Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 11 mars 2015 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Cette souplesse existe, puisque la notion d’obstination déraisonnable – dont on peut d’ailleurs regretter le caractère flou – laisse bien une place à l’appréciation. Qu’est ce qu’un traitement utile ? Qu’est ce qu’un traitement inutile ? Qu’est ce qu’un traitement proportionné ? Un traitement disproportionné ? Il s’agit toujours d’une interrogation, et d’une interrogation collective, puisqu’il faut souvent que la décision soit prise de manière collégiale. Par ailleurs, lorsque l’obstination est considérée comme déraisonnable, on ne continue pas : on arrête !

Je veux souligner ces deux points : ce qui est raisonnable et déraisonnable fait l’objet d’une appréciation, une appréciation au cas par cas – et le Conseil d’État le rappelle d’ailleurs assez bien. Par ailleurs, lorsqu’on estime qu’on est dans l’ordre du déraisonnable, une conséquence s’impose : c’est l’arrêt des traitements. Et si ces traitements sont de ceux qui maintiennent artificiellement en vie, alors on veille naturellement à assurer au mourant une fin de vie digne et apaisée, et on réconforte sa famille.

Par conséquent, il ne s’agit pas là d’un système mécanique : on n’appuie pas sur trois touches pour décider si l’on doit ou non arrêter les traitements. En revanche, lorsqu’on a estimé que l’obstination est devenue déraisonnable, inutile et disproportionnée, on ne peut pas ne pas arrêter.

La médecine est faite de doute, c’est certain, mais elle est aussi faite d’action. La pensée conceptuelle, aristotélicienne, dont on parlait tout à l’heure, aboutit à un moment donné à une praxis. La praxis consiste à agir, sans être nécessairement sûr que ce que l’on fait est juste – mais ne pas faire, ce peut être tout aussi injuste. Il y a 20 000 ou 30 000 personnes – on dit même parfois 80 000 – dont on arrête les traitements, parce que leur poursuite relèverait d’une obstination déraisonnable, et qui décèdent, parce que le décès doit arriver, si on ne l’empêche pas de se produire par des moyens mécaniques disproportionnés. Faut-il, par précaution, maintenir toutes ces personnes en vie ? Nous sommes tous d’accord pour répondre non.

Le texte qui a fixé ces règles date de 2005. Je sais que certains d’entre vous ne siégeaient pas encore ici en 2005, et au fond, j’en suis heureux, parce que nous n’aurions peut-être pas eu cette belle unanimité s’ils avaient été là à l’époque. Certains d’entre vous étaient bien là en 2005, et nous avons voté cela. Nous l’avons voté, à cette époque déjà ! Avis défavorable.

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