une société d’exercice d’une autre profession du droit.
Je craignais d’avoir mal compris, tant la rédaction de ces quatorze pages est confuse, mais je vois, madame la rapporteure thématique, que vous les interprétez dans le même sens que moi. Même si les huissiers sont les premiers nommés, toutes les professions juridiques sont concernées : un notaire, par exemple, pourra détenir l’ensemble du capital d’une étude d’huissier. Or, autant je suis d’accord pour avancer en direction de l’interprofessionnalité, autant il ne me paraît pas sain qu’un professionnel du droit, quelle qu’il soit, détienne le capital ou une partie – voire l’intégralité – des droits de vote d’une société d’exercice relevant d’une autre profession. Les représentants de la profession exercée dans la société concernée doivent rester majoritaires, ce qui, si j’ai bien compris – mais, je le répète, je peux m’être trompé –, n’est pas prévu dans le projet de loi.
Par ailleurs, se pose la question des capitaux extérieurs, dont le texte ne parle pas. Si, dans ou tel ou tel pays de l’Union européenne ou dans la Confédération helvétique, les professions réglementées peuvent faire appel à des capitaux extérieurs, un professionnel du droit respectant les exigences propres à ces professions pourrait, de manière indirecte, prendre le contrôle d’une société d’exercice de l’une quelconque de ces professions, ce qui n’est pas souhaitable et ce qu’aucune profession ne souhaite. Je pense donc qu’il faut revenir à quelque chose d’équilibré : oui à l’interprofessionnalité – je pense que tout le monde est d’accord pour avancer sur ce sujet –, oui à des participations à l’intérieur de chaque profession, mais non à l’entrée de capitaux extérieurs. Or, en l’état de la rédaction des textes – et a fortiori en application des articles que nous examinerons ensuite –, l’entrée de capitaux extérieurs est possible.
De surcroît, dès lors qu’il est accordé à chacune de ces professions le droit d’exercer sous n’importe quelle forme sociale, à condition qu’elle n’entraîne pas, pour les personnes physiques, la qualité de commerçant, vous aurez à régler la question de l’apport en compte courant, qui n’est d’ailleurs pas abordée dans le texte. De fait, en apportant une somme importante en compte courant, un associé, même minoritaire et n’exerçant pas l’une des professions considérées, finirait, à terme, par obtenir la direction morale, l’autorité, sur l’entreprise.
La rédaction de l’article 20 ter, comme d’ailleurs des suivants, n’est donc pas assez claire, et elle n’offre en outre pas aux sociétés d’exercice une protection suffisantes contre l’entrée de capitaux extérieurs.
Je crois profondément que, sur ce sujet, que notre collègue Houillon vient d’exposer avec beaucoup de clarté, nous poursuivons le même objectif.
De quoi s’agit-il ? Aujourd’hui, les professions juridiques et judiciaires ne peuvent constituer ni société anonyme, ni SARL, ni société par actions simplifiées. Telle est la réalité. Or, dans certains pays, notamment outre-Rhin, la plupart des sociétés d’avocats fonctionnent sur de tels modèles. L’enjeu n’est pas de les copier – cela n’aurait pas d’intérêt en soi – mais, dans la mesure où ces sociétés peuvent exercer en France, de donner à nos professionnels du droit la même possibilité de s’associer et d’exercer ensemble. En se gardant de toute exagération, il s’agit de mieux armer nos professionnels en leur donnant des possibilités d’associations équivalentes à celles de leurs homologues étrangers.
Cela étant, dans les quatorze pages que vous avez évoquées, un point est tout de même précisé avec une grande clarté : est exclue toute prise de participation des professionnels du chiffre au capital des structures des professionnels du droit. Autrement dit, si nous permettons à ces derniers de se constituer en association sous la forme qu’ils jugeront la plus adéquate – mais il ne s’agit que d’une faculté, et nullement d’une contrainte nouvelle –, ils ne pourront toutefois le faire à l’aide de capitaux issus de professionnels du chiffre.
Dans la mesure où cette possibilité existe déjà dans d’autres États européens, ce qui permet à des professionnels étrangers d’exercer et de se développer en France sous cette forme offrant une plus grande souplesse, nous voulons mettre nos professionnels à armes égales. Telle est notre intention : accorder à ces praticiens une simple faculté – sans leur imposer quoi que ce soit – et les protéger contre toute irruption de capitaux de professionnels du chiffre dans les structures qu’ils seraient susceptibles de créer.
Tels sont, cher collègue, les éléments dont je voulais faire état pour justifier l’avis défavorable de la commission à votre amendement.
Je pense, monsieur le député, que vous avez fait une confusion entre les articles 20 ter et 22. En effet, l’article 20 ter ne concerne que les sociétés d’exercice, et en aucun cas les ouvertures capitalistiques.
Il n’est actuellement pas possible, pour des professions juridiques et judiciaires, de s’organiser entre elles, de favoriser l’interprofessionnalité au sein de sociétés d’exercice, qu’il s’agisse de SA ou de SAS. Cet article leur donne une telle possibilité – ni plus, ni moins. Il institue même des garanties d’indépendance, de deux ordres. Premièrement, cette faculté n’est ouverte qu’aux professions juridiques et judiciaires, mais en aucun cas aux experts-comptables. Deuxièmement, le texte impose à tout professionnel de ces secteurs de détenir 100 % du capital des sociétés qui viendraient s’associer au sein de ces SA ou SAS détenues par des professionnels du droit. C’est ce qui est écrit, monsieur le député. Il n’y a donc aucun risque de financiarisation ni d’ouverture.
Ces dispositions renforcent la situation des Européens qui opèrent dans notre pays. En effet, aujourd’hui, le droit est moins exigeant en Allemagne qu’en France. Outre-Rhin, il peut exister des sociétés qui ne sont pas détenues à 100 % par des professionnels du droit, des sociétés dont le droit européen nous a obligés à reconnaître les succursales alors qu’elles sont, de fait, financiarisées. Telle est la situation actuelle. Mais grâce à notre réforme, et en vertu du principe de réciprocité, nous pourrons mieux nous protéger en imposant que la société mère soit détenue à 100 % par des professions du droit et en offrant à nos sociétés la possibilité d’adopter le même type d’organisation.
Vous pouvez, monsieur Houillon, vous montrer grognon quand le texte proposé n’est pas assez précis à vos yeux ou qu’il renvoie à des ordonnances, et vous plaindre lorsqu’à l’inverse il apparaît extrêmement détaillé, mais cela finit par donner l’impression que vous êtes de mauvaise volonté.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Ces dispositions permettent aux professionnels du droit de mieux s’organiser entre eux, de se rapprocher dans le cadre de sociétés détenues à 100 % par des professionnels du droit.
J’ai apporté une réponse précise, factuelle. J’ai d’ailleurs pour principe de répondre à toutes vos questions. Mais les manifestations de mauvaise volonté dont vous avez fait preuve, monsieur le député, et l’imprécision des questions que vous venez de poser – un défaut qui ne vous est coutumier, je dois le reconnaître –, …
…en particulier la confusion que vous avez faite entre les articles 20 ter et 22, ne sont pas à la hauteur des débats que nous avions eus jusqu’alors.
Mon avis est donc défavorable.
L’amendement no 416 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 231 .
Cet amendement a pour objet d’apporter des précisions destinées à prévenir les risques de conflits d’intérêts.
L’amendement no 231 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Même avis.
Monsieur le ministre, nous parlons des sociétés d’exercice dont vous ouvrez le capital à des professionnels issus de l’Union européenne, ce qui signifie que des professionnels de droit anglo-saxon pourront y entrer. Vous faites entrer le loup dans la bergerie.
Sous le prétexte de l’interprofessionnalité, il pourra y avoir des professionnels dont le système juridique et le mode de fonctionnement ne correspondent pas du tout à notre droit continental. Par l’intermédiaire de l’ouverture des capitaux, vous préparez le glissement du droit continental vers le droit anglo-saxon. Vous faites dans cet article la démonstration de ce que nous dénonçons depuis le début de ce texte.
L’amendement no 1980 n’est pas adopté.
Même avis.
Je m’attendais tout de même à une explication, monsieur le ministre. J’essaie de vous faire gagner du temps mais c’est tout de même un amendement important puisqu’il permet d’éviter une forme d’ingérence dans le système français. Je vous renvoie sur ce point à l’explication que vient de faire mon collègue, à laquelle vous n’avez d’ailleurs pas répondu.
Avant que nous ne votions cet amendement, vous pourriez saisir l’opportunité que je vous donne de répondre à nos deux interventions et de nous expliquer pourquoi il n’y aura pas, selon vous, de contamination par le système anglo-saxon et le droit jurisprudentiel de notre système de droit continental.
Je ne voudrais pas vous agacer, monsieur le ministre, mais je voudrais comprendre.
Je vais prendre un exemple simple. Des capitaux vont entrer chez un mandataire judiciaire, dont une société venant de l’extérieur, au sein de laquelle il y a une banque. N’y a-t-il tout de même pas un risque de conflit d’intérêts et d’une remise en cause de l’indépendance du mandataire ?
Je réponds toujours quand on développe des arguments pour défendre son amendement, monsieur Aubert, c’est de la courtoisie. Comme vous aviez souhaité être rapide, j’ai voulu en faire de même.
Monsieur Cherpion, j’ai répondu à votre question. Puisque 100 % des capitaux doivent être détenus par des professionnels, le cas que vous évoquez n’est pas possible. S’ils sont détenus par d’autres que des professionnels, ils ne peuvent entrer dans la société d’exercice.
Vous avancez comme argument, monsieur Huyghe, repris par M. Aubert, que des avocats de droit anglo-saxon pourraient éventuellement intervenir en France mais, je vais vous apprendre une mauvaise nouvelle, c’est déjà le cas. Ils opèrent et se développent sur notre territoire depuis plusieurs années, et ont même parfois conclu des contrats avec des entreprises françaises. C’est une très mauvaise nouvelle, mais tel est le monde dans lequel nous vivons : des étrangers opèrent dans notre pays, il arrive même parfois qu’ils y réussissent et salarient des avocats français !
Prenons maintenant le cas d’une société interprofessionnelle comprenant un notaire français et un avocat anglo-saxon. D’abord, une telle société ne pourrait pas être constituée avec un grand cabinet anglo-saxon qui ne serait pas détenu par des professionnels du droit. Celui-ci devrait être détenu à 100 % par des avocats. Ensuite, si une société est créée avec un avocat anglo-saxon, français ou allemand, celui-ci ne fera pas d’acte authentique. L’acte authentique, c’est toujours le notaire qui en a l’exclusivité. De la même façon qu’un avocat français peut s’associer avec un huissier et un notaire, la société permettra de mutualiser les coûts, de proposer une offre plus diversifiée, mais l’acte authentique, ce qui caractérise le droit continental français, sera fait par le notaire français.
Il n’y a pas de modèle rampant, ou je ne sais quel cheval de Troie que nous voudrions faire entrer dans notre droit – avec peu de délicatesse, d’ailleurs – via l’un ou l’autre de ces articles. Rien de tout cela !
Oui, un avocat d’un pays de l’Union européenne aura, demain, la possibilité de s’associer avec un professionnel du droit français si 100 % des capitaux des structures de tête sont détenus par des professionnels du droit, chacun gardant l’exclusivité des actes lorsqu’il y a un monopole, ce qui préserve ce qui constitue le droit continental.
