Intervention de Pascale Boistard

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 15h00
Connaissances linguistiques des candidats francophones à la naturalisation — Présentation

Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, comme vous le savez, le Gouvernement accorde une attention particulière aux conditions et aux modalités d’accès à la nationalité française. Il est en effet de tradition, dans notre République, d’accueillir comme citoyens les personnes qui, venues d’ailleurs, ont démontré leur attachement profond à la France, par leur maîtrise de la langue française et par leur connaissance et leur respect de notre héritage, de nos valeurs et de notre droit.

L’accès à la nationalité française doit donc être, pour ceux qui le souhaitent, l’aboutissement logique d’un parcours d’intégration puis d’assimilation – pour reprendre les termes du code civil – réussi, souvent long de plusieurs années. Il constitue aussi un acte fort, tant pour la personne qui s’engage dans cette voie que pour notre communauté. La perspective d’une naturalisation et l’existence de modalités d’accès à la nationalité claires et effectives sont également des facteurs d’intégration à part entière.

Pour ces raisons, l’accès à notre nationalité doit répondre à des principes tout à la fois justes et exigeants. Le gouvernement de Manuel Valls et, avant lui, celui de Jean-Marc Ayrault, se sont en ce sens efforcés de rétablir des critères transparents et identiques sur l’ensemble du territoire. Deux circulaires du 16 octobre 2012 et du 21 juin 2013 ont ainsi corrigé les interprétations restrictives diffusées entre 2010 et 2012, lesquelles avaient divisé par deux, de manière tout à fait opaque, le nombre de naturalisations au cours de cette période.

Ensuite, pour assurer l’égalité de traitement des postulants à la nationalité française et pour améliorer l’efficacité des procédures, le ministère de l’intérieur a engagé une simplification administrative, notamment par le déploiement de plates-formes de naturalisation, ainsi que par une rénovation des outils à la disposition des services instructeurs. Le ministre de l’intérieur aura ultérieurement l’occasion de vous présenter ces travaux qui aboutiront tout prochainement.

Maintien d’exigences d’intégration élevées, clarification et sécurisation des critères, simplification et rationalisation des démarches administratives afférentes : telles sont les orientations du Gouvernement en matière d’accès à la nationalité française. C’est à l’aune de ces objectifs qu’il se propose d’examiner les propositions d’évolutions législatives qui lui sont soumises, y compris la proposition de loi discutée aujourd’hui. Celle-ci tend à préciser les conditions d’acquisition de notre nationalité par une personne étrangère, en particulier la condition d’assimilation à la communauté française, à laquelle tout postulant à la nationalité française est naturellement soumis, qu’il demande à accéder à la nationalité par la voie du décret ou par celle de la déclaration à raison du mariage avec un Français. Dans ce cadre, comme le prévoit l’article 21-24 du code civil, la connaissance suffisante de la langue française constitue un élément d’appréciation essentiel.

Les personnes qui souhaitent acquérir la nationalité française doivent ainsi apporter la preuve de cette connaissance selon des modalités qui ont été précisées par le décret no 93-1362 du 30 décembre 1993, modifié à plusieurs reprises. Depuis le 1er janvier 2012, ce texte prévoit que pour devenir française, toute personne doit être capable « de comprendre les points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante » et « d’émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans des domaines d’intérêt. » Le niveau attendu correspond au niveau « B 1 » du cadre européen commun de référence pour les langues – CECRL – adopté par le Conseil de l’Europe en 2008.

Actuellement, les personnes étrangères concernées doivent prouver qu’elles ont acquis ce niveau en présentant, dans leur dossier, soit un diplôme permettant de justifier d’un niveau égal ou supérieur au niveau requis, soit une attestation délivrée à l’issue d’une formation ou d’un test linguistique.

Le dispositif réglementaire dispense cependant deux catégories d’étrangers de l’obligation de produire un tel document : d’une part, les personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français ; d’autre part, les personnes souffrant d’un handicap ou d’un état de santé déficient chronique ou âgées d’au moins soixante ans. Le niveau de connaissance du français de ces personnes est vérifié par un agent de préfecture lors d’un entretien individuel.

Cette proposition de loi vise, dans sa rédaction amendée par la commission des lois, à faire entrer dans ce régime d’exemption une troisième catégorie d’étrangers : ceux qui entrent dans le cadre défini par l’article 21-20 du code civil. Cet article porte non pas sur l’assimilation linguistique des postulants, mais sur la durée de résidence en France dont ils doivent justifier au moment du dépôt de leur demande de naturalisation. Cette obligation de résidence, appelée couramment « condition de stage », est de manière générale de cinq ans.

L’article 21-20 du code civil exempte toutefois de cette condition les étrangers ressortissants des vingt-huit territoires ou États dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français, sous réserve que le français soit leur langue maternelle ou qu’ils justifient d’une scolarisation minimale de cinq années dans un établissement enseignant en langue française.

En clair, la proposition de loi vise à créer une présomption de connaissance suffisante de notre langue au profit des personnes dont le code civil prévoit qu’elles peuvent demander leur naturalisation sans durée minimale de séjour sur notre territoire, du fait de leur appartenance à l’entité culturelle et linguistique française. En raison de cette présomption, ces personnes seraient dispensées de devoir justifier de leur niveau de maîtrise de la langue française par la production d’un diplôme ou d’une attestation. Leur niveau linguistique serait seulement vérifié lors d’un entretien individuel.

Par ailleurs, vous proposez, par cohérence, d’inscrire dans la loi la disposition, déjà introduite dans le décret du 30 décembre 1993 par le décret no 2013-794 du 30 août 2013, qui permet aux personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français de bénéficier de la même présomption et de voir leur niveau de langue vérifié seulement lors de l’entretien individuel.

Votre proposition a donc pour objet de renforcer la cohérence des dispositions encadrant l’appréciation du niveau linguistique des personnes francophones entrant dans le champ des dispositions de l’article 21-20 du code civil. Il peut en effet paraître incongru de dispenser de la condition de stage une personne appartenant à l’entité culturelle et linguistique française tout en la soumettant aux modalités de vérification des connaissances linguistiques applicables aux postulants non francophones.

L’assouplissement proposé semble pouvoir être mis en oeuvre sans alourdir les procédures administratives. Le postulant à la nationalité française doit d’ores et déjà se présenter à un entretien avec un agent de préfecture afin d’évaluer son degré d’assimilation à la communauté française et ses connaissances de l’histoire, de la société et de la culture françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. La maîtrise du français par le public visé par votre proposition pourra donc être appréciée à cette occasion.

Par ailleurs, le texte de la proposition issu de la commission des lois n’altère en rien le niveau de connaissance linguistique requis, auquel le Gouvernement est attentif. En effet, en cas de constat défavorable, le représentant de l’État pourra toujours remettre en cause la présomption de connaissance de la langue française établie au bénéfice des postulants originaires de l’espace francophone ou ayant suivi des études en langue française s’il estime, sur la base d’éléments objectifs, que la personne n’a pas confirmé le niveau de connaissance attendu.

Votre proposition de loi rejoint les orientations que le Gouvernement a fixées en matière d’accès à la nationalité française. Celui-ci la considère donc favorablement, sous réserve du maintien de son équilibre général au terme de la discussion par votre assemblée.

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