Madame et messieurs les ministres, le premier élément que j’exprimerai à propos de cet article 1er est que personne ne doute de la bonne foi ni des bonnes intentions du Gouvernement, que vous avez répétées. Il faut selon vous, et j’y souscris, légaliser les pratiques illégales et mettre en conformité avec le droit ce qui, jusque-là, lui échappait.
Mais il ne faut pas non plus balayer la bonne foi de celles et ceux qui, sincèrement, peuvent être amenés à émettre des doutes, des interrogations et des craintes sur les conséquences de ce texte pour les libertés publiques. Cela mérite un débat, qui ne peut pas être simplement balayé de la main sous le seul prétexte de l’irresponsabilité et de l’inculture de ceux mêmes qui forment ces critiques, ou de leur méconnaissance de la loi et de ses dispositions.
Cela mérite donc qu’on en discute – d’abord, en tant que républicains, car la République, ce n’est pas simplement l’ordre. C’est aussi la liberté et le droit, et c’est aussi ce qui nous unit tous depuis deux siècles : le refus de tous les abus de pouvoir. Les services, qui font par ailleurs un travail remarquable, ont entre les mains, a fortiori dans les dispositions nouvelles renforcées par la loi, des pouvoirs très importants et il convient donc que nous débattions de ces questions.
Monsieur le ministre de la défense, je suis issu, vous le savez, d’une circonscription où les enjeux de sécurité ne sont pas négligeables. Je suis très investi sur ces questions et je ne les prends assurément pas à la légère ou avec désinvolture. Avec M. Pierre Lellouche, au sein du groupe de travail permanent sur la lutte contre le terrorisme, nous discutons et échangeons nos points de vue, nos informations et nos renseignements. Ce n’est donc pas du tout par facilité ou pour me contenter d’une ode aux libertés que je formule quelques interrogations qui ne portent du reste pas sur l’architecture générale de la loi, mais sur certaines de ses dispositions, sur lesquelles nous reviendrons.
Dans cet article 1er, qui recouvre plusieurs aspects, il faut d’abord constater l’extension – que vous présentiez tout à l’heure, monsieur le ministre de l’intérieur, comme une garantie – du champ des dérogations au respect de la vie privée, c’est-à-dire les sept cas justifiant l’octroi de moyens supplémentaires aux services. Or, l’extension de ce champ peut donner lieu à bien des interprétations de la part des services eux-mêmes.
Le champ élargi de la collecte des données peut lui aussi susciter des difficultés. Enfin, l’articulation n’est pas encore suffisante entre le juge administratif et le juge judiciaire, pour des raisons qui ont été évoquées tout à l’heure. Je demande donc qu’on en débattre, qu’on y réfléchisse et qu’on puisse trouver des compromis nécessaires.