Je pense donc, très honnêtement, que vous faites là un très mauvais procès.
L’indépendance serait modifiée si vous faisiez entrer des financiers au capital, vous avez raison, si cette société d’exercice interprofessionnel était ouverte à des capitaux tiers. Ce n’est pas le cas.
Comme je le soulignais à l’instant, monsieur Hetzel, des succursales de grands groupes d’avocats ou autres avec des capitaux tiers opèrent aujourd’hui en France. C’est autorisé par la jurisprudence européenne. Grâce à ce texte, vous pourrez lutter contre ce modèle puisque 100 % des capitaux devront être détenus par des professionnels, ce qui est une avancée en termes d’indépendance.
Qui détient le capital décide, vous le savez bien, monsieur le ministre. C’est cela le problème. C’est le cabinet anglo-saxon dont les parts ne seront détenues que par des avocats anglo-saxons qui va décider du mode de fonctionnement d’un officier ministériel, certes détenteur du sceau de l’État français, mais ainsi placé sous la coupe de professionnels étrangers.
Vous, en tant que ministre de l’économie, ce n’est pas votre compétence, mais je ne comprends pas comment la garde des sceaux, démissionnaire de fait pour l’examen de ce texte, pourrait accepter que des officiers ministériels, qu’ils soient notaires ou huissiers, soient sous la coupe de capitaux étrangers, puisque, même s’il s’agit de professionnels du droit ce sont tout de même des investisseurs étrangers qui vont décider de la « politique », entre guillemets, de l’étude notariale ou de l’étude d’huissiers.
Vous permettez finalement aux professionnels de refuser d’instrumenter alors que, jusqu’à présent, ils y étaient obligés dans tous les cas. La politique menée par l’officier ministériel lui sera dictée par les cabinets anglo-saxons, qui l’inciteront à refuser d’instrumenter dans un certain nombre de cas, notamment quand on lui réclamera des remises et ristournes.
L’amendement no 2135 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 2518 .
Il s’agit simplement d’inclure les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans le dispositif.
L’amendement no 2518 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Monsieur le ministre, vous allez ouvrir le capital de sociétés de droit à des professionnels du droit. Pas de problème, mais les contours de ces professions ne sont pas les mêmes dans les autres pays de l’Union européenne. Le solicitor britannique, par exemple, est à la fois avocat et notaire.
Ce que je vous reproche, ce n’est pas d’être ouvert sur notre époque, sur la mondialisation, ni de vouloir permettre les prises de participation croisées. Ce que craignent les notaires, c’est qu’on leur enlève une partie de leur activité pour aller progressivement vers une fusion entre la profession d’avocat et celle de notaire en France.
Le fait que des professionnels du droit, par exemple britanniques, qui sont déjà eux-mêmes notaires et avocats, puissent posséder des sociétés juridiques pose un problème parce que c’est une première étape. Ces acteurs vont ensuite importer leur modèle. Au sein des barreaux, au sein des différents organismes de représentation des professions juridiques françaises, ils vont défendre de facto leur vision de ce que devraient être ces professions, et ils prendront appui sur ce qu’ils connaissent dans leur pays d’origine.
Comme, à titre personnel, je considère que nous devons garder la spécificité des notaires, auxiliaires de l’État, auxiliaires de justice, parfois auxiliaires de l’administration fiscale, qu’il est très mauvais de vouloir mélanger les deux parce qu’ils n’ont pas exactement le même rôle par rapport à leurs clients, que les notaires sont parfois utiles pour renseigner l’administration fiscale, parfois pour filtrer, empêcher les dérives, je ne souhaite pas la fusion des professions d’avocat et de notaire.
C’est la raison pour laquelle je vous propose que l’ouverture du capital ne soit possible que si ces professionnels du droit exercent strictement dans le même périmètre. L’équivalent de l’avocat allemand, par exemple, pourra prendre une participation dans un cabinet d’avocats français s’il ne cumule pas les fonctions d’avocat et de notaire – ou d’autres professions juridiques.
Au cas où, pour une raison mystérieuse, vous vous y opposeriez, je vous propose, par l’amendement no 2134 , de limiter à 33 % les parts sociales et les droits de vote des sociétés étrangères afin de limiter l’impact qu’auront ces prises de participations dans notre système juridique.
Évidemment, monsieur le ministre, vous êtes surtout venu ici pour parler de la croissance et de l’activité, pas du système de droit continental. Un seul être nous manque et tout est dépeuplé. Nous ne répéterons jamais assez à quel point l’absence de Mme la ministre de la justice a été durement ressentie par les représentants de la nation, qui en ont conclu que, quelque part, elle se désintéressait de l’avenir du système juridique français. Malheureusement, vous en êtes le paratonnerre.
Cela étend les compétences de Bercy à des domaines qui étaient jusqu’à présent réservés au garde des sceaux.
Mon intervention s’adresse évidemment avant tout à Mme Taubira, dont vous êtes aujourd’hui le substitut. De là où elle est, j’espère qu’elle nous écoute. J’espère aussi que vous lui transmettrez notre inquiétude, et surtout qu’après avoir écouté les arguments qu’avec mes maigres moyens, je vous ai donnés, vous ne prendrez pas uniquement en compte l’aspect financier et économique, qui est naturellement le champ de votre ministère, et verrez ainsi que, derrière des aspects purement pratiques, se profile en réalité une modification substantielle et, à terme, peut-être, la fusion de certaines de ces professions juridiques, ce qu’elles ne souhaitent pas.
Vos deux amendements, monsieur Aubert, ont une dimension singulière puisque, au fond ils proposent un recul par rapport à une loi que l’ancienne majorité a adoptée le 28 mars 2011.
Je sais que nous avons tous le droit au paradoxe, mais il faut en tout cas garder à l’esprit qu’il est proposé de revenir en arrière, à la loi du 28 décembre 1971, qui prévoyait que tout groupement, société ou association d’avocats, peut être constitué entre avocats, personnes physiques, groupements, sociétés ou associations d’avocats appartenant ou non à des barreaux différents.
De son côté, la loi actuellement en vigueur, adoptée en 2011, dispose que désormais, tout avocat inscrit dans un barreau français, même s’il est issu d’un groupement d’avocats étrangers, peut librement s’associer. Dans un rapport de notre collègue Yves Nicolin, il est bien précisé que l’objectif est de permettre aux structures d’avocats ayant des bureaux à l’étranger d’intégrer parmi leurs associés des avocats n’exerçant pas en France, mais dans l’un de ces bureaux. Si je m’en tiens à l’amendement no 2134 , vouloir limiter à tel ou tel niveau la participation que les professionnels du droit européens pourraient prendre au sein de la structure d’exercice constituée par des professionnels du droit français représenterait un recul dans la capacité d’initiative qu’a conférée aux professionnels la loi voulue par l’ancienne majorité.
Nous ne cherchons pas à corriger ce qui a été fait avant nous, mais à mieux l’organiser.
Absolument pas ! Je vous laisse ce privilège… Nous essayons simplement d’adapter aux enjeux d’aujourd’hui l’organisation de ces professions du droit, en leur donnant des facultés supplémentaires. Avis défavorable pour les deux amendements.
La rapporteur général vous a répondu, monsieur le député, sur votre deuxième amendement. De plus, instruit comme vous l’êtes du droit européen, vous savez que votre dispositif n’y est pas conforme, puisque ce serait imposer une restriction à la liberté des personnes et des capitaux.
Nous ne faisons qu’offrir une faculté supplémentaire. Les notaires ne seront pas obligés de s’associer avec des avocats ou des solicitors ! Dans quel monde vit-on ? Le notaire dont vous parlez, c’est celui qui aura choisi de s’associer et de rejoindre une société d’exercice commune avec un avocat anglais ou un partenaire allemand, par exemple. Cette espèce de lecture marxiste que vous faites…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
…du notaire qui subirait la tyrannie du capital de l’avocat anglo-saxon…
Sourires
…ne me semble pas conforme à la réalité. Et loin de moi l’idée d’exciter, en disant cela, votre collègue Dolez ou votre collègue Cherki.
Si ce texte, messieurs les députés, venait changer les modalités d’exercice des professions dans notre pays, ce que vous dites aurait un sens. Mais, en aucun cas, le solicitor anglais, pas plus que le barrister, n’est autorisé à exercer sous d’autres conditions qu’aujourd’hui. En aucun cas, le solicitor, dont la charge recouvre une partie de ce que font les notaires parce que la notion d’acte authentique n’existe pas en droit anglo-saxon, ne pourra venir faire des actes qui sont aujourd’hui l’exclusivité des notaires dans le droit français. Notre texte ne le prévoit pas ! Et comme je m’échine à vous le dire depuis le début, ce texte ne vient en rien modifier notre sécurité juridique et cet ordonnancement. Vous le savez fort bien !
Je réponds précisément à la question qui m’a été posée, dans laquelle je ne veux voir ni mauvaise volonté ni malice, mais seulement une approximation :…
…il n’y a pas de remise en cause de l’acte authentique. Il ne sera donc pas possible pour un professionnel de quelque pays que ce soit, qui ne soit pas notaire en droit français, d’exercer la profession de notaire. Je réponds très précisément à votre question, après avoir lu votre exposé des motifs et vous avoir écouté. Vous proposez de contrôler et d’instaurer des restrictions, parce que, selon vous, le solicitor britannique pourra venir travailler en France sur une partie du domaine réservé à un notaire français. Cela est complètement faux. Vous avez mal lu le texte : c’est impossible.
Absolument pas ! Ce sera possible pour une partie de l’activité du notaire !
Avis défavorable.
Puisque M. le ministre a, dans un mouvement de spontanéité joyeuse, associé mon nom à une doctrine très respectable, celle du marxisme, je veux lui dire qu’à l’entendre il n’en a selon moi retenu que la notion de plus-value, et je ne suis pas sûr que nous soyons totalement d’accord sur la manière de la répartir. Comme disait Marx, si les idées naissent dans le ventre, elles peuvent parfois remonter au cerveau, et je ne désespère pas, monsieur le ministre, que nous parvenions, à l’avenir, à converger sur une définition plus progressiste de la répartition de la plus-value.
Nous venons de voter un amendement no 2518 qui me paraît être en totale contradiction avec ce que l’on vient d’expliquer sur les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. C’est pour cela que la question posée par notre collègue Aubert mérite une réponse. En appliquant les règles du droit européen – vous avez raison de le faire : quand on n’est pas d’accord avec le droit européen, on le combat, comme je l’ai fait en 2005, puis on le change –, on va donc permettre, ce qui est louable, à un avocat allemand, italien ou espagnol de pouvoir détenir du capital social et des droits de vote dans des sociétés exerçant le magistère de la représentation devant le Conseil d’État et la Cour de cassation.
Cet avocatpourra donc, dans une discussion fraternelle avec ses associés, leur faire part de la manière d’exercer la profession, ce qui est une bonne chose. Mais dans le même temps, l’avocat français, parce que vous avez refusé de briser le monopole, ne pourra pas plaider devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Ce qui apparaît le plus important, dans le texte que nous examinons, c’est de savoir comment on organise la composition du capital des sociétés plutôt que de savoir quels sont les professionnels qui peuvent exercer. Je crains qu’il n’y ait là, monsieur le ministre, une légère contradiction.
