Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 15h00
Connaissances linguistiques des candidats francophones à la naturalisation — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Le code civil subordonne l’acquisition de la nationalité française par la voie de la naturalisation ou à raison du mariage, ainsi que la réintégration dans la nationalité française, à la condition d’une « connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française ». La maîtrise de notre langue est en effet une preuve d’assimilation à notre société.

L’objet de la proposition de loi n’est en aucune manière de soustraire les étrangers francophones à cette condition. Son but est simplement de les dispenser d’avoir à passer un test linguistique spécifique destiné à des étrangers non francophones.

Je rappelle que le contrôle de la connaissance de la langue française a déjà été réformé par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, et par le décret du 11 octobre 2011 relatif au niveau de connaissance de la langue française requis des postulants à la nationalité française. Depuis le 1er janvier 2012, les candidats à la nationalité française doivent justifier de leur maîtrise de la langue française par un diplôme ou une attestation spécifique délivrée par des organismes de formation disposant du label « Français langue d’intégration » ou agréés par le ministère de l’intérieur.

Le niveau exigé correspond au niveau dit « B 1 » du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe, c’est-à-dire le niveau d’un utilisateur indépendant. Seul le niveau oral de maîtrise de la langue est pris en compte. Ce dispositif a déjà été largement assoupli pour les personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français par un décret en date du 30 août 2013. Cet assouplissement reste toutefois insuffisant, en particulier pour les ressortissants d’un pays francophone, dont le français est la langue maternelle, et qui ne peuvent produire un tel diplôme.

De nombreux étrangers, bien que parfaitement francophones, se trouvent ainsi obligés, parfois de manière humiliante, de passer un test linguistique, dont le coût avoisine une centaine d’euros lorsqu’il est passé dans un établissement commercial. Je songe aux étrangers ressortissants de pays francophones ne pouvant produire un diplôme soit parce que leur niveau d’études n’a pas été sanctionné par un diplôme, soit parce qu’ils ont étudié dans un pays non francophone tout en ayant le français pour langue maternelle, soit encore parce qu’ils ne sont pas en mesure de produire le diplôme obtenu, compte tenu des circonstances de leur départ et du fait qu’il leur est impossible de se rendre dans leur pays d’origine – c’est en particulier le cas des réfugiés. Obliger ces étrangers ayant une excellente connaissance de la langue française à passer un test linguistique n’a pas de sens. C’est pourquoi la proposition de loi assouplit le contrôle des connaissances linguistiques des candidats francophones à la nationalité française.

La commission des lois a pleinement approuvé l’objectif poursuivi par cette proposition de loi. Elle a substantiellement modifié le texte dans un souci d’amélioration rédactionnelle, à la suite des échanges que nous avons eus avec le ministère de l’intérieur.

À notre initiative, la commission a clarifié la rédaction de cette proposition de loi afin qu’il apparaisse clairement que son objet est de dispenser les postulants à la nationalité française de la production d’un diplôme ou d’une attestation spécifique justifiant de leur niveau de français, et non de les dispenser de la maîtrise du français, laquelle sera systématiquement vérifiée lors d’un entretien individuel.

La commission a également étendu la dispense prévue aux conjoints étrangers de Français souhaitant acquérir la nationalité française par déclaration. Rien ne justifiait en effet de limiter la dispense proposée aux seuls postulants à la nationalité française par la voie d’une naturalisation.

Enfin, la commission a inclus dans le champ du dispositif les étrangers qui, bien que non ressortissants d’un pays ayant le français pour langue officielle ou parmi ses langues officielles, sont titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français.

Ainsi modifiée, la proposition de loi supprimera une rigueur aussi excessive qu’inutile et apportera une simplification bienvenue. J’espère qu’elle suscitera un large consensus, comme cela a été le cas en commission.

Cet assouplissement s’inscrit dans une tradition républicaine à laquelle les députés du groupe RRDP tiennent beaucoup, celle d’une France diverse, ouverte et accueillante aux étrangers. Faut-il rappeler qu’un quart des Français a au moins un parent ou un grand-parent étranger ? C’est mon cas, et c’est aussi le cas d’autres députés ici présents. La France a toujours été un carrefour ; c’est ce qui a fait, selon l’expression employée par Fernand Braudel dans ses Écrits sur l’histoire, « notre importance et notre gloire. »

Apollinaire, Brassaï, Giroud, Kandinsky, Kessel, Ionesco, Montand, Cendrars, Charpak, Chagall, Vadim, Stravinsky… La liste est longue, de ces Français illustres, qui ont tant fait pour la grandeur de notre pays et qui ne sont pas nés français, mais qui le sont devenus. C’est le creuset français, grâce auquel l’on peut naître Kacew Roman – plus connu sous le nom de Romain Gary – à Vilnius, devenir consul général de France et remporter deux fois le prix Goncourt, ou naître Maria Salomea Sklodowska – que nous connaissons sous le nom de Marie Curie – à Varsovie et devenir la seule Française à obtenir deux fois le prix Nobel !

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