L’article 2 modifie le code pénal afin de créer un crime d’indignité nationale, accompagné d’une peine complémentaire de dégradation nationale, à l’encontre de tout Français auteur ou complice des mêmes faits que ceux qui sont visés à l’article 1er. Il complète à cette fin la section du code pénal relative aux « intelligences avec une puissance étrangère ».
Ce nouveau crime s’inspire du dispositif mis en place à la fin de la Seconde guerre mondiale par l’ordonnance du 26 août 1944 pour sanctionner les Français ayant collaboré avec l’ennemi. Ce crime était lui aussi assorti d’une peine de dégradation nationale emportant la privation de tous les droits civiques, civils et politiques, ainsi que certaines interdictions professionnelles. Notre proposition reprend cette peine, et la complète par une peine de trente ans de détention criminelle, ce qui n’était pas envisageable en 1944 compte tenu du caractère nécessairement rétroactif du crime créé par l’ordonnance du 26 août 1944.
Avant de conclure, je souhaiterais d’ores et déjà dire un mot sur l’un des amendements que j’ai présentés pour améliorer le dispositif. Comme je l’ai exposé précédemment, notre proposition de loi comble l’une des deux lacunes du dispositif actuel, en permettant de priver également les Français de naissance de leur nationalité française s’ils ont perpétré des actes de terrorisme. Elle ne permet cependant pas, dans sa rédaction actuelle, de priver de leur nationalité les Français d’acquisition ou de naissance si cela avait pour effet de les rendre apatrides. C’est une lacune importante, car beaucoup de nos compatriotes qui combattent dans les rangs de Daech n’ont pas d’autre nationalité.
Nous avons prévu cette exception parce qu’il a toujours été affirmé que le droit international interdisait de rendre l’un de ses propres ressortissants apatride. Or, une expertise approfondie a révélé que cette idée répandue était fausse. Le droit international n’interdit pas à la France de rendre l’un de ses ressortissants apatrides. L’instrument de référence en la matière est la Convention du 30 août 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, adoptée dans le cadre des Nations unies. La France a signé cette convention le 31 mai 1962, mais ne l’a pas ratifiée. Elle n’est donc pas liée par cette dernière.
Au surplus, ladite convention n’interdit aucunement aux États parties de priver un individu de sa nationalité, y compris si cette privation doit le rendre apatride, si cette privation est motivée par un manque de loyalisme envers l’État concerné ou s’il a eu un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État concerné ou encore s’il a manifesté par son comportement sa détermination de répudier son allégeance envers l’État contractant ; ces éléments figurent à l’article 8, paragraphe 3 de la convention. La France, lors de la signature de la Convention, a effectué une déclaration par laquelle elle a indiqué qu’elle se réservait le droit d’user, en cas de ratification, de la faculté qui lui est ouverte par ces dernières dispositions.
L’article 23-8 du code civil permet d’ailleurs déjà de rendre un Français apatride s’il a apporté son concours à l’armée ou au service public d’un autre État ou à une organisation internationale dont la France ne fait pas partie malgré l’injonction du Gouvernement de cesser son activité. La législation de nombreux États européens comporte des dispositions similaires les autorisant à rendre leurs ressortissants apatrides. Tel est le cas de l’Autriche, de l’Espagne, de l’Estonie, de la Grèce, de l’Italie, de la Lettonie et de la Lituanie ainsi que du Royaume-Uni.
L’amendement no 6 que je propose prévoit donc d’insérer un nouvel article 23-8-2 dans le code civil, afin de prévoir un nouveau cas de perte de la nationalité française, applicable aux Français d’origine comme d’acquisition, qu’ils possèdent ou non une autre nationalité. Ce nouveau cas de perte de la nationalité française concernera les Français condamnés pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme. Cette perte prendra la forme d’un décret pris après avis conforme du Conseil d’État, comme en matière de déchéance de nationalité.
Le sujet dont nous débattons est un sujet grave, sur lequel aucun d’entre nous ne devrait adopter de posture politicienne. Tel est malheureusement le cas des amendements de suppression déposés par les diverses composantes de la majorité et dont la lecture révèle une volonté délibérée de caricaturer les propositions qui vous sont soumises sans avoir pris la peine de lire le dispositif ou de regarder ce qui se fait au-delà de nos frontières. Pour lutter contre le terrorisme, il nous faut au contraire dialoguer pour parvenir à une solution susceptible de faire consensus. Ce dialogue, malheureusement, vous le refusez ce matin en déposant une motion de rejet préalable qui, si elle est adoptée, coupera court à toute forme de discussion.