Se faire traiter de marxistes par un ministre issu d’une formation politique qui est l’alliée objective de l’extrême-gauche, c’est quand même une hérésie, …
…d’autant plus quand ce parti politique se réjouit de l’accession au pouvoir en Grèce d’un parti d’extrême-gauche. Je laisse ceux qui nous écoutent se gausser de ces déclarations.
Monsieur le rapporteur général, vous êtes de mauvaise foi. Quand vous dites que l’amendement veut revenir en arrière par rapport à la loi que nous avons votée quand nous avions la majorité, c’en est véritablement une démonstration ! Ce qui est en cause, ici, ce n’est pas le fait que les capitaux des avocats puissent être ouverts à des avocats étrangers. Ce que veut limiter M. Aubert dans son amendement, c’est le fait que cela le soit dans le cadre d’une interprofessionnalité qui concerne des officiers publics et des officiers ministériels. Elle est là, la grosse faute que vous commettez avec ce texte.
Deuxièmement, monsieur le ministre, vous nous dites que les notaires ne seront pas obligés d’ouvrir leurs capitaux. Nous le savons bien. Toutefois, lorsque, sur l’ensemble du territoire, un certain nombre de notaires seront fragilisés par la liberté d’installation que vous instaurez,…
…ils auront besoin de capitaux et ils se tourneront vers ceux qui seront prêts à leur en donner le plus : les professionnels étrangers de droit anglo-saxon.
Le même phénomène se produira pour les jeunes installés auxquels vous aurez fait miroiter l’eldorado de la liberté d’installation. Ils verront bien la difficulté qu’il y a à s’installer dans des zones qui ne sont pas véritablement carrossées et pour lesquelles ils auront besoin d’un fonds d’amorçage qu’ils trouveront où ils le pourront. De nouveau, les cabinets anglo-saxons seront appelés à la rescousse.
Je laisserai les explications techniques à mon collègue Huyghe. Je vous signale toutefois, monsieur le ministre, que vous n’avez pas répondu aux questions de mon collègue Aubert sur les capitaux. Nous connaissons vos orientations libérales, qui font même les unes des journaux, et nous vous félicitons pour votre sourire, votre gentillesse et votre intelligence, …
…mais voir un ministre socialiste – cela mérite d’être relevé par la presse – dénoncer d’un côté la collusion historique et positive entre les gaullistes et les communistes et de l’autre nous accuser, comme si c’était une insulte, d’être marxistes, puis voir le groupe socialiste applaudir à cette idée comme un seul homme – vous avez manqué cela, monsieur Le Roux ! –, on a cru que le collègue Cherki allait avoir quelques difficultés à continuer de vivre avec vous !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Loin des notaires, des avocats et des experts-comptables, il est tout à fait remarquable, monsieur le ministre, que votre réflexion ait trahi l’orientation du Parti socialiste.
Marx disait qu’en terrain plat, les mottes font l’effet de collines. Vous devriez tous y réfléchir désormais.
Je veux revenir aux amendements. Si je n’ai pas la compétence de plusieurs de mes collègues sur ces professions, je suis très surpris de la vision très obsidionale de celles-ci. En France, nos professionnels du droit seraient attaqués, soumis, incapables de s’organiser entre eux, moins compétents que les autres pour rendre le service qui leur est demandé. C’est une image défaitiste qui, in fine, ne donne pas l’impression de dynamisme que nous voulons insuffler par cette réforme.
L’amendement no 3116 n’est pas adopté.
L’amendement no 2134 n’est pas adopté.
L’article 20 ter est adopté.
La plaisanterie ne justifie pas l’insulte, mais elle nous permet au moins d’utiliser utilement votre temps de parole, monsieur Darmanin !
Sourires.
Je ne veux pas rentrer dans ce débat intime, monsieur le député ! Le Gouvernement propose d’insérer après l’article 20 ter un article prévoyant une habilitation pour permettre la désignation en justice des huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires pour exercer certaines fonctions de mandataires judiciaires à titre habituel et pour déterminer des modalités de rémunération, de discipline, de contrôle, de comptabilité et de représentation des fonds analogues pour les mandataires judiciaires. Il s’agit de mettre en oeuvre l’une des préconisations que nous avons évoquées en commission spéciale, en particulier le poids excessif des petites liquidations judiciaires dans les activités des mandataires qui sont trop peu nombreux pour traiter seuls ces dossiers à faible enjeu et coûteux en temps.
La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.
Sourires.
Nous avons en effet sous-amendé car la disposition proposée par le Gouvernement et que nous approuvons devrait se limiter à un certain niveau financier de liquidation judiciaire ou de rétablissement personnel. C’est pourquoi notre sous-amendement est ainsi rédigé : « Ces nominations ne peuvent intervenir que pour les procédures judiciaires ou de rétablissement personnel. Elles sont exclues dès lors que le débiteur emploie un ou plusieurs salariés et que son chiffre d’affaires est supérieur à 100 000 euros. » Je précise qu’il s’agirait du chiffre d’affaires « annuel » : l’amendement doit être ainsi rectifié. Il me semble que de la sorte on maintiendrait l’objectif de l’amendement du Gouvernement tout en le circonscrivant aux petites procédures de liquidation. L’avis est donc favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 3278 rectifié .
Favorable.
Permettez-moi d’être surpris à la fois par l’amendement gouvernemental et par ce sous-amendement – qui a connu un accouchement un peu difficile. Il est très préoccupant que cet amendement revienne sur les conclusions des travaux de la commission spéciale. C’est évidemment une prérogative du Gouvernement, mais je m’en étonne tout de même pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je rappelle que les mandataires judiciaires exercent une profession tout à fait spécifique. Nous en avons largement débattu : elle fait appel à des compétences très particulières et demande une formation spéciale et continue en raison même de la spécificité de l’activité. Nous étions donc parvenus en commission à un large consensus autour de l’article 20, qui prévoyait très clairement que les mandataires judiciaires étaient exclus de la fameuse profession unique en raison même de la spécificité de leur activité – je pense aux licenciements auxquels ils doivent procéder dans certains cas. Je pensais donc que la question était réglée. Et voilà que le Gouvernement revient à la charge, proposant à nouveau que des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires puissent exercer cette activité.
En plus, la réciproque ne sera pas vraie : les mandataires judiciaires ne pourront pas exercer l’activité d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.
Nous ne comprenons vraiment pas cette orientation du Gouvernement. Elle est en total décalage avec ce que vous nous avez dit vous-même en commission, monsieur le ministre. C’est incompréhensible et surtout très méprisant pour la profession de mandataire judiciaire. Plus grave encore, c’est extrêmement inquiétant pour ceux qui connaissent les procédures de redressement et de liquidation, car il y faut une expertise très forte et des connaissances juridiques spécifiques qui ne sont pas forcément présentes du côté des huissiers de justice.
Vous voir arriver avec un tel amendement relève d’une politique de Gribouille.
Je m’érige avec force contre un amendement qui n’a absolument aucun sens. Une fois de plus, on aurait bien besoin de la garde des Sceaux pour débattre avec elle de ce sujet parce que la manière dont vous le traitez montre un mépris pour les professions du droit.
Je voudrais avoir un peu plus d’explication sur le sous-amendement. L’exposé sommaire indique seulement qu’il « se justifie par son texte même ». Il me semble, monsieur le rapporteur général, qu’il y a tout de même un flou quand il est mentionné que les débiteurs employant un ou plusieurs salariés seraient exclus du nouveau dispositif, car je rappelle qu’un débiteur peut être une société qui emploie son gérant comme unique salarié. Cela signifierait que toute forme sociétaire serait exclue du nouveau dispositif. Il me semble qu’il y a une zone grise qui mérite à tout le moins d’être éclairée, ce qui n’enlève rien à l’extrême pertinence des propos de M. Hetzel.
Je m’associe aux excellentes explications de mon collègue Hetzel. Je veux juste interroger M. le ministre sur ce qu’il entend dans son amendement par les mots : « Pour exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire ». Soit on exerce leurs fonctions, soit on ne les exerce pas.
Mais le sous-amendement ne répond pas à la question, mon cher collègue. Bien au contraire, il laisse à penser que les officiers ministériels désignés exerceraient la plénitude des fonctions de mandataire judiciaire en dehors des cas d’exclusion déterminés par le sous-amendement.
Pour répondre à mon collègue Herth : il m’a parfaitement bien lu et parfaitement bien compris.
Sa question était de savoir si les débiteurs étaient bien exclus du champ d’application de l’amendement s’il y avait au moins un salarié. Je le lui confirme. Il n’y a donc pas de zone grise. C’est parfaitement clair.
Monsieur Hetzel, vous avez fait référence aux débats que nous avons eus sur l’article 20 en commission spéciale et je vous rends grâce pour votre contribution. Le choix a été fait de ne pas regrouper cette profession avec les autres. L’objectif de l’amendement no 2802 n’est pas de revenir là-dessus, bien au contraire – sinon le Gouvernement l’aurait fait par voie d’amendement sur l’article. Fort de ce constat, je rappelle que nous avons débattu du cas des petites créances.
Ce qui est recherché à travers cet article, c’est de pouvoir ouvrir, dans le cas de petites créances, l’activité qui est aujourd’hui une exclusivité des mandataires judiciaires aux huissiers. Pourquoi ? Parce que l’on a constaté que dans les territoires – pardon d’utiliser de nouveau ce terme, monsieur Houillon…
Sourires.
Je reprends : à l’origine de la réforme proposée par le Gouvernement, il y a le constat d’une insuffisance du nombre de mandataires – pas partout, certes, mais dans certaines parties du territoire. Le présent amendement ne vise pas à regrouper les professions – les débats que nous avons eu en commission spéciale, éclairés par l’avis du Conseil d’État, ont permis de régler cette question –, mais à ouvrir aux huissiers, lorsqu’il s’agit de petites créances uniquement, certaines « des » fonctions de mandataire judiciaire. Je vous accorde, monsieur Houillon, que la formulation retenue est maladroite et je m’engage à la corriger. C’est pourquoi, compte tenu de l’incertitude qui perdurait, nous avons demandé une interruption de séance afin de pouvoir rédiger le sous-amendement qui vous a été présenté par le rapporteur et qui tend à préciser les cas dans lesquels nous souhaitons permettre cette ouverture.
Je reconnais que je porte ma part de responsabilité dans ce cafouillage : l’amendement aurait dû être mieux rédigé et circonscrit aux « petites créances » ainsi définies, ce qui aurait levé toute ambiguïté. L’objectif n’est pas de revenir à un regroupement de la profession de mandataire avec les autres : le débat a été purgé, puisque vous avez été les uns et les autres pleinement convaincants durant l’examen en commission – je veux rendre grâce tout particulièrement au rapporteur. L’objectif est d’avoir la possibilité d’ouvrir à d’autres professionnels une part très réduite des activités, celles qui concernent les petites créances. Le fait que soient exclues du champ d’application les procédures visant un débiteur dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 000 euros et qui emploie un ou plusieurs salariés montre bien qu’il s’agit du cas type de l’artisan en liquidation. Cela ne semble donc pas de nature à déstabiliser la profession de mandataire ; tel est d’ailleurs le constat tiré par l’Autorité de la concurrence, au vu du nombre d’actes relevant de la catégorie concernée par la disposition. Il s’agit simplement de permettre une plus grande ouverture entre les professions.
