Monsieur le président, mes chers collègues, en ce jour de la Saint Nicolas, particulièrement symbolique puisque le nom de cette fête est au coeur d'une polémique à la suite de son dépôt en tant que marque commerciale,la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter concerne deux sujets distincts : d'une part, les indications géographiques appliquées aux produits artisanaux et manufacturiers, et, d'autre part, la protection des dénominations des collectivités territoriales. Ces questions sont connexes et s'inscrivent dans une même perspective, celle de renforcer la reconnaissance des savoir-faire des entreprises françaises en s'appuyant sur les identifiants forts pour les produits que sont les noms des collectivités territoriales, lesquels permettent une identification à un territoire, à une histoire ou à une renommée.
Tout se passe en effet comme si la mondialisation de l'économie et de la concurrence avait pour corollaire une appétence accrue des consommateurs pour la proximité, pour le local, l'identification des produits à leur origine et l'authenticité. Ces tendances peuvent s'analyser comme autant de défenses à l'encontre de l'uniformisation du marché global qui ne permet plus d'attacher un produit à un territoire, une entité géographique. La commission des affaires économiques a eu maintes occasions de dresser ce constat en traitant, par exemple, des droits de plantation, des couteaux Laguiole – à propos desquels nous avons procédé à une audition encore récemment – ou de l'AOC « gruyère ». Les vides juridiques sont bien identifiés et il est temps, désormais, d'y apporter remède.
Le texte que je vous présente s'inspire largement des débats que nous avons menés lors de l'examen, en 2011, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, et dont j'étais le rapporteur. Il comportait un article relatif aux indications géographiques des produits non alimentaires, et la commission avait également adopté, à mon initiative et à celle de Christian Jacob, un amendement visant à mieux protéger les noms des collectivités territoriales des usages dévoyés ou déloyaux. Ce projet de loi n'ayant malheureusement pu aboutir, je vous propose aujourd'hui de revenir sur ces importantes questions qui concernent la plupart d'entre nous en abordant les différents articles de la proposition de loi. Celle-ci reprend également des préconisations de notre collègue Yves Censi, qui a largement contribué à alimenter le débat lors de l'examen du projet de loi en 2011. J'ai été amené, au fil des auditions et de mes réflexions, à modifier et à améliorer la proposition initiale. C'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements, co-signés par Yves Censi, pour préciser, compléter et restructurer le texte.
En ce qui concerne tout d'abord la création d'indications géographiques protégées en faveur des produits artisanaux ou manufacturiers, il s'agit pour notre pays d'être précurseur tout en s'inscrivant dans un cadre européen. Le droit positif comporte en effet depuis fort longtemps un système de protection des produits alimentaires sous la forme des appellations d'origine définies à l'article L.115-1 du code de la consommation : ce sont les AOC. Mais, même si cet article n'exclut pas formellement les produits autres qu'alimentaires, la pratique, qui exige un lien fort entre terroir et savoir-faire, a conduit à ce que l'immense majorité des produits AOC soit des produits alimentaires. Il existe, certes, quelques contre-exemples tels que la dentelle du Puy, les mouchoirs et toiles de Cholet, la poterie de Vallauris, les émaux de Limoges et le monoï de Tahiti, mais il s'agit d'AOC très anciennes et les conditions actuelles de fabrication ne permettent plus aux produits artisanaux de satisfaire aux critères des AOC. Le droit européen, quant à lui, prévoit deux modes de protection de l'indication géographique des produits alimentaires : l'appellation d'origine protégée – AOP –, qui garantit un très fort lien avec le terroir et qui est l'équivalent de l'AOC française ; l'indication géographique protégée – IGP –, qui garantit un lien avec l'origine au moins à l'un des stades de la production, de la transformation ou de l'élaboration. La volonté européenne d'étendre la catégorie des IGP aux produits non alimentaires existe, des études préparatoires en ce sens ont été réalisées. Mais cette volonté n'a pas encore débouché sur un texte, et ce ne sera pas le cas avant plusieurs mois.
L'objet de l'article 1er de la proposition de loi est donc de reprendre le texte du projet de loi voté en 2011 en première lecture. Ainsi, il prévoit une procédure d'homologation par décret d'un cahier des charges rédigé à l'initiative des producteurs qui indique le nom du produit, délimite l'aire géographique, définit la qualité, la réputation ou les autres caractéristiques qui peuvent être attribuées à cette origine géographique, et précise les modalités de production, de transformation, d'élaboration ou de fabrication qui ont lieu dans cette aire géographique ainsi que les modalités de contrôle des produits. J'indique au passage, puisque j'ai été interpellé en commission par Mme Marie-Lou Marcel à ce sujet, que le Fonds monétaire international a déploré, fin janvier 2011, le retard pris par ce projet de loi qu'il estimait bénéfique pour la concurrence dans les services et qui comportait de nombreuses avancées en matière de commerce, d'énergie, de télécommunications et de logement.