Je dois dire que cette « boîte noire » est en quelque sorte la boîte de Pandore de ce projet de loi sur le renseignement. Le texte ne prévoit malheureusement aucune possibilité de contrôle réel : nous n’avons aucune assurance sur la possibilité de contrôler l’algorithme, ni sur le fonctionnement des services qui utiliseront cet algorithme secret. Nous sommes là dans des dispositifs mathématiques extrêmement complexes et des dispositifs informatiques de pointe, que seuls ces services – en l’occurrence la DGSE – pourront utiliser et sauront comment utiliser. La présence d’un seul ingénieur de l’ARCEP au sein de la CNCTR et l’absence d’assurance sur les moyens qui seront donnés à la CNCTR en termes d’expertise technique ne sont évidemment pas pour nous rassurer.
On nous dit que l’ensemble, la masse, les pentaoctets de données qui vont transiter sur les réseaux ne seront pas des contenus de discussions et d’échanges entre les citoyens, mais uniquement des métadonnées. Or tous les chercheurs le savent, les métadonnées contiennent en fait plus d’informations sur la vie privée de nos concitoyens qu’une carte d’identité. Ce sont donc des ressources très précieuses qui seront ainsi confiées à nos services, à travers le filtre de cette « boîte noire » sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise, donc aucune transparence démocratique.
On nous dit que ce n’est pas grave, puisque les données récoltées seront anonymes. Mais la CNIL elle-même a relevé qu’il y avait une forme de paradoxe à dire que ces données seront anonymes quand elles vont permettre d’identifier, le cas échéant, des terroristes ou des délinquants en puissance.
Qui va garantir que les lois fondamentales seront respectées dans les suites mathématiques ainsi créées par des services de renseignement habitués à exercer de manière clandestine en dehors du territoire national, qui agiront cette fois sur le territoire national, puisque – c’est l’ARCEP qui le dit – il est quasiment impossible de déterminer si une communication électronique est localisée sur le territoire national ou à l’étranger ?
Nous avons là de véritables difficultés techniques, sur lesquelles il nous faut des garanties.