Je vous prie de m’excuser pour ce cafouillage rédactionnel qui m’est entièrement imputable. Je veux ici rendre grâce aux travaux de la commission spéciale et confirmer que le Gouvernement n’a pas la volonté de regrouper les professions, mais simplement d’ouvrir aux huissiers les fonctions de mandataire judiciaire lorsqu’il s’agit de petites créances.
Monsieur le ministre, vous nous rassurez en partie, mais prenons le cas d’un mandataire judiciaire de mon secteur : 60 % de ses affaires sont concernées par ce type d’activités. Vous allez le mettre en difficulté !
Monsieur le ministre, je ne veux pas être grognon ni vous déplaire, je reconnais bien volontiers les efforts que vous accomplissez depuis tant de semaines et j’en suis même admiratif – mais enfin, vos réponses sont toujours un peu approximatives et déconnectées de la réalité !
Vous présentez un texte sur les procédures collectives. Or, quelle que soit l’entreprise, à partir du moment où il y a liquidation judiciaire et qu’un mandataire est désigné, celui-ci doit remplir sa mission et accomplir un certain nombre de fonctions. Évoquer de « petites créances », pardonnez-moi, mais cela ne rime à rien !
Si un huissier est désigné, il pourra peut-être recouvrer les petites créances de l’artisan, mais il lui faudra aussi engager la procédure de vérification des créances, réaliser la cession du fonds de commerce – car ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de salariés qu’il n’y a pas de fonds de commerce –, mettre un terme aux contrats en cours. Certes, il n’aura pas de licenciements à faire, en raison du sous-amendement du rapporteur, mais il lui faudra néanmoins accomplir toutes ces missions-là ! On ne peut donc pas se contenter de la réponse : « Il s’occupera des petites créances. » Il y a un mandataire, une liquidation judiciaire et un périmètre de mission qui variera en fonction des particularités de l’affaire, mais l’on ne peut pas réduire les choses au recouvrement des petites créances.
Par ailleurs, il ne s’agit pas des mêmes professions : il existe une spécificité de la profession de mandataire judiciaire. Mais nous avons déjà eu ces débats en commission spéciale !
Je crains que l’on ne soit en train de créer une confusion entre les professions de mandataire judiciaire d’un côté, d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire de l’autre. Ce sont pourtant des métiers bien différents. Il existe un certain nombre de particularités qui tiennent à la vie des entreprises, en termes d’obligations juridiques, sociales ou fiscales, et qui relèvent de fonctions bien spécifiques, qu’exercent aujourd’hui les mandataires.
Deuxième source d’inquiétude : très souvent, lorsqu’une entreprise est placée en liquidation judiciaire – je le sais pour l’avoir vécu par le passé –, il n’existe plus de comptabilité depuis un an, voire deux.
J’ai ainsi connu des entreprises qui ne disposaient plus d’aucun élément de comptabilité depuis deux ans.
Quand le tribunal constatera la liquidation judiciaire, comment pourra-t-on avoir les informations comptables et connaître le chiffre d’affaires, s’il n’existe plus de comptabilité et que l’on ne peut pas reconstituer celle-ci faute d’éléments, par exemple parce que le chef d’entreprise se trouve interdit de chéquier et réalise toutes ses transactions en espèces ? Le seuil de 100 000 euros soulève donc une vraie difficulté et je crois que vous n’avez pas bien estimé toutes les conséquences de cette disposition. Ce que vous proposez sera impossible à mettre en pratique.
Le fait que le sous-amendement du rapporteur général, qui a souhaité apporter une précision concernant le seuil, nous ait été soumis de cette manière, montre d’ailleurs que tout cela n’a pas été préparé : il n’y a eu aucune évaluation des conséquences de la mise en place du seuil.
En outre, combien de fois nous sommes-nous plaints dans cet hémicycle que les seuils posaient problème ? À chaque fois, on dit qu’il faut simplifier, et au final on en crée de nouveaux !
Malgré vos arguments, monsieur le ministre, je reste dubitatif, et cela pour trois raisons principales.
D’abord, je l’ai évoqué tout à l’heure, il y a chez les mandataires judiciaires une expertise, une cohérence professionnelle. En réalisant ce transfert, même si vous le limitez aux procédures concernant des chiffres d’affaires inférieurs à 100 000 euros, vous rompez cette cohérence professionnelle. Lorsque l’on examine la situation à l’étranger, on s’aperçoit que si, juridiquement, il n’existe pas nécessairement un corps de professionnels ayant la qualité de mandataires judiciaires, dans beaucoup de pays européens une telle expertise existe et il y a la volonté de la professionnaliser davantage. Il serait pour le moins paradoxal qu’au moment où les autres pays cherchent à développer l’activité de mandataire judiciaire, parce qu’il s’agit précisément d’une activité économique spécifique, la France fasse le choix inverse !
Ensuite, notre collègue Cherpion l’a mentionné, à travers ce dispositif vous allez fragiliser un certain nombre de mandataires judiciaires, puisque vous allez leur enlever une partie de leur activité. Si, comme c’est souvent le cas en milieu rural, les petites créances représentent une partie significative de celle-ci, vous les condamnerez à arrêter. En définitive, vous allez mettre les mandataires judiciaires en redressement judiciaire : voilà qui serait plutôt cocasse !
Enfin, si l’on se place du strict point de vue de la rentabilité et de la viabilité économique, pourquoi un dossier non rentable le deviendrait-il dès lors qu’il serait transféré chez l’huissier de justice ? La problématique reste la même !
Non seulement vous ne réglez rien sur le plan économique, mais vous êtes en train de fragiliser une profession !
Monsieur le ministre, je me souviens très bien que lors du débat en commission spéciale, la principale raison pour laquelle nous avions exclu les mandataires judiciaires de cette profession unique était le risque de conflit d’intérêts. Or ce risque existe tout autant pour les créances de moins de 100 000 euros ! Un huissier qui aura fait une saisie auprès d’une entreprise au cours d’une période suspecte, puis qui devra procéder à la liquidation de ladite entreprise, comment fera-t-il pour remettre en cause la saisie qu’il aura effectuée lui-même ? Le risque de conflit d’intérêts existe quel que soit le montant de la créance ! Il s’agit là d’un retour en arrière par rapport à ce que nous avions adopté en commission spéciale, et c’est très préjudiciable à la profession.
Tout d’abord, je souhaiterais que l’on revienne dans la vie réelle. L’amendement, tel qu’il a été déposé, puis sous-amendé, tend à offrir au juge du commerce saisi du dossier une faculté. Cela signifie que le juge appréciera lui-même qui il doit solliciter pour résoudre au mieux le problème qui lui est posé.
Il convient de confronter la faculté ainsi proposée à l’état actuel du droit. Que dit l’article L. 641-1 du code du commerce ? « Lorsque la liquidation judiciaire est prononcée au cours de la période d’observation d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le tribunal nomme le mandataire judiciaire en qualité de liquidateur. Toutefois, le tribunal peut, par décision motivée, à la demande de l’administrateur, d’un créancier, du débiteur ou du ministère public, désigner en qualité de liquidateur une autre personne dans les conditions prévues à l’article L. 812 ». Et que dit l’article L. 812 ? Que les mandataires judiciaires sont des mandataires, personnes physiques ou morales, qui répondent à un certain nombre de qualités, lesquelles sont précisées à l’article L. 812-3 : être Français, ne pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, ne pas avoir été l’auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire, etc.
Par conséquent, ce que l’amendement propose, c’est qu’il soit dit explicitement que les huissiers et les commissaires-priseurs de justice peuvent faire partie des personnes que le juge peut avoir, le cas échéant, besoin de désigner ; et nous souhaitons préciser que cette faculté ne peut être utilisée que dans le cadre de contentieux ayant besoin que les liquidations soient effectuées dans des délais rapprochés, dans l’intérêt tout à la fois de la bonne administration de la justice, des créanciers et des débiteurs. Il ne me semble pas que nous contrevenions au droit actuel !
L’apocalypse annoncée aurait dû avoir lieu depuis belle lurette, puisque le code de commerce prévoit déjà la faculté pour les juges d’avoir recours à d’autres personnes physiques ou morales que les mandataires dûment désignés. Il s’agit aujourd’hui simplement de préciser que ces personnes peuvent être des huissiers de justice ou des commissaires-priseurs judiciaires. Cela ne me semble pas illégitime, surtout si c’est circonscrit aux cas visés par le sous-amendement.
M. le rapporteur a évoqué plusieurs points importants. Je reviendrai à présent sur plusieurs questions qui ont été légitimement soulevées par les orateurs de l’opposition, et donnerai quelques chiffres.
Tout d’abord, le débiteur qui se retrouve en cessation de paiement et saisit le tribunal est tenu de déclarer son chiffre d’affaires, ainsi que son passif.
C’est cela qu’il vient donner, faute de quoi le tribunal se fondera sur une reconstitution. Vous avez raison de dire que souvent, il n’y a plus d’expert-comptable : dans ce cas, une évaluation est faite d’office.
C’est comme cela que ça se passe. Il est donc possible de faire référence, pour le seuil, au chiffre d’affaires.
Ensuite, le seuil de chiffre d’affaires défini pour les procédures collectives est de 300 000 euros. Au-dessous de ce seuil, il est possible d’appliquer la procédure de liquidation judiciaire simplifiée. En 2011, il y a eu 6 000 procédures de liquidation simplifiée, pour des entreprises dont le chiffre d’affaires était inférieur au seuil de 300 000 euros. Aux termes du sous-amendement de M. Ferrand, le dispositif que nous proposons s’appliquera aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un seuil de 100 000 euros. Vous comprenez donc que ce dispositif ne concernera pas des dizaines de milliers d’affaires !
Le seuil proposé est trois fois inférieur à celui qui s’applique à la procédure de liquidation simplifiée. Cela concerne vraiment de petites créances.
De petits passifs, oui.
Troisièmement, pour répondre à M. Cherpion, c’est bien le juge qui désigne le mandataire judiciaire.
L’amendement no 2802 donne au juge la possibilité de recourir pour cela à un ensemble plus large de professionnels, dans un cadre bien défini et pour des situations bien définies. Quoi qu’il en soit, l’habilitation proposée par cet amendement n’aboutira qu’à donner au juge une faculté, qui sera encadrée. En aucun cas il ne s’agit d’une substitution automatique.
Nous voulons remédier à la situation de territoires qui n’ont pas suffisamment de professionnels, et donc peu de concurrence. Cela a été observé dans plusieurs territoires : les juges font systématiquement face aux mêmes mandataires judiciaires, dans des situations très diverses, où un conflit d’intérêts peut apparaître. Nous ne faisons donc que donner une faculté supplémentaire aux juges dans des cas où, de toute façon, un mandataire judiciaire aurait été nommé. La menace que vous évoquez doit donc être relativisée par la procédure même de désignation dudit professionnel.
Je voulais également apporter des éclaircissements sur les éléments déontologiques et de conflits d’intérêts, mais M. le rapporteur s’en est chargé. Il était important de donner ces éléments.
Sur l’amendement no 2802 , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur le sous-amendement no 3278 rectifié , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Nous avons cinq minutes à attendre avant de pouvoir voter par scrutin public sur l’amendement no 2802 et le sous-amendement no 3278 rectifié . Je profite de ce moment pour revenir sur deux points.
Premièrement, il pourrait y avoir une situation de conflit d’intérêts entre ces différents professionnels, qui se succéderaient, avec des missions différentes, dans les entreprises. On pourrait imaginer un huissier qui interviendrait dans une entreprise pour une mission propre à ses fonctions d’huissier, et qui serait ensuite – ou concomitamment – sollicité dans le cadre du dispositif prévu par l’amendement du Gouvernement. Vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre, à cette question.
