Madame la présidente, madame la ministre de la justice, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de la défense, chers collègues, il y a des moments, dans la vie d’un parlementaire, où il faut savoir non seulement monter à la tribune, mais aussi s’élever au-dessus des polémiques du Café du Commerce. Le texte que nous examinons n’est pas apparu d’un coup ; il est issu de multiples réflexions, menées sous différents gouvernements. Je vous rappelle que c’est le Président Sarkozy qui a créé la délégation parlementaire au renseignement, à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, et qui a été renforcée au cours de cette législature.
On voit bien que ce texte répond à plusieurs nécessités. Nous nous devons de donner à nos services un cadre légal : c’est une nécessité incontournable que M. le rapporteur, Jean-Jacques Urvoas, a soulignée tout à l’heure. Vous savez que la CEDH a rendu des décisions à ce sujet, notamment sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. C’est ainsi que la Roumanie a été condamnée parce que sa loi n’était pas assez précise, et pas assez proportionnée. Bref, il est clair que nous devons encadrer l’action de nos services de renseignement, sans nous cacher derrière notre petit doigt en arguant du secret.
Surtout, il ne faut pas considérer que l’action des services de renseignement relève de la barbouzerie ! On ne le dira jamais assez : le renseignement est un service public agissant dans le cadre d’une politique publique nécessaire à toutes les démocraties, pour faire face aux multiples menaces auxquelles elles sont confrontées, et sur lesquelles je reviendrai tout à l’heure.
Deuxièmement, il est clair que ce texte prend en compte l’évolution des technologies. Nous le savons, la loi de 1991, qui a été très bien rédigée, a longtemps permis de faire face aux menaces et elle a évolué pour prendre en compte l’évolution des techniques. Au passage, je constate avec sidération que certains critiquent certaines facilités technologiques données aux services, alors que ces mêmes facilités existent dans le domaine privé et peuvent être utilisées par des officines sans aucun contrôle et au détriment de nos libertés. J’estime qu’il est tout à fait légitime de donner aux services la possibilité d’utiliser un certain nombre de technologies modernes, comme ce qu’on appelle, dans un anglicisme forcé, les international mobile subscriber identity – IMSI – catcher, qui permettent « d’attraper » les numéros de toutes les cartes SIM des alentours, puisque ces technologies peuvent être utilisées par des officines privées.
De plus, je le souligne, ce texte est une avancée pour le justiciable – je le dis comme je le pense – car le contrôle exercé par la CNCTR sera renforcé. Celle-ci pourra ensuite saisir la formation spécialisée du Conseil d’État. Se pose bien sûr la question de la présence ou non de députés au sein de la CNCTR. Pour ma part, je pense qu’elle travaillera à plein-temps. Certains de mes collègues du groupe UMP pensent que la présence de députés est nécessaire. La question reste ouverte et nous en débattrons. Ce qui est certain, c’est que, pour la première fois, des requêtes individuelles devant le Conseil d’État ou par renvoi préjudiciel seront possibles, ce qui renforce évidemment les libertés publiques.
M. le ministre de l’intérieur et M. le ministre de la défense le savent, la menace prend des formes multiples, comme les cyberattaques ou le terrorisme – sur ce dernier point, le texte prévoit de donner des pouvoirs bien encadrés à la CNCTR et aux services. Le projet de loi réserve un traitement spécifique au terrorisme mais il y a également le crime organisé ou le contre-espionnage. Il serait faux de croire que les autres États, y compris nos partenaires européens ou alliés, ne font jamais d’opérations d’espionnage sur le territoire national.
Nos services sont reconnus par le texte comme un grand service public. Les chefs de ces services, que nous avons eu l’occasion de rencontrer, nous ont d’ailleurs toujours dit qu’ils menaient une mission de service public. Je rappelle à ceux qui critiquent ce texte que la première liberté publique des Français, c’est de ne pas être déchiqueté par une bombe posée au coin de la rue. Et cela n’a pas de prix.