Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous allons clore deux semaines de débats sur un texte qui avait pour objectif de « transformer notre système de santé afin de conforter son excellence », avec pour « ambition de réduire les inégalités d’accès aux soins, développer la prévention, l’éducation, l’innovation et les droits des patients ». À l’heure du vote, nous devons vérifier si cet objectif est atteint.
Il est indéniable que le texte comporte des mesures positives : création de l’action de groupe en matière de produits de santé ; renforcement de certains domaines de la prévention ; mesures concernant l’IVG ; généralisation du tiers payant – même s’il reste des zones d’ombre, comme le transfert de tâches administratives vers les médecins et le transfert de charges de la Sécurité sociale vers les mutuelles ; avancées sur la limitation des dépassements d’honoraires ; progrès dans la lutte contre les conflits d’intérêts.
Mais il existe aussi de grands manques. Ni les franchises, ni les forfaits, ni les conditions de la tarification à l’activité ne sont remis en question. D’autres sujets continuent de nous préoccuper, nos craintes n’ayant pas été apaisées durant les débats. C’est le cas du système national des données de santé, dont les éléments à caractère personnel sont désormais accessibles aux groupes pharmaceutiques et aux assureurs. Nos demandes de sécurisation du système n’ont pas été entendues. Nous restons très inquiets à l’idée que les informations concernant la santé de nos concitoyens soient désormais accessibles, même indirectement, à des entreprises privées.
Enfin, le sujet qui a suscité le plus de critiques de notre part porte sur le renforcement du pouvoir des agences régionales de santé – ARS. Il faut reconnaître notre constance : opposés à la création des ARS prévue par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dite loi Bachelot, nous avons ensuite combattu le renforcement de leurs prérogatives, prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.
Nous n’avons rien contre une organisation territoriale de la santé, mais nous sommes vent debout contre la transformation des ARS en préfectures sanitaires, en bras armé du gouvernement. Cette évolution prend toute sa dimension avec l’instauration d’une obligation d’adhérer à des groupements hospitaliers de territoire. Cette injonction se traduit par des fermetures de services, pourtant utiles à la population, par des suppressions de postes massives, non sans conséquences sur les conditions de travail des personnels et la prise en charge des patients, et par des réductions budgétaires drastiques.
Il s’agit d’un problème de principe : les ARS devraient favoriser la démocratie sanitaire et sociale, non s’instituer en censeur financier, arbitral et brutal. Ce problème gagne en acuité avec la réduction drastique des budgets que vous avez décidée, et contre laquelle mon groupe a voté. Votre projet de loi s’inscrit dans un plan d’économies de 21 milliards d’euros pour l’assurance maladie et la protection sociale, avec une réduction du budget de la santé de 10 milliards d’euros d’ici deux ans, dont 3 milliards pour les seuls hôpitaux.
La question des moyens est indissociable du renforcement du pouvoir des ARS, qui mettent en musique la politique financière décidée par ce gouvernement. Il faut évidemment rationaliser certaines dépenses et réaliser des économies lorsque c’est faisable. Mais cela ne doit pas constituer le fondement d’une politique en matière de santé. Il faut partir des besoins de nos concitoyens et trouver les moyens d’y répondre avec la plus grande efficacité, en dépensant le moins possible.
Nous pouvons légitimement nous demander si les mesures votées pourront être appliquées dans ce contexte budgétaire. Il n’est pas acceptable que l’accès à certains soins ou à des dispositifs de prévention ne soit pas effectif parce que les moyens manquent. Je pense aux hôpitaux, mais aussi à la médecine scolaire, qui ne peut assurer ses missions alors qu’elle devrait avoir un rôle pivot en matière de prévention. Rappelons que, selon les régions, 30 % à 40 % d’une classe d’âge seulement sont reçus par le médecin scolaire. Il n’existe que 1 100 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves, soit moins d’un médecin pour 10 000 élèves. Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront majoritairement contre ce texte de loi.