Deuxièmement, je regrette que l’on revienne sur ces dispositifs. Une ordonnance a en effet été prise le 12 mars 2014, relative à la prévention des difficultés des entreprises. Cette ordonnance a mis en place un certain nombre de procédures, notamment une procédure de simplification permettant de clôturer assez vite des liquidations qui ne sont pas importantes en soi. Elle permet de mener des procédures de rétablissement professionnel d’une durée de quatre mois.
Nous revenons sur un nouveau dispositif et de nouvelles procédures, alors qu’il y a quelques mois, le 12 mars dernier, cette ordonnance modifiait déjà les procédures applicables aux liquidations judiciaires. Il est regrettable de tout le temps modifier les dispositions applicables.
L’argumentation de M. Ferrand était très convaincante, mais en faveur du statu quo ! Vous avez raison, monsieur le rapporteur : à l’heure actuelle, le livre VI du code du commerce permet déjà, à titre exceptionnel et après avis motivé du juge, de désigner un huissier. Cette disposition permet donc déjà de résoudre le problème évoqué par M. le ministre.
Il faut faire attention aux mots : les dispositions que vous proposez reviennent à transformer une procédure exceptionnelle, qui doit être motivée, en procédure habituelle. Il y avait un pied dans la porte, et vous êtes en train d’ouvrir ! Ce qui est terrible, c’est que vous ne l’assumez pas ! Votre argumentation cherche à nous tromper : dans les textes, cette procédure existe, mais elle est exceptionnelle et doit être motivée, alors que ce que vous proposez, c’est de la rendre habituelle. Ce n’est pas la même chose.
Je pense donc que vous allez trop loin. Le juge a déjà les facultés nécessaires pour résoudre le problème évoqué par M. le ministre ; en proposant d’aller plus loin que l’état actuel de cette procédure, vous opérez un glissement. Je tenais à le souligner ici : cela montre bien votre méconnaissance du terrain. C’est vous qui le méconnaissez, et non pas nous !
Mon cher collègue, à aucun moment je n’ai cherché à vous tromper ! J’ai simplement lu des articles du code du commerce actuellement en vigueur. Par ailleurs, je ne vois pas ce qui vous autorise à dire que vous connaissez mieux le terrain que les autres.
Non, je n’ai pas employé ces termes, mon cher collègue. Mais enfin peu importe…
Il s’agit bien, je tiens le rappeler, d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance. Je ne doute pas, pour ma part, que lorsque le Gouvernement travaillera à cette ordonnance, il tiendra compte des réticences que vous avez exprimées, des arguments que vous avez donnés. De la sorte, parce qu’elle tiendra compte de nos débats, l’ordonnance sera enrichie et sa qualité sera meilleure.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 44 Nombre de suffrages exprimés: 42 Majorité absolue: 22 Pour l’adoption: 30 contre: 12 (L’amendement no 3278 rectifié est adopté.)
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 43 Nombre de suffrages exprimés: 41 Majorité absolue: 21 Pour l’adoption: 29 contre: 12 (L’amendement no 2802 est adopté.)
Certainement, madame la présidente, c’est ce que je m’apprêtais à faire.
Ces amendements prévoient un dispositif d’information des notaires, huissiers, commissaires-priseurs et greffiers de tribunaux de commerce, quand ils sont salariés, en cas de cession de parts ou de l’office. Cela permettrait de favoriser la titularisation ou l’association de ces professionnels salariés.
Concernant les notaires, ces amendements sont conformes à une recommandation de l’Autorité de la concurrence, qui préconise, au paragraphe 540 de son avis sur les professions juridiques réglementées, d’ « instituer un droit du notaire salarié à information des perspectives de cessions de parts sociales de son office ».
Avis défavorable. Il est vrai que nous avons pris connaissance de ces amendements avec un grand intérêt. Nous nous interrogeons cependant quant à l’articulation du dispositif proposé avec le droit actuellement reconnu aux notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs, ainsi qu’aux greffiers des tribunaux de commerce, de présenter leur successeur à l’agrément du garde des Sceaux. Avant d’envisager un droit d’information des salariés en cas de cession d’un office, peut-être faudrait-il expertiser ce que représente le droit de présentation dans la valeur d’un office, et déterminer en conséquence si la consécration de ce droit d’information rend nécessaire une indemnisation.
Nous pensons qu’il vaudrait mieux, par prudence, retirer ces amendements, madame Bonneton. L’avis de la commission est défavorable.
Même avis.
Cet article est relatif au développement de l’interprofessionnalité d’exercice entre les professions du droit et du chiffre. Les professions judiciaires, juridiques – on pense aux administrateurs judiciaires, aux commissaires-priseurs, aux huissiers, aux mandataires, aux avocats, aux notaires, à d’autres encore – et les experts-comptables sont concernés. Il est prévu de permettre la constitution de sociétés qui pourront exercer l’ensemble de ces activités. Par ailleurs, il est prévu que la totalité du capital social et des droits de vote soient détenus par des personnes qui exercent ces professions.
À ce sujet, j’ai deux questions à poser à M. le ministre. Nous les avons déjà abordées en commission spéciale, mais je voudrais y revenir de manière plus précise, car je ne suis pas certaine d’avoir bien perçu un certain nombre de nuances. Il est prévu que les personnes qui détiennent le capital social et les droits de vote exercent l’une des professions concernées.
Première question : il me semble qu’aux termes de cet article, une personne exerçant l’une de ces professions pourra détenir du capital social et des droits de vote dans une société, même si elle n’exerce pas cette profession dans ladite société. Pourriez-vous confirmer cette interprétation de l’article 21 ?
Deuxième question : il est prévu que les personnes qui détiennent le capital social et les droits de vote exercent ces professions. Prenons l’exemple d’une société exerçant l’ensemble de ces activités – judiciaire, juridique, et d’expertise-comptable –, mais dont l’objet social est d’être avocat. Pourrait-on imaginer que son capital social soit détenu intégralement par un huissier qui n’exercerait pas dans ladite société, mais ailleurs ?
Si vous étiez amené à répondre par l’affirmative à mes questions, cela signifierait que l’article 21 prévoit la possibilité de constituer de grandes sociétés regroupant les professions du droit et du chiffre, sans qu’il soit établi un lien entre la profession des détenteurs du capital social et l’exercice effectif de cette profession au sein de la société.
J’ai bien compris que l’article 20 ter avait pour objectif d’associer des professionnels du droit au sein d’une société ayant pour objet l’exercice de l’activité. Au passage, j’indique qu’une telle association était déjà possible, sous la forme de société d’exercice libéral. L’article 20 ter vise à élargir cette possibilité, en prévoyant de regrouper des professionnels mettant en commun leur exercice et leurs compétences.
L’article 21, quant à lui, prévoit de créer des sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs professions judiciaires, juridiques et de la profession d’expert-comptable. Il va donc plus loin, car il vise à regrouper des professionnels du chiffre et des professionnels du droit. Si j’ai bien compris, l’objectif est bien l’exercice en commun de l’activité.
Ces professionnels n’ayant, a priori, pas la même vocation ni le même objectif, l’association au capital présente pour eux également un intérêt financier. La rémunération d’un professionnel peut provenir de son travail ou de ses propres capitaux. Il n’a qu’à choisir entre la rémunération du travail ou celle du capital, qui peut parfois passer par une optimisation sociale ou fiscale. C’est vieux comme le monde !
Si des professionnels d’horizons différents s’associent au capital, leurs intérêts seront également différents. Celui qui participera au capital d’une société s’attendra à une rémunération de ses capitaux. L’objectif de ces dispositions est de donner du pouvoir d’achat aux usagers et aux consommateurs ; mais le dispositif ne risque-t-il pas d’entraîner une surévaluation des prestations, afin de rémunérer aussi le capital investi par des professionnels tout à fait différents ?
Je continue de réviser mon droit de façon approfondie ! Il s’agit d’un examen attentif, passionné et certainement utile de toutes ces professions, dans un monde en mouvement. Je partage les interrogations de Mme Louwagie et de M. Clément sur les détenteurs des capitaux sociaux et sur la responsabilité des dirigeants de ces sociétés – je ne répéterai pas les arguments qu’ils ont développés.
En second lieu, depuis que je suis député, je me méfie toujours quand on me parle d’ordonnance. Que n’a-t-on pas fait en recourant aux ordonnances ? Nous avons notamment transposé des pans entiers de droit européen en droit français, sans qu’il n’y ait jamais le moindre débat, à la grande incompréhension de nos concitoyens, ce qui est très préjudiciable et regrettable.
Je l’ai dit mille fois à l’époque où nous y avions recours sans modération. Aujourd’hui, nous le payons très cher.
Je vous connais, monsieur le ministre, vous êtes très sérieux et promis à un avenir brillant ; vous ne vous hasarderez donc pas à prendre n’importe quelle ordonnance. Mais votre successeur pourrait ne pas avoir la même rigueur intellectuelle. Au-delà du présent débat, je tiens à dire que j’aime bien légiférer quand on légifère.
Nous nous posons un certain nombre de questions sur l’article 21 prévoyant d’autoriser la création de sociétés pluriprofessionnelles du droit et du chiffre, en particulier sur la disposition précisant que l’intégralité du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes qui exercent l’objet social d’une de ces professions. L’analyse publiée le 19 janvier dernier par Dalloz Actualité nous interpelle – je la tiens à votre disposition, si vous ne l’avez pas lue, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs. En effet, selon cette analyse, cette mesure est tout à fait illusoire et n’importe qui pourra contrôler indirectement la société multiprofessionnelle, grâce à deux contournements.
Premier contournement, cette future société pluriprofessionnelle peut ouvrir la majorité de son capital à une société d’expertise-comptable, dès lors qu’un expert-comptable y travaille. Or, le capital d’une société d’expertise-comptable implantée en France peut lui-même être entre les mains d’un financier, même si les deux tiers des droits de vote doivent appartenir à des professionnels implantés en Europe. Le deuxième contournement peut se faire par des professionnels exerçant en Europe. En effet, ces derniers peuvent détenir la totalité du capital et des droits de vote de la société pluriprofessionnelle. En conclusion, la note souligne que cette libéralisation est d’autant plus forte qu’il n’est prévu aucune contrainte en matière de gouvernance de la société, contrairement à ce qui est généralement exigé dans les entreprises monoprofessionnelles libérales.
Monsieur le ministre, pensez-vous que cette analyse soit fondée ? Si c’est le cas, quelles dispositions préconisez-vous pour éviter ce double contournement ?
Le groupe UDI s’inquiète également de cet article. D’abord, parce que vous demandez à nouveau une habilitation pour légiférer par ordonnance. Ensuite, parce que la création d’une structure d’exercice commun associant à la fois les professionnels du droit et ceux du chiffre pose un vrai problème d’ordre déontologique. L’exercice commun au sein d’une société de plusieurs professions judiciaires, juridiques et de la profession d’expert-comptable pose la question du conflit d’intérêts entre les différentes professions d’une même société.
Le texte a été amélioré en commission : la disposition visant à ouvrir à des tiers n’exerçant pas une profession juridique ou judiciaire ou une profession d’expert-comptable la possibilité de prendre une participation au capital de ces structures a été retirée. Néanmoins, nous restons inquiets car il faut s’assurer de l’indépendance, de la transparence et de l’absence de conflits d’intérêts au sein de ces structures, c’est-à-dire de l’impartialité.
