Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, « ce projet de loi est dangereux pour nos libertés individuelles et pour notre démocratie ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le juge antiterroriste Marc Trévidic. Présenté comme la réponse aux attentats de janvier, comme pour mieux faire passer la pilule, ce projet ne traite en réalité que très partiellement de la question terroriste. Le tout récent rapport de nos collègues sénateurs alerte pourtant sur l’aggravation du péril islamiste : 1 432 Français djihadistes ont été recensés le mois dernier. Premier fournisseur européen de l’État islamique, notre pays enregistre un doublement de nos ressortissants dans les filières syrienne et irakienne sur la dernière année et une hausse de 84 % de Français présents sur les zones de combat. Les mosquées salafistes, terreau du terrorisme, ont doublé en cinq ans dans notre territoire.
Vous prévoyez dans ce texte sept finalités à l’extension des techniques de renseignement dont la prévention des « atteintes à la forme républicaine des institutions » et « des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Cette formulation particulièrement floue accroît largement le champ d’action de surveillance des renseignements, bien au-delà de la menace terroriste, qui devient alors un prétexte à la surveillance politique. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter le ministre de l’intérieur en commission évoquant la mouvance identitaire comme potentielle cible de cette surveillance arbitraire, oubliant par là même que toutes les violences et les dégradations de ces dernières années sont le fait de groupuscules d’extrême gauche.
Comprenez mon inquiétude, lorsque je constate la véhémence des propos du Premier ministre tenus à l’étranger et en France à l’égard du Front National, alors que ce projet de loi fait de ce même Premier ministre le décisionnaire final de cette mise sous surveillance qui échappe à la décision du juge. Évidemment, le Gouvernement nous expliquera qu’il n’en est pas question, mais tout est prévu dans ce texte pour basculer du renseignement criminel au renseignement politique. Il est intolérable, dans un État de droit, de permettre de telles atteintes à la vie privée des citoyens.
D’autres finalités n’échappent pas à ce flou et deviennent une ouverture à toutes les dérives. Il aurait fallu a minima conserver la notion d’« intérêt essentiel », remplacé en commission par « intérêt majeur », pour justifier un tel pouvoir étatique qui, mis entre de mauvaises mains, fait craindre un État « Big brother ». Les techniques de recueil des données de connexion sont considérablement élargies. Les services bénéficieront d’un accès en temps réel sur les réseaux des opérateurs télécoms…