Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 13 avril 2015 à 21h30
Renseignement — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre de la défense, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, mes chers collègues, avec ce texte, j’ai l’impression de revivre les débats sur la loi de programmation militaire, il y a un an et demi, mais cette fois, je me sens un peu moins seul. Le Conseil national du numérique, le Défenseur des droits, la Commission nationale de l’informatique et des libertés – CNIL –, le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité – CNCIS –, l’Union syndicale des magistrats : nombreux sont ceux qui ont pu rendre leur avis sur ce projet de loi – un avis souvent sévère.

Alors, où en sommes-nous, mes chers collègues ? En l’état, les garanties en matière de protection des données et de respect de la vie privée sont insuffisantes. Avec mon excellent collègue Patrick Hetzel, j’ai donc déposé quarante amendements, dont vingt-cinq à l’article 1er, inspirés des différents avis que j’ai mentionnés. Nous ne sommes donc absolument pas dans le rejet pur et dur, mais bien dans la proposition et la construction. J’espère que vous l’aurez noté.

Au cours de ce débat, monsieur le ministre de l’intérieur, les positions des uns et des autres vont dépasser les clivages politiques. Chacun aura son avis, chacun proposera où placer le curseur.

D’ores et déjà, je pense qu’internet n’est pas la cause ni la source de tous les maux. Nous devrions plutôt étudier le phénomène de radicalisation en prison, très sérieux. Nous en débattrons lorsque nous discuterons des amendements de nos collègues Ciotti et Goujon.

Dans tous les cas, par pitié, évitons les caricatures ! Pour ma part, j’admets que des progrès importants ont été réalisés en commission sur ce texte, qu’il faut un cadre légal pour le renseignement et qu’il n’est pas évident de trouver le bon équilibre. De votre côté, j’aimerais, si possible, ne pas entendre des arguments comme « On ne pourra pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus en cas d’attentat », ou d’autres facilités du même genre.

Puisque le Premier ministre est au coeur du système, le risque global est que les dispositions de ce texte tombent entre les mains de politiques peu scrupuleux : le plus grave deviendrait alors possible. Il faut donc nous prémunir contre ces risques, faire de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, un véritable contre-pouvoir, écarter de la surveillance tous ceux qui n’ont aucune raison d’être surveillés, et lever le flou qui entoure certaines techniques que ce texte entend autoriser.

Comme beaucoup, je suis profondément convaincu que l’abandon des libertés est toujours une réponse facile, relativement économique et sans risque politique. Il n’y a pas d’attentat ? C’est grâce au système de renseignement que nous avons mis en place, il faut continuer, votez pour nous ! Il y a un attentat ? C’est parce que le renseignement ne va pas assez loin et qu’il faut le renforcer, votez pour nous ! Combien de temps pouvons-nous continuer ainsi, à ignorer que, pendant que l’on abandonne progressivement, loi après loi, nos libertés en les offrant aux terroristes et à ceux qui prétendent les combattre, on ne fait rien, ou pas grand-chose, pour s’attaquer aux sources du terrorisme.

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