Nous nous posons un certain nombre de questions. L’ouverture de ces sociétés à des personnes établies dans un autre État que la France ne crée-t-elle pas un risque de financiarisation de ces sociétés ? Sous couvert de l’admission des experts-comptables, l’ouverture de ces sociétés ne risque-t-elle pas de se traduire par l’entrée de fonds de pension au capital ? Cette entrée au capital ne risque-t-elle pas d’entraîner une délocalisation des professions juridiques, judiciaires et de la profession d’expert-comptable vers des sociétés étrangères déjà constituées en full service ? En effet, la formation à l’exercice de la profession d’expert-comptable n’est pas la même dans chaque pays membre de l’Union européenne.
Madame la présidente, cette intervention vaudra défense de l’amendement no 1143 , qui viendra en discussion plus tard. Avant de m’exprimer sur l’article, je voudrais faire une remarque à M. le ministre, qui a évoqué tout à l’heure les paradoxes de l’opposition. J’aurais pu, moi aussi, soulever un autre paradoxe, lors de nos débats d’hier soir : le présent texte prévoit à de nombreuses reprises que l’Autorité de la concurrence soit saisie pour avis. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’elle n’a, en revanche, pas été consultée sur ce texte !
J’en viens à l’article 21. Comme M. Vercamer, je regrette qu’il prévoie le recours aux ordonnances, qu’aucune raison ne peut ici défendre. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas s’appuyer sur les textes existants, dont certains, on le sait, n’ont pas réellement été mis en oeuvre ?
Je souhaite également signaler que ces dispositions peuvent entraîner un risque réel de conflits d’intérêts, malgré les éléments prévus pour les éviter. Il est évidemment plus difficile de prévenir leur apparition quand les professionnels du droit et du chiffre évoluent dans la même structure juridique ou dans les mêmes locaux, que lorsqu’ils sont dans des structures et des locaux différents.
Surtout, la philosophie générale de l’article 21 – mais aussi des articles précédents, comme l’article 20 – me dérange. On le voit, en effet, ces articles s’inspirent du modèle anglo-saxon pour ce qui concerne les cabinets du droit et du chiffre. Ces cabinets ont déjà, malheureusement, pris pied à Paris, et s’y sont emparé du marché du droit des affaires. Avec ces dispositions, monsieur le ministre, vous leur ouvrez grand les portes du marché du droit en France. Ces cabinets vont achever leur installation dans notre pays : en province, les cabinets indépendants et les notaires, déstabilisés par les dispositions prévues par le présent texte, vont devoir faire appel à des partenaires, qui entreront dans leur capital. Ce faisant, ils deviendront les satellites des cabinets anglo-saxons, qui les cannibaliseront, en quelque sorte.
Dans les grandes villes, à Paris, nous trouverons des supermarchés du droit, dotés de succursales dans les régions de France : tel est le modèle que vous avez dessiné, monsieur le ministre, et que vous voulez mettre en place. C’est tout à fait regrettable ; notre droit avait ceci de particulier qu’il protégeait les professionnels, ce qui n’a rien d’indécent. Je sais que cela n’est pas du tout votre philosophie, monsieur le ministre. Il n’y a qu’à voir la façon dont vous avez géré le dossier Alstom, en abandonnant cette entreprise aux intérêts américains sans rien faire pour la défendre ; il n’y a qu’à voir la façon que vous avez de répondre à ma question, la semaine dernière, sur la société MyFerryLink, société de Calais où 600 emplois sont en jeu, et de prétendre, les bras ballants, qu’il n’y a rien à faire, pour s’en convaincre. Votre philosophie, c’est de laisser faire, de laisser passer, de ne pas défendre les entreprises françaises, y compris les professionnels du droit et du chiffre. Ce n’est pas notre approche.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Cela peut vous déranger, chers collègues de la majorité ; il n’empêche que je trouve surprenant de vous voir voter de telles dispositions. Vous êtes malheureusement les complices de la déstabilisation que l’adoption de ce texte entraînera pour les professionnels du droit et du chiffre. Pour notre part, nous le dénonçons et continuerons de le faire.
Monsieur le ministre, contrairement à ce tout ce que vous pouvez dire, nous sommes en plein dans l’anglo-saxonisation de notre droit que je dénonçais tout à l’heure. En fait, il faut regarder votre texte non pas article par article, mais série d’articles par série d’articles. En l’occurrence, il faut regarder l’article 20 ter, que vous avez voté tout à l’heure, puisque nous nous y sommes opposés avec véhémence, l’article 21 et enfin l’article 22, qui sera prochainement examiné.
On s’aperçoit alors qu’on obtient un dessein d’ensemble – certains ont parlé de supermarchés du droit – qu’on peut lire comme une manière de tuer et d’asphyxier, en réalité, notre système juridique. Je m’explique. Avec l’interprofessionnalité, à laquelle il faut ajouter l’ouverture aux capitaux étrangers, de l’article 20 ter, ainsi que les prises de participation rendues possibles par l’article 22, dans quelle situation allez-vous vous trouver ? Vous aurez de gros cabinets, avec des professionnels du droit d’horizons divers, des avocats, des notaires et des huissiers. Des professionnels étrangers, des lawyers, interviendront dans ces grands cabinets.
Ils arriveront avec leurs capitaux, notamment ceux des gros cabinets anglo-saxons. Ils fonctionneront jusqu’au jour où ces détenteurs de capitaux, qui se seront multipliés sur notre territoire grâce à la liberté d’installation votée précédemment, viendront voir le Gouvernement pour lui expliquer très gentiment que, leurs lawyers rédigeant les actes, les officiers ministériels ne sont là que pour apposer leur tampon au bas de l’acte. Or, ce tampon est bien plus qu’un vulgaire tampon, puisque c’est simplement le sceau de l’État et la représentation de l’autorité publique apposés par des officiers ministériels et publics.
Ces professionnels étrangers demanderont alors pourquoi, puisque ces officiers ministériels et publics ne feront qu’entériner ce qui a été rédigé par les différents professionnels du droit, notamment de culture anglo-saxonne, il leur faudrait conserver ces agents certificateurs. Ils demanderont donc à l’État français de les supprimer et de permettre aux lawyers d’apposer eux-mêmes ces tampons au bas des contrats ou des actes qu’ils auront rédigés.
Et c’est comme ça que, petit à petit, nous aurons glissé d’un système de droit continental, protecteur de nos concitoyens, vers ce système anglo-saxon que vous semblez affectionner, mais qui est loin d’être protecteur de nos concitoyens. Prenons l’exemple des ventes immobilières : moins d’une sur mille se termine, dans notre pays, devant un tribunal, contre près d’une sur deux aux États-Unis.
Je suis saisie de quatre amendements identiques de suppression de l’article, portant les nos 1143, 1517, 1979, et 2078, et qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Monsieur Fasquelle, puis-je considérer que votre amendement no 1143 a été défendu ?
Je suis toujours admiratif de la qualité des arguments développés par mes collègues. C’est pour cela que je me contente de défendre, un peu benoîtement, monsieur le ministre, mon amendement. Je vois que vous avez, à juste titre probablement, prévu, dans l’autorisation que vous demandez au Parlement de prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi, que l’on veille à éviter les conflits d’intérêts. Cela a été évoqué par mes collègues. La question est : comment allez-vous faire ? Je vous imagine écrivant le texte de l’ordonnance qui va encadrer ces nouvelles formes d’activités, dans lequel vous direz : les conflits d’intérêts sont interdits. Mais qui va vérifier s’il en existe éventuellement, et comment ? Quelles seront les sanctions prévues ?
En tant que députés, nous avons très récemment, depuis les scandales qui ont successivement secoué les divers gouvernements de l’actuelle majorité, acquis une très forte expérience en matière de gestion des conflits d’intérêts. Les règles ont, ici, beaucoup changé : par exemple, les députés doivent désormais remplir une déclaration d’intérêts et d’activités consultable en ligne sur le site de l’Assemblée nationale. Allez-vous, s’agissant de ces sociétés, utiliser les mêmes formes en demandant à leurs membres, par exemple, de remplir une déclaration d’intérêts et, éventuellement une déclaration de patrimoine, qui seraient consultables en ligne ?
J’ai l’impression, comme Sisyphe, de pousser mon rocher et de le voir perpétuellement retomber. Mais ce n’est pas grave, il faut se montrer opiniâtre. Là aussi, monsieur le ministre, le recours à l’article 38 de la Constitution pose un problème majeur. Vous y recourez pour trois raisons.
La première tient à la transposition d’une directive. Vous me direz qu’il s’agit d’une directive modeste, puisqu’elle se propose simplement de moderniser les conditions d’exercice de la profession d’expert-comptable. Mais quand même, monsieur le ministre, nous sommes des parlementaires nationaux. Il est vrai que nous avons consenti, à juste titre, beaucoup de transferts de souveraineté. La construction du droit européen est une belle oeuvre quand elle se fait sur un fondement progressiste.
Mais trouvez-vous normal de déposséder la représentation nationale du droit de transposer la directive en question ? Le peuple français a, par plusieurs référendums, consenti un transfert direct de souveraineté. Nous, représentants du peuple, devons veiller à ce que le retour de ces transferts de souveraineté se fasse conformément à leur esprit. Et vous dépossédez la représentation nationale du droit fondamental de transposer les directives. Qu’aurions-nous dit si, s’agissant de la directive relative aux procédures d’asile, et au nom de son caractère technique, puisque la dernière loi consacrée à ce sujet avait principalement pour objet de transposer des directives, on nous avait imposé le recours aux ordonnances ?
Je le dis à mes collègues de gauche, accepter le recours aux ordonnances alors qu’il s’agit de transposer une directive européenne me paraît extrêmement surprenant.
La deuxième raison qui vous fait recourir à l’article 38 tient à la facilitation de la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de la profession d’expert-comptable. Mais il s’agit d’une novation fondamentale dans l’organisation de notre système juridique ! Je ne partage pas la plupart des arguments avancés par mes collègues de l’opposition. Mais ils ont raison sur un point : nous changeons la nature de l’organisation des professions juridiques et judiciaires réglementées. Il s’agit même d’un point majeur. Je pense que cette loi ne créera pas d’emplois, mais elle va bouleverser – en bien ou en mal, l’avenir nous le dira – leur fonctionnement.
Sur une question fondamentale qu’est la création de ces sociétés, c’est-à-dire le maillon économique qui permettra le regroupement de l’interprofessionalité, est-il normal de considérer que la représentation nationale doive, par voie d’ordonnance, déléguer sa prérogative au Gouvernement ? C’est un problème majeur.
Enfin, vous recourez à l’article 38 en vue de « permettre, pour l’exercice des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, le recours à toute forme juridique, à l’exclusion de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés, en soumettant la répartition du capital et des droits de vote à des conditions assurant le respect des règles déontologiques et prenant en compte les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession ». Nous touchons, là aussi, au coeur des questions.
Je le dis très franchement : ce recours à l’article 38 n’est pas une bonne manière. Ce sont des questions importantes qui se trouvent au coeur même de l’article 34 de la Constitution. Celui-ci réserve, entre autres, à la loi, les matières liées à la défense des libertés publiques. Or les professions juridiques participent du magistère de la défense. Toutes ces questions fondamentales sont réservées à la loi. On dépossède, par la voie des ordonnances, les parlementaires du droit de faire la loi.
