Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 14 avril 2015 à 15h00
Renseignement — Article 1er

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Et nous allons veiller à maintenir l’anonymat des officiers qualifiés pour accomplir cette mission de renseignement pénitentiaire, car il s’agit là tout simplement d’une condition d’efficacité.

La mission du ministère de la justice est d’assurer le contrôle juridictionnel des activités, y compris relatives au recueil de renseignements, des établissements pénitentiaires placés sous l’autorité judiciaire. C’est la loi ! Le procureur peut à tout moment et de façon inopinée exercer un contrôle de ces lieux clos. Telle est la réalité. Bien sûr, il est possible de ne pas soutenir l’amendement du Gouvernement, mais la nature même des missions du ministère de la justice s’en trouvera modifiée : au lieu d’assurer le contrôle juridictionnel du respect des droits et des libertés des citoyens, les services du ministère auraient à utiliser directement les techniques de recueil de renseignement.

C’est une option possible, je le répète, mais, comme je l’ai dit en commission, ce choix ne peut pas être fait par inadvertance : toutes les conséquences doivent en être examinées. Le renseignement pénitentiaire, pardon de me répéter, a été renforcé pendant les trois dernières années. Il a été restructuré, des dispositions ont été prises. Nous faisons face à la réalité, nous y répondons tous les jours. Et à propos de réalité, monsieur Lellouche, vous avez dit que vous aviez visité la maison d’arrêt de Fresnes, y compris l’aile où étaient regroupés les cent détenus que nous avions choisi de placer dans un lieu dédié. Sauf qu’ils sont vingt-deux, pas une centaine ! Et parmi eux, il y a des prévenus, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas encore condamnées. Mais nous avons assumé la responsabilité de les placer dans une aile dédiée.

Nous sommes allés encore plus loin : comme le renseignement pénitentiaire nous a signalé que les détenus radicalisés avaient depuis quelque temps une stratégie de dissimulation, j’ai décidé l’année dernière, avant les attentats traumatisants que nous avons connus, de lancer une recherche-action, avec appel d’offres, pour détecter ce qu’on appelle les signaux faibles, comprendre le processus de basculement dans la radicalisation mais aussi repérer ceux qui endoctrinent. Il y aura quatre autres recherches-actions. Le premier rapport d’étape sera présenté dans le courant du mois d’avril.

Vous avez dit, monsieur le ministre Pierre Lellouche, que les auteurs des attentats de janvier s’étaient radicalisés en prison. C’est faux. Certes, il est possible que le premier se soit radicalisé en prison mais le deuxième avait déjà été condamné une première fois pour acte terroriste : ce n’est donc pas en prison qu’il s’est radicalisé. Le troisième, quant à lui, n’avait jamais eu à faire à la justice.

Oui, les personnes radicalisées et celles qui se livrent à des actes terroristes sont dangereuses. Lorsqu’elles sont dans nos établissements pénitentiaires, nous avons le devoir de les surveiller le plus étroitement possible. Les vingt-deux détenus que vous avez vus à Fresnes ont encore des relations avec l’administration et nous connaissons leurs profils et pratiques. Mais les radicalisés, les prosélytes, ceux qui endoctrinent ne participent pas à ce programme : ils sont en isolement, font l’objet de fouilles périodiques et sont régulièrement transférés d’un établissement à un autre. Le régime n’est absolument pas le même.

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