Mon intervention sur l’article vaut défense de nos amendements nos 3020 , 2773 rectifié et 2858 . Le groupe GDR soutiendra évidemment les amendements de même esprit déposés par nos collègues Pascal Cherki et du groupe écologiste.
La remise en cause de certaines dispositions de la loi ALUR a suscité un très vif débat en commission, notamment celles protégeant les locataires contre les opérations spéculatives de vente à la découpe.
Nous sommes nombreux à gauche à combattre depuis des années ces opérations de vente à la découpe. Elles constituent des atteintes insupportables aux droits des locataires, et peuvent mettre en péril leur projet de vie, leur vie familiale voire leur emploi au nom du prétendu droit de quelques-uns de s’enrichir sans frein sur le dos de ceux qui n’ont souvent d’autres ressources que le fruit de leur travail.
Nous sommes nombreux à penser que la politique a vocation à rétablir les équilibres là où ils sont rompus et à protéger la liberté des uns contre les appétits des autres.
La modification de l’article 11-2 de la loi de 1989, introduite à l’initiative du Parlement à l’occasion de l’examen de la loi ALUR, créait un droit nouveau pour les locataires en zone tendue, les plus durement touchés par les ventes à la découpe, en prorogeant de trois ans les baux des locataires d’immeubles comprenant au moins cinq logements concernés par une vente à la découpe.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, revient au moins partiellement sur cette protection, au prétexte de concilier droits des locataires et fluidité du marché. Vous nous avez dit que vous procédiez à « un aménagement technique du texte pour précisément éviter, à cause de l’empilement des délais, à cause d’une surprotection, une fuite des investissements » – ce sont vos termes.
Votre approche méconnaît la réalité des pratiques des marchands de biens dans les zones les plus tendues, qui rendaient nécessaires les dispositions de la loi ALUR. Elle méconnaît la distinction qu’il convient de maintenir entre acquéreurs d’un bien occupé et bailleurs. Cette distinction est fondamentale : on ne saurait comparer les droits de celui qui donne à bail et assume un risque locatif avec ceux d’un marchand de biens ou de l’acquéreur d’un bien occupé. S’il importe de préserver les acquis de la loi ALUR, c’est qu’on ne saurait trop protéger les locataires aux prises avec un découpeur. L’acheteur d’un bien occupé qui va bénéficier d’une plus-value spéculative à la libération des lieux n’a clairement pas la même légitimité qu’un bailleur qui a assumé le risque locatif. Il est logique qu’il n’accède aux prérogatives classiques d’un bailleur qu’à la fin d’un bail qu’il a lui-même donné. C’est cette logique qui avait abouti aux justes dispositions de la loi ALUR sur ce sujet.
Nous estimons pour notre part indispensable de préserver cette démarche, considérant qu’il en va probablement de la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du droit au logement et donc du droit à une vie décente.
C’est le sens des trois amendements que nous avons déposés.