Je le regrette. Je le dis ici, car je pense, monsieur Macron, que vous êtes un ministre authentiquement socialiste. Je n’en doute pas. On peut, bien sûr, discuter du contenu de nos socialismes respectifs. Mais je considère que vous êtes un ministre authentiquement socialiste.
Eh bien, je regrette qu’un ministre authentiquement socialiste défende le recours aux ordonnances sur ces matières-là.
Il est défavorable.
J’aurais par ailleurs souhaité que le ministre puisse nous confirmer qu’à l’alinéa 5, la mention « Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qui exercent ces professions » conduit à écarter cette possibilité lorsqu’il s’agit d’un expert-comptable, sachant que 50 % du capital de sa société peut être détenu par des tiers. Je voudrais savoir s’il s’agit bien, dans ce cas, du capital propre à chacune de ces professions.
Je voudrais répondre aux questions précises qui ont été posées par plusieurs d’entre vous. Mme Louwagie m’a interrogé sur le point de savoir si un professionnel pouvait détenir le capital d’une société et ne pas exercer du tout en son sein. Oui : c’est, d’ailleurs, le droit existant. C’est aujourd’hui tout à fait possible : si vous êtes avocat, vous pouvez détenir le capital d’un cabinet d’avocats alors que vous n’y exercez plus. C’est tout à fait envisageable et possible : le droit, qui n’est pas modifié par ce texte, le permet. Je vous le confirme.
En revanche, s’agissant de votre seconde question, je vous confirme que ce cas de figure n’est pas possible : chaque compétence doit être exercée par un professionnel qualifié. Je veux dire par là que, si une société interprofessionnelle existe entre un huissier et un avocat, parce que je crois que c’est l’exemple que vous avez cité, en aucun cas l’huissier ne peut détenir 100 % du capital et ne pas exercer dans la structure. Il ne peut en effet pas avoir l’autorité hiérarchique sur l’avocat, qui deviendrait, dans ce cas, non plus son associé mais, de fait, son salarié. Par conséquent, l’avocat qui exerce dans la structure que vous avez mentionnée doit détenir une partie du capital. Immanquablement.
Je veux rappeler les trois principes qui sont invoqués dans l’habilitation et qui me permettent vous répondre ainsi qu’à M. le député Clément : le premier est l’absence de contrôle hiérarchique par un professionnel autre que celui qui exerce la même profession, et le contrôle de chaque ordre. Il y a donc une verticalité du contrôle.
Le second principe est l’interdiction d’intervention dans un champ pour lequel un autre professionnel détient une compétence exclusive, en application de dispositions législatives. C’est ce que j’ai constamment rappelé : cela se passe sous le contrôle de chaque ordre. Chacun des professionnels concernés ne va pas se mettre à opérer dans le champ de l’autre : l’avocat associé ne va, par exemple, pas interférer dans le champ du notaire.
Pour ce faire, la structure interprofessionnelle – il s’agit du troisième principe – devra être inscrite sur la liste d’exercice de chaque association ou ordre dont son objet social entend permettre l’activité. Il y a donc bien une société qui permet de mieux s’organiser entre professions, et je crois que cela répond à votre préoccupation, madame Louwagie, ainsi qu’à celle de M. Clément.
En aucun cas il ne peut y avoir d’interférence, et en particulier une responsabilité hiérarchique, d’une profession sur une autre. Je veux être parfaitement clair sur ce point. S’agissant de votre deuxième question, la réponse est donc non. Je crois avoir répondu à votre préoccupation, monsieur le député Clément.
L’objectif de ces sociétés est de permettre à des professionnels de mieux s’organiser entre eux sur le territoire, d’élargir leur offre de services et donc de pouvoir mutualiser les coûts et les démarches. Mais il ne s’agit en aucun cas de permettre à ces professionnels de confondre l’exercice de chacune de leur profession.
Ce qui est donc ici constamment rappelé, c’est précisément le fait que chaque profession reste en silo, en quelque sorte, pour ce qui relève de sa déontologie et de toute relation hiérarchique. En aucun cas un huissier ne pourra avoir, dans les sociétés ainsi créées, une responsabilité hiérarchique sur un avocat. Cela revient donc à améliorer véritablement l’offre de services et, encore une fois, il s’agit d’une faculté offerte aux professionnels du droit, faculté qui n’existe pas aujourd’hui. Or elle est demandée par les plus jeunes, c’est-à-dire par celles et ceux qui veulent s’installer sur le territoire et mieux opérer.
Monsieur Dolez, s’agissant de votre première question, je peux vous confirmer qu’en aucun cas nous n’ouvrons ici la possibilité d’un contrôle en cascade. C’est bien le contrôle direct qui est ici imposé : il est détenu par les seuls professionnels qualifiés. La règle est posée à l’alinéa 5 : « Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qui exercent ces professions ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l’Union européenne. » En aucun cas la holding ne pourrait procéder à un contournement.
Ensuite, vous soulevez avec l’analyse que vous citez un très bon point qui rejoint la préoccupation exprimée par votre rapporteur : la question des experts-comptables. Nous en avons débattu en commission spéciale ; vous vous en souvenez sans doute. En effet, pour cette profession, le capital peut être ouvert même s’il y a une limitation en termes de droit de vote. C’est bien pour cela qu’il est précisé au a) de l’alinéa 5, je l’ai dit en commission spéciale et je le répète, que l’on déroge à l’ordonnance de 1945 spécifiquement pour les experts-comptables, la totalité du capital et des droits de vote étant détenue par des personnes qui exercent cette profession.
Par conséquent, les cabinets d’experts-comptables dont le capital est ouvert à des non-professionnels ne seront en aucun cas éligibles aux sociétés ainsi créées. Je veux vous rassurer pleinement : l’analyse que vous citez à juste titre et qui est très précise se réfère quant à elle à l’ordonnance de 1945, à laquelle nous venons ici déroger explicitement. Je voulais ici lever toute ambiguïté ; voilà qui répond en partie à l’une de vos préoccupations.
Monsieur Vercamer, il est précisé à l’alinéa 6 que les principes déontologiques applicables à chaque profession sont maintenus. C’est dans la continuité de ce que j’évoquais tout à l’heure : en aucun cas un professionnel ne peut exercer de responsabilité hiérarchique sur un professionnel d’une autre branche ; l’huissier ne peut avoir une responsabilité hiérarchique sur l’avocat. La déontologie de chaque profession est maintenue, et elle est exercée profession par profession. L’article est bien clair sur ce point, et c’est précisément l’intention du Gouvernement.
Concernant la détention capitalistique, à aucun moment nous n’ouvrons la possibilité à des fonds de pension d’entrer dans ces sociétés, puisque c’est bien 100 % du capital qui doit être détenu par les professionnels. Je voulais être clair et vous rassurer quant aux préoccupations que vous avez exprimées sur ce point.
Je peux ainsi répondre immédiatement à M. Herth qui, me semble-t-il, a fait une petite confusion sur les éléments de déontologie. Monsieur le député, vous avez, non sans malice, rappelé des événements qui se sont produits et rapporté l’expérience de certains parlementaires en matière de déontologie ; je vous rassure, les ministres sont soumis aux mêmes règles en termes de déclaration de patrimoine et d’intérêts. Toutefois, ce n’est pas ce dont nous parlons ici. Il est question dans cet article des règles déontologiques propres à ces professions et qui continueront de s’appliquer dans les différents ordres, chacun d’entre eux ayant la charge de faire respecter la déontologie des professionnels qui lui sont rattachés.
La création de ces sociétés ne vient donc pas brouiller le lien existant entre les professionnels et leur ordre. L’avocat aura toujours les principes déontologiques de l’avocat, et devra en répondre. Telles sont les dispositions inscrites à l’alinéa 6 du présent article.
Monsieur le député Fasquelle, je pense avoir répondu à une partie de vos questions. Je souhaitais vous rassurer sur « l’anglo-saxonisation » du droit, une préoccupation que vous partagez avec M. le député Huyghe. Aujourd’hui, comme je le disais, des professionnels du droit anglo-saxons opèrent en France et leur capital peut être ouvert à des fonds de pension à hauteur de 25 %. C’est une réalité du territoire français et ils embauchent des professionnels du droit en France.
En effet, ce n’est pas du tout cela le problème, puisque dans l’article dont nous débattons, il est précisé qu’ils seront exclus de ces sociétés, puisqu’il faut détenir 100 % du capital et des droits de vote. Pardonnez-moi, vous aurez beau faire votre numéro comme vous le faites régulièrement, vous êtes hors sujet, parce que vous n’avez pas lu l’article.
Alors que Mme Louwagie, M. Vercamer ou d’autres ont des questions précises, vous, vous revenez avec les mêmes arguments, qui ne se réfèrent pas au texte.
On peut toujours répéter à loisir que le texte vise à « anglo-saxoniser » le modèle français, mais ce n’est pas le cas puisque, en l’espèce, il s’agit bien d’une société interprofessionnelle de capitaux encadrée, 100 % des capitaux étant détenus par les professionnels.
Je vous ai dit que cela résultait de la combinaison des trois articles ! Vous êtes de mauvaise foi !
Vous vous référez en effet à d’autres articles, notamment l’article 22 ou l’article 20 ter, dont nous avons déjà débattu et où il est question de sociétés monoprofessionnelles d’exercice, ce qui n’est pas le même sujet.
Je vous ferai grâce, monsieur le député Fasquelle, de vos effets de manche sur MyFerryLink ou Alstom, car ce Gouvernement, en matière de volontarisme économique, n’a aucune leçon à recevoir de vous ! Aucune !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous avez été les premiers sur ces bancs à nous reprocher l’interventionnisme de l’État dans l’affaire Alstom dans cet hémicycle ou dans les médias.
Venir nous donner des leçons quand l’État interfère et, de ce fait, protège les intérêts nationaux en matière d’énergie, de défense, de transport ou de nucléaire, c’est une fois encore hors sujet.
Mais sans doute venez-vous simplement faire un numéro, vous qui êtes coutumier du fait !
Sur MyFerryLink, je vous ai répondu l’autre jour, lors de la séance des questions au Gouvernement.
Il s’agit d’une décision d’une autorité étrangère. Cela ne veut pas dire que nous restons les bras ballants, et je ne vous permets pas de dire cela, car ce ne fut pas le sens de ma réponse. Mon collègue Alain Vidalies, qui gère ce dossier, a réuni quelques jours plus tard l’ensemble des parties prenantes pour le régler.
Répondre à une situation, répondre à la préoccupation de nos concitoyens, ce n’est pas brandir des arguments ou faire des effets de séance.
C’est simplement reconnaître les faits et la réalité. Il s’agit de la décision d’une autorité étrangère ; ce n’est pas le gouvernement de la France, pas plus qu’un parlementaire français qui peut y faire quoi que ce soit. Dire le contraire, c’est raconter des mensonges à nos concitoyens.
Notre responsabilité est de faire quelque chose avec les acteurs, de prendre acte de cette décision contre laquelle nous ne pouvons rien et de nous organiser pour apporter une réponse industrielle. C’est ce à quoi travaille mon collègue Alain Vidalies.
Vous avez posé la question, et je vous ai répondu. Pardonnez-moi cet aparté mais, comme vous vous étiez permis ces deux incidents, et vous êtes coutumier du fait, je me devais de vous répondre pour ne pas laisser de fausses idées s’installer.
