Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, avec 36 700 communes, la France rassemble à elle seule – M. le secrétaire d’État l’a rappelé – 40 % des communes de l’Union européenne. Plus de 30 000 de nos communes sont ainsi peuplées de moins de 2 000 habitants.
Cette « fragmentation du paysage français », comme l’ont dénommée récemment d’illustres collègues, constitue pourtant une richesse pour notre pays, même si nous avons bien conscience de ses défauts. Héritées de 225 ans d’histoire, les communes sont plus que de simples collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d’État, et vous l’avez très bien exprimé. Elles forment une part de notre identité ; elles sont une spécificité française, avec ses avantages et ses inconvénients.
Indéniablement, pour répondre à l’exigence de proximité, l’échelon communal mérite d’être préservé, et il doit l’être. Porteur d’une authenticité et d’une sincérité que d’autres échelons, tel l’échelon intercommunal, n’ont plus, il doit assumer des missions de proximité dans le cadre d’une montée en puissance progressive de l’intercommunalité.
Pour autant, ce phénomène d’émiettement communal a un coût non négligeable, qui a été dénoncé à plusieurs reprises par la Cour des comptes, avec le prisme qui est le sien. Il est vrai que pour les acteurs politiques que nous sommes, cette organisation communale peut parfois s’avérer inadaptée à la conduite de politiques publiques puissantes, stratégiques et efficaces.
Ainsi que vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, un certain nombre de dispositions ont été prises sous la Ve République, notamment la loi Marcellin, et des améliorations ont été apportées ; je n’y reviendrai pas. Toutefois, en dépit de ces réformes, le dispositif de fusion des communes n’a connu jusqu’à présent qu’un succès modeste : en quatre ans, seules treize communes nouvelles, regroupant au total trente-cinq communes, ont vu le jour.
Ce dispositif constitue un potentiel outil d’avenir pour préserver et défendre l’échelon communal. Il présente quelques avantages. Tout d’abord, il permet de tendre vers une meilleure efficacité et une meilleure efficience des dépenses publiques, en regroupant des moyens financiers, humains, intellectuels ou immobiliers tout en sauvegardant les identités communales, auxquelles nous sommes très attachés. Ensuite, il répond aux difficultés rencontrées par les petites communes mitoyennes, que nous connaissons bien. Il permet également de libérer les maires délégués des nouvelles communes des contraintes administratives, les rendant ainsi plus disponibles pour recevoir les administrés et gérer les projets communaux. Enfin, il donne la possibilité à nos communes rurales de peser davantage à l’échelon intercommunal.
Ce dernier point est essentiel au moment où nous discutons du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – dit NOTRe – qui, par la révision du seuil de constitution des établissements publics de coopération intercommunale, devrait imposer la constitution de très grandes intercommunalités au détriment des petites communes. Ma collègue Françoise Descamps-Crosnier le sait bien : dans la vallée de la Seine, nous sommes contraints de créer une intercommunalité de 400 000 habitants qui aura 35 kilomètres d’envergure ; cette dimension peut vous paraître peu importante, monsieur le secrétaire d’État, mais c’est une procédure compliquée pour un certain nombre de maires, et on peut le comprendre.
En dehors de ce volet de la réforme territoriale qui, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, passe assez mal, cette proposition de loi intervient alors que les dotations budgétaires ont baissé de 27 % sur trois ans, ce qui est considérable, et également mal accepté. On ne pouvait pas imaginer qu’un gouvernement ferait cela un jour, mais vous l’avez fait. De ce fait, de nombreuses communes, petites ou moins petites, ne disposent plus des moyens leur permettant d’assurer la gestion de leur collectivité.
À ce titre, si on est de bonne volonté – et nous le sommes tous –, la présente proposition de loi constitue une innovation plutôt intéressante. Fondée sur une démarche volontaire, elle privilégie, contrairement à d’autres réformes, monsieur le secrétaire d’État, la souplesse et préserve l’identité des territoires. Concernant les territoires, elle est totalement en accord avec la philosophie du groupe UDI : nous devons avant tout favoriser la mise en oeuvre de réponses différenciées et adaptées aux réalités de chaque territoire.
Par ailleurs, cette proposition de loi permet de clarifier certains points relatifs aux communes nouvelles, comme l’a très bien expliqué la rapporteure. Elle tend en particulier à améliorer leur gouvernance ; conditions de composition du conseil municipal, statut des maires délégués, création de communes déléguées, ainsi que de communes interrégionales ou interdépartementales. En outre, la création d’une commune nouvelle est intégrée dans la carte intercommunale.
Si le groupe UDI approuve cette proposition de loi, il estime cependant que nous ne devons pas, et la rapporteure l’a souligné, en surestimer les effets. Son principal objectif est d’améliorer l’attractivité du régime de la commune nouvelle en renouant avec un mouvement de rapprochement des communes existantes, sur la base du volontariat.
Alors que la création de communes nouvelles n’a eu que peu de succès par le passé, le dispositif proposé rendra cette possibilité plus attractive. Ces seules mesures seront-elles cependant suffisantes pour remédier à l’émiettement communal qui caractérise notre organisation territoriale ? On peut légitimement s’interroger sur la pertinence de la multiplication des échelons locaux et la mise en avant de deux systèmes de simplification du maillage territorial au niveau local ; la commune nouvelle et l’intercommunalité. Vous me répondrez sans doute que ces deux systèmes peuvent coexister, monsieur le secrétaire d’État. Une fois que le schéma intercommunal élaboré à la hussarde aura pris forme sur notre territoire après 2017, que toutes les intercommunalités auront été créées, le Gouvernement, quel qu’il soit, ne proposera pas aux élus intercommunaux de les transformer en communes nouvelles. Cette question pourra être débattue à une autre occasion.
Il est vrai que cette mutualisation est difficile, complexe pour les élus, en particulier ceux qui en sont à leur premier mandat, car la réforme territoriale leur confisque un certain nombre de compétences.
Vous affirmez, monsieur le secrétaire d’État, que ces rapprochements permettront d’endiguer la hausse des impôts locaux ; je prie pour que vous ayez raison, car cette imposition est certainement la plus lourde de toutes pour les Français aujourd’hui.
Quant à la clarté de la réforme territoriale, elle n’est pas évidente, alors même qu’un scrutin local doit avoir lieu dans quelques semaines : il est compliqué pour les Français de savoir quelles seront les compétences de telle ou telle collectivité, en particulier des conseils départementaux, et les élus peinent à l’expliquer sur le terrain.
Mes chers collègues, le groupe UDI milite avant tout pour une réforme territoriale d’envergure, qui touche également la sphère d’intervention de l’État. Or le Gouvernement est assez peu éclairant sur la nouvelle organisation de l’État à l’échelon local qui découle notamment de la grande réforme régionale. Nous souhaitons également que ce projet inclue une réforme en profondeur de la fiscalité locale des bases, mais celle-ci avance, bien que discrètement ; j’imagine que vous vous préoccupez comme moi de ce que l’administration fiscale locale fait en ce moment à ce sujet.
Si ce texte prévoit des modifications à la marge, nous considérons cependant que, dans l’ensemble, il va dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous le voterons.