Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise cherche à défendre nos savoir-faire et, plus largement, notre patrimoine. Cette inclinaison nouvelle pour la défense de nos intérêts nationaux est symptomatique de la mobilisation initiée par notre majorité, visant à protéger notre pays du pillage de ses savoir-faire. Il s'agit tantôt de défendre les emplois immédiatement menacés, tantôt de protéger ceux qui restent pour l'avenir.
Un tel dispositif, comme en témoigne l'audition récente sur cette question de la commission des affaires économiques, est très attendu. La France bénéficie d'une reconnaissance exceptionnelle en matière artisanale du fait d'une tradition d'excellence qui tire largement sa spécificité de son ancrage local.
C'est ce lien primordial entre territoire et excellence qui distingue la production de notre pays. Certaines désignations, par exemple, pour le vin, domaine, manoir ou château, renvoient à un terroir bien spécifique. Pour en bénéficier, le vin doit être produit à partir de raisins récoltés sur le territoire de l'exploitation, où la vinification doit entièrement se dérouler.
C'est pourquoi la conception de la protection des savoir-faire est inextricablement liée chez nous à la question de l'implantation géographique. Avec les IGP, la France s'est dotée d'un arsenal relativement contraignant en matière alimentaire.
Le législateur a tout fait pour qu'une appellation se mérite. Il est donc logique que ceux qui subissent ces contraintes de production pour mieux s'en réclamer et portent un label chèrement gagné se sentent dépouillés de leur savoir-faire. Que certains puissent utiliser cette notoriété durement conquise à des fins mercantiles dans d'autres domaines que ceux où elle bénéficie effectivement d'une protection, c'est inacceptable.
Ce texte a le mérite d'ouvrir le débat sur la reconnaissance des IGP non alimentaires car ces produits ne bénéficient pas encore de mesures de protection adaptées.
Je ne reviendrai pas sur votre dispositif, monsieur le rapporteur, il a déjà été détaillé par ma collègue Marie-Lou Marcel. Nous sommes tous conscients ici de la nécessité d'apporter une réponse à l'absence actuelle d'IGP pour les produits artisanaux et manufacturiers et, motivé par une indignation largement partagée dans cet hémicycle, vous vous attelez notamment à mieux protéger les collectivités territoriales contre les usages dévoyés de leur dénomination.
Nous sommes tous plus ou moins confrontés à ce problème dans nos circonscriptions. Dans la mienne, les Halles de Narbonne sont un lieu d'échanges commerciaux et sociaux renommé dans la ville. Une franchise de boucherie appelée « les Halles » se prévaut pourtant de cette dénomination au titre du droit des marques. En effet, celui-ci lui permet d'associer sa marque au nom du lieu où elle s'implante. Autant vous dire que cela ne fait pas du tout plaisir aux commerçants des Halles historiques de Narbonne, qui se retrouvent privés de l'usage de leur enseigne. Le pire pour les élus que nous sommes, c'est que le droit positif nous laisse totalement impuissants face à de tels agissements.
Personnellement, je voudrais susciter une réflexion sur ce sujet sensible et presque inextricable, la relation entre le droit des marques et la protection offerte par ces labels.
Il est bien d'étendre la protection des IGP à d'autres domaines, mais il ne faudrait pas que les personnes bénéficiant d'un droit sur une marque bloquent la possibilité d'exploiter ces nouvelles IGP. Doit-on permettre à une marque de s'approprier le nom d'un territoire, en interdisant de fait à celui-ci de se développer ? Plus fondamentalement, comment règle-t-on ce type de problèmes, qui ne manqueront pas de continuer à émerger ?
Dans cette optique, j'attire l'attention de chacun sur l'absence dans le dispositif qui nous est proposé de solution face à ce problème.
Le texte ne contient aucune précision quant à l'articulation du droit des marques avec les nouvelles IGP. Aucun gendarme n'y apparaît pour faire des arbitrages en cas de conflit. Aucun organisme similaire à l'INAO pour les IG non alimentaires n'est prévu, sans même évoquer l'absence de dispositions relatives à son hypothétique financement.
Le flou persistant sur ce sujet pourtant crucial ne me permet pas de soutenir cette proposition de loi, d'autant qu'elle me paraît un peu prématurée. La réflexion se poursuit à la Commission européenne et des propositions ne manqueront pas d'être formulées au terme de ce processus. Cela nous éviterait de nous retrouver en porte-à-faux avec nos différents partenaires européens et de livrer un dispositif trop vite ficelé et contreproductif.
Benoît Hamon et vous-même, madame la ministre, vous êtes déclarés favorables devant la commission des affaires économiques à une meilleure protection des produits non alimentaires. Aussi, il me semble raisonnable, dans un souci d'efficacité, d'attendre le texte que prépare le Gouvernement.
Étant donné le sujet, nous serions bien malvenus de nous emparer du fruit de votre travail parlementaire, monsieur le rapporteur. N'y verriez-vous pas une forme d'atteinte au label UMP, dont chacun peut constater qu'il est victime d'une concurrence déloyale et d'imitateurs, je n'ose dire de contrefacteurs, au sein même de cette assemblée ? (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Vous me pardonnerez cette référence à l'actualité.