Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le renseignement est un acte de souveraineté par excellence. Il relève donc de la loi. Or, depuis la loi Rocard de 1991, la France n’a fait évoluer qu’à la marge sa législation sur les interceptions, comme si les techniques et les technologies n’avaient bougé qu’à la marge.
Le numérique, l’internet, les téléphones, les ordinateurs portables, les réseaux sociaux, tout cela n’existait pas ou presque pas en 1990. Et pourtant, dans nos textes et dans notre discours, nous parlons souvent encore d’écoute comme si rien n’avait changé, alors que les nouvelles technologies permettent, c’est une évidence, de mettre en place des dispositifs particulièrement intrusifs et portant en eux des atteintes potentiellement profondes à la vie privée et aux libertés individuelles.
Les criminels et les terroristes, les services de renseignement étrangers, les agences privées éventuellement commanditées par de grands groupes, disposent de moyens de communication, de technologies – j’allais dire de moyens de travail –, qui sont sans commune mesure avec ce que la législation prévoyait pour les contrecarrer. Bien sûr, nos services se sont adaptés. Les lois de programmation ont accru de façon considérable les moyens des services de renseignement – 700 postes à la DGSE lorsque j’étais ministre de la défense – et, dans le même temps, la Commission nationale de contrôle a fait évoluer sa jurisprudence pour s’adapter à tout cela.
Mais, très clairement, il était nécessaire qu’il y ait un cadre législatif et réglementaire nouveau pour asseoir juridiquement des méthodes et des pratiques déjà mises en oeuvre.
Oui, il fallait un texte, mais j’ajoute que ce n’est pas parce que ces pratiques et techniques existent qu’il ne faut pas un encadrement très strict et très protecteur de nos libertés fondamentales. Au contraire, c’est parce qu’on sait qu’elles existent qu’il est nécessaire.
Tout d’abord, disons-le, compte tenu de l’ampleur des dispositifs et des champs d’intervention prévus, ce texte s’apparente bien à un Patriot Act à la française, quelles que soient les allégations contraires du Gouvernement, et même si on ne va pas aussi loin que les Américains.