Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons à partir d’aujourd’hui une loi très importante pour les institutions de la République française.
C’est bien une loi sur le renseignement, ce n’est pas une nouvelle loi sur le terrorisme. La lutte contre le terrorisme concerne naturellement le travail des services de renseignement. Elle représente par ailleurs, si j’ai bien compris les propos du ministre de l’intérieur, près de 50 % de l’activité de la sécurité intérieure. Le renseignement est une grande activité qui participe de la souveraineté de notre pays. C’est une politique publique, une politique d’État. Le renseignement doit aider l’autorité politique à décider sur l’ensemble des enjeux qui concernent la souveraineté nationale. Il contribue tout particulièrement à assurer l’autonomie stratégique de notre pays, avec d’autres moyens opérationnels, d’autres moyens pour assurer l’indépendance et l’autonomie stratégique de la France.
Cette loi sur le renseignement est une grande loi parce qu’elle donne enfin un cadre juridique aux activités de renseignement. La loi de 1991 était importante mais elle ne prenait naturellement pas en compte l’évolution technologique et la réalité du monde d’aujourd’hui. Avec cette loi sur le renseignement, nous prenons en compte le contexte stratégique, l’évolution technologique et la réalité juridique, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Pour protéger notre souveraineté nationale, nous devons faire face aux réalités du monde d’aujourd’hui. Les risques et les menaces ont en effet évolué, en raison du contexte géostratégique, des nouvelles menaces, notamment le terrorisme international et le cyberterrorisme, et de l’évolution technologique, qui permet de porter des attaques de très haut niveau contre des infrastructures vitales. L’attaque contre la chaîne publique TV5 Monde n’est qu’une illustration de ce que peut être aujourd’hui la lutte informatique.
Depuis le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, nous avons placé le renseignement, cette fonction « connaissance et anticipation », au coeur des intérêts de la nation.
Une grande nation démocratique doit avoir la capacité de prendre des décisions en toute connaissance de cause face à une réalité qui la préoccupe.
Nous sommes confrontés à des menaces, les menaces terroristes bien entendu, mais aussi l’espionnage ou les menaces sur le plan de l’intelligence économique. Il y a une guerre économique, en effet, et nous devons pouvoir protéger les intérêts économiques majeurs de la nation, comme ses intérêts industriels, ses intérêts scientifiques et l’ensemble de ce qui permet à notre pays d’être en pointe dans un certain nombre de domaines.
On sent d’ailleurs que certains de ceux qui nous critiquent peuvent aussi vouloir nous empêcher de protéger ces intérêts économiques majeurs, nos intérêts scientifiques. Nous ne devons pas être naïfs face aux stratégies d’ingérence, d’influence, et nous ne devons pas être piégés par ceux qui voudraient empêcher la France de protéger ses intérêts économiques, industriels et scientifiques, qui participent de la compétitivité du pays et qui nous permettent de créer de nombreux emplois.
Le renseignement est une activité noble, et nous devons redonner cette dimension aux services de renseignement dans toute leur diversité, le renseignement intérieur, le renseignement extérieur, le renseignement qui, avec Tracfin, permet de protéger les intérêts économiques et de lutter contre le crime organisé.
Aujourd’hui, les menaces qui pèsent sur la France sont celles qui pèsent sur l’ensemble des démocraties, et, cette bataille, nous devons être en première ligne pour pouvoir l’emporter. Je signale d’ailleurs au passage que c’est grâce à nos services de renseignement que le Président Chirac, en son temps, a pu prendre en toute autonomie et en toute indépendance la décision de ne pas faire intervenir la France en Irak en dépit du grand mensonge fait à l’ensemble de la nation. C’est grâce à la direction du renseignement militaire, la DRM, à laquelle je rends hommage comme à l’ensemble des services de renseignement qui sont au service de la République, que notre pays ne s’est pas engagé dans une guerre qui n’avait aucun fondement.
Aujourd’hui, j’écoute comme tout un chacun l’ensemble des critiques et des observations adressées à ce texte. Elles sont légitimes, mais elles ne sont pas fondées.
Madame, messieurs les ministres, vous proposez par ce texte un encadrement juridique des services de renseignement. C’est une avancée démocratique. Moi qui suis né dans un pays qui, à l’époque, était sous la coupe d’un régime autoritaire, d’une dictature militaire, je mesure pleinement ce que veut dire surveillance de masse ou renseignement politique. Avec ce texte, nous endiguons toute possibilité de manipulation politique des services de renseignement. C’est une belle avancée pour notre République.