Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Le philosophe Emmanuel Levinas disait que le visage de l’autre, par sa vulnérabilité, est ce qui permet le meurtre, et en même temps l’empêche ; que le visage de l’autre est, par son évidence de vulnérabilité, une injonction de ne pas tuer. Quel visage, mes chers collègues, est plus vulnérable que celui du mourant ? Réaffirmons cependant que la qualité de la vie prime sur la durée de la vie à la fin de nos existences, car la souffrance tolérée, méprisée, acceptée dans les derniers jours de la vie est aujourd’hui le scandale d’une société indifférente à cette vulnérabilité.

Le débat est ouvert, et je vois bien que certains sont inquiets et d’autres déçus. Dans cet hémicycle, il y a parfois des affrontements que je juge stériles, mais aussi des débats riches, respectueux, qui sont les témoins de la vie démocratique et font l’honneur de notre assemblée. La mort n’est ni de droite ni de gauche, et elle peut rassembler des hommes et des femmes de bonne volonté pour trouver le chemin de l’amélioration de la loi sur ce sujet douloureux et intime.

Malraux disait que toute civilisation est hantée par ce qu’elle pense de la mort. Elle peut aussi être jugée à la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables, en particulier ceux qui vont mourir. Il faut soulager la souffrance de ceux-là sans les abandonner, en continuant à les considérer vivants jusqu’au dernier instant.

Dans notre société moderne, l’individu revendique toujours plus de sécurité, de performance et de certitude, mais restera démuni devant sa mort que rien n’empêchera, et que rien ne pourra codifier. Cette mort, la sienne, est encore une partie de sa vie, ultime rencontre avec lui-même, qu’il découvrira alors probablement dans sa complexité et son mystère.

Mes chers collègues, madame la ministre, je veux croire que nous serons, au-delà de nos différences, une majorité de conviction à déclarer la souffrance interdite en fin de vie, et cet engagement fera honneur à notre assemblée aux yeux des Français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion