Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 2 avril 2015 à 9h30
Perte de la nationalité française et crime d'indignité nationale — Présentation

Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique :

Au-delà de la nécessité d’instaurer une telle peine, non caractérisée au regard de notre arsenal juridique actuel, et des risques d’incompatibilité avec d’autres normes fondamentales, je veux mettre en garde sur deux points majeurs, d’ordre politique cette fois.

Quand, à la Libération, est instauré ce crime d’indignité nationale, la République cherche alors à asseoir sa légitimité. Elle souhaite marquer une rupture fondamentale avec le régime de Vichy. La République se sait fragile, elle est lucide : elle se souvient qu’en juin 1940, il suffit de quelques jours pour qu’elle fût emportée. Bien sûr, nous devons toujours être vigilants. La République est une oeuvre de longue haleine et un combat de chaque instant. Mais la menace est aujourd’hui – comme le président de la commission des lois l’a reconnu dans un récent rapport – d’une nature fort différente. On ne saurait comparer la France de 1944, libérée mais traumatisée par quatre années de collaboration avec l’occupant, avec celle d’aujourd’hui, dont les citoyens ont rappelé encore dernièrement, par une mobilisation collective sans précédent durant les jours tragiques que nous avons connus en janvier, leur attachement aux principes et aux valeurs qui fondent notre démocratie.

Enfin, si l’indignité nationale est censée être une peine infamante, croit-on réellement qu’un terroriste, qui cherche à miner notre société de l’intérieur, pourrait y être sensible ? Une telle mesure risque bien de manquer son but, et peut-être même, paradoxalement, de décerner en quelque sorte des brevets de terrorisme à ceux qui d’eux-mêmes s’excluent de la communauté nationale et dont l’unique objectif est de mettre à bas la nation. Or l’enjeu est de mettre les terroristes hors d’état de nuire. L’indignité nationale n’apporte à cet égard aucun début de solution.

Mesdames et messieurs les députés, évitons les lois d’affichage et les lois d’exception, vite votées mais jamais appliquées.

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