Nous en arrivons à cet amendement du Gouvernement dont il a déjà été question à plusieurs reprises. En effet, comme vous vous en souvenez, nous avons modifié le texte à deux reprises pour tenir compte de ces dispositions se rattachant à l’article 4.
Le texte issu des travaux de la commission prévoyait une formation de jugement composée de trois membres qui aurait connaissance des requêtes portant sur la mise en oeuvre des techniques de renseignement. Ces personnes seraient naturellement habilitées ès qualités au secret défense.
Ces dispositions auraient pour conséquence d’empêcher que les affaires puissent être renvoyées en section du contentieux ou devant l’assemblée du contentieux. Certes, le texte ne supprimerait pas les procédures de référé, mais il n’en demeure pas moins qu’il serait très difficile de mettre en oeuvre ces procédures, qu’il s’agisse du référé-liberté ou du référé « mesures utiles », puisque l’existence d’une formation de jugement composée de trois membres ne permet pas de procéder à la désignation d’un juge du référé.
Le Gouvernement vous propose donc un amendement visant, évidemment, à désigner le Conseil d’État, qui est notre plus haute juridiction administrative, pour assurer ce contrôle juridictionnel. Le Conseil d’État juge chaque année 10 000 affaires, dont 2 000 font jurisprudence, et la qualité de ses jugements n’est pas à démontrer. Ce contrôle juridictionnel revêt une grande importance pour le Gouvernement qui, dans son texte initial, avait prévu que le Conseil puisse siéger suivant la procédure de droit commun, en introduisant cependant un aménagement du principe du contradictoire pour les affaires relevant du secret défense.
Cet amendement vise donc à rédiger ainsi la première phrase de l’alinéa 8 : « Sous réserve de l’inscription à un rôle de l’assemblée du contentieux ou de la section du contentieux […], les affaires […] sont portées devant une formation spécialisée ». Autrement dit, ces affaires pourraient être renvoyées aussi bien en section du contentieux que devant l’assemblée du contentieux. Cette ouverture permet une délibération plus rapide, dans la mesure où il devient possible de recourir aux procédures de référé-liberté et de référé « mesures utiles ».
Comme on le sait, la matière du renseignement est dérogatoire puisqu’il s’agit, dans le domaine administratif, afin de garantir l’efficacité des services de renseignement, de leur permettre de disposer de nombreux outils et de grandes capacités d’investigation et d’action. Nous considérons que, dans l’État de droit, un dispositif équilibré doit reposer sur piliers : l’efficacité des investigations, mais aussi la qualité, la crédibilité et l’efficacité du contrôle juridictionnel. C’est pourquoi il convient de retenir les principes de l’intervention du Conseil d’État selon la procédure de droit commun, en introduisant toutefois des aménagements du principe du contradictoire.
Tel est le sens de cet amendement. Nous apportons des garanties aux citoyens, sans pour autant réduire les capacités des services de renseignement. Les citoyens peuvent saisir la CNCTR, qui assure le contrôle administratif, a priori ou a posteriori, comme ils peuvent ensuite saisir le Conseil d’État afin d’obtenir une décision conduisant à annuler la mise en oeuvre de la technique de renseignement, à détruire les données ayant été collectées et, éventuellement, à indemniser les requérants – cela, naturellement, sans préjudice d’un signalement éventuel au juge pénal si le juge administratif considère qu’il y a eu infraction dans la mise en oeuvre de la technique utilisée.
Je pense que l’amendement du Gouvernement répond aux préoccupations de M. Coronado, que j’invite donc à retirer son amendement no 205 .