Pour ce qui est des cabinets anglo-saxons, j’ai répondu à M. Huyghe : l’ouverture de 25 % de leur capital est déjà une réalité, et le texte empêche que cela se produise pour les sociétés prévues à l’article 20 dont 100 % du capital sera détenu par des professionnels du droit ou du chiffre, et en aucun cas par des financiers. C’est écrit dans le texte. On peut faire semblant de ne pas le voir, et répéter à loisir qu’il s’agit d’une « anglo-saxonisation » et d’une financiarisation, mais cela ne correspond pas au texte.
Pour ma part, je ne peux pas traiter les certitudes qui ne se réfèrent pas à la lecture d’un texte. Je fais le maximum pour accomplir un travail de conviction et faire preuve d’honnêteté intellectuelle.
Quand les textes sont imprécis, je suis le premier à le reconnaître, mais manifestement vous n’avez pas envie de débattre du texte : vous préférez répéter ce que vous croyez être des évidences ou des menaces, souhaitant peut-être inquiéter les gens.
Quant à M. le député Cherki, je connais son argument récurrent ; il a le mérite de la cohérence.
Les premiers alinéas visent à transposer une petite directive que je ne comparerais sans doute pas à la directive « Asile ».
J’en viens aux alinéas 4 à 7. Le texte de l’ordonnance, qui est quasiment finalisé sur le plan technique, est en fin de concertation, mais la précision même des débats que nous avons, des questions qui sont posées, des échanges extrêmement constructifs que nous pouvons avoir à la lumière d’études juridiques qui ont été faites, montre que l’habilitation n’est pas donnée à l’aveugle et qu’il en sera sans doute de même pour la ratification. Le législateur, la Constitution l’a bien prévu, ne donne pas un chèque en blanc quand il habilite le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance.
Concernant l’alinéa 8, monsieur le député, un amendement de cohérence sera présenté par le rapporteur général. L’article 20 ter a en effet répondu à votre préoccupation, qui se rapportait à un sujet important, et l’a inscrit dans le texte. Vous êtes donc satisfait sur ce point.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
Monsieur le ministre, nous n’avons en effet pas parlé du même alinéa. Vous m’avez clairement indiqué que vous me répondiez sur l’alinéa 6. J’ai bien compris que les questions déontologiques ne posent pas de problème puisqu’elles suivent la logique des silos, comme vous l’avez brillamment illustré voilà quelques instants.
Cependant, je faisais plutôt référence pour ma part à l’alinéa 7. La première partie de cet alinéa, « en prenant en considération les incompatibilités », renvoie bien aux silos : il y a, d’un côté du mur, des compétences, et, de l’autre, d’autres compétences ou responsabilités. En revanche, la deuxième partie de l’alinéa, par laquelle vous affirmez que vous allez tenir compte des « risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession », rend vos silos potentiellement poreux. Vous entendez, au travers du texte de loi, limiter cette porosité.
Quand j’ai fait le parallèle avec le règlement qui s’applique aux ministres et aux parlementaires, j’ai simplement appelé votre attention sur le changement de point de vue qui s’est opéré dans l’opinion publique.
Hier, voilà peut-être dix ans, lorsqu’on écrivait de tels textes, personne ne se posait de questions. Aujourd’hui, l’opinion publique considère que, de toute façon, en matière de conflits d’intérêts, il n’y a pas des blancs et des noirs, mais uniquement des gris. Chacun est supposé être en conflit d’intérêts. Excusez-moi de le répéter, mais c’est une conséquence des décisions qui ont été prises à l’initiative du Président de la République par les gouvernements successifs, dans le cadre des difficultés que ceux-ci ont rencontrées, et je le regrette.
Je ne vous jouerai pas la petite musique du « tous pourris » ; je laisse cela à des formations politiques qui, à mon sens, n’ont pas leur place dans cet hémicycle. Cependant, c’est le sujet, et la seule réponse qui a été trouvée est celle de l’open data, qui consiste à mettre en ligne des déclarations d’intérêts. En réalité, cela permet au client, s’agissant des officines, ou à l’opinion publique, s’agissant des parlementaires, de se rendre compte, lorsqu’il ou elle s’adresse à une société ou à un député, à quel degré celle-ci ou celui-là peut être considéré en conflit d’intérêts sur un sujet donné. C’est une question de transparence.
Concernant la création de telles sociétés, comment comptez-vous suivre l’air du temps et adopter une logique de transparence, puisque c’est aujourd’hui la seule réponse au problème des conflits d’intérêts ?
Je souhaite apporter un complément à la réponse de M. le ministre à notre collègue Cherki. Celui-ci nous dispensait tout à l’heure un cours de droit qui me semble devoir être rectifié sur un point. Selon lui, le Parlement renoncerait à son droit fondamental de transposer les directives. Nous ne saurions cependant renoncer à un droit dont nous ne disposons pas, puisqu’une directive est transposée, selon la matière concernée, soit par voie réglementaire, soit par voie législative.
En l’occurrence, la matière dont nous débattons est législative, et il nous est demandé d’habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance, ce qui est heureux, au vu de la nature des questions traitées. Si nous suivions notre collègue Cherki, nous finirions par légiférer sur les modes d’emploi des machines à laver. Le caractère itératif de certains arguments peut toutefois évoquer le doux son d’un tambour de machine à laver…
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir respecter les parlementaires.
Mais peut-être ne savez-vous pas ce qu’est un parlementaire, vous qui n’êtes jamais passé sous les fourches caudines de l’élection
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
Peut-être devriez-vous vous poser la question, car dire qu’un parlementaire fait un numéro dans l’hémicycle, c’est manquer de respect aux élus de la nation. Tous les parlementaires ici présents défendent des convictions, et nos convictions ne valent pas moins que les vôtres, monsieur le ministre.
Ce n’est pas parce que vous êtes à bout d’arguments, ou peut-être un peu trop fatigué de courir ce long marathon qui n’est que le résultat de cette loi fourre-tout de 200 articles…
Je vais très bien !
…que vous pouvez vous permettre de déraper. Je vous demande donc de bien vouloir respecter à la fois les arguments de l’opposition et les parlementaires qui les défendent.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Mes chers amis, si un député de l’opposition vous avait tenu la moitié de ces propos, vous auriez tous déjà quitté l’hémicycle !
Je vous propose, monsieur le ministre, de vous reposer quelques instants afin de retrouver votre calme. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance pour permettre au ministre de reprendre ses esprits.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur Huyghe, deux députés, dont M. Fasquelle, ont demandé la parole. Les amendements de suppression seront ensuite mis aux voix. Je lèverai donc la séance aux alentours d’une heure du matin.
Si vous demandez la suspension, elle est de droit. Dans le cas contraire, nous pouvons terminer nos débats dans les trois minutes qui viennent.
Souhaitez-vous maintenir votre demande de suspension, monsieur Huyghe ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, j’ai été, moi aussi, très choqué par vos propos. Lorsque nous défendons un amendement dans l’hémicycle ou que nous posons une question d’actualité au Gouvernement, nous ne faisons pas un numéro ; nous usons de nos droits de parlementaires, de parlementaires de l’opposition.
Parlant de vous, certains ont dit que, les heures passant, le vernis craquait. Vous avez laissé percer votre mépris à l’égard des députés de l’opposition et de leurs arguments.
Mais là n’est pas le plus grave. Votre mépris s’exerce surtout à l’égard des professionnels du droit, dont plusieurs dizaines de milliers ont manifesté à Paris en décembre. Les avocats, les notaires se sont mobilisés comme jamais. Ce sont leurs propos que nous relayons, eux qui craignent, à juste titre, les effets de votre loi.
Vous avez refusé de les entendre ; vous refusez de nous entendre. Ce projet de loi a été bâclé, la concertation a été insuffisante et le Conseil d’État s’est montré très sévère à l’égard de votre texte. Vous-même avez reculé sur certains points et reconnu que vous vous étiez trompé. C’est bien la preuve que les arguments de l’opposition peuvent, malgré tout, être entendus !
Oui, nous sommes dans l’hémicycle, et nous continuerons à nous faire l’écho des préoccupations des professionnels du droit, et au-delà, des Français, qui craignent de ne plus avoir accès, notamment dans les territoires ruraux, à des professionnels de qualité, qui redoutent de voir les cabinets anglo-saxons poursuivre leur progression sur le marché du droit.
En ce qui concerne Alstom et MyFerryLink, vous ne nous donnerez pas de leçon. J’ai toujours tenu le même discours sur Alstom, dénonçant un gouvernement incapable de défendre cette entreprise. Nous étions un peu seuls, avec Jacques Myard, sur cette position ; nous le sommes moins. Je me réjouis de voir de plus en plus de journalistes s’intéresser à cette affaire et en démonter les mécanismes. Il s’agit d’un scandale d’État !
Quant à MyFerryLink, je vois dans cette affaire la preuve que les numéros auxquels se livrent les députés de l’opposition peuvent servir à quelque chose. À la suite de la question d’actualité que j’ai posée la semaine dernière, les choses ont enfin bougé. Vous avez dû vous faire tirer les oreilles par le Président de la République et par le Premier ministre pour avoir répondu dans cet hémicycle que vous ne pouviez rien faire ! Moyennant quoi, des rencontres ont été enfin organisées et une réunion se tiendra au ministère vendredi prochain.
Vous avez reconnu vous être trompé sur certains points de votre projet de loi et sur MyFerryLink. Le travail des députés de l’opposition, que vous méprisez, est malgré tout utile : il vous oblige à vous remettre en cause et à bouger !
Je rappelle à mon collègue Denaja que nous avons passé des heures, et nous avons eu raison, à discuter de l’organisation du permis de conduire. J’ai beaucoup appris et je pense que le législateur a fait oeuvre utile. Je ne verrais aucun inconvénient à discuter aussi du fonctionnement de la machine à laver. Comme la voiture, il s’agit d’un objet essentiel de notre vie quotidienne. Ce n’est pas parce que la voiture est associée aux hommes que l’on doit en discuter à l’Assemblée et réserver au Gouvernement la machine à laver, associée aux femmes. Vous qui avez été rapporteur de la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, vous savez que nous devons traiter les deux objets de la même manière.
Sourires.
Je dis simplement qu’il n’est pas déshonorant de traiter au Parlement du fonctionnement des machines à laver.
Par ailleurs, lorsqu’une directive a été adoptée par le Parlement européen, il paraît normal, par souci de parallélisme des formes, que ce soit le Parlement national qui fasse la transposition.
Lorsque l’on pratique dans cet hémicycle la provocation – ce n’est pas interdit et j’ai pu en être coutumier –, il ne faut pas s’étonner de recevoir en retour une réaction un peu vive ! Ou c’est que l’on se considère comme des enfants de choeur… et j’en fus un !
Sourires.
Un ministre qui ne pratique jamais le cynisme et le mépris, qui s’exprime toujours de façon directe, réactive, sincère et complète, c’est une rareté dans cet hémicycle et un atout considérable pour le Parlement. Combien de fois vous êtes-vous plaints de membres du Gouvernement silencieux au banc, qui ne répondaient pas, qui ne se confrontaient pas ? Ce n’est pas le cas de M. Macron et je voudrais que cela soit retenu à son actif.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires ;
Proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire ;
Proposition de loi relative à la maladie de Lyme.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 5 février, à une heure cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly