La question de la fin de vie nous offre la chance de juger de notre capacité collective à débattre sur le fond d’un sujet de société sans masquer nos divergences, qui traversent jusqu’à nos groupes respectifs – on l’a vu tout à l’heure, au moment du vote.
J’ai exercé la profession de sage-femme, j’ai été passeuse de vie. Cela m’a permis de comprendre la nécessité et l’importance des rites d’accompagnement que notre société doit organiser dans ces moments de passage que sont la naissance et la mort.
Notre devoir aujourd’hui est d’apporter des réponses sur ces sujets en créant un nouveau droit pour tous les citoyens. Il leur reviendra ensuite de choisir d’user ou non de ce droit. Créer un droit nouveau, ce n’est pas créer une obligation comme certains ont l’air de le penser : c’est renforcer le libre arbitre de chacun d’entre nous.
Les soins palliatifs ne sont pas négociables et il faut évidemment, nous en sommes tous d’accord, les développer. Selon moi, le droit à l’euthanasie et au suicide assisté, y compris pour les malades atteints de maladies dégénératives, telle la maladie d’Alzheimer, est une des dernières libertés fondamentales que nous avons à conquérir en France.
Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins, car le texte que présentent nos deux collègues Alain Claeys et Jean Leonetti propose évidemment des avancées intéressantes et essentielles, mais reste au milieu du gué.
Par nos amendements, nous visons à donner un cadre légal à des pratiques que de nombreux soignants avouent connaître, on parle de 3000 à 4000 euthanasies par an qui ne disent pas leur nom, mais qui témoignent de la souffrance de ceux qui ne bénéficient d’aucun accompagnement. C’est à cela que nous devons mettre fin par une grande loi républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité afin qu’à l’inverse d’une mort solitaire, cette loi puisse faciliter l’accompagnement, les derniers échanges dans le respect de la vie qui s’en va.
Parler de mort, parler de vie, c’est parler de nature humaine. Cela nous renvoie tous, consciemment ou inconsciemment, à notre histoire personnelle, à nos peurs intimes comme celle de mourir, sans doute la plus forte, à nos croyances pour les uns, nos certitudes pour les autres. C’est normal que ce débat nous passionne car il place au coeur de cet hémicycle la question de la condition humaine dans nos sociétés modernes où le progrès médical, le refus de la souffrance nous donnent l’illusion d’être invulnérables.
Mais la maladie et le handicap nous rappellent notre condition première : nous sommes des êtres de chair et de raison, cette raison qui nous pousse à vouloir mourir dignement en ayant choisi le bon moment, quand nous sentons notre corps incapable d’en supporter davantage ou notre esprit incapable de supporter la déperdition de ce corps en souffrance.
Tel est l’enjeu de cette loi attendue par nos concitoyens, j’espère que nous y arriverons.