Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 16 avril 2015 à 9h30
Renseignement — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

J’ai cité lundi Jean Jaurès, qui expliquait comment le législateur de 1894 tentait de repérer tout début d’idée d’attentat anarchiste, tout comme vous voulez débusquer, par la surveillance généralisée, tout début d’idée terroriste.

Jaurès disait : « Puisque vous voulez surprendre l’anarchie à l’état naissant, quand elle n’est encore qu’un propos qui s’éveille, quand elle n’est encore que la conscience qui commence à s’ouvrir, je dis que c’est précisément pour cela que votre oeuvre est chimérique. Ou bien vous n’appliquerez votre loi que d’une manière molle et intermittente ; elle ne regardera que d’un regard distrait dans le fond même des consciences, et vous laisserez échapper les paroles, les propos imperceptibles et obscurs d’où demain, selon vous, sortira le crime ; ou bien votre loi voudra surveiller constamment toutes les consciences, et alors, sous prétexte d’hygiène morale, vous aurez installé dans ce pays la plus étrange tyrannie qu’on ait jamais pu rêver !

« Il suffira donc d’une simple parole, d’un simple cri, pour qu’immédiatement cette parole soit recueillie, pour qu’immédiatement ce cri aille éclater en dynamite ! Comment ! Toutes les consciences sont donc aujourd’hui chargées de dynamite, pour que la plus légère commotion suffise pour en déterminer l’explosion ? Eh bien, moi, je me contente de vous dire : ne vous arrêtez pas à mi-chemin et creusez dans les consciences jusqu’à ce que vous ayez trouvé en effet au fond de ces consciences mêmes la source première de la pensée criminelle. Et alors se pose devant vous, législateurs, ce grand et terrible problème : quelles sont donc les influences morales et sociales qui, à l’heure actuelle présente, prédisposent les coeurs et les cerveaux à accueillir si aisément, selon vous, le moindre chuchotement d’anarchie ? »

Comme je l’ai dit lundi, je vous invite à substituer le mot de « terrorisme » à celui d’ « anarchie ».

J’ai presque terminé, monsieur le président. Vous conviendrez que l’on n’interrompt pas un discours de Jean Jaurès.

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