Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, il aura fallu qu’il y ait dix-sept morts et les attentats des 7 et 9 janvier et qu’un militaire soit pris pour cible à Nice le 3 février pour que l’ensemble des groupes politiques prennent enfin conscience de la nécessité de renforcer les moyens d’action de nos services de renseignement.
Oui, reconnaissons-le, ce projet présente des mesures qui vont dans le bon sens, et, que les choses soient claires, je les voterai sans réserves, mais soyons honnêtes : il a fallu attendre plus de quatre mois pour que le Gouvernement présente un texte qui se contente de rendre légales des procédures qui étaient déjà utilisées dans les faits par les services de renseignement.
Oui, j’estime que ce texte ne va pas suffisamment loin. Je le dis avec gravité, il faut d’urgence renoncer à certaines libertés pour sauvegarder la liberté. Ceux qui aujourd’hui prétendent qu’il ne faut rien faire, ceux qui sont soit timorés soit hésitants jouent avec le droit inaliénable de chaque Français à vivre individuellement et collectivement en sécurité.
Il faut en finir avec les demi-mesures, les postures, les slogans et les effets de communication et prendre avec courage des mesures drastiques. Nous sommes en guerre contre des ennemis qui ont juré de nous détruire, des ennemis qui kidnappent, violent, tuent. C’est une lutte à mort, une lutte pour la survie de chacun de nos concitoyens, de notre nation, de nos grandes démocraties. C’est tout simplement une lutte pour la sauvegarde de notre civilisation.
Je reprends ici devant vous, sans hésiter, la fameuse formule des révolutionnaires de 1789 : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » Pas de liberté pour les apprentis djihadistes ! Pas de liberté pour les fanatiques ! Pas de liberté pour les islamo-fascistes ! C’est pourquoi je regrette que votre projet de loi ne s’intéresse qu’au seul renseignement. C’est l’ensemble de la politique de sécurité et de la chaîne pénale qu’il faut réformer pour mieux nous protéger contre cette nouvelle guerre.
La prévention des risques terroristes passe aussi par la lutte contre la délinquance quotidienne. Le Gouvernement souhaite hausser le ton contre le terrorisme, mais la délinquance quotidienne explose sur notre territoire en développant des zones de non-droit. Or, celles-ci sont le principal vivier du terrorisme, dont le recrutement prolifère dans un climat général de délinquance. Votre politique pénale, qui ne répond pas aux besoins des forces de l’ordre qui sont épuisées, encourage la délinquance. Elle n’empêche pas le développement des réseaux de drogue et d’approvisionnement en argent provenant de sources multiples. Le terrorisme se finance tout simplement avec cette délinquance ! C’est en frappant la délinquance que vous frapperez le terrorisme et son développement sur notre territoire.
Ce projet ne renforce pas non plus l’autorité judiciaire. La lutte contre le terrorisme passe également par ce renforcement. Or, après avoir affaibli votre arsenal juridique, en supprimant les peines planchers contre les multirécidivistes ou en instaurant les peines de probation en lieu et place des peines d’emprisonnement, votre projet ne présente aucune mesure sur la justice, ni aucune mesure de sûreté ou de rétention. Une fois de plus, vous vous refusez à adapter la chaîne pénale aux réalités. Ce refus pourrait entraîner l’inutilité des mesures que vous nous présentez aujourd’hui.
Dans un amendement, je propose de développer un fichier unique contenant l’identité des individus poursuivis pour terrorisme ou potentiellement liés à une entreprise terroriste. Il faut créer un délit de participation à une entreprise terroriste, lorsqu’un faisceau d’indices concordants peut laisser craindre un risque de passage à l’acte. Si nos services de renseignement sont très efficaces – je souhaite ici leur rendre hommage –, nous voyons bien qu’ils manquent d’outils juridiques. Nous en avions d’ailleurs discuté ensemble, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de la défense nationale, lorsqu’un élan républicain vous avait conduits à Nice, quand il avait fallu agir face à un Moussa Coulibaly qui, surveillé, était sur le point de passer à l’acte, mais qui n’avait pas encore commis d’acte matériel. L’autorité judiciaire doit avoir la possibilité de prononcer une rétention de sûreté pour les auteurs d’actes de terrorisme.
Il faut mettre en place des quartiers spécifiques dans les prisons pour les terroristes Au-delà des mots, il faut aussi renforcer de manière significative les moyens humains et matériels de nos services de renseignement intérieur. Or, sur ce point, votre projet de loi ne se donne pas les moyens de l’ambition que vous affichez. Face à la menace terroriste, la République doit être forte. Elle ne doit pas fléchir et elle doit se donner les moyens de combattre cette guerre nouvelle, aussi bien sur notre territoire que sur le plan international. À ce propos, je m’interroge parfois sur la politique diplomatique de notre pays. On refuse de livrer deux Mistral à la Russie,…